Wanderlust [pv : Rita]

Dans les hauteurs enneigées Fereldiennes, elle avançait sur le chemin de neige à moitié fondue par le passage d’un détachement qui l’avait précédée. Malgré sa cape qui la protégeait jusqu’aux genoux et l’épaisseur de ses vêtements, le froid lui mordait son visage exposé tout en la griffant de part en part au travers du tissus. De temps en temps, elle grimaçait légèrement face au vent glacial qui soufflait en sa direction ; pourtant elle continuait, motivée par la chaleur générée par l’effort et par la perspective de rejoindre son but final.

Cela faisait trois jours que ses jambes lui faisaient traverser les paysages hostiles et pourtant magnifiques des Dorsales de Givre. Si ce n’était pour la neige et le froid, nul doute qu’elle aurait été plus rapide dans son avancée. Prendre un cheval aurait sans conteste une décision plus avisée au regard du gain de temps qu'il apportait, mais la simple pensée de monter ces équidés ne lui était guère inspirante.

« Traitres aux deux bouts, et vicieux au milieu. » commenta t’elle en son for intérieur.

Doucement, Lynne sourit pour elle-même. Si elle admettait leur utilité, elle n’était définitivement pas encore prête à les chevaucher. Il lui faudrait davantage d’entraînement et surmonter sa nervosité face aux montures. Elle appréciait néanmoins son lent périple, qui lui rappelait tout ce qu’elle n’aurait jamais pensé vivre. Être libre d’aller où elle le souhaite, et non enfermée dans une tour sans pouvoir contempler de ses propres yeux la beauté de ce monde. Se sentir petite facile à l’immensité de la nature. Être témoin de sa grandeur et pleinement apprécier sa valeur.  

Pourtant, son cœur était lourd.

Lynne ne pouvait goûter pleinement aux plaisirs du voyage en songeant à ce qu’elle avait laissé derrière elle. Si elle partait, c’était pour revenir plus forte et plus utile qu’elle ne l’aurait jamais été. Alors pourquoi avait-elle l’impression de trahir tout le monde en se rendant aux Tombes d'Emeraudes ?

Son regard se fit plus sombre alors que Fort Céleste et ses habitants venaient hanter son esprit. Elle faisait tout ça pour eux – pour la cause de l’Inquisition, mais aussi pour ses amis. Excepté que peu d’entre eux savaient exactement où elle partait. Le reste … soit elle n’avait pas eu l’occasion de leur parler en face à face en raison de leurs responsabilités qui les amenait hors du quartier général, soit elle ne pouvait simplement pas leur dire l’entière vérité. Cullen faisait partie des deux catégories.
Elle lui avait laissé une lettre pour s’expliquer. C’était le seul moyen qui lui restait pour faire savoir son départ, puisqu’elle n’avait pas pu le voir en personne. Elle lui devait bien cela : il était après tout son supérieur, il était nécessaire qu’il sache qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une désertion.

Il était son supérieur … mais aussi son ami. Aussi se sentait-elle terriblement lâche de ne pas avoir pu lui annoncer tout cela en personne, son regard dans le sien, lui laisser la possibilité d’échanger. Ici, en l’occurrence, elle avait surtout l’impression de fuir et non de partir. Elle ne pouvait rien lui dire de bien concret à part sa volonté d’être Guérisseuse Spirituelle. Pas de noms. Pas de lieu exact.
Comme … quelqu’un qui avait quelque chose à cacher. Ce qui était exactement le cas.

Lynne n’en voulait pas à Anders de vouloir cacher l’existence de son Académie, et pour elle cela tombait sous le sens qu’elle ne révèle pas à quiconque la localisation de l’ennemi public n°2. Mais cela ne l’empêchait pas d’avoir des remords, et de songer au prix qu’elle payait pour le protéger. Ses demi-vérités ne lui apporteraient que des ennuis à vrai dire – que ce soit au sujet de la confiance qu’on lui portait, de ses relations, ou bien de sa loyauté envers l’Inquisition. Tôt ou tard, elle devrait faire face aux conséquences. Mais était-ce mieux de ne rien dire du tout, ou de partir avec au moins une once d’explication ?

Le bruit d’un galopement étouffé derrière elle l’interrompit dans sa pénible réflexion. Ralentissant le pas, elle regarda par-dessus son épaule la source de cette agitation. Au loin, un cavalier s’approchait d’elle et semblait ralentir tandis qu’il arrivait à sa portée.

La jeune femme se tourna vers le nouvel arrivant, dont la monture avançait à présent au pas. Elle réalisa, en observant le visage de celui qui le montait, que cette personne était en fait une femme qui devait avoir à peu près son âge. Cette dernière ne semblait pas particulièrement aggressive, et à en juger par son comportement, elle cherchait à lui parler.
Aussi, Lynne engagea la conversation en s’efforçant de rester sur place – s’efforçant d’ignorer la présence du cheval qui la rendait un peu nerveuse.

« Bonjour … Est-ce que je peux vous aider ? »