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Dim 17 Nov 2019 - 18:57

Anonymous
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Is this a dagger which I see before me ?


L'horizon rougeoyait encore des dernières lueurs du Couchant lorsque, affublé de son élégant costume de serviteur, Hector avait émergé de la cohue d'anonymes pour s'engouffrer discrètement dans la modeste – mais non moins agitée – courtine du Grand Royeaux. Là, au milieu de la horde de domestiques aux bras chargés de cargaisons diverses, l'assassin s'était frayé un chemin jusqu'aux cuisines et, après avoir essuyé les reproches angoissés d'un gouvernant ventripotent, s'était vu confié la lourde tâche d'humecter d'alcool les gosiers assoiffés des convives du soir.

« Toi, là ! Qu'est-ce tu attends, bon sang ?! » Avait éructé le maître-laquais à l'intention d'Hector qui, sous son masque d'albâtre (le même que les autres domestiques), s'était empressé d'accéder à la requête de son interlocuteur. « On te paie pas à rien foutre ! Tiens, prends ça. Et veille à ne rien renverser, ou il t'en cuira ! »


C'est donc encombré d'un imposant plateau d'argent recouverts de coupes ambrées qu'Hector fit son entrée dans les luxueuses galeries du plus célèbre théâtre de la capitale Orlésienne qui, sans surprise aucune, pullulaient déjà de la noble piétaille habituelle. Engoncés dans leurs somptueuses tenues de soirée, bourgeois et hôtes de marque défilaient ainsi le long des éclatantes allées de l'opéra, leurs vilaines ganaches dissimulées sous leurs habituels masques de métaux polis, sous l’œil attentif de l'assassin, qui, quoiqu'aux prises avec les invités les plus soiffards, n'en demeurait pas moins à l'affût des fluctuations de la foule. Car, en dépit de son accoutrement (et n'en déplaise au gouvernant rencontré plus tôt), Hector n'était pas là par plaisir – loin de là.

Sa présence en ces lieux, l'Orlésien la devait à une vieille rombière fortunée qui, jugeant son richissime mari d'un peu trop encombrant, avait engagé la Maison du Repos pour « supprimer » le bougre. Le contrat, s'il paraissait d'un effroyable banalité, comportait toutefois des instructions précises, que la douairière avait soigneusement énuméré dans un pli – dont l'assassin s'était attaché à retenir chaque mot.

« Royeaux, dans quatre jours, au soir. Moi, renarde de cuivre. Lui, lion d'argent. Loge au troisième, côté cour, quatrième en partant de l'escalier. M'absenterais au deuxième acte, pendant le monologue d'Isolde. »


Ainsi Hector guettait-il les mouvements près des portières, à la recherche de la vieille renarde et de son pauvre lion, sous les apostrophes avinés des convives déjà présents (et en quête de boisson). Une demie-heure s'écoula encore sans que le duo ne pointe le bout de son nez – demie-heure au cours de laquelle l'assassin s'attacha à exécuter – mâchoire crispée – les moindres désirs des badauds présents. Et puis, enfin, il les vit. D'abord le mufle d'argent, sous lequel se devinait le visage boursouflé d'un homme corpulent ; puis la truffe de cuivre de la future veuve, dont Hector se souvenait encore parfaitement du museau  outrageusement maquillé. Si cette dernière remarqua sa présence (et il en doutait fortement), elle n'en montra rien, et, au bras de son époux, se laissa plutôt conduire aux étages supérieurs. Hector la regarda s'éloigner, son plateau toujours en main, tandis que se rappelait à lui les instructions du pli. « Loge au troisième, côté cour. Quatrième en partant de l'escalier. » Plus qu'à attendre, désormais.

Et il attendit.

Une demie-heure supplémentaire passa encore avant que la pièce ne débute (enfin !). Et une autre demie-heure, le temps que s'achève le premier acte. Là, l'assassin se mit en route : d'un pas énergique, Hector se hissa aux niveaux supérieurs. Premier étage. Deuxième. Troisième... S'il croisa quelques âmes vagabondes au détour de certains corridors, aucune d'entre elles n'entreprit de questionner l'Orlésien sur sa présence ici. Après tout, ce soir, il n'était qu'un vulgaire domestique... Autrement dit : il était invisible. « L'avantage des petites gens. »

Le deuxième acte débutait à peine lorsqu'il aperçut, au loin, la loge qui l'intéressait tant. Conscient de son avance, il feignit de s'intéresser aux appliques du couloir menant au balcon, le temps que vienne le fameux monologue – qui ne tarda pas. Une dizaine de minutes, tout au plus, avant que la douairière ne quitte sa loge d'un pied pressé, indiquant ainsi à l'assassin le signe qu'il attendait. Hector se raidit quelque peu. Il était temps.

L'assassin inspira profondément, avant de se diriger calmement en direction de la loge. Un coup d’œil aux alentours lui confirma ce qu'il savait déjà : les environs étaient calmes, propices au crime qu'il s'apprêtait à commettre... Hector n'attendit pas davantage : ni une, ni deux, l'assassin s'engouffra discrètement dans la cabine, plus déterminé que jamais.

Il trouva sa cible assise sur l'un des fauteuils du box, les yeux rivés sur la scène, où se jouait ce qu'Hector avait deviné être un drame antique. Les bougies ayant été éteintes, il régnait dans le box une obscurité poisse, qui permit à l'Orlésien de se hisser au plus proche du noble qu'il s'apprêtait à éliminer. Lentement, Hector extirpa de l'une de ses bottes la lame qu'il y avait plus tôt dissimulée et, sans plus de cérémonie, glissa sa main gantée sur la bouche de sa cible, dans le cou duquel il enfonça méthodiquement sa lame.

Silence. L'homme écarquilla les yeux, tenta de se débattre – sans succès – avant de se laisser lourdement retomber sur son siège. Hector se décrispa.

Plusieurs mètres plus bas, Isolde acheva son monologue sous un tonnerre d'applaudissements.


Lun 18 Nov 2019 - 11:26

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Is this a dagger which I see before me ?



Vacances. Le mot même lui semblait désuet tant il ne l'avait prononcé que peu de fois. Lui-même ne s'était jamais octroyé les moindres vacances depuis... Depuis toujours ? Crassius Servis était le genre d'homme à courir de projet en projet, avec une avidité toujours croissante. Et à quoi pouvaient donc servir des vacances lorsqu'on avait été capable de faire de sa passion un métier ? Et lorsque de simples petits à côté pouvaient combler toutes ses autres attentes ? Servis se considérait comme un homme chanceux et comblé. Il avait réussi, seul, à mener sa barque où bon lui avait semblé. Pourtant, ces vacances presque forcées arrivaient à point nommé et Servis comptait bien en savourer chaque instant.

Arrivé depuis seulement la veille à Val Royeaux, Servis avait déjà perdu tout un après-midi et une soirée en basses négociations dans la petite boutique d'un tailleur. Il lui fallait une tenue correcte pour la semaine suivante, pour honorer l'invitation de l'Université d'Orlais qui l'avait forcé à s'arracher aux pleines arides de la Porte du Ponant. Mais le tailleur, très pointilleux, n'avait libéré le tévintide qu'une fois ses mesures prises à trois reprises, et la totalité des matières choisies en fonction de sa carnation. Alors, le lendemain, Servis se présenta dès la première heure dans une petite librairie située sur les hauteurs de la ville, et demanda au commerçant de lui fournir une carte des plus détaillées. L'homme, qui vit en cet étranger  l'occasion de se remplir les poches, lui proposa à la place un petit ouvrage portant le doux nom de : « Val Royeaux ou : la riche culture Orlésienne à l'intention des peuples plus primitifs ». En feuilletant l'épais guide, cherchant à décider si l'ouvrage était des plus sérieux, Servis découvrit un glossaire plutôt complet. Il fit donc abstraction de son tire plus qu’offensant et en fit l'acquisition. Le libraire, qui ne pouvait se résoudre à laisser filer un si bon client, lui proposa ensuite un petit livret, vendu à prix d'or, regroupant toutes les traductions du guide en langue tévène.
“Mais enfin, vous devez bien vous rendre compte que je parle couramment la langue commune, non ? Nous devisons depuis plus de vingt minutes.!„
S'offusqua Servis devant le peu de délicatesse de la stratégie commerciale de cette boutique. Il salua tout de même mentalement l'opportunisme du vendeur. Le guide sous le bras, Servis quitta ensuite les hauteurs de la ville et passa pour la seconde fois de la matinée devant un groupe de sœur chantristes, qui l’accueillirent de ces mots :
“La magie doit servir l'Homme ! Et non l'asservir !„
“Oui oui, faisons comme ça !„
Rétorqua Servis en resserrant plus fortement les liens qui attachaient son bâton de mage contre son dos avant d'accélérer le pas. En avançant mécaniquement dans les rues, il médita. La magie n'était pas un bête outils. Elle était un don, une force subtile. En son sens, c'était à l'homme de servir la magie, et en retour elle lui permettait d'accomplir des miracles. La magie était une maîtresse exigeante. Mais une maîtresse passionnée.
S'attirant de nombreux autres regards courroucés sur son passage, Servis commença regretter sa décision de garder son arme avec lui. Pourtant aucune autre alternative ne lui avait été offerte : s'il l'avait laissé avec le reste de ses affaires, il aurait encouru le risque de se la faire dérober. Un risque inacceptable pour le mage qu'il était. De plus, sa tenue à elle-seule suffisait à attirer les regards : il n'était pas vêtu à la mode Orlésienne, mais bien Tévintide, cet empire rival et considéré comme étant fortement décadent. Le mage soupira et accéléra le pas, se dirigeant au hasard parmi les rues pavés. Il fini par déboucher dans un petit square plutôt isolé où il put s'installer sur un banc de pierre pour feuilleter son précieux guide touristique sans plus être dérangé. Il lui restait encore à décider de son programme, des lieux incontournables à visiter, des spécialités à critiquer, et des impaires à éviter. Mais son aspiration à la solitude et à la tranquillité se révéla vaine : il n'avait feuilleté que quelques pages lorsqu'une voix incontestablement aiguë s'adressa à lui. Concentré sur sa lecture, Servis n'entendit pas les mots qui furent prononcés. Tout en serrant une nouvelle fois le manche de son arme tout en gardant son attention portée sur le guide, il rétorqua mécaniquement :
“Quoi que vous vendiez, je ne suis pas intéressé, désolé.„

Après quelques secondes, le mage releva la tête des pages qu'il était en train de consulter. Il vit une silhouette fine s'éloigner à petits pas pressés, tête baissée vers le sol. La femme, à peine une adolescente, portait un uniforme assez extravaguant et l'éclat d'un masque était visible au travers de ses mèches de cheveux. Dans un nouveau soupir, Servis dû se rendre à l'évidence, il était finalement intrigué. Après s'être poliment éclaircit la gorge, il apostropha la petite vendeuse à la sauvette, faisant éclater son accent tévène dans le calme du square presque désert :
“Qu'est-ce-que vous vendiez au juste ?„
“Des places pour le spectacle de ce soir, au Grand Royeaux.„
“ Revenez. Il se peut que cela m'intéresse, finalement.„


Vêtu de sa tenue la plus sobre de sa garde-robe de voyage, Servis s'était rendu au Grand Royeaux, alors que le soleil disparaissait derrière les nombreux dômes de la ville. Les derniers rayons rendaient l'horizon aveuglant en faisant luire l'or des façades et la surface des eaux calmes parcourues de nombreuses gondoles. Pendant quelques minutes, la ville entière se parait de merveilleux reflets, avant que le crépuscule ne macule le ciel de rouge. Happé par la foule dense qui se pressait aux portes du théâtre, le mage n'eut pas le temps d'admirer toutes les subtilités de ce merveilleux spectacle naturel. Son billet en main, il se retrouva bien vite perdu au milieu d'un hall gigantesque, orné de mille décors. Le mage tourna plusieurs fois sur lui-même, cherchant à décrypter les moindres peintures, à repérer toutes les sorties également. Le brouhaha qui emplissait ce hall lui vrillait les tympans et il se sentit soudainement oppressé devant une telle foule. Une vague de panique en lui monta en lui. Il avait perdu l'habitude de la foule, perdu sa douce aisance en société. De plus, ces froufrous, ces plumes, dentelles, parfums, perles et masques ne lui étaient pas familiers. Orlais était des plus exotiques. Et en retour, lui qui était tout vêtu de noir et d'argent, et qui ne portait pas de masque, semblait des plus mal assortit au décor environnant.

Pour échapper à cette foule, Servis se mis en quête de sa place. Prenant son courage à deux mains, il se dirigea vers une ouvreuse et lui tendit son billet. Elle le conduit jusqu'au quatrième étage en empruntant un escalier de plus en plus étroit et de plus en plus sobre, et lui fit traverser un couloir percé de nombreuses portes. Enfin, elle en ouvrit une, et le laissa pénétrer dans une petite loge de six fauteuils. Il prit place, et déboutonna sa veste pour se mettre plus à son aise. Il lui restait encore plusieurs minutes avant le début de la pièce. Plusieurs minutes avant que les autres spectateurs ne délaissent le hall pour rejoindre leurs places. Il se pencha en avant et tâta sa botte, cherchant à vérifier la présence du discret surin qu'il y avait glissé. Puis il tourna machinalement les pages du livret de la pièce avant d'étendre ses jambes contre la balustrade de la loge. Il ne quitta plus cette position que lorsque les autres spectateurs vinrent un à un remplir les sièges vides laissés à ses côtés.

Puis le spectacle débuta. Accoudé contre la balustrade, Servis le suivit distraitement. L'orchestre jouait admirablement bien, et les costumes portés par les acteurs étaient impressionnants. Pourtant il ne parvenait pas à prendre du plaisir devant cette pièce des plus puritaines. À la lueur des torches illuminant la scène, il avait compté les loges lui faisant face. Il avait également compté le nombre de chaises composant l'orchestre, et multiplié ce chiffre par le nombre de cordes de leurs instruments. Puis il s'était vaguement intéressé aux occupants de sa loge, avant de finalement déclarer forfait, et de déplier les deux mètres de sa carcasse pour s’extirper hors de la loge. Il avait cru voir des serviteurs chargés de plateau couverts de vins dans le hall, et espérait qu'ils soient toujours en service.

Un verre salutaire à la main, et après avoir traîné plusieurs minutes dans le hall à présent dépeuplé, Servis s'était perdu dans les escaliers, à la recherche de son étage. * Était-ce le troisième ou le quatrième étage? Je ne sais même plus où je me trouve maintenant !* Pourtant il persévéra. Il passa quelques portes, et finit par se persuader d'avoir retrouvé son chemin. Son verre toujours en main, il pénétra dans une loge, qui n'était définitivement pas la sienne. Deux hommes l'occupaient. Un assis dans un fauteuil, ou plutôt mollement avachi, l'autre debout derrière lui. Celui qui se tenait debout portait l'uniforme des employés du théâtre. Le mage hésita un instant. Il prit une gorgée de son verre et s'adressa au serviteur en chuchotant, bien conscient qu'il n'allait plus être capable de retrouver son chemin seul :
“Excusez mon impolitesse mais je suis dans l'incapacité de retrouver ma loge. Pourriez-vous...„

Quelque chose le fit hésiter de nouveau. Il y avait une sorte d'inexactitude dans la scène qu'il avait devant les yeux. Dans l'attitude de ce serviteur qui lui faisait maintenant face. Dans l'arme qu'il avait en main ainsi que dans la mollesse du corps de l'homme affalé dans son fauteuil. Servis fronça les sourcils, réalisant brusquement le tour sinistre que venait de prendre sa soirée. S'accrochant à son verre, il ne put que déclarer :
“Kaffas.„


Mer 25 Déc 2019 - 22:10

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Is this a dagger which I see before me ?


La foule rugissait toujours de plaisir lorsque, d’un geste souple de la main, l’assassin retira vivement sa lame de la gorge de sa victime. « Une veuve de plus. » Souffla mornement la conscience de l’Orlésien, tandis que, quelques mètres plus bas, débutait – enfin ! – le troisième acte. « Celle-là sera certainement moins chagrinée que les autres. » Hector renifla et, calmement, entreprit d’essuyer le fil rougeâtre de sa dague sur le pourpoint de soie bleue du vieux fauve. « Et maintenant, la dernière pièce… » Et quelle pièce ! N’en déplaise aux antiques marottes, le meurtre était une besogne par trop aisée. La fuite, en revanche, était toujours une affaire autrement plus délicate. « Efficacité. Discrétion. Dignité. » s’évertuait-il à répéter à ses apprentis, comme lui avait psalmodié son maître lors de sa propre formation. « Nous ne sommes pas des bouchers. Nous sommes des spectres ! Et les spectres ne portent pas d’ombres. » Et c’était bien ce qu’il était ce soir. Un fantôme. Un fantôme sous un masque d’albâtre, dissimulé dans les frusques d’un laquais. « J’ai besoin d’une sortie… » Mais laquelle ? Les toits ? Les cuisines ? « Si je fais mine de m’occuper des livraisons, je pourrais peut-être… »

Un frisson parcourut brusquement l’échine de l’assassin – qui s’interrompit subitement dans ses ruminations. Quelque chose… Quelque chose clochait. Une impression de malaise intense, que la voix qui déchira soudainement le silence de la loge, derrière lui, ne fit que confirmer.

« Excusez mon impolitesse mais je suis dans l’incapacité de retrouver ma loge. Pourriez-vous… »


Hector se crispa – à l’instar de ses doigts autour du manche ouvragé de sa dague, qui n’avait (jusqu’alors) pas quitté sa main. Un instant, il hésita : lui fallait-il s’enfuir comme un malpropre ? Bousculer cet inconnu, et disparaître par les toits du Grand Royeaux ? « Je pourrais le tuer. » Songea-t-il fugacement. « Si j’agis assez vite, il ne verra pas le coup venir... » Non ! Non, il n’était pas un boucher. « Le contrat ne mentionnait qu’un seul homme. Et cet homme est mort. » Il déglutit.

Lentement, l’Orlésien tourna ses talons en direction de l’intrus lequel, perché sur le seuil de la loge, semblait guetter, coupe en main, sa réaction. Hector fronça ses sourcils. « Où est son masque ? » songea-t-il bêtement, tandis que, devant lui, l’homme le dévisageait avec intérêt... Trop d’intérêt. « Il sait. »

« Kaffas ! »


L’assassin se raidit. Cette langue. « Un Tévintard… » Sous son masque, l’Orlésien plissa les yeux, hagard. « Pas de bâton ? » Cette constatation lui arracha un froncement de sourcils perplexe. Mais l’heure – le Créateur lui en état témoin – n’était plus aux spéculations. Il lui fallait agir, et vite. « Pas de bain de sang. » lui glissa sa conscience. « Pas de bain de sang. »

« Doucement. » Tonna sombrement l’assassin, d’un ton qui n’invitait aucune réponse. « Je n’ai rien contre toi. Alors ne t’avises pas de jouer aux héros. »


Silence. Debout, près du cadavre désormais tiède de sa victime, Hector jaugea d’un regard acéré l’inconnu… Avant de déporter son attention sur l’élégant vantail qui gardait le seuil de la loge. L’inconnu. La porte. L’inconnu. La porte. L’inconnu…

Une impulsion en avant, et l’assassin se jeta de toute sa force en direction de la sortie.


Ven 27 Déc 2019 - 11:20

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Une voix transperça doucement des ténèbres lui faisant face, depuis cette silhouette monstrueuse formée par l'homme dressé, dague à la main, et par sa victime avachie. Un accent Orlésien digne et posé distilla avec calme quelques consignes, usant d'une intonation sans appel. L'homme, l'assassin, semblait être d'un grand professionnalisme. Pourtant ses mots semblaient dissonants. *Faire le héros ? Par tous les dieux, s'ils existent : mais à quoi bon ?* Le mage ne s'intéressait pas assez à la politique, étrangère d'autant plus, pour s'inquiéter de la mort de cet inconnu. Ou pire : pour vouloir démasquer son assassin. Par instinct, peu choqué par ce qu'il venait de découvrir, et maintenant rassuré par les bonnes intentions du meurtrier à son égard, Crassius aurait souhaité rebrousser chemin, s'effacer de ce seuil et repartir à la quête de sa propre loge. Lui ? Un héros ? Le mage ne put s'empêcher d'afficher un instant un air des plus narquois, mais devant l'incongruité de sa propre attitude, son sourire se fit évanescent.

Puis, provenant par le balcon, de nombreux applaudissements retentirent, rappelant le mage à la réalité. Le théâtre, la foule d'Orlésiens le peuplant, l'homme décédé dans cette loge et lui, un Tévintide, Mage de surcroît, se promenant dans les couloirs, un verre de vin à la main. On l'avait vu quitter sa loge au beau milieu d'un acte. Et quelqu'un avait certainement dû le voir errer à cet étage. Dans sa soudaine paranoïa, Crassius se remémora soudainement la petite vendeuse de tickets, et se mit brusquement craindre un quelconque piège, visant à l'incriminer pour ce meurtre, le muant ainsi en un simple pion sur le grand échiquier politique autour duquel s'affrontait certainement ces deux grands empires rivaux, les deux grandes nations qu'étaient Orlais et Tévinter.

Alors, lorsque l'assassin bougea vivement, s'élançant sur lui, sur la sortie, Crassius ne recula pas. Au contraire, ignorant les recommandations de l'assassin, il étoffa sa silhouette élancée et chercha à lui barrer la route. Il était hors de question que Crassius se laisse accuser comme cela d'un meurtre qu'il n'avait pas commis.
“Oh non non non. Non, non !„

Répéta inconsciemment le tévintide, se préparant à l'impact et contractant ses muscles et en baissant son centre de gravité.

Mer 1 Jan 2020 - 18:15

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Une poignée de mètres : voilà ce qui le séparait, encore, de la sortie. Une ridicule petite poignée de mètres, atteignable en quelques pas, qu'Hector se voyait déjà franchir lorsque, brusquement, sans crier gare, le corps robuste de son indésirable témoin vint s'interposer entre la porte et lui. « Qu'est-ce que... » Se surprit bêtement à penser l'Orlésien, alors que, déjà, s'écrasait son épaule droite contre le flanc de l'homme. Bam ! L'impact – nullement anticipé – déstabilisa lourdement l'assassin, lequel, pieds emmêlés, s'étala piteusement sur le plancher de la loge – non sans entraîner avec lui son incommodant agresseur.
« Merde ! »

Houspilla aigrement Hector, museau crispé et œil mauvais, sous le poids de l'inconnu. D'une secousse, l'Orlésien extirpa l'une de ses jambes de l'emprise de l'homme, tout en cherchant du regard la dague qu'il avait lâché dans sa chute. « Trop loin... » Maugréa intérieurement l'assassin en apercevant la lame, à plusieurs pas devant lui, près de la porte. Son attention se reporta rapidement sur le Tevintide « accroché » à ses basques, et visiblement peu enclin à le laisser s'éclipser sans encombre.
« Abruti. »

Souffla l'Orlésien à voix haute, tout en entreprenant de se dépêtrer des griffes du parasite. Faute de meilleure option, Hector envoya l'un de ses poings heurter le visage de son agresseur... Poing qui acheva sa course dans le nez brusqué de ce dernier. Crac. L'os céda sous la force du choc, dans un désordre de sanquette qui ne manqua pas de tâcher l'uniforme – jadis impeccable – de l'assassin. Ce dernier, quoique mortifié par la souillure venue compromettre sa tenue, profita toutefois de l'occasion pour s'écarter de l'inconnu et, d'un bond, se remit (avec un panache tout relatif) sur ses deux jambes.

« Tire toi. » Lui susurra sa conscience, tandis qu'il se penchait pour ramasser sa lame. Un instant, Hector hésita. Devait-il partir en laissant délibérément ce Tevintide en vie ? Une seconde fois ? « Pas le temps de te salir les mains. Tire toi. Vite ! » Hector renifla et, sans un mot, rangea sa dague dans l'une de ses bottes. « Me le fais pas regretter. » Supplia-t-il intérieurement l'homme, tout en se dirigeant d'un pas rapide à l'extérieur de la loge, dont il s'empressa de refermer soigneusement la porte derrière lui.

Il soupira. Debout, les mains encore posées sur la poignée du vantail, Hector observa d'un œil amer ses chausses tâchées de sang. « Ce fils de putain... » Maugréa-t-il sombrement, conscient que sa couverture (jusqu'alors si bien ficelée !) risquait à tout moment de tomber à l'eau. « J'aurais dû le crever. » Pensa-t-il, avant d'inspirer profondément. Mais l'heure n'était plus aux remords. Il devait s'enfuir. Quitter ce théâtre de malheur. Mettre le plus de distance possible entre le cadavre gisant dans la loge et lui.

Une profonde inspiration, et Hector se mit en chemin le long de l'imposant corridor, désormais bien plus animé qu'il ne l'avait été à son arrivée.


Jeu 2 Jan 2020 - 13:06

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*Il a une dague.* Pensa Servis en attendant le choc. *Couverte du sang d'un total inconnu. S'il me plante, ce sang se mêlera au mien.* Pris par ses trop nombreuses, trop limpides et hygiéniques pensées, Servis n'anticipa pas l'impact. L'épaule de l'assassin heurta violemment son flanc, tirant sur les chaînettes décoratives de sa tenue et coupant pour un temps seulement sa respiration. Le souffle court, Servis bascula en avant, entraîné dans la chute du faux serviteur, mais véritable meurtrier. Il s'étala sur lui et, ne trouvant rien de mieux à faire pour temporiser, chercha à l'écraser de tout son poids. Légèrement paniqué par la tournure des événements, Servis ne parvint pas à penser clairement. Que cherchait-il à faire ? Il n'allait pas attraper cet assassin comme un vulgaire lapereau. Il n'avait personne à qui dénoncer sa conduite : le retenir ne lui servait à rien, sinon à mettre en danger à sa très estimée vie. Non, ce qu'il souhaitait plus que tout à présent, était de prendre la fuite sans attirer l'attention. Et malheureusement, il allait avoir besoin de l'assassin pour cela.

*Je ne vous veux aucun mal !*
Voilà ce qu'aurait aimé déclarer Servis à cet homme, afin d'apaiser la tournure que prenait leur rencontre fortuite. Mais il n'en eut pas le temps : alors qu'il s'était légèrement décalé afin de joindre paroles aux actes, l'assassin profita de ce regain d'espace pour venir frapper violemment le visage du mage. Alors que l'insulte hautement gratuite qu'il lui avait proférée voletait encore quelque part dans le subconscient du mage, Servis s'écroula vers l'arrière, les mains plaquées sur son visage, la vision complètement troublée de points noirs et blancs. Une intolérable douleur l'assaillit alors que ses épaules frappèrent le plancher.
“Bon ? Bon NEZ !„

Sa voix, outrée, trembla légèrement alors qu'il tâtonnait à l'aveugle les ravages qui avaient étés faits à son royal attribut facial. Ce nez busqué était la marque de fabrique des Servis, il se transmettait à coup sûr de génération en génération alors même que le don de magie était lui plus capricieux. Au milieu de sa douleur, les doigts poissés par son propre sang, Crassius sentit son agresseur s'écarter de lui. Devant sa fuite plus que probable, le mage tenta de se reprendre, se redressant douloureusement sur son séant. Tentant d'y voir net, il entendit la porte de la loge se refermer, et la panique menaça de nouveau de le submerger.

Plus perturbé que jamais, Servis se précipita vers la porte de la loge et accrocha sa veste à la poignée par mégarde. Il s'y arracha avec brusquerie et l'abaissa, ouvrant violemment sur le couloir. Mais lorsqu'il passa la porte, il constata avec horreur que les allées n'étaient à présent plus désertes. Avec un sursaut, il s'enferma de nouveau dans la loge, une main tremblante toujours sur la poignée. Il se retourna à moitié, avisa du cadavre toujours avachi dans sa chaise, et de la flaque de sang qui coagulait déjà à ses pieds. Une tache plus discrète s'était également formée là où il s'était écroulé, après que l'assassin lui ait brisé le nez. Une main sur la poignée, l'autre pressant ses narines, Servis se sut coincé : il ne pouvait rester là. Alors, il baissa de nouveau la poignée, doucement cette fois-ci, et se glissa dans l’entrebâillement modéré qu'il appliqua à la porte.

Une fois de nouveau dans le corridor, il s'écarta rapidement de la scène du crime, le haut de son corps courbé en direction du sol, maudissant pour la première fois son corps bien plus grand que la moyenne, attirant malgré lui les regards. Après quelques pas au hasard, le visage tour à tour blême et de douleur et rouge d'effrois, Servis osa lever les yeux. Il chercha à découvrir, parmi les visiteurs, la silhouette de ce faux serviteur. Il le découvrit un peu plus loin, et se mit tout bonnement à courir dans sa direction, perdant tout sang froid.
“Et ! Poi-là ! Attends-boi !„

Cracha-t-il le plus bas possible, une main tendue vers l'avant, vers le dos de ce serviteur, presque invisible parmi les autres.


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