Et ta mère, tête de kaffas !! (PV Katari)

De retour à notre table, nous remettions les pots cassés ensemble. Nous relevions les tabourets, le soldat de l’Inquisition était comme par magie de retour parmi nous et semblait perplexe. Mes hommes eux riaient et se félicitaient, quelques égratignures et lèvres fendues en symbole de leur activité bucolique dans ce bar. De mon côté, les cheveux toujours imbibés de bière, j’étais plus que ronchon et toujours en colère. J’essayais de me calmer, de me raisonner afin de ne pas déraper. Je restais une mage, et garder le contrôle de moi-même était important pour ne pas chavirer et provoquer des catastrophes avec mes pouvoirs. Je ramassais par terre mon pauvre carnet, regardant les pages jaunies avec de nouvelles tâches et de nouvelles cornures. Je fronçais des sourcils, m’asseyant à la table et essayant de voir si je pouvais essorer mes cheveux. Peine perdue. Pendant ce temps, le calme revenait dans la salle. Mes hommes continuaient de commenter d’un air joyeux, reprenant leur chopes alors que je n’étais pas dans le même engouement.

"Ha ha ha ha ! On s’est bien marré non, hein Cap’ ? "

"La ferme Ewald… "


Il ne dit plus rien mais fit une grimace, que j’ignorais de plus belle tout comme lui discutait de nouveau avec son comparse. Retrouvant mon petit crayon, j’essayais de me concentrer de nouveau pour reprendre ce que j’avais écrit sur le carnet. Mais ces bavasses ne me laissaient pas beaucoup d’occasion de me concentrer, et bien malgré moi je devais garder mon attention sur eux.

"Sincèrement, ça servait à rien de les menacer, ça met juste l’ambiance une petite bagarre. "

Je soupirais, levant un regard sur lui tout en fermant mon carnet. Cela ne servait plus à rien, je n’étais plus d’humeur. Je lui répondis, croisant les bras et esquissant un léger sourire.

"Je sais, mais je suis énervée alors ça me faisait du bien de dire ça. Rhaaa, toute cette bière dans les cheveux ! Ca va puer maintenant ! "

Une goutte venait de tomber de mes cheveux, et j’essayais encore sous les rires de mes matelots de l’enlever. Une ou deux baffes se perdirent, mais c’était toujours dans la sympathie et la compréhension. J’étais plus le second Mère Poule que le Capitaine en petit groupe. Mon côté abordable malgré ma taille était apprécié, tout comme le fait que je me souciais vraiment d’eux. La discussion partait bien, les hommes raillant également le soldat de l’Inquisition pour être resté sans rien faire et moi le défendant en disant que c’était normal car ce n’était pas un trou d’uc violent comme eux. Et c’est à ce moment là que la silhouette imposant du Qunari s’approcha de notre table, tenant deux chopes à la main. Il voulait cette fois faire lui-même la besogne et avec double ration en plus ? Je fronçais légèrement des sourcils en le voyant arriver, et mes hommes n’étaient pas dans de meilleurs dispositions. Alors qu’il parlait, ceux-ci s’étaient levé en lui faisant face et en le dévisageant de façon peu amène. Ils ne parlaient pas et ne faisaient rien, mais c’était une façon claire de montrer qu’il n’était pas le bienvenu. Ses paroles étaient pourtant très polies et il n’était pas là pour chercher des noises. Croisant les bras devant moi, j’étant autant curieuse que méfiante. Pourquoi venait il me voir ? Voulait il des infos sur les Tal-Vashoff ? Je ne comprenais pas vraiment son comportement, et mes hommes s’étaient même légèrement tournés vers moi pour savoir quoi faire. La curiosité l’emportait. D’un signe de la tête et de la main, je leur intimais de le laisser tranquille. Ils retournèrent à leur place, mais étaient restés dans le même mutisme et ne se privaient pas pour lui lancer des regards noirs. Pour ma part, je lui répondis avec la même politesse, quoi qu’un peu froide.

"Vous êtes bien étrange pour un Qunlat… Qu’est-ce que vous me voulez ? Pas venir m’extorquer des informations j’espère, car vous serez bien déçu. Je ne suis pas avec un groupe de Tal-Vashoff, vous n’aurez rien à vous mettre sous la dent. "

D’un autre signe de la tête je lui indiquais qu’il pouvait s’asseoir. Je reprenais mon carnet et mon crayon, l’ouvrant à la page que j’avais commencé à noircir et relisant mes quelques écrits. Ce n’était pas poli, mais c’était ma manière de montrer que bien qu’il soit accepté pour l’entrevue, je ne comptais pas lui accorder plus d’intérêt que cela. Du moins, pour le moment.

Le regard suspicieux et noir que lui accorda la Tal-Vashoth en le voyant approcher ne le surprit pas. Maintenant qu’elle pensait connaître son alignement dans ce monde, elle avait probablement toutes les raisons de se méfier de lui. Il ne se laissa cependant pas intimider non plus par ses matelots qui s’étaient levés pour lui faire face, comme s’il venait venait commencer le deuxième round. Mais la méfiance se transforma en intérêt après m’avoir entendu parler et elle renvoya ses cerbères à leurs places avant de me faire signe de m’asseoir.

Il tira une chaise près de sa consœur et posa les bières sur la table avant de s’asseoir. Il fit glisser une des deux choppes vers elle et lui adressa un sourire convenu. Évidemment, elle s’imaginait probablement qu’il était Ben-Hassrath. Après tout avec son gabarit, sa présence à Antiva et sa maîtrise du langage commun c’était une possibilité plus que plausible. Mais après tout, sa vie n’avait pas tout à fait remplie de clichés… Il se permit un petit rire de gorge et cala sa choppe entre ses deux énormes mains.

- « Reprenons depuis le début, je m’appelle Katari, je viens de passer la bordure de Tevinter en homme nouvellement libre. Mon dernier grade connu était Sataari…. Cela remonte à il y a quinze ans maintenant. »

Il porta la choppe à ses lèvres et but une longue gorgée avant de la reposer devant lui avec une longue inspiration. Il devait trouver comment formuler sa question sans être trop direct, il avait découvert à ses dépens que sa franchises et son attitude militaire mettait les gens mal à l’aise. Il joua quelques secondes avec sa bière, le yeux fixant le liquide ambré pendant un instant, avant de relever la tête vers le capitaine pour continuer.

- « Pour ne rien vous cacher les informations que je souhaiterai obtenir de vous sont plus… personnelles que ce que vous croyez. Vous avez grandi sous le joug du Qun, je ne sais pas ce qui vous a fait le quitter… un choix ? une obligation ? La survie ? Toujours est-il que vous vous êtes adaptée au sud et à ses coutumes. Vous dirigez des... ‘’Bas’’… pardonnez moi je ne connais pas de mot équivalent en langage commun. Vous semblez être capable de vivre parmi eux et de mener votre vie sans la guidance du Qun… Je souhaiterai connaître votre histoire. »

Il savait qu’il était généralement plus poli de partager son histoire en premier mais il n’était pas certain que la jeune femme s’intéresserait à son passé. Il avait laissé couler suffisamment d’informations pour qu’elle pose ses propres questions cela dit, elle était libre de les lui poser avant de répondre à celles de Katari. Il avait Cependant dans l’idée que la politesse n’était pas vraiment la priorité première de la jeune femme.

Il avait dévoilé qu’il avait effectivement grandi sous la tutelle du Qun et qu’il avait été fait Sataari. Ce grade était attribué aux guerriers à deux mains de l’infanterie de l’Antaam. Militaire donc, et pas dans le genre subtil, les Sataari étaient généralement missionnés pour briser les premières lignes ennemis et attirer leur attention loin des guerriers plus légers. Il avait également évoqué son passage à Tevinter et sa nouvelle liberté, il n’avait pas précisé s’il avait été prisonnier ou esclave cependant. Si la Capitaine parlait toujours le Qunlat, elle connaitrait également la signification de son nom. Katari « celui qui amène la mort ». Mais bien des Tal-Vashoth avaient pris des noms semblables, certains vivaient même encore avec le grade qu’ils occupaient sous le Qun ou avec un mot en Qunlat qui décrivait froidement leur fonction au sein de leur communauté.

Il continua d’ignorer les hommes de sa compatriote, qu’ils se détendent ou pas en sa présence lui était égal, il pouvait probablement tous les étaler s’il le voulait, ils étaient tous trop frêles et trop mal armés dans cette taverne pour les craindre, de plus, il avait la sensation qu’ils respectaient leur officier, tant qu’il pouvait discuter avec elle, il n’avait probablement pas trop de soucis à se faire.

Le Qunari avait un culot sans nom, et une aisance qui avait sans doute à voir avec sa carrure. Il s'installa, souriant comme si de rien n'était et me passa une bière. Les autres le regardaient toujours d'un mauvais oeil, et pour ma part je restais également méfiante, mais plus curieuse. Il se présenta, parlant avec aisance et contrastant avec la froideur de la tablée. Il venait donc de Tévinter... Cela me redonnait des souvenirs de jeunesse. Lui également, me donnant le nom d'un grade Qun qui ne me disait rien. Mon regard perçant posé sur lui, je répondis avec une légère froideur.

"Sataari... Jamais entendu parlé.... "

Je n'avais pas vraiment envie d'en savoir plus à ce sujet. C'était une personne étrange, que je n'arrivais pas à cerner. Clairement il était du Qun, mais il avait dans son attitude une politesse envers les non-Qunlat et une façon de poser des questions qui était... vraiment étranges. De ma vie, je n'avais jamais entendu parlé de Qunari tolérant, à moins qu'ils ne soient un de ces espions, les Ben-Hassrat. Raison de plus pour rester méfiante. Je buvais une rasade de la bière, l'observant être un peu mal à l'aise et chercher ses mots.Il finit par me poser sa question, mais il y avait erreur sur la marchandise. Je fis pendant quelques instants de grands yeux étonnés, échangeant quelques regards avec mes matelots. Une fois qu'il eut terminé de poser sa question, je poussais un léger soupire et m'attelais à la tâche de dissiper le malentendu.

"Je crois que vous vous méprenez, Katari... Je ne suis pas née sous le Qun, mais de parents Vashoff. Les seules connaissances que j'ai du Qun sont de celles que l'on m'a apprit comme histoire ou culture d'un peuple, quelques principes de religion mais rien d'autre. Je suis née en tant que Qunari libre de toute religion, et je tiens à le rester. Surtout quand on voit le traitement que réserve voter Qun à ceux de mon espèce..."

Je me renfrognais, pensant au sort peu enviable que le Qun réservait aux mages. Pire que des esclaves, des bêtes enchainées que l'on maltraite et torture, que l'on utilise comme arme tout comme on les dénigre comme des monstres. La seule monstruosité dans tout ça, c'est le Qun. Je le regardais de nouveau, cette froideur ne quittant pas mes yeux. Il voulais savoir comment je vivais, comment je m'intégrais à ceux qui n'étaient pas du Qun ? Et bien il allait le savoir.

"Je vis comme Pirate, avec la liberté et les dangers que m'offrent la mer, rien de plus. Les gens que je rencontre me prennent pour l'un des vôtres, mais rapidement ils comprennent que ce n'est pas le cas. Au mieux j'utilise cela à mon avantage en prenant l'apparence d'une Saarebas, au pire je leur crame le visage."

Les matelots esquissèrent un sourire, et moi également. le nombre de fois où c'était arrivé... La plupart du temps j'utilisais ma magie pour leur faire peur et les faire déguerpir. Pour vraiment tuer, il fallait qu'ils aient poussé le bouchon trop loin, ou qu'ils s'en prennent à mon équipage. C'était à présent mon tour de poser une question à Katari. Son histoire me paraissait étrange, tout comme ses motivations. La curiosité prenant le dessus sur la froideur envers le Qun, je me risquais à lui demander ce qu'il faisait.

"Et vous... pourquoi quitter le Qun ? Vous en parlez avec déférence, sans pour autant avoir l'air d'en savoir beaucoup. C'est une nouvelle lubie à la mode ?"

Je souriais un peu. Pour moi il était encore plus ou moins du Qun, mais sa façon d'en parler faisait comme s'il n'en faisait plus parti. Il était énigme en soi.

Jamais entendu parlé des Sataari ? Voilà qui était curieux. Non pas que chaque Qunari connaisse tous les grades de l’armée, évidemment, nous n’étions pas tous parfaitement au courant de tous les grades existants dans nos branches de l’organisation rigide et ramifiée qu’est le Qun. Mais les Sareebas dont toujours partie intégrante de l’Antaam. Leurs Arvaarad ont entre autre comme rôle de leur apprendre et de leur faire respecter la hiérarchie. Mais assez rapidement cette anomalie trouva sa raison, il avait présumé que la jeune femme était tal-vashoth, une Qunari ayant tourné le dos au Qun pour vivre une vie loin de Par Vollen. Il n’en était rien cependant, elle était vashoth, née en dehors du Qun et s’il en croyait par son usage faussé des termes du Qun, il aurait dû s’en douter. « Qunlat » était un mot réservé pour désigner la langue mais ce n’était pas le même mot que celui pour désigner le peuple. L’erreur venait sûrement du fait que beaucoup de langues à Thedas avaient cette particularité. Les antivans parlaient l’Antivan, les orlesiens parlaient l’Orlésien et ainsi de suite. Mais en ce qui concerne le Qunlat et le Tevene c’était différent. Une chose que l’empire et le Qun avaient en commun.

- « C’est un grade militaire pour les guerriers à deux mains. » dit il simplement. « J’étais un militaire tout ce qu’il y a de plus classique. Je m'excuse d'avoir présumé de votre affiliation au Qun, votre haine envers eux m'a fait pensé que vous aviez vécu sous leur joug.»

Il hocha la tête sombrement. Il s’était donc trompé, cela dit il était toujours curieux de connaître la réponse à sa question. Sekmet n’avait peut-être pas connu le Qun mais elle avait tout de même l’apparence de l’un des leur aux yeux du reste du continent. Les Bas n’étaient pas très au fait de la différence entre Qunari, Tal-vashoth et Vashoth. Que l’un de nous pratique le Qun, l’ai quitté ou ne l’ai jamais connu ne faisait généralement pas grande différence ne faisait généralement pas une grande différence. Au bout du compte nous étions souvent des « buffles » à leurs yeux. Beaucoup semblaient s’étonner du fait même que nous sachions parler la langue commune.

Il écouta attentivement le résumé de la vie de son interlocutrice, ne faisant pas attention aux regards de ses hommes. Il n’était pas là pour leur créer des problèmes et il préférait largement comprendre la vie que menait leur capitaine. Une vie de hors la loi visiblement, parsemée de dangers, mais libre. Le Qun avait donc raison sur un point : les Qunari hors du Qun avaient des activités illégales. En revanche il n’avait pas l’impression que Sekmet soit une sauvage sans âme comme les avaient décrit les Tamassrans. Malgré la violence qu’elle avait développé plus tôt contre lui, elle ne semblait pas plus folle que n’importe quel Bas dans cette taverne.

Puis vint le moment de raconter sa propre vie. Il baissa les yeux vers son godet pour chercher ses mots un instant . C’était toujours compliqué de parler de sa situation. Parce qu’elle était d’une nouveauté alarmante mais aussi parce qu’il n’était pas sûr de savoir où il en était.

- « Je n’ai pas ‘’quitté’’ le Qun, on m’a enlevé du Qun. Il y a quinze ans j’ai été envoyé combattre sur Seheron sous les ordres d’un Hissrad. Notre but était de ramener l’ordre. Un jour les Tevintards ont empoisonné nos rations et la plupart d’entre nous sont tombés malades. Trois d’entre nous étions arrivés depuis seulement quelques semaines et nous n’étions pas immunisés aux poisons de l’île comme l’étaient les autres. Notre Hissrad a décidé de rendre aux Vint’ la monnaie de leur pièce malgré notre affaiblissement et il a laissé les trois jeunes recrues que nous étions dans les tentes de l’infirmerie. Les Vint’ en ont profité pour attaquer le campement. Il sont massacré nos guérisseurs et ils nous ont capturé puis emmené dans l’empire pour y être vendus comme esclaves. J’ai servi quinze ans durant dans les arènes en temps que Gladiateur et lors d’un grand tournoi il y a quelques semaines j’ai gagné ma liberté au près de mon maître. Il m’a libéré et je viens de quitter le pays. La vérité c’est que je ne sais pas si je peux rentrer à Par Vollen. Je ne sais pas si je veux rentrer à Par Vollen. Avez vous déjà entendu parlé des rééducateurs ? »

Car c’était là le véritable nœud du problème. Son retour pouvait-être une bénédiction comme une malédiction. il connaissait la valeur de toutes les informations qu’il avait accumulé sur l’Empire, mais il ne savait pas jusqu’où les siens iraient pour s’assurer que sa loyauté envers le Qun n’avait pas faibli. Par dessus tout il craignait le Qamek. Ce poison qui anéantissait l’esprit et ne laissait de vous qu’un légume tout juste capable d’accomplir des tâches simples et qui aurait besoin d’aide pour vivre tout le reste de sa vie pour manger et se torcher.

Les dix neuf premières années de sa vie il n’avait pas craint les rééducateurs. Il était heureux sous le Qun. Il croyait dur comme fer à ses préceptes, comme c’était toujours le cas aujourd’hui. Il était alors persuadé que rien de ce qu’il ferait jamais ne justifierait un détour par les rééducateurs. Mais aujourd’hui il savait qu’ils se tenaient entre lui et ce qu’il considérait comme sa patrie et son peuple. Ils étaient la seule chose qui lui faisait considérer de devenir Tal-Vashoth.

Katari ne savait sans doute pas ce que c'était que d'être mage pour le Qun. Il n'y a pas besoin d'être de leur religion pour les haïr, quand on sait ce qu'ils font aux mages comme moi. Pire que les templiers et leurs Cercles à mon avis, et cette atteinte potentielle à ma liberté m'était insoutenable. Si un jour je me trouvais sous le joug de Qunari, je n'hésiterais pas à me tuer plutôt que d'avoir le cerveau lavée et transformée en bête de foire. Ces rééducateurs d'ailleurs, Katari les mentionnait. Tout le monde les connaissait, ou du moins en avaient entendu parlé. Cela faisait partir de la légende, de ce que l'on craignait du Qun. Ceux qui peuvent vous briser l'esprit, vous remodeler à loisir. Une crainte justifiée. Je portais la chope à mes lèvres, repensant à son histoire. La vie de l'arène... il est clair que ce n'était pas une vie enviable,et qu'il ait réussi à être affranchi et à s'en aller aussi facilement était presque un miracle. Mais je me demandais... Pourquoi parler autant du Qun, sembler vouloir autant y retourner et en même temps... Hésiter ? Cela me turlupinait.

"Oui, j'ai entendu parlé de ces rééducateurs. Si vous voulez retourner vers le Qun, je ne pense pas qu'il y aurait le moindre problème. Et retourner à par Vollen directement ne me semble pas difficile, vu que vous êtes un Qunari. Alors... Qu'est ce qui vous fait hésiter ? Vous doutez de votre foi d'il y a 15 ans ?"

La question était justifiée, et la réponse sans doute plus intéressante que son histoire toute entière.

Tandis que Sekmet parlait, il faisait rouler doucement sa chope entre ses mains, écoutant avec attention mais il se rendait compte des limites de la conversation qu’il pouvait avoir avec une vashoth. Certes elle avait entendu parler du Qun, peut-être par des gens qui avaient eux même vécu sous sa coupe mais elle … elle ne l’avait pas vécu. Elle n’avait jamais vu de Viddath-bas de ses propres yeux si elle n’avait jamais mis les pieds à Par Vollen, elle n’avait jamais vu de gens revenir de chez les rééducateurs. Elle n’avait jamais eut le monde par la serrure du Qun pour ensuite rencontrer le monde extérieur et découvrir que le livre de Koslun n’était qu’une interprétation de la vie comme une autre.

Il n’était pas un Ben-Hassrath, il n’était pas sensé réfléchir à ces choses, il n’était pas sensé comprendre que la vérité n’était pas universelle et qu’elle ne résidait pas forcément dans le Qun. Tout ce qu’il avait toujours eut à faire était de pratiquer le Qun et obéir à ses supérieurs, et entre les deux, vivre sa vie d’homme. Cela lui avait convenu, il espérait que cela pouvait encore lui convenir.

- « Ce n’est pas si simple. » marmonna-t-il d’un voix étonnamment douce pour quelqu’un de son gabarit. « Pour survivre à Tevinter il a fallut que… J’adapte ma vision du Qun à ma situation. Pour que l’esclavage devienne supportable, j’ai cessé de lutter, je suis devenu ce qu’on attendait de moi. Je me suis plié à la volonté de mon maître et je suis devenu un des plus grands gladiateurs de l’Empire. En récompense, il m’a éduqué. Il m’a appris à parler la langue commune, le Tevene, il a retrouvé mon Asala… Dans l’armée, votre arme est considéré comme votre âme, si vous la perdez vous n’avez plus votre place dans l’armée. La mienne avait été volée lors de ma capture et vendue aux enchères à Minerathie. Il l’a faite restaurer, améliorer, décorer… Il m’a emmené dehors avec lui comme garde du corps, m’a expliqué comment fonctionnait la société tévintide. Chaque fois que quelque chose n’avait pas de sens à mes yeux, j’adaptais mes croyances pour leur en donner…. Mon Qun… celui qui régit ma vie aujourd’hui… Ce n’est pas le Qun de Par Vollen… si les rééducateurs pensent que je suis un blasphémateur, ou que mon esprit a été brisé par l’empire et qu’il ne peut être réparé… Ils feront de moi un Viddath-bas… Un travailleur sans esprit… Je … je ne sais pas si je veux prendre ce risque. Je veux retourner là bas mais j’ai peur qu’on me juge brisé… et qu’on détruise ce qu’il reste. »

Il ne savait pas si cela faisait sens aux yeux du capitaine, probablement pas. Mais cela faisait du bien de pouvoir en parler. Même si la vision de Par Vollen de Sekmet était biaisée car elle ne l’avait pas connu, c’était toujours plus qu’un Thédosien lambda. Il avait fait part de ses doutes à son maître avant de partir, ce dernier avait tenté de se montrer à l’écoute mais Katari avait vu l’incompréhension dans ses yeux avant même qu’il eut finit de parler. Peut-être fallait-il qu’il parle avec des tal-vashoth pour se sentir compris dans ses craintes.

Ma question semblait aller plus loin pour lui. Je l'écoutais m'expliquer plus précisément ses circonstances, ce qu'il y avait de si terrible et d'en même temps charitable chez son Maître. On disait que les champions des arènes étaient adulés, et il devait vraiment être doué pour être ainsi paradé et choyé par son maître. Plus il parlait, plus il me semblait être un mélange singulier de potentiel d'adaptation et de soumission à l'autorité. Pas étonnant que le Qun lui plaise autant. Malgré sa stature, il semblait apprécier être sous l'ordre de quelqu'un, et sans doute que sa liberté nouvelle le perturbait. Mais ses excuses sur les rééducateurs ... Même si je ne le connaissais que depuis quelques minutes, le fait qu'il veuille rejoindre le Qun et qu'il se pose cette question étaient des preuves suffisantes qu'il était apte à être rééduqué. Il était volontaire, et non obligé. Je finissais ma chope, la poussant sous le côté et refermant mon carnet d'une main.

"Selon les rumeurs, les rééducateurs de chez vous brisent ceux qui sont trop rebelles. Vous ne semblez pas du tout dans ce cas là. Si vous vous êtes adapté aux Tévintides, à la vie en arène, c'est que vous êtes malléable. Des êtres brisés, j'en ais vu en tant que Pirate. Et vous n'êtes pas de cette trempe. Vous êtes perdu, mais pas brisé."

Je le regardais, lui et sa grande stature impressionnante, et pourtant une attitude qui se voulait soumise et discrète. Un vrai paradoxe à lui tout seul. Je soupirais, n'allant pas par quatre chemin pour dire ce que je pensais.

"Pour moi, vous hésitez parce que vous avez eu un aperçu d'une vie en dehors du Qun, et que cela vous a plut. Que vous ne voulez pas y retourner inconsciemment alors que votre raison vous y pousse. Elle est là, l'hésitation. La peur des rééducateurs, ce n'est qu'une excuse."

Qu'il veuille ou non envisager cette possibilité, c'était son problème. Moi, je donnais ma version, une version d'un trouillard de voir la vérité en face. Cependant, avoir peur de ce que l'on ne connait pas, de devenir Tal Vashof... C'était bien plus commun que ce que l'on peut penser.

Il soupira légèrement, les réponses de la tal-vashoth le frustrait intérieurement. Cela l’agaçait qu’elle parle comme si elle savait quelque chose du Qun ou des rééducateurs et qu’elle se permette de le juger après avoir parlé avec lui seulement quelques minutes. Mais après tout, il l’avait cherché. C’était lui qui était venu la trouver pour discuter et si ses réponses ne lui convenaient pas, ce n’était pas la faute de la Vashoth. Il prit un instant pour reflechir, voulait-il continuer cette conversation ? Avait-il l’énergie et la volonté pour expliquer que les rebels n’étaient pas forcément les seuls à subir les effets du Saar-Qamek ? Que la volonté n’avait pas toujours à voir avec la possibilité d’une rééducation ? Il se repassa les évènements de la soirée dans la tête. Non… Sekmet n’avait pas l’air du genre de personne qui s’intéressent aux nuances et aux détails. Son attaque impromptue, sur une provocation inventée par une tierce personne, sa réaction quand elle avait compris qu’il était lié à Par Vollen, son jugement maintenant.

Non, en fait Katari n’avait pas vraiment envie de continuer cette conversation. Il se sentait se braquer contre les idées qu’avançait la Vashoth, et il n’aimait pas se braquer contre les gens. Ses mots étaient peut-être abruptes mais il n’étaient pas malveillants et il y verrait peut-être de la vérité plus tard. Mais pour le moment iil ne pouvait que l’entendre, et non l’écouter. Il resta silencieux pendant un temps, puis il releva la tête.

- « Je vous remercie de m’avoir accordé votre temps et de m’avoir donné votre point de vue sur ma situation. Je vais vous laisser à vos précédentes activités…. J’imagine que vous aviez des plans pour la soirée. »

Il se leva et salua respectueusement la tablée en inclinant sa tête ornée de lourdes cornes avant d’ajouter, un rire dans la voix.

- « Et si on vous reverse de la bière dessus cette nuit, veuillez s’il vous plait ne pas venir me cherche querelle jusque dans mon lit, ils sont tellement petits dans cette auberge que je le casserait certainement si on me réveillait en sursaut et nous avons abîmé assez de mobilier pour ce soir. Bonne soirée. »

Il se retourna et alla parler à l’aubergiste brièvement à propos des meubles à réparer le lendemain puis monta se coucher. Un autre type de vie hein ? La vrai question était : combien y en avait-il … des styles de vie ? Et après tout, si le Qun ne savait pas qu’il était sorti de Tevinter…. Qu’est ce qui l’empêchait de voyager pour répondre à cette question par lui même ?

Il réfléchirait le lendemain, pour le moment sa tête lui faisait l’impression d’un Typhon enfermé dans une bouteille de verre, envoyant son cerveau valser contre les parois comme un bateau miniature. Trop de choses à penser et trop de décisions à prendre… Qui pouvaient sûrement attendre le matin…. Ou même quelques jours de plus.

Il avait écouté mes mots avec attention, mais je sentais également un certain malaise. Il avait l'air de beaucoup penser, chose étrange pour une de ces personnes de cette religion. Quand je lui donnais ma conclusion, il ne semblait pas à même de vouloir rebondir dessus. L'avais je vexé ? Pensait il que finalement mon avis de Vashoff ne servait à rien ? Il restait très poli néanmoins, se levant et nous saluant. Je lui répondis par un léger salut de la tête, levant un peu ma chope et jetant un regard à mes autres matelots.

"En effet... Boire, manger, dépouiller quelques personnes à la Grâce Perfide, dormir peut être..."

Ils sourirent enfin un peu, leurs yeux parlant en silence de leurs prochaines aventures. Katari en profita pour faire une remarque amusante, me disant qu'il fallait mieux éviter de venir le réveiller pour ne pas encore casser du matériel de l'auberge. Je fronçais légèrement des sourcils. Pensait il vraiment que j'allais m'amuser à cela ? Ce n'était pas une remarque méchante, loin de là... Mais je n'étais pas dans un état d'esprit amical pour le moment, mes cheveux humides sentant encore fortement la bière et l'idée d'étrangler pour de bon cette serveuse me traversant l'esprit. Mon regard froid se posa sur lui.

"J'aurais bien autre chose à faire que m'occuper de vous. Mais si vous osez m'approcher, cela ne se terminera pas simplement avec une chaise fracassée sur votre tête, Qunari... Bonne route, et espérons ne jamais recroiser nos chemins."

Un dernier salut de la tête, et il partit de son côté. Pour ma part, je retournais à mon carnet, pendant que les matelots commentaient la venu inopinée de ce géant. Pourvu que ce ne soit pas un Ben-Hassrat au final...