L'Art et la Manière des Retrouvailles (PV Servis)

Ville coincée de façon presque perpétuelle dans un brouillard lourd et humide, Asariel n'est pas ce que l'on pourrait appeler un centre attractif de loisir et de plaisance. Sombre et coincée entre des montagnes, elle est d'un calme presque insolent et manque de cette vibrante atmosphère que l'on peut retrouver à Minrathie. Et pourtant... On dit que c'est ici que l'un des meilleurs mage Tévintide a fait ses avancées pour l'Empire. A regarder les hautes tours quelque peu macabre, seulement égayées par quelques draperies un peu mitées volant sous le faible vent, il n'y avait rien qui puisse faire transpirer la grandeur de ce lieu.

Installée sur la petite terrasse d'une taverne donnant sur la ville, j'attendais mon heure. Ou plutôt l'heure à laquelle mon contact devait me retrouver. J'étais un peu en avance, mais parce que je n'acceptais jamais le retard. Bâton de Véridium dans le dos, habits de mage sombre propices aux déplacements dans des contrées lointaines et chaudes, j'étais là à observer tranquillement le paysage. Jambe croisées, posture altière et fière, mon regard froid se posait avec langueur sur les contours de ces tours, ma main caressant du bout des doigts un verre en métal à moitié rempli de vin. Minrathie me manquait un peu... Mais ces quelques années m'avaient appris que j'avais bien fait de partir, même si c'était de façon un peu obligée. Je sentais contre ma poitrine pulser ce petit talisman maudit, le refuge et la cage de ce démon de la Faim qui m'avait guidé et maudite en même temps. Le maintenir à distance et la magie du sang, ça épuise un peu. Mes traits étaient légèrement tirés, quelques cernes un peu prononcées en raison de mes insomnies. Mais j'étais toujours aussi belle et fière, et comme on dit les coeurs de glace ça conserve. Un esclave vint me resservie un peu de vin, et alors que je buvais une nouvelle gorgée de ce breuvage épicé je vis un autre esclave introduire une personne près de ma table. Mon regard perçant et froid se posa sur lui, un petit rictus de satisfaction se dessinant sur mes lèvres. Il était bien venu.

" Ce petit sourire goguenard... Même après toutes ces années, je le reconnaitrais entre mille..."

Je n'oublierais jamais notre première rencontre, lors de ce duel de jeune mage au Cercle de Minrathie. L'amitié qui en avait découlé n'avait pas été immédiate, et il avait changé entre temps. Mais son regard et ce petit air malicieux de courtisan, je ne l'avais pas oublié. Le temps avait passé, nous avions chacun suivis notre route, mais elle se recroisait de nouveau pour affaires cette fois. D'un geste simple je l'invitais à s'installer à table, reposant mon verre pour mieux me concentrer sur lui. Je le toisais sans aucune gêne, mesurant à quel point le temps lui avait été favorable. Ou pas.

"Le temps ne t'as pas épargné Servis... Tu as pris un coup de vieux."

Tout cela dit avec un naturel simple et décontracté, toujours sur ce même ton un peu froid et de distante politesse. Mais pour que je fasse ce genre de remarque acerbe, c'était déjà signe que j'avais pour lui un minimum d'estime. Après tout, je lui avais parlé dès qu'il était arrivé, et fait une réflexion cordiale sur nos bons souvenirs. N'est ce pas suffisant ?

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Une cloche sonna l'heure quelque part dans l'une des nombreuses tours de la ville. Enfin, ce que Servis supposa être l'heure. À moins que cela ne provienne en réalité de la Chantrie, auquel cas ce glas pouvait avoir n'importe quelle signification, pour ce qu'il en savait. Il accéléra néanmoins le pas, au cas où.
Il était arrivé à Asariel la veille, alors que l'après-midi s'était déjà bien consumé. Il devait l'avouer : il ne connaissait que très peu la ville. Il n'en savait que ce que son ami Dorian Pavus lui en avait raconté : les meilleures adresses à éviter à tout prix. Mais ce n'était pas ce qui intéressait Servis en premier lieu : il restait d'abord et avant tout un passionné d'histoire, et à chaque fois qu'il mettait un pied dans une nouvelle ville, il ne pouvait résister à la tentation de s'y perdre, de l'étudier sous toutes ces coutures. De la juger. Durement. Et Asariel n'avait pas été épargnée par ses critiques. La ville avait subi deux guerres civiles au cours de son histoire, et la très grande majorité de son architecture s'en ressentait : les bâtiments étaient modernes, sans aucun intérêt. Il y avait bien quelques copies ici et là du style ancien, mais rien qui ne pouvait tromper son œil attentif.

Alors, par dépit, il s'était jeté dans l'une de ces adresses déconseillées par son ami, et n'avait rejoint sa chambre pour la nuit qu'assez tard. Alors évidemment, il avait eu bien du mal à se réveiller et à se sortir de ses draps pour aller affronter la chaleur des rues pavées. Mais après quelques minutes de négociations, il y était parvenu. Après tout : il n'était pas là pour son propre plaisir, mais bel et bien pour affaire. Il avait alors enfilé une tenue bien trop élaborée pour la circonstance, et c'était glissé dans la chaleur écrasante et saisonnière qui régnait déjà sur la ville. Dans sa tunique blanche et brodée, au col largement fendu sur son torse maigre, rentrée dans son pantalon haut d'un violet aubergine, Crassius se sentait revivre. Il avait plié sur son avant-bras une cape de voyage brodée de carreaux rouges et noirs, et son lourd bâton de mage était retenu par un jeu de sangles à son dos. Il se savait bien trop coloré pour le rendez-vous auquel il se rendait, mais après de longs mois sur le terrain, il avait eu besoin d'exprimer un peu son amour pour les belles choses.

Il retrouva Aesthia à une table en terrasse d'une taverne surplombant la ville. Si elle n'avait globalement pas changé d'allure, ses beaux cheveux noirs et ses traits fins exerçant toujours sur les autres un certain charme, Crassius nota tout de même la détérioration de son teint déjà pâle, et l'accentuation profonde de ses cernes. En s'approchant, il sourit honnêtement pendant qu'un posait son verre.

Son sourire s'évanouit en un instant. Il se plaça face à elle, sa main effleurant par réflexe la douceur de sa cape de voyage. Il était vrai qu'il avait lui-même indubitablement changé depuis quelque temps : il avait perdu beaucoup de poids, son corps devenant plus long de massif, et sa peau s'était parée d'un hâle certain, contrastant fortement avec la pâleur d'Aesthia. Ses cheveux également étaient plus ternes. Eux qui avaient fait sa fierté pendant ces jeunes années, il les maltraitait fortement depuis quelque temps. Ils avaient étés rasés moins de deux semaines auparavant, ainsi ses boucles n'avaient pas encore eu le temps de se reformer complètement. Tous ces changements pouvaient être expliqués par la vie qu'i avait choisi de mener. Une vie d'aventurier, voyageant aux quatre coins de Thedas loin de tout confort. Mais il se ressaisit. Il connaissait Aesthia. Il savait que sa remarque sans aucun tact était sa manière à elle de le saluer cordialement. Alors il s'assit, posant sa cape sur un bout de table propre et décalant son bâton pour qu'il ne le gêne pas.

D'un geste sûr, il appela l'esclave pour qu'il prenne sa commande : un vin épicé bien connu dans la région qu'il lui tardait de goûter. En attendant qu'on le serve, il planta son regard perçant dans les yeux d'Aesthia, sans aucune agressivité. Il chercha à y lire les causes de sa fatigue visible, ou à défaut la moindre faille pouvant être exploitée plus tard dans leurs conversations. Car il ne l'oubliait pas : il était là pour affaire, et non par plaisir.

Toujours égal à lui-même, ma pique amicale ne reçut de sa part qu’un sourire et une réflexion galante sur ma personne. J’esquissais un sourire, ou plutôt un genre de rictus, posant néanmoins sur lui un regard quelque peu amusé. J’haussais des épaules, peu sensible à sa flatterie et au contraire appuyant sur la réalité de ma condition physique que je savais quelque peu éteinte.

"Humpf … Tu sais ce que c’est… les carnes dans mon genre se soucient bien peu de ce que le temps leur fait. "

Je reprenais mon verre, buvant un peu de ce vin épicé pendant que Servis passait sa commande. Je l’observais toujours, mes yeux clairs et froids posés sur lui. Il avait un peu maigri, mais il avait pris une certaine prestance et une nouvelle assurance que je ne lui avais pas connu au Cercle. Bien sur il avait toujours eu cette espèce de petite arrogance mêlée de fanfaronnade dans sa jeunesse, mais maintenant on sentait un aplomb plus aguerris, plus maitrisé et d’autant plus dangereux. C’était peut-être s’avancer sur une simple première impression et quelques mots, mais pour l’instant c’était suffisant pour le voir sous un œil nouveau et avec plus d’intérêt. Ne tergiversant pas plus loin en mondanité - c’était déjà bien pour moi - j’abordais le vif du sujet.

"Comment vont les affaires ? Bien, j’imagine ? "

Je reposais mon verre, attendant de voir s’il était en effet intéressant de travailler avec lui pour mes trouvailles, ou bien pour les éléments dont je pourrais avoir besoin. C’était donnant-donnant, mais j’avais besoin de lui pour avancer dans mes recherches, et lui sans doute pourrait être intéressé par ce que je trouve dans mes fouilles ou mes études sur le terrain.

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Le serviteur accueillit poliment sa commende, et disparut en silence, les laissant seuls, pour le moment à cette terrasse surplombant la ville. Il prit quelques secondes de plus pour observer son interlocutrice. Oui, ce n'était pas le genre de femme à se soucier de son apparence, il le savait bien. Et c'était justement en cela qu'elle attirait les regards. Elle était une rose sauvage parmi les beautés calculées. Mais Servis n'était pas là pour se frotter à ses épines. Il n'était pas animé comme d'autres par ce besoin maladif de plaire à toux prix, d'étaler et d'étirer un tableau de chasse imaginaire. Servis était un homme patient, qui restait étonnamment fidèle en matière de conquêtes. Puisqu'il était de retour en Tevinter, il avait deux ou trois amies à qui il souhaitait rendre visite. Les mêmes ou presque depuis son temps dans le Cercle. Mais rien de bien officiel.

Il se renversa sur son siège. Si la compagnie d'Aesthia restait une compagnie stimulante, en raison de son intelligence aiguë et de ses pics acérés, ils ne se rencontraient aujourd'hui que pour des raisons professionnelles, si l'on peut dire. Et ce fut elle, sans surprise, qui entama le chapitre au cœur de leur rendez-vous.

L'esclave réapparut, et déposa discrètement le verre devant Servis. Il ne bougea pas, et resta silencieux, le temps qu'il disparaisse. Puis il porta la coupe à ses lèvres et bus lentement, les yeux clos.

Il reposa son verre, peut-être un peu fortement, sur le plateau de la table. Il se repositionna, replaça son bâton dans son dos.

Il planta ses petits yeux bleus dans les siens, cherchant à décrypter plus qu'à écouter sa réponse.

Servis me connaissait assez pour ne pas s'offusquer de mes dires, et rapidement il alla dans le vif du sujet. Ainsi, il revenait d'une expédition et les affaires allaient suffisamment pour qu'il monte en grade. Je posais ma coupe, le regardant avec une certaine surprise.

"Etonnant.... La poussière des ruines aurait elle fini par te rendre responsable ? "

Le fait qu'on lui confie l'organisation d'une expédition, lui qui ne prenait au sérieux que ce qui l'amusait et n'avait dans le temps que peu d'intérêt pour les "responsabilités" me prenait au dépourvu. Ma remarque avait été dite avec tout le sérieux du monde, mon regard étant réellement le miroir de la surprise. Peut être était ce pire au final que d'avoir voulu dire cela sur le ton de la moquerie... Quoi qu'il en soit, cela le rendait plus intéressant, et je me demandais ce que la vie avait du lui offrir pour qu'il prenne ainsi en maturité. Le fait de devoir trouver son propre pain sans doute... Je n'étais pas différente de ce cas, quoi que j'ai toujours été sérieuse et responsable dans mes études. Mais la réalité en dehors du Cercle à ses propres vices et vertus.

En dehors de cela, il semblait satisfait de ses trouvailles, et n'avait qu'à se plaire à trouver ce qui le passionnait. Je fronçais légèrement des sourcils quand il parla des Cercles, posant sur lui mon regard clair perçant. Tiens donc... il tient tant que ça à rester près des Cercles ? Si l'on en croit au fait que les Cercles sont une mine d'information pour leurs bibliothèque et un centre d'étude reconnus, il possède également ses limites en restant en vase clos. Pour ma part, j'étais bien contente d'en rester loin. Autant pour ma sécurité que pour ce que ces nouveaux horizons m'offraient. Un esclave était revenu servir le vin à Servis, et j'en profitais pour lui ordonner d'un geste de remplir également mon verre. Pendant ce temps là, je répondais à sa question sur mon propre parcours.

"Je n'ai pas à me plaindre, vraiment... Je voyage beaucoup, je visite des lieux intéressants et j'arrive à avancer sur les théories magiques des anciennes civilisation. Mais comme toujours, il me manque toujours des morceaux du puzzle pour arriver à l'endroit et à la conclusion suivante. "

C'était le côté frustrant de ces études, mais également le plus passionnant. Ce qui motivait cette soif insatiable de connaissances que j'avais, guidée par le démon de la Faim dans l'amulette. Voyager s'était avéré également une surprenante satisfaction. C'était dur, plein d'insécurité, mais cela m'avait obligé à m'adapter et à sortir de mon confort, à m'endurcir et à prendre sur moi. A me surpasser d'une certaine façon. Et cela alliait la recherche d'argent et d'autres moyens pour accéder à mes objectifs. Je repris le verre, buvant une gorgée en fixant Servis quelques instants. Je finissais par esquisser un léger sourire, amusée du fait que nos chemins si différents auparavant nous ont réuni ici. Avec une légère malice presque inhabituelle de ma part, de continuais d'insinuer ce que je cherchais, et ce que je pouvais offrir.

"Parfois je trouve aussi des objets qui semblent intéressants. De vieux livres, des statuettes, des runes... Cela ne m'est d'aucune utilité ni d'aucun intérêt personnel, mais je suis sûre que cela peut valoir aux yeux d'autres connaisseurs..."

Je n'osais être plus directe, car Servis étant sans doute plus habitué à négocier que moi je risquais à trop parler à m'engager dans un chemin dont je ne maitriserais pas les codes. Je devais entendre ce qu'il pouvait proposer, ce qui l'intéressait. Ensuite... J'aviserais avec ma froideur habituelle. Mais ce que j'aimais, étrangement, c'était cette sensation d'excitation, de l'inconnue quand on aborde un domaine qui m'est étranger. Je voulais apprendre et découvrir, même si cela concerne le commerce et les relations entre partenaires. La vie est étrange, n'est ce pas ?

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Il écouta sa réponse avec attention. Contrairement à lui, qui se complaisait à multiplier ses secteurs d'activité et de plaisirs, Aesthia n'avait toujours été poussée que vers un but. Cette vérité qu'elle recherchait était son seul moteur, et l'avait toujours été. Crassius ne pouvait que suspecter les chemins tangents qu'il avait dû lui arriver de prendre pour avancer sur la route de sa propre vérité. Il ne pouvait que la respecter pour cela.
Il ne s'offusqua alors pas de sa surprise. Il la comprit même.

Pour célébrer cette résolution, Crassius prit une nouvelle gorgée de son verre de vin. Ses activités de contrebande n'étaient pour le moment que le moyen de s'enrichir facilement, et de pimenter son quotidien lorsqu'il ne se trouvait pas sur le terrain. Il n'avait pas encore eu le temps d'élargir sa clientèle, devant se cantonner aux cercles. Il avait bien deux ou trois connaisseurs qui faisaient appel à ses talents particuliers, des relations commerciales qu'il savait entretenir, mais qu'il souhaitait par la suite étendre. Le frisson du contournement des lois lui restait implacablement le même, qu'il agisse dans son propre intérêt, pour fournir des mages, ou bien de simples amateurs. Il n'était que peu regardant quant à sa clientèle.

Le sourire d'Aesthia le prit de court. Il toussa alors qu'elle le fixait encore, cet étrange sourire sur ses lèvres. Elle qui d'habitude était de marbre. Il finit son verre, s'attendant au pire venant d'elle. Au plus inattendu aussi, mais ça, c'était sa nature profonde.

Contre toute attente, Aesthia lui fit une proposition. À demi-mot, elle lui offrit de lui remettre de nombreux objets qu'elle avait elle-même amassés. Il resta interdit : il s'était attendu à tout, sauf à ça.

Pensive, je continuais de regarder Servis avec un léger sourire. Mais assez rapidement, le naturel revint au galop et mon expression neutre voir glaciale refit surface. Ou plutôt, la variante outrée et interloquée fit son apparition.

"Moi, te doubler ? Voyons Servis ne soit pas ridicule, quelle mouche du Sud t'as piqué ? "

Je fronçais des sourcils, le regardant avec une colère froide. Alors comme ça il croit que je vais perdre mon temps à vouloir jouer au petit marchand avec d'autres personnes ? J'ai des recherches qui m'attendent, ou qui ne peuvent attendre d'ailleurs. Je reprenais mon verre, légèrement courroucée de cette allusion. Qu'il me croit aussi indécise et volage sur mes études me semblait des plus blessants, et je ne pouvais que vouloir le remettre à sa place. D'une voix sèche et plus autoritaire, je remettais les points sur les i quant à la raison de ma venue ici, et comment je le considérais.

"A chacun son expertise et sa place, jouer à autre chose n'est ni raisonnable ni très intelligent. Pourquoi gâcher de tels efforts et du temps pour ce genre de frivolité... C'est bien ton genre de suggérer ce genre de chose.  "

Je levais les yeux vers le ciel, buvant de nouveau du vin épicé. A croire que pour qu'il comprenne, je sois vraiment obligée de mettre carte sur table. Ou plutôt, d'être claire sur mes intentions et sur ce que j'attendais de lui. Tanpis pour la méthode fine, je me sentais déjà perdante sur ce terrain et trop encline à provoquer des quiproquo qui ne feront que faire perdre notre temps. Avec un peu plus de calme, enfin moins de froideur et d'aigres paroles, je tentais d'expliquer ce que je voulais de notre échange de bons procédés.

"Non, je cherche juste à trouver une transaction intéressante pour nous deux. Je peux te fournir certains éléments que j'ai trouvé pour les revendre à des tierces parties intéressées. En échange, j'ai une partie des bénéfices ainsi que la possibilité d'avoir accès à certains objets qui MOI m'intéresseraient."

Je mettais l'emphase sur le fait que je n'allais pas accepter que l'on me présente la moindre breloque qui pourrait amuser un mage de salon. Non, il me fallait de l'utile, pas un objet décoratif ou une curiosité faite pour faire voler des vaches au dessus du marché. Je plongeais mon regard dans le sien, le scrutant pendant quelques longues secondes, silencieuse. J'entendis dans ma tête le chuchotement d'Edgar, et souriais de nouveau légèrement. Oui, il a raison... Peut être que ce serait plus intéressant de cette façon pour lui... Je gardais le verre en main, mes yeux brillant d'un petite lueur maline et parlant avec toujours cette même froideur mais avec plus de... persuasion.

"Penses-y... Ce serait comme si tu commençais à gérer ton propre réseau de mages t'apportant des éléments à la revente, comme si tu gères à distance tes propres expéditions. Est ce que ça ne serait pas intéressant ? Ton nom n'en serait que plus grandit, et on te prendrait plus au sérieux comme "revendeur", non ? "

Je ne serais qu'un élément parmi d'autres, mais inspirer son ambition comme le suggérait le démon n'était pas un grand mal. Il avait un intérêt certain à garder son rôle d'intermédiaire, et moi également. C'était son talent, et cette compétence que je venais chercher chez lui. En plus du fait qu'il pourrait me rapporter de l'argent et me débarrasser des caisses entières d'objets sans plus aucun intérêts pour mes recherches. Gagnant-gagnant en somme. Que demande le peuple ?

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Jamais il n'avait vu Aesthia s'animer avec autant de ferveur. Sa colère, tantôt froide, tantôt brûlante, laissa un instant transparaître une convoitise plus sincère. Servis l'écouta une nouvelle fois, sirotant son verre.

Il prit une grande inspiration et réfléchit. Ce qu'il aimait dans la contrebande, c'était son inconstance. Un reflet plus juste de sa propre moralité, un défouloir opportun pour les frustrations accumulées lors de ces fouilles. Mais, une fois qu'il sera mis à la tête de ses expéditions, ces frustrations s'évanouiront, il ne pouvait que l'espérer. Aura-t-il toujours besoin de son défouloir à ce moment-là ? Était-ce sage de vouloir se lier à présent à plus de personnes ? Pourtant, la demande d'Aesthia faisait sens. C'était lui qui le premier était venu lui offrir ses services. Il avait en quelque sorte une responsabilité envers elle. Il soupira encore.

Il se pencha sur la table, en avant, les coudes plantés en son centre. Il afficha son sourire le plus charmeur, le plus taquin également.

La ruse et la persuasion semblèrent d'un premier abord avoir échoué, Servis ne semblant pas plus intéressé que ça d'être derrière un bureau à tout dirigé. Edgar s'était donc trompé. Mais je comprenais Servis. Pour que les choses soient bien faites autant le faire soit même, et il n'y a rien de tel que d'être soit même au coeur des choses. Je pensais la partie terminée, devoir trouver une autre manière de le convaincra, quand finalement il se rangea à ma décision. Je m'étonnais qu'il dise "pour toi", car il ne me semblait pas que nous étions sur un pied d'intimité permettant une telle faveur. Je le regardais de nouveau avec surprise. Etait ce encore un de ces stratagèmes de marchand, pour avoir ma confiance ? Mais il avait l'air sincère, et il venait de donner plus ou moins sa parole. J'étais soulagée, et ne pouvais m'empêcher de pousser un petit soupire de soulagement.

"Parfait, cela me convient, je pourrais t'envoyer une liste descriptive assez rapidement. A toi de voir ensuite des repreneurs potentiels et de négocier. "

Une bonne chose de faite, et quelque chose en moins à m'occuper. Même si cela prendra un peu de temps au début, je pourrais m'assurer une rentrée d'argent plus correcte pour financer mes travaux, et acheter également ce qui m'intéresse chez lui. J'allais pour me resservir un verre, quand Servis se pencha vers moi et me regarde de façon... dérangeante. Je reconnaissais là le sourire et le regard mièvre de ces hommes qui essayaient de séduire, et qui par le passé avaient tenté également de me faire courber le coeur et l'échine. Malheureusement pour eux, j'étais bien insensible à ce genre de charme, ou plutôt vexée dans mon amour propre de recevoir une telle marque de courtoisie niaiseuse et dégradante en tant que mage érudite respectée. Je le regardais avec surprise, puis tout mon visage exprima le mécontentement et la désapprobation. Je me mis à le sermonner, l'exaspération montant d'un coup à mes lèvres qui peuvent pourtant se trouver si charmantes.

"Servis... Est ce que ce déluré de Dorian t'aurais de nouveau tourné la tête ? Cette extravagance et nonchalance est insupportable, vraiment on se croirait de nouveau au Cercle. Comme la dernière fois où tu...."

Je continuais, racontant une histoire de notre passé lors de nos études. La conversation dévia et devint plus informelle, le temps passa et le vin coula. Il n'y avait plus d'affaire ou de fausses galanteries, justes de bon et de mauvais souvenirs partagés, d'anecdotes croustillantes sur nos expériences respectives en dehors du Cercle. L'après midi passa, et sans que l'on s'en rende compte le soir arriva. Nous nous séparions en bons terme, chacun sans doute satisfait l'un de l'autre, et pour ma part heureuse d'avoir peut être trouvé un compatriote digne d'un minimum de mon estime et de mon amitié.

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