Invité
Crassius envoya une flamme en direction d'une bougie. La mèche s'enflamma, baignant la chambre d'une douce lumière orangée. Il se redressa en grognant, poussant les couvertures : à l'image de cette ville, il lui était impossible de dormir.
Mais la bougie n'éclaira pas sa chambre. Il n'était pas à Minrathie, et il n'y avait même pas de fenêtre dans la modeste cabine qu'il occupait sur ce bateau. Il s'étira et se gratta les côtes du côté gauche, sentant ses os saillants sous ses doigts. Les choses, depuis sa dernière lettre à Dorian Pavus, s'étaient légèrement améliorées : il avait su nouer un contact fortuit mais prometteur avec un magister, et avait finalement réussi à rejoindre une expédition organisée par le collège des antiquités, collège auquel il appartenait. Cette dite expédition s'était déroulée sans encombre, réconfortant Crassius dans son choix de carrière.
Les conditions difficiles de cette expédition avaient affaibli son corps affamé, mais avaient adouci son esprit. Une nuée de corbeaux allaient être envoyés au petit jour porter la bonne nouvelle sur le continent... C'était l'occasion pour Crassius d'enfin répondre à son ami, d'enfin réchauffer quelque peu le froid qu'il sentait grandir entre eux. Il prit place à sa table sommaire, une idée derrière la tête.
Je suis las de ces échanges de lettres de plus en plus impersonnels. Je ne veux pas me disputer avec toi, et je sens que malgré notre passif, nous nous éloignons l'un de l'autre irrémédiablement.
Pourtant, je reste persuadé que nous nous aimons tendrement, si ce mot n'est pas trop fort pour toi. D'un amour fraternel bien sûr, plus fort en mon cas que celui qui m'unit à mon propre frère.
C'est l'irritation que nous accumulons chacun de notre côté qui nous fait délirer. Bien sûr, nous sommes différents, et nous avons des vues divergentes sur bien des sujets. Mais nous ne devons pas laisser ces vues nous éloigner : elles font notre force, elles ont fait qu'au premier jour, nous nous sommes intéressés l'un à l'autre.
Je souhaite m'assurer par moi-même que tu prends soin de toi, et tout particulièrement de cette moustache iconique qui fait toute ta renommée.
Je dois justement rencontrer Aesthia Amladaris à Asariel. Pour une affaire dont je ne te parlerais pas.
Mais je souhaite que toi et moi nous nous nous y rencontrions, pour mettre un terme à ce ressentiment qui croit entre nous.
je t'enverrais un bref courrier pour t'indiquer le lieu où je logerais.
En éspérant t'y voir.
– Inquisition –
Le progrès n'est que l'accomplissement des utopies
9:37 du Dragon
Feat. Crassius Servis
Fidèle correspondance - ☀ ☀ ☀ ☀
Enfin. Après des années de galère, me voilà enfin dans le calme. j'avais loué la chambre d'une auberge pour plusieurs nuits, le temps de reprendre contrôle de mon corps et de mon esprit comme avant, de faire le tri nécessaire. J'avais signalé à Anah que c'était ce que je comptais faire, dans un premier temps car c'était son idée, mais aussi car si elle avait besoin d'aide, elle saurait où me trouver sans que je ne fusse à l'autre bout de l'Empire.
Lors de ma deuxième nuit dans cette auberge, alors que mon corps redécouvrait réellement le sommeil - à peu près -, on frappa à ma porte. Curieux, je me levai assez rapidement afin d'ouvrir, et de tomber sur l'aubergiste. Elle me signala que quelqu'un voulait me voir, et ma surprise ne fut pas grande quand elle évoqua le nom d'Anah. Je lui demandai de la laisser monter, elle hocha de la tête et disparut dans une cage d'escalier. Anah en émergea quelques instants plus tard, souriante, mais surtout une lettre à la main, probablement pour moi. Moi qui m'attendais à quelque chose de grave, de savoir que ce n'était que pour une histoire de lettre eut drastiquement le don de me rassurer.
Elle prit de mes nouvelles et nous discutâmes un certain temps avant qu'elle ne reparte pour la demeure Alexius. Elle allait me manquer, cette brave.
Je me concentrai à présent sur la lettre transmise, et réalisai qu'il s'agissait de Servis. Lui ! encore parmi nous ! Et cette fois-ci avec, semblait-il, de bonnes nouvelles pour lui et sa situation. Je m'empressai de trouver du papier, ma plume et mon encrier pour lui répondre immédiatement. Le revoir était sans doute la plus belle chose qui me serait donné de faire depuis maintenant presque deux ans.
Je crains que tu aies raison. Avec le recul que j’ai maintenant, je réalise que je n’ai pas été très correct dans ma dernière lettre, et je voulais m’en excuser. Ce n’était pas la bonne chose à faire, d’exploser comme je l’ai fait, et de verser toute ma rage du moment sur toi, alors que tu n’avais pas demandé grand-chose.
Actuellement, j’ai quitté Asariel. C’en était venu à un point où Alexius m’ignorait complètement alors que nous étions dans la même pièce. Et quand il ne m’ignorait pas, c’était pour que je ramasse sa frustration. Donc je suis parti, avec le regret d’abandonner Félix. Je lui souhaite que la situation s’améliore pour lui.
Rassure-toi, je ne suis pas non plus très loin d’Asariel, je suis parti l’avant-veille ; maintenant, je suis simplement dans une auberge, où je passe la nuit - où je dors enfin plus sereinement. Je peux revenir pour te voir là-bas sans souci, voire rentrer avec toi à Minrathie également - c’est de toute façon là-bas où je me rends, je ne sais pas si c’est également ton cas, mais nous aurons l’occasion d’en discuter face-à-face.
J’espère que tu vas bien, l’ami, surtout par rapport à la précédente prise de tête que nous avions eue. Tu semblais vraiment au plus mal, et je dois dire que j’aurais pu mieux te répondre, ou être simplement plus utile comme ami. Je ne referai pas cette erreur deux fois.
Je me réjouis d’enfin te revoir, après autant de temps.
Ton ami, Dorian
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