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Pauvre âme en perdition
9:42 du Dragon
Feat. Théo(dore) Camillus
Pas encore défini - ■
Le vent doux et marin de l’après-midi s’était levé sur Minrathie, effleurant la grandeur toujours plus effritée de cette cité ancestrale. Comme il me plaisait, en une ainsi belle journée, mais surtout quand mon temps me l’accordait, de traverser cette cité pour aller plus au sud, plus loin de l’imposante – et glorieuse – Flèche d’Argent ou du Cercle le plus ancien de tout Thédas, plus loin de l’univers Altus parfois étouffant.
Près de la mer, au sud de Minrathie donc, se trouvait cette splendide et imposante chantrie, sans cesse inondée de fleurs ou de plantes diverses qui se mêlaient à l’antique architecture issue de ma chère et tendre civilisation. Comme il me plaisait d’en passer la lourde porte en bois, d’être accueilli d’une honorable courbette – courbette répondue de ma noble part par un hochement de tête solennel. Comme il me plaisait de contribuer, en arrosant une partie de ces si belles fleurs, à ce bijou architectural – de cette cité que je trouvais laide par instants –, de respirer le doux parfum qui s’y dégageait et, comme à chaque instant où ma personne pénétrait les lieux, faire le point avec les responsables de cette Chantrie sur les éventuelles informations obtenues tout au long de cette journée.
Si ce magnifique endroit était mon préféré de toute la ville, après la Flèche d’Argent évidemment, c’était pour son confessionnal. Deux portes en bois dans une structure richement sculptée, une pour celui qui écoute, une pour l’âme en peine cherchant à tâtons le chemin de la rédemption et du pardon. De chaque côté se trouvait, incrusté dans la paroi du fond, un banc pour s’asseoir, et le milieu du confessionnal se voyait séparé d’une paroi en bois contenant une petite ouverture, cachée par un rideau richement brodé. Le frère avec qui je faisais le point venait justement de sortir du confessionnal, lessivé par le peu qui avait comblé sa journée. Il fallait dire que de rester assis durant des heures à ne rien faire, pour attendre simplement la venue d’un interlocuteur, ce n’était pas évident pour tout le monde. Je lui souris, et pris sa place, l’espace d’un certain temps. Il me plaisait également de m’essayer à cet exercice peu commun : écouter l’âme en peine, et guider l’âme en peine.
 
Que s’était-il passé dans les ruelles de la ville pour mériter une telle punition ? Rien de bien méchant, quelques altercations et de jolies rencontres. Des rencontres plutôt mortelles. Il se souvient encore de comment cet Oratius avait… Non, il ne valait mieux ne pas l’évoquer, il se sentait encore un peu malade rien qu’en y pensant. Pourquoi le monde devait-il être ainsi ? Pourquoi le Créateur devait être aussi cruel ?
Théo voulait sortir, trouver des réponses, oublier ces récents événement. « Va à la chantrie, te faire pardonner de tes erreurs » lui avait dit Cornelia en le voyant sortir, avant d’ajouter ceci : « Sois utile, et prie pour que Théodore aille bien ». Alors Théo est sorti de la résidence des Camillus pour se rendre à la chantrie. Visiblement, on n’avait pas besoin de lui ailleurs. Cela tombait à pic, il pourrait peut-être y obtenir quelques réponses.
La chantrie impériale se trouvait au sud de Minrathie, près de la mer. Les fleurs et plantes qui poussaient dans la région s’ordonnaient librement. Elles avaient toutes cet air sauvage et vives, semblable à ce qu’on pouvait voir dans le village de son enfance. Elles ne ressemblaient pas aux plantes qu’on trouvait dans le quartier de la villa Camillus, qui étaient bien alignés les unes par rapport aux autres. Ces dernières étaient tellement bien soignées qu’on pourrait les confondre avec du tissu.
Théo entra dans le bâtiment en poussant les imposantes portes de bois. Indésirable, on l’avait peut-être refoulé dans la chantrie, mais ce lieu était joli et agréable. Il s’inclina, saluant les prêtres présents, avant de se rendre dans le confessionnal. Il ouvrit la porte doucement, ayant trop peur de l’abîmer – ce n’était pas une œuvre d’art, pourquoi y avait-on sculpté des ornements aussi délicats ? –, puis s’assit sur le banc en faisant face au rideau.
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Pauvre âme en perdition
9:42 du Dragon
Feat. Théo(dore) Camillus
Jeune âme désorientée - ■
Les minutes passaient, minutes que je consacrais à mon temps de prière. L’avantage de cette place était que le silence s’y installait mieux, silence propice au dialogue avec le Créateur, même à sens unique. Mais les lourdes portes s’ouvrirent une fois de plus, m’interrompant dans mon dialogue avec moi-même, avec mes erreurs, et l’autre porte du confessionnal s’ouvrit. Le banc grinça. Je me redressai dans mon assise, les mains jointes, le regard fixe devant moi.
◊ Mon père, j’ai commis trois fautes cette semaine. J’aimerais que le Créateur puisse me pardonner.
◊ Je vous écoute, mon enfant.
La voix était jeune et inconnue. Du moins, elle ne me disait rien pour le moment. Son timbre me paraissait réellement transparaître son bouleversement, peut-être son amertume ?
◊ Premièrement, j’ai été égoïste. Des hommes sont morts par ma faute, car je n’ai pensé qu’à moi-même.
Ah, le fardeau de la culpabilité. Culpabilité qui nous fait nous sentir impuissant, dépourvu, et qui nous égarait de la voie du Juste. J’avalai tranquillement ma salive, attendant la suite. Je notai également dans un coin de mon esprit cette histoire de morts, arrivée sans aucun doute dans les rues de Minrathie.
◊ Ensuite, j’ai été paresseux, et pas assez appliqué dans mes obligations.
Un jeune Altus, mais de quelle maison ? Les Laetans étaient certes de bons et téméraires concurrents, mais rien n’était plus effroyable que l’étiquette sociale des Altus. Pour la porter moi-même, j’en connaissais aisément les enjeux.
◊ Enfin, je n’ai pas démontré assez de piété filiale et j’ai inquiété mes parents.
Ce dernier aveu me confirma ce que je soupçonnais auparavant. Un jeune Altus croulant sous les attentes familiales. Que lui dire, précisément ? Je pris le temps de faire le tri dans toutes les informations nouvellement arrivées, avant de débuter.
◊ Mon enfant, est égoïste celui qui ignore l’être. Pour vivre pleinement, il faut un équilibre entre ce que vous qualifiez d’égoïste et ce que vous qualifiez d’altruiste : comment pouvez-vous donner, si vous n’acceptez pas de recevoir, ou de garder ?
Je gardai la première partie de ma réponse globale, avant de m’attaquer au plus spécifique.
◊ Si des hommes ont perdu la vie, ce n’est pas de votre faute : vous avez pensé avant tout à votre propre survie, à vous-même. Après tout, comment pourriez-vous aider votre prochain, si vous n’êtes plus dans la capacité de le faire convenablement ?
Je marquai une légère pause, avant de poursuivre.
◊ Ce qu’il vous faut, mon enfant, c’est trouver en vous un équilibre que vous n’avez pas encore. Un équilibre entre ce qu’attendent les autres de vous, et ce que vous attendez de vous-même. Un équilibre entre ce que vous donnez, et ce que vous recevez, ou gardez pour vous-même.
Je me redressai quelque peu une fois de plus, me rapprochant légèrement du rideau au passage.
◊ Vivre pour les autres est une voie louable, mais hélas, dans ce monde ravagé par la corruption de l’Homme, survivriez-vous longtemps ? Les vautours vous guettent sans doute déjà, mon enfant.
Je marquai une dernière pause, avant de poser la question finale, celle qui allait conclure mon solennel discours.
◊ Vous semblez tiraillé entre vos envies et votre devoir, au point d’avoir négligé un des deux aspects, ce qui, en toute logique, a des répercussions sur le second. Vous attachez beaucoup d’importance à votre famille, ce qui est fort louable, mais vous êtes très probablement au point de vous oublier vous-même au milieu de toutes vos responsabilités. Vous êtes-vous déjà demandé ce que vous voulez vraiment ? Avez-vous déjà aspiré à explorer cette part de vous-même, mon enfant ?
 
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