Au Nom de ceux qui partent... [PV : Argonia Coutray]

Il y a un peu plus d’une semaine, la Garde-Commandeur Tullia avait disparu… deux jours plus tard, j’appris que j’étais le nouveau Sénéchal de la Garde d’Orlaïs… tu parles d’une nouvelle pourrie… Je me sentais mal… ce matin, j’avais reçu un rapport d’Alan… le groupe qui était à la recherche de la Commandeur était retourné au thaig… ils n’avaient trouvé aucune trace du 6ème Enclin… pire, ils étaient tous rentrer blesser, dont un grave… ses jours n’étaient pas en danger, mais bon… J’avais pris la décision de mettre fin aux recherches… Demain, il faudra que j’envoie des lettres aux proches de la Commandeur, ainsi qu’à Weisshaupt... mon moral était au plus bas… J’ignorais s’il y avait pire moyen de recevoir sa promotion que de perdre une amie…

Évidemment, je ne pouvais pas montrer aux autres Gardes que je n’allais pas bien… nous avions suffisamment de problème, je ne pouvais me permettre de me montrer affaibli…

Et je pensais avoir réussi… sauf que Xavier s’en est rendu compte que je n’étais pas bien… et il en avait "parler" à Cain et Garance… Cain me proposa alors d’aller boire un coup, dans une petite taverne qu’il avait l’habitude d’aller et qui se trouvait à quelques heures à cheval de Térébinthe…
Bien que retissant, connaissant ma résistance à l’alcool, après quelques minutes de discussion, ils réussirent à me convaincre d’y aller… Après tous, pourquoi pas ? J’avais besoin de me détendre, et même si l’alcool me donnait envie de vomir, au moins il m’avait toujours permis d’oublier mes soucis… et aujourd’hui, des soucis, j’en avais…

Nous partîmes alors à 4… Xavier, Cain, Garance et moi, en direction de Val Royeaux. A quelques lieux de la ville se trouvait une petite auberge chaleureuse au doux nom de « Ser Aveline ». Nous portions tous des vêtements civils, j’étais le seul à avoir une arme visible… Xavier avait plusieurs couteaux cacher sur lui, et Garance et Cain n’avait pas vraiment besoin d’arme pour être dangereux… Après avoir attaché nos chevaux dans l’écurie à côté de l’auberge… Il n’était pas très tard, mais la nuit était déjà tombée. Il fessait très froid, mais, le Créateur en soit remercié, il ne neigeait pas…

L’auberge était calme, il n’y avait pas beaucoup de clients : cinq ou six paysans locaux éreinter par leur journée de travail, un vieil aubergiste avec un air sympathique de grand-père, une jeune serveuse elfe qui semblait particulièrement fatiguer, deux soldats de l’Inquisition et une petite elfe qui jouait de la cithare…

Nous prîmes l’une des grandes tables inoccupées… Cain s’approcha du patron et échangea rapidement avec lui… après quelques secondes, l’aubergiste opina du chef et alla dans sa réserve.

L’ambiance, était maussade autour de la table, personne n’osait dire quelque chose… Lorsque le tenancier apporta à notre table un petit baril avec 4 chopes, il ne reçut que des remerciements silencieux de la part de Garance… Xavier nous servit, et nous commençâmes à boire silencieusement, contrastant nettement avec l’ambiance générale de la taverne, plus gaie et chaleureuse.  

Le temps était maussade, et mon chemin vers les Terres d'Emeraudes était encore bien long. J'avais quitté Val Royeaux et m'était dirigée vers le sud, préférant voyager à pied plutôt que de prendre un bateau via le fleuve. Pour la nuit je m'étais arrêtée dans une taverne, afin de pouvoir passer la nuit, entendre quelques rumeurs et gagner quelques pièces en divertissant les clients. Malheureusement pour moi, ce soir là, il n'y avait pas grand monde. Le tavernier avait accepté que je joue, ne serait ce que pour tromper l'ennui. Je me tenais debout près d'une table située au fond de la pièce, une assiette à moitié dévorée et une chope de bière à moitié vide. J'avais commencé à jouer, voulant finir mon repas plus tard et me sentant d'humeur à conter une petite balade de taverne. Celle d'un chevalier orlésien, de ses actes de courage et des dalatiens. C'était une chanson triste pour les dalatiens, et cela me faisait penser à Lathbora qui était bien loin... Mais c'était un air populaire dans la région, et d'un geste précis je grattais les cordes de mon luth, entonnant le chant de ma voix claire et mélodieuse.


Les portes s'ouvrirent d'un coup, laissant entrer un groupe de personnes. Je continuais de jouer, les observant tout de même. Ils étaient différents des paysans présents, ayant l'air plus carrés, plus massifs et fiers, mas surtout l'un d'entre eux portait une épée à ses hanches. Ils avaient l'air maussades, mais comme tout le monde ici. Ils se dirigèrent vers une table isolée, chose assez facile vu comment l'établissement était vide. Je remarquais que l'un d'entre eux, un blondinet, avait particulièrement l'air éreinté, miné. Ils se mirent à causer, et même si je n'entendais qu'à moitié leur conversation, ils semblaient essayer de remonter le moral du blondinet. Je continuais de chanter, tendant cependant l'oreille à une conversation qui pourrait être intéressante...

Alors ils commencèrent à parler… je n’écoutais pas vraiment… je savais qu’ils faisaient ça pour mon bien, je savais que j’avais besoin de ça si je voulais espérer avancer… mais quelque chose me bloquait… je n’avais pas envie d’avancer… après avoir pris un peu de la bière dans le petit fût, je me contentais de faire semblant d’écouter… Lorsque je finis la moitié de la chope en quelques gorgées, je me contentais de dire, presque comme un murmure à peine audible…

« S'il vous plaît… laissez-moi… »

Xavier fut le premier à réagir, il se leva d’un bond, et se dirigea vers la porte, comme s’il avait oublié quelque chose dehors… Il alla faire le Créateur seul sait quoi… Cain fut le suivant, il prit Garance sous le bras, et leurs chopes avec l’autre, et se dirigea vers une autre table, bien plus proche du tavernier, et demanda un autre fût…

Être seul… Ça ne m'a jamais vraiment réussit jusqu’à maintenant… Cependant, c’était une expérience nouvelle pour moi… et si je devais sombrer, je préférais le faire seul…

Après quelques secondes, embrouiller dans mes pensées, je remarquais que l’elfe qui servait de ménestrel… Elle semblait avoir écouté notre conversation…

Je ne savais pas comment réagir. Après tous, si j’avais voulu d’une conversation plus privée, je ne serais pas allé dans une taverne… Mais tout de même, écouter une conversation n’était pas très poli… enfin, après tous, on pourrait dire qu’elle aura écouté pour moi…

Tout d’abord, je retirais mon épée, dans son fourreau, de ma ceinture, et la mis sous le banc… Puis, poliment, d’un geste du bras, j’invitais l’elfe à s’asseoir en face de moi… Xavier y avait laissé sa chope, remplie, il n’avait pas eu le temps d’en boire une goûte… Pour accompagner mon geste, je dis, en ayant un petit sourire triste.

« Je vous prie, je ne vais jamais pouvoir boire ça, seul… »

J’ignore ce qui m’a poussé à faire ça… peut-être que je n’avais pas envie de boire seul finalement.
Ou peut-être étais-je plus enclin à boire avec des inconnus plutôt qu’avec des personnes que je reverrais tous les jours… que je commandais tous les jours…
Cette pensée me rendit un peu plus morose, et le petit sourire que j’avais plutôt avait presque disparu…
J’attendis qu’elle s’assît, puis lui tendit respectueusement la main, et me présenta.

« Je m’appelle Léop… » Je laissais un petit silence, comme si j’allais dire une bêtise « Léo… Léo Lièvre. »

Je n’avais pas envie de donner mon véritable nom… généralement, quand je l’utilisais, les roturiers orlésiens étaient intimidés par mes nobles origines, ce qui me mettait particulièrement mal-à-l’aise…

J’utilisais donc généralement ce nom lorsque je n’étais pas en ‘‘Garde’’… c’était aussi le nom que je portais lors-ce que je servais dans l’armée d’Orlaïs…
Je lui tendis alors la chope de Xavier…

« Vous… Vous êtes du coin ? »

Tentais-je pathétiquement pour lancer le dialogue…

Le chant continuait, mais la proximité des hommes en arme me distrayait quelques peu. J'entendais leurs récits, racontant quelques une de leurs aventures, de leurs souvenirs. Ils avaient l'air d'être assez soudés, et l'encouragement qu'il y avait à remonter le moral de leur ami rendait la discussion des plus louables. Je ne pouvais m'empêcher de les fixer, continuant cependant de chanter et de jouer de la musique. J'étais barde après tout, écouter et jouer faisait partie de mes attributions. A un moment, leur camarade maussade leur demanda de partir, et petit à petit ils s'en allèrent. Observant la scène, j'en oubliais que je pouvais me faire voir et mon regard croisa celui du soldat. Mince. Je détournais les yeux, une légère rougeur venant empourprer mes joues.

Mais loin de s'en offusquer, il fit un geste pour venir le voir. J'étais un peu hésitante, ne sachant pas s'il me demandait de venir pour justement me fustiger ou me faire du mal. Je regardais autour, voyant que personne d'autre ne semblait regarder par ici. Je posais mes yeux de nouveau sur la table du soldat, qui avait défait son épée, et m'invita de nouveau à venir. Je pus entendre sa voix m'intimer à venir. Il n'y avait aucune agressivité, aucune colère ni ton impérieux. C'était une invitation véritablement affable, voir légèrement peinée par la vérité. Je finissais en quelques secondes le couplet que je chantais, arrêtant de jouer de la musique et basculant le luth dans mon dos. Personne ne sembla perturbé par le fait qu'il n'y avait plus de musique. Je m'approchais de sa table, m'installant en face de lui où une chope se trouvait. Mais je n'y touchais pas, sachant qu'elle appartenait à un de ses camarades. Un peu gênée, je posais mes yeux noisettes piqués d'or sur cet homme triste, m'excusant d'une voix douce de mon espionnage.

"Je m'excuse d'avoir écouté vos conversations. J'étais proche, et ces récits de combats étaient fascinants..."

J'essayais d'avoir l'air un peu plus gaie sur la fin, ayant vraiment apprécié leurs histoires. Mais cela ne convenait pas à l'ambiance pesante qui semblait l'entourer. A le voir, il avait l'air de boire pour oublier, ou du moins pour cacher certains tracas. Très poliment il se présenta, semblant toutefois buter sur son prénom. Je souriais légèrement, comprenant ce qu'il se passait. Tout le monde a ses secrets. Je prenais sa main pour la serrer, sentant la poigne d'un homme d'arme. Il était rare d'avoir devant soi une telle politesse, surtout envers une elfe. Je le regardais avec intérêt, trouvant cet homme tout à fait intéressant. Voir plus que la conversation de ses camarades de plus tôt. Et pour répondre à sa galanterie, je me présentais également d'une voix légère et chantante, souriant avec douceur.

"Argonia Coutray, pour vous servir Ser Léo."

Il me tendit la chope devant moi, semblant ainsi m'autoriser à la boire. Je la prenais entre mes mains, ne buvant cependant pas de suite. Je regardais Léo faire un effort maladroit pour lancer la conversation. Je ne sais pas pourquoi, mais cette maladresse me fit penser à Lathbora. Je souriais légèrement, lui trouvant immédiatement un côté adorable. Ma réponse fut assez rapide, n'ayant pas vraiment à mentir sur le fait que j'étais plutôt du genre nomade.

"Partout où mes pas me mènent, je suis chez moi. Mais je suis Orlésienne de base, si c'est votre question."

Je portais enfin la chope à mes lèvres, buvant une petite gorgée. Mes yeux étaient rivés sur cet homme blond, dont le regard triste et fatigué trahissait son manque de sérénité. Il voulait parler, sans doute pour soulager son esprit ou son coeur. Pensait il qu'une barde serait plus à même de soigner ses mots ? Peut être... on nous prête beaucoup de capacités, et nos connaissances sont dites vastes. Et cela ne devait pas être trop grave pour risquer d'en parler à quelqu'un qui risquait d'en faire une chanson. Pour l'aider, je lui retournais la question.

"Et vous ? Êtes vous de la région ? Vous retournez chez vous ?"

J'essayais de l'encourager à se livrer, à dire ce qu'il avait en tête. Parfois il ne faut pas beaucoup pour qu'ils se lancent sur cette pente, et les mots coulent à flots plus vite qu'on ne le croit. Surtout si la boisson est là pour aider...

La jeune elfe avait finalement accepté de s’asseoir. Dans un premier temps, elle s’excusa de nous avoir écouté… je pris le meilleur sourire que je pouvais faire, et dit d'un ton qui se voulait rassurent…

« Ne vous inquiétez pas. J’imagine que ce genre de récit est fait pour être écouté… »

Alors c’était de ça qu’ils parlaient ? Bon à savoir… Il tentait vraiment tous pour que je me sente bien… je m’en voulais de ne pas pouvoir leur dire ce que j’avais vraiment sur le cœur, mais une sorte d’étrange sentiment de honte m’en empêchais… Tous comme moi, ils avaient aussi perdu des frères et des sœurs lors de la bataille du Thaig, mais eux, ils arrivaient à tourner la page. Je les jalousais… Pourquoi la vie ne pouvait-elle pas être plus simple…

Après que je me sois présenté, elle fit de même… je tiquais légèrement à la mention de ‘‘Ser’’… Ce « titre » était lié à quelque chose que je honnissais… Les chevaliers, je me demande si cette elfe connaissait ce qu’il fallait faire pour appartenir à cet ordre, et si elle continuerait à appeler les gens ‘‘Ser’’…
Je réussis cependant à cacher mon dégoût pour cet ordre, et répondit de la manière la plus aimable possible.

« Je vous en prie, appelez-moi juste Léo… pas besoin de ‘‘Ser’’… »

Elle me répondit qu’elle était d’Orlaïs, mais que son caractère nomade lui permettait de se considérer comme partout chez elle… Je soupirais intérieurement… cela devait être utile de ne pas avoir de port d’attache… Cependant, je mentirais en disant que j’aimerais ressentir la même chose que cette jeune elfe…
Lorsqu’elle me demanda si je me rendais chez moi, je regardais légèrement dans le vide… je connaissais déjà la réponse… mais elle ne me satisfaisait pas… finalement, je finis par cédé… Mentir à cette elfe était inutile, et j’aurais l’impression de me mentir à moi-même…

« J’ai bien peur de ne plus avoir de chez moi… Pour être tout-à-fais honnête, je me demande si j’en ai déjà eu un. »

A la différence d’Argonia, je ne me sentais pas à ma place sur les routes… Je cherchais un ‘‘chez-moi’’ que je n’arrivais pas à trouver… peut-être n’existait-il pas et que je courais après un fantôme ? Peut-être que je ne savais pas juste me contenter de ce que j’avais…
Je ne me suis jamais senti à ma place à Bordeleau. Val Royeaux, la Dalacie et Térébinthe n’ont jamais été que plus que des abris et je ne préférais même pas penser à l’Inébranlable…
Alors que je resserrais légèrement ma main autour de ma chope… je demandais, avec une voix légèrement hésitante.

« Je… cela pourrait paraître étrange, peut-être même légèrement abrupte, mais… avez-vous des frères ou des sœurs ? »

Bon, dans mon cas, c’était plus une confrérie plus qu’une véritable famille… Cependant, depuis que j’avais rejoint la Garde, j’avais l’impression d’avoir trouvé une place, une famille… Famille qui ne cessait pas de diminuer avec le temps…
En attendant sa réponse, je bus rapidement le fond de ma chope avant de m’en resservir une autre.

Le soldat ne semblait vraiment pas d'humeur à en vouloir à quelqu'un. Du moins, pas aux autres. Mais je reconnue un certaine moue dubitative quand je l'interpellais, et assez rapidement il me demanda de ne pas l'appeler Ser, juste Léo. Sans doute un mauvais souvenir, ou une mauvaise expérience... J'acceptais d'un hochement de la tête, souriant avec douceur. Ma question semblait tomber dans le vide, car je n'eus pour toute réponse qu'une phrase morose et mélancolique. Je regardais cet homme qui s'accrochait à cette pinte et avait un regard d'homme perdu et blessé. Ne pas avoir d'attache et se sentir nul part chez soi, était ce l'origine de son mal être ? Je n'allais cependant pas plus loin dans ma réflexion, car déjà Léo me posa une question tout à fait... étonnante. Je le regardais avec une légère surprise, mais lui répondis cependant avec sincérité.

"Et bien... Non, je n'en ais pas Léo. Mais j'ai des amis très proches, et même si nous n'avons aucuns liens de sang c'est tout comme. On se soutient et on se chamaille. Je suppose que ça doit être ça, les relations entre frères et soeurs..."

Je souriais légèrement, buvant un peu de bière tout en jetant un regard sur la salle. Les autres soldats ne semblaient pas revenir. Mes yeux se posèrent de nouveau sur ce soldat, qui semblait bien triste. S'il m'avait posé cette question, c'était sans doute pour partager ses douleurs, avoir des conseils ou juste une oreille à qui parler. Compatissante en même temps que curieuse, je le poussais gentiment vers ses aveux, l'interrogeant sur ce qui était peut être l'origine de sa mélancolie actuelle.

"Vous... avez des problèmes avec un de vos frère ou soeur ?"

La perte d'un membre de sa famille, se fâcher avec... Il y avait bien des possibilités quand on parle des gens de son propre sang. Et en Orlaïs, c'était presque un sport national de comploter ou de se brouiller avec les siens. A savoir ce que lui avait vécu pour le conduire à en parler à une barde inconnue telle que moi...

La jeune elfe avait l’esprit vif… ou en tout cas, elle était douée d’une véritable empathie… elle compris par ma question, et mon attitude, que mes problèmes provenait de ma ‘‘fratrie’’… Après quelques secondes de réflexion, je finis par répondre…

« Pas vraiment… enfin si... »

Je bus d’une traite ce qui restait de la chope devant moi. Lors de ma rencontre avec Tullia, j’aurais sans doute vomi sur son bureau en agissant de la sorte…

« Il y a un peu plus d’une semaine… ma… » J’hésitais sur le choix mes mots… « Ma sœur aînée est morte. »

C’était bien loin d’être nos vrais liens… Cependant, n’étions-nous pas une confrérie ? Notre sang, n’était-il pas lié par la corruption… ? J’avais déjà eu un tel débat avec Cain… il n’était pas d’accord avec moi, car cela nous lié d’une certaine manière aux engeances… Je me recevrais au petit fût qu’avait laisser le patron…

« J’imagine que vous avez remarqué : mes compagnons et moi-même somme des hommes d’armes… » Au vu de notre réputation, actuellement entachée, mieux valait ne pas préciser notre appartenance à la Garde des Ombres. « Et ma… sœur ainée est… était, notre chef. »

Je me rappelais encore la réaction de Beth quand elle m’a annoncé la mort de Tullia… Je ne savais même pas quoi faire. Je me rappelais, qu’à ce moment-là, je ne pouvais croire au décès de la Commandeur… Même assis dans cette taverne, j’avais beaucoup de mal à y croire… cependant, je savais que je ne faisais que me mentir à moi-même.

« Aujourd’hui, certains d’entre eux veulent que je prenne sa place… »

Dis-je avant de boire ma bière… Je jetais un coup d’œil en direction de mes deux compagnons, qui discutait avec les locaux… Qu’avais-je fait pour mériter leur loyauté ?

J’avais abandonné l’une des leurs, je les ai mis en danger en tentant de corriger cette erreur… Mais ils m’ont pardonné, et pire, ils me voyaient comme leur Commandeur… Et cela, juste parce qu’une lettre de Tullia me donnait le poste de Sénéchal ?

Elle m’avait déjà donné la responsabilité de mener les troupes au Thaig Ortan, et elle a fini noyer…
Tu parles d’une réussite… Je me demande ce qui se serait passé si Alan avait mené les troupes…

Plutôt que de rester dans un gênant mutisme, je finis par poser la question qui me trottait dans la tête.

« Avez-vous déjà eu l’impression qu’on vous offrait quelque chose que vous ne méritez absolument pas, mademoiselle Coutray ? »

Léo semblait vraiment plein de doute. Mais je compris très rapidement ce qui le rendait aussi triste, l'annonce sortant de sa bouche comme un couperet, glaçant encore plus l'air. A cette annonce, je ne pouvais que compatir, lui offrant mes vœux de compassion les plus sincères.

"Toutes mes condoléances, Léo..."

Je n'avais jamais eu de frère ou de soeurs, et j'avais certes perdu des compagnons d'armes mais... Je regardais le contenu de ma chope, y voyant mon reflet. Je me demande ce que cela pourrait me faire ressentir. D'un coup, je me mis à penser à Lathbora, cet elfe si loin et pourtant si proche dans mes pensés. Pour lui je crois, je ressentirais... Je revenais à la réalité bien vite, Léo continuant de parler et demandant une certaine attention. Il me raconta ainsi la nouvelle charge qui pesait sur ses épaules, alors que sa soeur était morte il y a peu. Il jeta un regard à ses compagnons qui étaient revenus... Le mérite.... Il parlait de mérite maintenant. Je le regardais, comprenant qu'il attendait un conseil. Je buvais un peu de bière, réfléchissant. Pour moi, il se sentait surtout coupable de reprendre le flambeau de sa soeur aussi tôt après sa mort, et qu'il n'a pas l'air d'être du genre à vouloir prendre le leadership. Mais si ce sont ses compagnons qui le souhaitent, il devrait avoir plus confiance en lui. Je n'avais pas d'expérience similaire mais j'étais barde. Je savais comment tourner la chose. Avec douceur et en même temps conviction, je commençais mon plaidoyer.

"Le Tisserand... m'a offert une belle voix et de la grâce. Les autres avaient d'autres talents, mais dans notre troupe les miens semblaient plus... précieux. J'ai eu ensuite l'opportunité de suivre la voie des Bardes, ce qui n'est pas donné à tout le monde..."

Je m'avançais un peu plus sur la table, plantant mes yeux noisettes dans le regard mélancolique de Léo.

"Ces... opportunités... On ne les doit pas qu'à de la chance. Il faut travailler dur, être là au bon endroit et au bon moment... se voir offrir une opportunité, c'est déjà le mériter."

Parlant avec mes mains, j'appuyais la réflexion en le poussant à se poser lui même des questions. Il disait ne pas le mériter, alors que diraient les autres ? Vu qu'il estimait sa soeur, je tentais d'utiliser cela à mon avantage, même si c'était risqué.

"Votre soeur... votre chef... que penserait elle de vous voir à sa place ? Que penserait elle, si vos camarades comptent sur vous pour reprendre le flambeau ?"

La question était ouverte, suffisamment pour qu'il y réfléchisse. Je ne connaissais pas la décédé, ni leur relation. Etait elle du genre à le pousser dans cette direction, ou au contraire à l'écraser et à le dénigrer dans son rôle ? Je regardais en biais les autres soldats, me demandant s'ils pourraient, à leur tour, venir soutenir mes propos. Il fallait croiser les doigts.

Argonia me présenta ses condoléances… malgré le fait qu’elle ne connaissait absolument pas la Garde-Commandeur, elle m’offrit ses condoléances. Elle semblait honnête. J’étais surpris du niveau d’empathie qu’avait cette elfe… Beaucoup se seraient contenté de penser que c’était la vie de soldat de mourir sur un champ de bataille… et avec la compagnie d’un elfe, nous ressemblions davantage à une bande mercenaire.

« Je vous remercie. »

C’est alors que le jeune barde me dit ce qu’elle pensait du mérite… Sa vision était intéressante… bien que je n’étais pas totalement d’accord avec, mais son idée avait le mérite de me rassurer un peu…

Alors qu’elle me parlait, Cain et Galance était de retour… sans doute attirer par le tournant de la conversation.
Cain, qui apparemment n’avait pas manquer une miette de ma conversation avec Argonia, renchéris.

« Tu sais que Tullia te faisait confiance… Sinon, elle ne t’aurait jamais donné ton rang… »

« Je sais, mais… »

Mais elle est morte… Elle avait placé beaucoup d’espoir en moi, beaucoup trop d’espoir. J’avais ma première mission à la hauteur du poste de Sénéchal, et je n’ai même pas réussi à ramener son corps pour des obsèques digne…

Plutôt que de continuer, je pris ce qui restait de ma bière… je n’avais jamais bu autant en aussi peu de temps… mais étrangement, j’avais encore envie d’en boire…

« De toute façon, tu es le plus qualifié pour le poste. »

Rajouta Garance… elle n’avait pas tort… je le savais… j’étais celui que Tullia traînais comme un boulet dans la plupart des missions en Férelden ou avec la noblesse orlésienne… même si pour ce dernier cas, je pense que c’était surtout parce qu’elle savait pertinemment que je détestais ça…

Je pris quelques secondes pour réfléchir, regardant le fond de ma chope vide comme si je pouvais y trouver des réponses…

« Elle penserait sans doute que je devrais prendre sa place… après tous, elle a toujours essayé de me pousser à aller plus loin… »

Ça faisait longtemps que j’avais remarqué que si elle avait fait de moi son bouc-émissaire, elle essayait de me donner de plus en plus de responsabilité.

« De plus, je me demande ce qu’elle a vu en moi qui l'a poussé à me choisir plutôt qu’Alan… Je veux dire, c’est vers lui qu’elle se tournait quand elle avait besoin d’un second… Et pourtant elle l’a envoyé dans les tré… »

Cain se rendit compte que j’allais nous trahir… et se mit à tousser brillamment pour me couper…
Après m’en être rendu compte, je décidais de changer de conversation…

« Je vous prie de m’excuser pour mon ignorance, mais… qui est le Tisserand ? Il me semble, selon vos propres dire, qu’il vous a confié votre voix… »

Un dieu elfique, sans doute… en réalité, je n’en savais rien… la théologie ne m’avait jamais intéressé, et bien que croyant, je n’avais jamais fini de lire le Cantique…

Après qu’elle m’est répondu, un soldat, portant l’uniforme des troupes de l’Inquisition et visiblement aviné et avait de la colère dans la voix, s’approcha de notre table…

« Eh, vous… vous faites partie de la Garde des Ombres ? »

Merde…

Les autres soldats nous rejoignirent, et ne semblèrent pas m'en vouloir d'être présente. Au contraire, comme s'ils avaient suivis la conversation depuis le début, ils enchérissaient sur le fait qu'il devait accepter. Je les écoutais, apprenant de nombreuses informations. Ainsi, sa soeur s'appelait "Tullia"... tout le monde semblait l'avoir en estime, et ils encourageaient leur comparse Léo à accepter ce qu'il ne pensait pas être mérité. Une autre personne fut nommée, un certain Alan. De ce qu'il disait sa soeur comptait sur lui, et sans doute il pensait qu'il prendrait le relai. Peut être qu'il était le compagnon de sa soeur, ou autre chose. Un des hommes se mit à tousser fortement en interrompant Léo alors qu'il parlait, ce qui me mit la puce à l'oreille. Ils cachaient certaines choses, c'était clair. Mais quoi ? Je n'eus pas le temps de me possr la question que la conversation fut détourner sur moi. Il se mit à me parler du tisserand, me demandant ce que c'était. D'un coup je me trouvais un peu gênée, pas vraiment habituée à parler de mes croyances.

"Ho, le tisserand... Et bien ...."

Je les regardais, un peu hésitante. Certains ne sont pas vraiment tolérants quand on parle d'une autre religion. Que ce soit les Dalatiens avec leurs dieux, ou bien les andrastiens avec le cantique de la lumière... Le groupe face à moi avait l'air sympathique mais ils restaient des soldats armés. Les choses pouvaient mal tourner. Je regardais Léo, repensant à ce qu'il m'avait raconté de personnel. Au final, je pouvais bien lui faire cette confidence. Je prenais mon courage à deux mains, souriante, et commençais avec simplicité à expliquer en quoi je croyais.

"C'est un dieu, ou plutôt une croyance propre à certains ménestrels nomades et aux liseurs de carte. Il est celui qui tisse les liens de la vie ensemble, les font croiser et s'éloigner, les noue ou bien les rompt. Quand je disais qu'il m'a donné cette voix, c'est juste que j'ai eu ce don depuis ma naissance. Mais il ne tient qu'à moi de l'exploiter."

Je ne devais rien à ce dieu, il me donnait simplement des opportunités. Je restais maitresse de ce que j'en faisais, ayant juste quelques coups de pouces ou bien des défis en plus. Je n'eus pas le temps d'entendre ce que Léo en pensait car quelqu'un vint à notre tablée. Une personne avinée, un soldat de l'Inquisition, qui avait l'air en colère. Il interpella ces hommes comme étant des Gardes des Ombres. Je le regardais avec surprise, mais attendais surtout la réaction des autres. Ils semblaient cacher quelque chose, et peut être que ce soldat avait mis le doigt dessus...