Le Deal du moment : -39%
Pack Home Cinéma Magnat Monitor : Ampli DENON ...
Voir le deal
1190 €

Jeu 21 Mai 2020 - 21:25

Ashleigh
Ashleigh

 

Messages : 394

Apaiser les âmes





9:38 du Dragon
Feat. Cordélia Trevelyan
Précieuse et tendre nièce - ☀ ☀ ☀ ☀


Je savais ce que j’avais à faire, maintenant. Il m’avait fallu un temps pour réfléchir, un temps d’obscurité, de cauchemardesques hallucinations, de rage sans fin. Mais désormais, tout me paraissait à peu près clair. Même si j’en voulais encore grandement à mon frère de m’avoir vendu ainsi, et donc d’avoir foutu ma vie entière en l’air, je pouvais encore faire une bonne action, quelque chose que j’aurais dû accomplir il y a fort longtemps.

Mes pieds n’avaient pas foulé Ostwick depuis si longtemps. Je reconnaissais encore certains coins de cette ville qui m’avait vu naître, grandir et fuir. Mais je n’allais pas fuir, cette fois. Je serrai des dents, alors que la familiarité des lieux laissait en mon cœur cette douleur et cette mélancolie. Je n’étais pas exactement repassé par là quand j’étais venu m’en prendre à Emmett, j’avais même éviter la cité au mieux afin d’éviter ce pincement au cœur. Tout semblait pareil, autant que différent. La nuit n’était pas encore tombée, les gens commençaient à rentrer de leur labeur quotidien. Rien ne semblait avoir changé à Ostwick, malgré tous les événements récemment survenus en Thédas. C’était probablement mieux ainsi.

A chaque endroit où mon regard distrait se posait, je revoyais mes escapades avec Emmett ou Solange, nos entraînements parfois, ou des situations simplement idiotes, mais bon, nous étions jeunes. Il me fallait laisser ce bagage derrière moi. Il le fallait absolument.

La nuit tombait enfin sur cette douloureuse ville. Je m’approchai de cet enfer qui changea ma vie, qui forgea mon être, mon dégoût, mon isolement, ma haine, mon désespoir. Oh oui, un jour cet enfer brûlera.

Le Cercle d’Ostwick. Rien qu’à sa vue, je sentis mon corps se tendre, mes poings se serrer, mon regard s’assombrir. Mais je n’allais pas me laisser dominer par ces émotions ridicules, quoique justifiées : il me fallait me rappeler de ce passage que nous prenions toujours tous les deux.

Je profitai d’une cachette pour compléter ma tenue de cette du déicide, de son masque blanc et neutre, de cacher ma chevelure traitresse en de tels lieux familiers. Mes mains tremblaient déjà, mais je devais le faire ; j’allais le faire, la sauver, me sauver. Je retrouvai le passage secret que nous empruntions. Surprenant à quel point ce Cercle possédait autant de failles, et pourtant était encore là.

Discrètement, je m’avançai dans cet étroit tunnel, ne pouvant me mouvoir autrement qu’en rampant. Elle devait encore y être ; ce passage menait à une bibliothèque, sévèrement censurée et petite au point que déjà à cette époque, cela me semblait si ridicule. Ma foi, la connaissance était le pouvoir : à les limiter sur ce qu’ils pouvaient savoir, ils seraient moins inoffensifs.

Alors que je m’approchai enfin du bout de ce tunnel, je m’arrêtai, collant mes mains contre la paroi devant moi ; une paroi de pierres. Cette dernière était cependant branlante, chose qui me rassura : ils n’avaient pas encore mis la main sur ce passage. Cela m’étonnait cependant ; elle aurait pu leur en toucher un mot, dans son état, mais non. Avec douceur, j’attrapai du bout des doigts une pierre assez grosse et assez centrale à cette entrée cachée. Après un certain temps de minutieux labeur, elle commença à glisser gentiment vers moi, rencontrant le reste de mes doigts, puis la paume de mes mains, avant de se faire poser sur le côté. Je fis de même avec le reste, rassuré de toujours voir la bibliothèque de bois à une certaine distance de l’entrée, comme à l’époque, suffisamment pour cacher et suffisamment pour passer. N’étant pas un gros bourrin en armure de plates, je pourrais passer sans aucun souci.

Mais la prudence était de mise : je ne pouvais pas me permettre de me faire prendre avant d’accomplir mon devoir, ma justice. J’attendis donc dans mon ombre, derrière ce meuble boisé, conscient que je pourrais me faire prendre à n’importe quel moment. J’entendis cependant des pas dans la salle ; mon sang se glaça sans réellement prévenir, alors que je restais terré dans mon trou, à attendre. Une petite lueur se promenait dans la salle, et vu le silence de cette présence, il ne devait y avoir personne d’autres. C’était peut-être elle ; elle était beaucoup dans le style de veiller très tard dans la bibliothèque, épluchant chaque page de cet endroit avec un certain plaisir. Le genre de fatalité qu’elle reçut n’ôtait pas les mauvaises habitudes, j’en étais certain.

J’entendis un objet métallique se poser sur un meuble, un siège grincer ; si l’endroit n’avait pas changé l’agencement des meubles, ce devait être ce même bureau, bien en face de ma position, m’offrant, si je le voyais, le dos de la personne l’occupant. Je retins mon souffle à nouveau, et commençai à bouger, à sortir de ma cachette.

Guettant autour de moi, caché et collé contre ce vieux meuble boisé, je tentai de déchiffrer la personne qui se trouvait dans cette même pièce. En effet, il n’y avait personne d’autre, et ce calme ne me rassurait pas. Mon cœur accélérait son pas de danse, tandis que mon regard repérait la porte, lourde et encore ouverte. Si je voulais une chance, je devais la fermer avant que la silhouette assise ne quitte la pièce.

Etant sur le point de partir fermer cette porte, j’entendis la chaise grincer à nouveau ; je retins mon souffle et me réfugiai davantage derrière la grosse bibliothèque. Les pas se dirigeaient vers moi, leur bruit s’amplifiait malgré leur discrétion légère. Je me penchai à nouveau vers le bord de l’imposant meuble, cherchant à voir son visage. Et je l’aperçus, le regard vert, la chevelure longue, noire et lisse – grisonnante un peu, désormais –, les légères rides pointant au cœur des traits familiers de son visage. La brûlure sur son front. J’en avais vu assez. J’en avais trop vu. Je me repliai une fois de plus.

Quand les pas s’éloignèrent à nouveau de ma position, j’assemblai mon courage pour fermer cette maudite porte. Je me déplaçai à pas de loup, remerciant la pièce d’être mal éclairée, et une fois près de la porte, l’attirai à moi dans le but de la fermer. Un coup sec, tout en réceptionnant l’arrivée au mieux pour qu’elle ne grince pas trop. J’avais sauvé les meubles, chose que je jugeais impossible avec une telle porte. Le bruit de fermeture cependant résonnait quelque peu, comme toute vieille porte. Je n’aurais que peu de temps entre mon devoir et ma sortie.

J’entendis un souffle après que la porte fut enfin fermée ; en posant mes yeux sur elle, je réalisai que sa tête était toute tournée vers ma personne. Il était temps, Reece. Temps de faire ce que tu aurais dû faire il y a vingt ans de cela.

Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ?
Attends, attends .. s’il te plait, attends.

Le plat de sa voix me serra le cœur plus qu’il ne l’était déjà. D’une main ma foi tremblante, je retirai mon masque. Je lui devais un visage, la vérité. D’un pas relativement assuré, je m’approchai lentement d’elle.

Tu me connais, Alda. Ce .. Cela fait longtemps, c’est vrai, mais .. c’est moi, c’est Reece.
Reece .. ? .. Reece ..

Elle semblait moins sur ses gardes, pas autant que moi. Rien que d’avoir prononcé son nom fut une douleur pénible ; d’avoir prononcé mon propre prénom de jadis fut une douleur pénible. Alda se leva cependant, s’approchant de moi sans la moindre réaction sur son visage, comme si elle parlait à un étranger – un étranger qu’elle connaissait.

Oui, je me souviens de toi, Reece. Tu as tellement changé, et je te pensais mort. Que s’est-il passé ?
Ecoute Alda, je n’ai pas beaucoup de temps, d’accord ? J’ai besoin de ton attention et de ton calme .. bon, ce point ne sera pas compliqué, il faut dire.

J’avais l’impression d’halluciner, encore. Je m’étais bien forcé de ne pas fumer avant de venir, même si je sentais cette envie dans un coin de mon crâne. Enfin à sa hauteur, je lui attrapai les mains. Tout me paraissait si étrange, si biscornu contrairement à mes souvenirs. Mais c’était normal. Elle n’allait pas pleurer de joie en me revoyant, sauter à mon cou, me couvrir de baisers, me frapper la tête pour l’avoir laissée sans nouvelle autant longtemps. Cette part d’Alda s’était envolée, et elle s’était envolée à cause de moi. Je fermai les yeux un instant et respirai longuement, comme pour me donner de la vigueur.

Je voulais que tu saches que je suis vraiment désolé. Je sais que tu as dû subir tout ça en conséquence de mes propres actions. Le subir, et vivre avec tous les jours. Et je t’ai abandonnée ici à ton triste sort. C’est .. difficile de vivre avec ce poids sur mon cœur, et crois-moi ça fait longtemps que j’essaie.

Alda me regardait sans réellement comprendre. Dans mes hallucinations, son regard me semblait plus implacable, plus sombre, comme une émanation de son esprit, comme si, si elle le pouvait, elle me noierait dans sa colère la plus noire. Je sentais cependant les larmes rouler le long de mes joues, larmes que je retenais depuis autant de temps. Malgré tout, je sentis ses doigts, fins et délicats, les essuyer machinalement.

Ne pleure pas, tendre Reece. C’était ma faute. J’ai simplement payé le prix de croire que je pouvais éprouver des sentiments envers un templier. Tu ne devrais pas te mettre dans de tels états pour moi.
Tu .. tu as raison. Je ne devrais pas.

Je tentai de me raffermir. Je devais faire vite. Ne pas oublier le temps. Je glissai ma main vers Modeste, avant de commencer à la tirer de son fourreau lentement. Alda me regardait sans comprendre, une fois de plus.

J’ai décidé de réparer mes erreurs. De nous sortir de cet éternel tourment. Je suis venu te sauver, Alda, de cette prison qu’est devenu ton corps meurtri.

D’un coup sec, j’avais dégainé ma lame, avancé d’un bon pas, plaqué ma main sur sa bouche et avait planté ma lame dans sa gorge. Ses yeux s’agrandissaient, et ce tableau m’emplissait d’une soudaine angoisse, d’une terreur inimaginable. Tout s’était passé si vite .. mais il le fallait. Le temps allait manquer, le temps que certains templiers se rendent compte que la porte s’était étrangement refermée, de la conversation, ou allez savoir quoi. Je retirai ma lame une fois que la douce Alda fut immobile, puis l’allongeai à même le sol. J’essuyai ma lame pleine de sang, avant d’essuyer mon visage plein de larmes. Que venait-il de se passer ? Était-ce la chose à faire ? Seul le temps me le dirait.

Je te retrouverai de l'autre côté, tendre Alda ..


Permission de ce forum:

Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum