Dead men tell no tales. Actually... (PV Dorian)

◊ Non pas encore. J'ai quelques petites affaires à régler et je ne souhaite pas qu'ils sachent que je sois en vie.

Je trouvais la chose fort douloureuse pour les gardes concernés – surtout en repensant au Commandeur orlésien actuel –, mais si ses « petites affaires à régler » lui demandaient de la discrétion, c’était une bien bonne idée. Tullia poursuivit tout de même sur sa lancée, sentant le besoin de s’expliquer.

◊ Tu vas sans doute me trouver cruelle, mais en un sens c'est une opportunité pour mes hommes de s'affirmer sans moi et surtout pour Léopold. Il manque d'assurance, et passer quelques mois à devoir assumer cette fonction lui fera le plus grand bien. C'est bien son genre de broyer du noire, mais il doit quand même être bien content de ne plus avoir un monstre tel que moi pour le trainer par la patte dans des situations pas possibles, ha ha ha !

J’eus un sourire léger à imaginer la scène. Je me sentais heureux à l’origine de ne pas à m’être fait traîner dans tous les sens par les folies de Tullia, et de concevoir qu’elle ait pu emmener le pauvre Léopold sur le chemin de l’enfer m’amusait.

◊ Eh bien, ça promet.
◊ En tout cas, promet moi de ne rien leur dire. Je compte faire ma propre rentrée théâtrale et les tester un peu. De plus, le chemin est loin d'être facile d'ici à Térébinthe, surtout que je dois passer par Dénérim et Fort Bastel. On ne sait jamais ce qu'il peut se passer sur la route.

Aller à Dénérim ? Je serrai des dents par réflexe. Il me faudrait bien y aller un jour, pour aller de l’avant vis-à-vis de Wulf. Mais en un sens elle avait raison : la mort pouvait la trouver n’importe où et n’importe quand. Je hochai de la tête en signe de compréhension.

◊ Ne t’en fais pas, ça reste entre nous, et l’information est en sûreté avec moi, sache-le.

Mais quelque chose ne collait pas : Tullia était venue ici sous déguisement, ne désirait être reconnue par personne, sauf quelques rares qui devaient garder le secret. Je regardai Tullia, les sourcils froncés, et davantage moins dans l’émotionnel par rapport à avant.

◊ Sinon .. j’imagine que tu ne t’es pas donné tant de mal simplement pour me saluer : tu as quelque chose à faire, à Fort-Céleste ? Tu as besoin d’un coup de main pour y parvenir ?

L’idée qu’elle avait besoin de me demander un service me parut finalement logique, mais à voir ce qu’elle me répondrait : je pouvais également me tromper, après tout.

Le sourire quelque part énigmatique de Tullia ne me disait une fois de plus rien qui vaille. Mais j’attendis tout de même sa réponse, qui ne tarda nullement.

◊ Mh... Techniquement je suis vraiment venue pour dire bonjour, ha ha ha !
◊ Ah.

Je ravalai un rire amusé et confus, balayant le reste de la tour du regard avant de le reposer sur ses épaules.

◊ Charmé.
◊ Mais je voulais aussi vérifier de mes propres yeux comment l'Inquisition avait pu évoluer depuis la dernière fois que je suis venue. On a beau dire, mais les centres de commandements sont de bons indicateurs de l'état de santé d'une organisation. Cela va peut être te paraitre étrange, mais avant de partir je considérais l'Inquisition comme une danger pour les Gardes d'Orlaïs, d'où notre départ précipité et en toute discrétion. Maintenant les choses ont un peu évolé, et ce que j'ai pu voir m'a un peu rassuré et j'ai pu vérifier certaines choses... Mais il m'en reste une encore que j'aimerais bien voir avant de partir.

Je hochai de la tête lors de sa réelle explication, les bras croisés. La méfiance en ces temps troublés était légitime : moi-même, je me retrouvai à devoir me méfier de mes amis de l’empire, dans l’optique où la quasi majorité avait rejoint les Venatori. Je soufflai du nez à cette seule pensée, mais ne manquai aucune miette de la prochaine affirmation de cette folle amie en face de moi.

◊ Avant de partir pour les Tréfonds j'avais envoyé une lettre à Cullen, ou à l'Inquisitrice je ne sais plus, concernant une action commune à la Porte du Ponant. J'aimerais que les Gardes des Ombres retournent là où il y a des engeances, en reprenant un fort en ruine là bas par exemple, mais la présence encore nombreuse des Adeptes rend la chose... compliquée. Je ne sais pas s'il a répondu entre temps à Léopold, mais j'aurais voulu savoir si cette proposition l'intéressait ou non. Après tout, ça reste gagnant-gagnant ~....
◊ La Porte du Ponant ? Je n’ai pas entendu parler d’une telle affaire, en tout cas ..

Naturellement, j’étais un compagnon d’armes de l’Inquisitrice, mais je n’étais pas un très proche conseiller comme le Commandant, Dame Montilyet ou Léliana. Je hochai des épaules, réfléchissant à ce qui pouvait être le mieux à faire.

◊ Quitte à être là Tullia, pourquoi ne pas lui demander directement ? Ce n’est pas tous les jours que tu passes ici, après tout .. Et le Commandant ne sort pas si souvent que cela de ces quatre murs.

Il passait essentiellement son temps noyé dans la paperasse. Il devrait songer à engager une secrétaire pour l’aider, tout de même. Mais bon, ce n’étaient pas mes affaires. J’indiquai du pouce la direction relative de son bureau.

◊ Tu peux remettre ton déguisement brièvement et je t’y amène, histoire de mettre cette affaire sur la table.

Des Venatoris à la Porte du Ponant .. que pourraient-ils bien y faire ? Que pourraient-ils y chercher ? La curiosité prenait toujours plus le pas sur ma personne, mais le sujet des Venatoris était assez ma priorité en ce moment.  

Ma proposition réjouit Tullia, chose constatable de par sa réaction, cette lueur baignant son visage, et ses gestes les plus divers. Le tout sans oublier, évidemment, sa réponse autant spontanée qu’enthousiaste.

◊ Hoooo..... une telle invitation, ça ne se refuse pas ! Et je me demande la tête qu'il va faire en voyant que je suis encore en vie, fu fu fu ~...
◊ On peut lancer les paris, je mise sur son expression phare, le « Ô Créateur qu’ai-je fait pour mériter ça ? »

J’émis un petit ricanement, avant de gentiment débuter mon chemin en direction du bureau du commandant. Une fois près de la porte, je pivotai pour revoir mon amie encapuchonnée et avec un semblant de neutralité sur son visage. Il fallait l’admettre, elle se débrouillait assez bien dans son rôle.

◊ Alors, prête ?
◊ C'est bon, nous pouvons y aller. Par contre je préfère lors de cette rencontre qu'il n'y ait que Cullen et toi. Je n'ai pas envie que le bruit court aussi rapidement que je suis de retour. Les soldats, se sont de vraies commères.

Je hochai de la tête. Evidemment, elle avait sûrement des choses à faire, cela allait de soi.

◊ Je comprends. Ne t’en fais pas, je m’assurerai que nous ne soyons que les trois, quitte à irriter le commandant si nécessaire.

S’il y avait bien une chose que je détestais, c’étaient les fouineurs, et je n’avais aucun doute à en croiser dans son foutu bureau inondé de paperasses. Je soupirai, avant d’enrouler mon bras autour de celui de Tullia, pour nous mettre en route.

◊ Allons-y, ne traînons pas. Heureusement, ce n’est pas si loin d’ici.

Heureusement, oui. Je ne me serais pas vu traverser tout le fort en compagnie d’une apaisée sans attirer les regards les plus curieux.

Nous quittâmes donc la tour en ruines sans un mot. Je n’avais pas franchement envie de dire quoi que ce soit, focalisé sur ce que j’avais à faire. Mon pas était encore assez naturel, quoique pressé, pressé d’arriver là-bas et de savoir ce qui se passait dans ce foutu endroit. La Porte du Ponant ? Pourquoi en n’avais-je jamais entendu parler ? Pas que j’étais la référence pour les plans et stratégies – quoique –, mais il n’était pas difficile de les connaître via les rumeurs du fort.

Après avoir traversé les remparts, sans, étrangement, croiser tant de gens que cela, nous voilà devant la porte de son refuge, de sa caverne. Je m’arrêtai net devant l’entrée encore fermée, soudainement nerveux. J’inspirai, j’expirai. Puis, je frappai à sa porte avec énergie et force, histoire qu’il ne me loupe pas.

◊ Commandant Rutherford ? Vous n’allez pas me croire, mais c’est important.

Je préférai la jouer diplomatique et ne pas ouvrir librement la porte. Il allait sûrement exaspérer en avance, ou simplement ne pas nous écouter, ce que je redoutais. J’espérais seulement qu’il fût là, et disponible – mais surtout, avec les réponses à mes innombrables questions depuis la mention de ces lettres.

Comme anticipé, le commandant ne semblait clairement pas de bon poil, allez savoir pourquoi. Certains disaient qu’il n’était pas au top de sa forme parce que sa « donzelle » serait partie de Fort Céleste pour une mission. Bien que je trouvais cette rumeur fort niaise et romantique, cela m’étonnerait de la part du commandant : il devait simplement crouler sous les mauvaises nouvelles. On avait tous ce genre de périodes dans la vie, ce n’était pas une amourette supposée qui causerait le plus de dégâts.

◊ Bon, hé bien je vous remercie. Vous pouvez disposer, Harding. Vous partirez en fin de semaine. Pavus, entrez. Et par pitié, faites-vite.

Je saluai Harding d’un hochement de tête lorsqu’elle arriva à ma hauteur, et j’entrai dans son bureau avec souplesse, prenant garde à bien fermer la porte derrière Tullia.

◊ C’est toujours un plaisir—
◊ Je vois que vous êtes toujours aussi aimable dans votre tour qu'une princesse troll dans sa grotte d'ivoire...

J’adressai un regard à Tullia, puis un vers Rutherford, dont le visage se décomposa de désespoir à l’entente de cette seule voix. Je croisai des bras, attendant que leurs joyeuses retrouvailles se fassent. Je me réservai le droit d’être, pour une fois, celui qui s’assurerait qu’aucun temps n’était gaspillé lors de cette échange malgré tout : vu la montagne de paperasse, et connaissant le commandant, il valait mieux la jouer fine et structurée.

◊ Bonjour Commandant Rutherford, ça fait un bail non ? Devinez quoi, je suis pas morte finalement ! Chance, non ? Fu fu fu fu ~...
◊ En effet. Bravo. Vous n’êtes pas morte.

Son air désabusé ne manqua pas de me faire sourire : il sonnait réellement comme quelqu’un qui avait tout vu dans son existence, au point que le retour d’une morte n’était pas plus impressionnant qu’une chute à cheval. Mais le commandant, malgré tout, enchaîna assez rapidement.

◊ Bon. J’imagine que vous n’êtes pas là pour me faire perdre mon temps. Que me voulez-vous ? 
◊ Tullia a fait mention de missives et de rapports qu’elle aurait envoyé à l’Inquisition. Le tout faisait référence à la présence organisée de Venatoris dans la Porte du Ponant, et elle proposait de nous en occuper, avec l’aide de la garde orlésienne. Elle est venue s’assurer que le message était bien passé, je me suis dit que vous en sauriez plus que moi sur le sujet, commandant.

Puis, je haussai nonchalamment des épaules, conscient que de rappeler à son commandant comment faire son travail était vexant, et que je me mêlais de quelque chose qui ne me regardait strictement pas. Mais bon, si Tullia était venue jusqu’ici pour nous poser la question, je trouvais légitime de faire quelques vexées.

◊ Loin de moi l’envie de vous dire comment faire votre travail, commandant, j’ai seulement l’impression qu’il s’agit de quelque chose d’important.

Suite à cela, je croisai des bras, mon regard toujours posé sur le commandant. Je devinais déjà la suite des événements : Cullen allait dire soit « Oui on s’en occupe, maintenant sortez de mon bureau », soit « On n’a pas encore eu le temps de se pencher là-dessus, maintenant sortez de mon bureau ». Décidément, quelle aimable personne. Mais au moins, ce serait rapide.