Une bonne bouteille et un bon repas ou l'art de savoir négocier [PV Servis]

Une bonne bouteille et un bon repas ou l'art de savoir négocier
Fort heureusement, Servis ne sembla pas prendre Crista pour une folle. Il fallait dire aussi que là, elle était au minimum de ses capacités. Elle n’était pas encore passée auprès de lui pour une pyromane ou pire, il ne l’avait pas vu en train de travailler dans son atelier avec ses airs de savant fou et pour sûr, ça avait quelque chose d’assez effrayant, au point où son père lui avait interdit de jouer avec du lyrium brut, juste au cas où. Mais le mage comprenait ce qu’elle essayait de lui dire, il saisissait cette passion qu’elle voulait lui faire part, peut-être un peu maladroitement. Ça lui fit plaisir à la naine. Elle se redressa tout en lâchant un petit ‘’ouf’’ de soulagement en posant sa main sur son cœur. Elle ne voulait pas faire peur aux gens, ce n’était pas son but.

La rouquine sourit tout en écoutant Crassius parler à son tour de ce qui le passionnait. Elle rit même un peu lorsqu’il aborda l’histoire avec son frère aîné. Elle-même était plutôt du genre à jouer ce mauvais tour à son petit-frère Thran, même encore aujourd’hui bien qu’elle soit censée être une adulte responsable. Crista pouvait se montrer étonnamment mauvaise avec son cadet et il lui rendait bien, de vrais enfants. Elle appréciait sincèrement cette discussion qu’elle avait avec le tévintide. C’était agréable pour une fois de ne pas se sentir jugée et elle n’avait aucunement l’intention de le juger lui, au moment où il mit de vrais mots sur ce qu’il aimait vraiment. « Ahah non vraiment, vous aussi vous êtes un peu cinglé en fait ! Ah non, fantasque je voulais dire, pardon. » Plaisanta-t-elle. Bien évidemment elle n’en pendait pas un mot. « On dirait que nous nous accordons plutôt bien, non ? C'est plutôt une bonne nouvelle si nous devons travailler ensemble. » Oui, c'en était une. Crista avait déjà travaillé avec des gens avec qui le courant passait difficilement, voire pas du tout. Elle restait professionnelle, parce qu'un travail est un travail mais elle devait avouer que ce n'était jamais très agréable. Mais à cet instant, elle se réjouissait d'avance de travailler avec le mage tévintide. Elle aimait beaucoup ce style et cette présence qu'il avait, son bon goût, ainsi que sa façon de voir les choses. Jusqu'à présent Crassius avait parfaitement réussi à charmer la petit rousse, bien que ce ne soit pas une chose très difficile à réaliser, néanmoins il pouvait s'en féliciter quand même. « D'ailleurs en parlant de travail, quelle genre de fouille ou recherche vous menez en ce moment pour que vous ayez besoin de mes services ? Je dois dire que votre lettre à réellement attisé ma curiosité. » D'une gorgée, Crista termina son verre de vin et se permis de resservir une fois encore son interlocuteur puis elle-même jusqu'à terminer pour de bon la bouteille. Elle venait de terminer son assiette, la naine avait pris la mauvaise habitude de manger vite et le canard était si bon... « Vous voulez boire autre chose pour le dessert ? » Demanda-t-elle, affichant un sourire malicieux et un regard plein de défit. « Enfin si vous avez peur d'avoir la tête qui tourne un peu trop, je comprendrais. » La naine en oubliait presque qu'elle n'était pas dans une taverne populaire féreldienne.


Crista parle en #ff6666

Ses mots avaient dépassé sa pensée. Ou pire peut-être : ils l’avaient égalé. Servis rougit lorsqu'il réalisa la teneur des mots qui venaient de franchir ses lèvres. Il rougit : un fait assez rare pour être souligné. Si la naine s’était inquiété de passer pour une folle, le mage n’avait lui aucun doute quant à l’image dont il venait lui-même de se revêtir : celle d’un maniaque, voire d’un fou dangereux. Ses yeux se rivèrent sur son verre. Se pouvait-il qu’il ait déjà trop bu ? Non, impossible, il n’avait pris qu’un verre d’alcool… Et le vin ne comptait pas. Il se maudit, blâma les mots qui lui venaient toujours en grappes pour couler plus fluides que l’éther sous sa langue. Un instant il envisagea une défense : celle de rejeter le poids de ses mots sur une simple erreur de traduction. Après tout, la langue des rois n’était pas sa langue maternelle, peut-être cette excuse pouvait-elle être crédible... Mais la naine réagit avant qu’il n’ait eu le temps de fomenter sa stratégie. Si son ton était léger, ses mots résonnèrent plus puissamment qu’un coup porté contre sa tempe. Cinglé. Fantasque. Des mots qu’on ne lui avait jusque-là jamais adressés. Des mots qui lui firent un peu mal, il fallait bien l’avouer.

Chuchota-t-il tout en fixant toujours son verre, mais déjà Crista reprenait la parole. Elle se joignit à lui, lui signifiant qu’ils étaient en un sens similaires. Des cinglés. Alors le visage de Servis perdit son léger voile rouge : dans la bouche de Crista, ce mot si fort ne devait pas revêtir le sens que lui donnait le Tévintide. Des cinglés, il en courait les rues par chez lui. Jamais il n’aurait pensé faire partie de leur bande, avec son obsession innocente pour la poussière. D’autres avaient des penchants bien plus sombres. Des penchants pour la chaire, le sang, ou la domination... Tout en chassant cette idée de son esprit, Servis sourit.

La naine semblait toujours détendue. Elle avait d’ailleurs fini son assiette. Le mage l’imita, accélérant ses bouchées. Le canard commençait déjà à refroidir, perdant au passage certaines subtilités de ses saveurs. Il n’avait que trop tardé. Naturellement, elle le questionna sur ses recherches, prouvant qu'elle était parfaitement à sa place dans son rôle de négociatrice. Si Crista semblait joyeuse, joviale et amical, elle n’en restait pas moins maître artificier. Son savoir-faire, ainsi que son nom, devait être très demandé. Cette fois, il prit le temps de réfléchir à sa réponse. Il la composa dans son esprit comme il aurait composé une lettre, une plume mentale et légère traçant des lignes régulières. Il pesa chaque information à donner, s’interrogeant sur leur utilité, se demandant si elles ne le compromettaient pas un peu. Certes, il s’agissait de son projet, mais tout le mérite de ses découvertes en reviendrait aux venatori. Et par extension à Coryphéus. Tout ? Pas fatalement, cela dépendrait de ce qu’il parviendrait à dissimuler, à extraire des registres. À monnayer sous le manteau.

Il la remercia lorsqu’elle lui remplit de nouveau son verre, avant de poursuivre, pensivement.

Son information n’eut pas l’air de la choquer : elle finissait son verre d’une seule gorgée. À peine son verre avait-il retrouvé la table que déjà la naine semblait en vouloir plus : elle lui proposa immédiatement de commander une nouvelle tournée.

Une naine était toujours bien accueillie dans sa ville, où le vin coulait toujours à flot. Mais peut-être l'y inviterait-il, si leur collaboration se passait bien. Et si toute cette histoire de guerre ne dégénérait pas.

Il songea avec délice à la chambre qu’il s’était réservée plus tôt, où son bâton l’attendait sagement. Il pourrait toujours se reposer avant de reprendre la route. Seul son dracolisks pourrait le juger.
Le serveur se présenta de nouveau à leur table, pour débarrasser leurs assiettes. Servis lui signifia qu'ils prendraient des desserts. Il tourna ensuite son regard en direction de Crista. La jeune naine conservait ce même regard pétillant qui semblait parler pour son estomac. Ils commandèrent donc, et la suite du repas se poursuivit avec fluidité. Jamais Servis n'avait discuté aussi agréablement avec un rendez-vous d'affaire.
Ainsi, une fois le repas terminé et le coin de leurs lèvres essuyé du bout de leur serviette, il fut presque déçu de devoir attaquer les négociation. Sa carte déroulé sur la table, il expliqua les points techniques importants à la naine, et convinrent enfin de la teneur de leur contrat.