de tourments affriolants
Poison
Elvire confectionnait elle-même ses poisons et autres fluides. C’était l’une des nombreuses cordes à son arc et même la principale. Au sein du Ben-Hassrath l’Hissrad était réputée pour ce talent. Elle en avait fait son art et il lui arrivait désormais qu’un Tallis lui commande un breuvage pour l’une de ses propres missions. Certains la révérait même d’un qualificatif d’Issqun pour attester de son expérience avancée. Il était une certitude que cette occupation serait une compétence favorisée lorsque son corps ne lui permettrait plus d’effectuer des missions périlleuse ou physique. Il était d’autant plus pratique qu’en terre étrangère, ses confrères et guérisseurs n’étaient pas familier avec les décoctions qunari. Il est difficile de combattre une chose que l’on méconnaît totalement. C’est aussi pour cela qu’elle s’était versée dans les recettes de ces peuplades, profitant de son infiltration. Elle avait appris certaines choses, mais elle ne pouvait que constater la supériorité du Qun.
L’humain était intelligent, il but la fiole. Evidemment, ils n’auraient pas gardé un témoin en vie… ou en tout cas, pas en bon état. En très mauvais état même… la pensée la divertit un instant avant de s’étioler. Elle prit la fiole qu’elle inspecta brièvement. Elvire ne se sentait pas rassurée, c’était lui qui devait plutôt être satisfait d’être entier. La logique des humains la laissait parfois pantoise. Pour être rassurée, il aurait fallu qu’elle ait peur. Une émotion qu’elle ne goutait guère. A son âge, elle ne se faisait plus prendre un vêtement dans les cornes. Même si c’était le cas, elle aurait réagi sans affolement. Elvire avait également noté qu’elle était désabusée à bien des sujets. Tant qu’elle parvenait à clôturer ces soupirs à un usage utile, c’était une bonne chose. Sinon, elle demanderait à retourner au Ben-Hassrath le temps de retrouver ses esprits.
Ils gravirent quelques rues au pas de course pour finalement se retrouver contre le mur d’une demeure d’un petit dignitaire. Une famille d’importance très modérée, mais dont l’enrichissement de l’actuel héritier avait considérablement élevé le statut. Ses rôles au sein de l’Etat importaient pu à la qunari. L’intérêt du Qun n’avait rien de politique, qu’importe qu’il soit un petit intriguant. Qu’importe le nombre de noble qu’il avait corrompu pour dorer sa renommée. Ce qui importait, c’est que cet homme puant avait pour passion les objets rares. Ce qui importait encore plus, c’est qu’il avait joué un rôle dans le vol d’un artéfact leur appartenant. Il allait tout simplement regretter. Le piège qu’elle tissait se refermait progressivement sur lui.
Contre toute attente, la qunari s’avança et toqua brièvement à la porte. Une manœuvre étrange pour ce qui est de la discrétion. La porte s’entrouvrit sur le visage tatoué d’une domestique dalatienne.
La qunari lui ouvrit une porte et ils s’engouffrèrent dans une pièce.
 
Entre de très mauvaises mains
9:42 du Dragon
Feat. Elvire
Patronne temporaire - ■ ■ ■ ■
Nous étions désormais au clair. Pas de paroles inutiles, pas de perte en tournure. Seulement les consignes. Je préférais garder les choses simples et limpides. Et puis, la patronne s’enfonça dans la rue sur un pas rythmé, avant une petite course. Qu’importait : tant que je ne la perdais pas de vue. Avec autant de couleurs, et une telle taille, je ne m’inquiétais pas trop. En chemin, j’avais saisi un roulé d’elfidée dont j’avais cramé le bout de la petite flamme de mon briquet. Il était toujours mieux d’être optimal lors de ce genre de choses. Une fois consumée entièrement, je remis en place mon masque et réajustai ma capuche.
Notre avancée s’arrêta non loin d’une demeure, qu’elle me montra brièvement.
◊ Ce soir, nous allons cambrioler cette maison.
Je hochai de la tête. Puis, un homme arriva à nous et nous salua. Je ne pris pas le temps de le saluer d’un hochement de tête, occupé à détailler les traits de sa personne. De taille moyenne, robuste. Il nous signala qu’ils étaient prêts. Ainsi donc, mon flair avait vu juste : un crime organisé, parfaitement espérons-le. Nous reprîmes notre route, et la patronne frappa à la porte. Je fronçais des sourcils sous mon masque, mais ne dis rien, ma main par réflexe et par précaution posée sur Modeste. Si elle le faisait, c’était que nous ne risquerions rien. Il fallait lui faire confiance.
La porte s’ouvrit sur une elfe, et les mots de ma patronne me firent légèrement sourire. C’était bien le genre de boutade que je pourrais faire avant de tuer un homme. Quelque chose comme « Un dernier mot ? Oups, ma main a tremblé. » L’elfe nous laissa tout de même entrer.
Je reconnus l’homme qui rejoignit l’elfe. Cela faisait vraiment bizarre de le voir ainsi vêtu, mais qu’importait, je n’étais pas là pour me créer des avis. La patronne poursuivit les explications.
◊ Nous sommes dans le quartier des domestiques. A cette heure-là, il n’y a guère que le cuisinier qui prépare son pain qui soit encore debout. Avec la garde évidemment.
Je hochai encore de la tête, silencieux. Tout le monde dormait, sauf la garde. La partie amusante : leur trancher la gorge sans faire trop de bruit. Je n’étais pas du genre à faire dans la dentelle, donc soit je bourrinais rapidement pour détaler au plus vite, soit il allait falloir faire de gros efforts.
La patronne ouvrit une autre porte à l’aide d’une clé. Nous débarquâmes dans une petite salle, avec un peu de nourriture et de vins. J’attrapai quelques morceaux de viande séchée que j’engouffrais dans ma poche, avant d’entendre des bruits de pierres déplacées. Tournant le regard, j’aperçus alors la patronne qui révélait un trou dans la paroi. Sur un pas silencieux, je m’approchai, contemplant ses actions. Elle avait l’air fine et délicate, mais sa force était indéniable malgré tout. Sans sentir nécessaire de me rappeler quoi faire, elle passa à travers l’ouverture, et je lui emboîtai le pas, et elle effaça les traces derrière nous. Nous étions ainsi près à passer à l’action. Il tardait.
◊ Nous sommes dans un des tunnels d’accès à la zone souterraine. C’est là que l’objet que nous cherchons se trouve. A partir de maintenant, votre lame vous sera utile. La garde est présente et bien entraînée.
Un sourire décora mon visage dissimulé, un sourire carnassier. Ah, du divertissement. Mais malgré tout, je repris rapidement mon sérieux. Tuer des gens c’était une chose, connaître leur nombre en était une autre, et tout autant importante.
◊ Une approximation de leur nombre ?
Je ne m’attendais pas à une réponse particulière. Après tout, c’était logique qu’un tel collectionneur ait beaucoup de moyens, et donc beaucoup de gardes. Comprenant qu’elle tenait à ce que je passe en premier, je me mis en marche sans broncher. Je n’étais pas particulièrement inquiet. A vrai dire, avec de tels préparatifs et une telle gestion du tout, j’avais confiance en ma patronne.
Nous débouchâmes sur un couloir vide, avec plusieurs portes, dont une à l’opposé du couloir. Comment savoir quelle porte était la bonne ? Mon instinct me disait de commencer à fouiller par le fond et de remonter le couloir : de cette façon, en cas de pépins, nous pourrions remonter sans être trop encerclés. Je m’avançai donc, le pas tranquille, cherchant mes crochets dans une poche distraitement. Les sortant enfin, je retins mon souffle avant de m’agenouiller devant la serrure. Avec précaution, je glissai un crochet pour vérifier l’état de la serrure – ouverte ou fermée. Tapant gentiment entre les mécanismes de la serrure, je fonçai des sourcils : la porte était ouverte ? Je retirai le crochet avec minutie et les enfouis dans ma poche, avant de me relever et de reculer d’un bon pas. La porte était ouverte. La menace était donc de l’autre côté. Je dégainai Modestie avec prudence avant d’adresser un regard à ma patronne, et de me mettre en route sur le même ton tranquille. Je pouvais sentir le frisson de l’adrénaline qui se préparait dans mes tripes, tandis que ma main se posa avec douceur sur la poignée.
J’ouvris la porte dans un mouvement sec.
Mon corps se raidit tout entier, prêt à bondir.
La salle était étrangement grande. Des montagnes de riches babioles un peu partout entreposées telle une véritable caverne d’Ali Baba. Mais surtout, des gardes. Beaucoup de gardes. Dans un premier balayage oculaire, j’en avais compté au moins six ou sept. Il était mieux qu’ils pensent pour le moment que j’étais seul : ne laissant pas le temps à la patronne d’entrer, je fermai la porte derrière moi.
Certains eurent une once de réflexe de dégainer leurs armes, mais j’étais déjà sur le plus près d’entre eux de ma position. Modeste en avant, elle se heurta à son plastron avant d’entailler son bras. Le garde se pencha en avant, étouffant sa douleur et sa colère. J’attrapai son casque pour relever sa tête et planter Modeste à travers son cou. Il tomba. Et de un.
Rapidement, je pivotai, dégainant Ego qui se bloqua contre une hache. Je le repoussai comme je pouvais, avant d’user d’un bon coup de godasse dans les tripes pour le pousser plus loin encore. Il en bouscula deux. Je me tournai encore.
J’esquivai un coup de masse en me déplaçant in extremis sur le côté. La seconde tentative se heurta à mes deux lames, avant de lui asséner également un coup de pied pour le repousser. Il se heurta à la porte par laquelle j’étais arrivée, et leur seule issue. Un autre fonça sur moi, l’arme levée : je me poussai sur le côté pour le laisser passer, avant de lui emboîter le pas et de laisser une entaille à l’arrière de ses genoux. Il se plia, lâchant son épée, et sa nuque fut embrochée par Ego sans trop de complications. Mais je ne devais pas baisser ma garde pour autant.
Je me retournai d’un geste vif, les lames prêtes à me protéger. Je bénissais mes réflexes, alors qu’un d’eux, plus costaud, fonça sur moi. Je sentis mon dos heurter le cadavre derrière moi. Je grognai de colère, le souffle coupé brièvement par le choc. Mon regard ne quittait pas celui de mon adversaire.
Ils étaient dix dans la pièce. J’en avais tué deux. Un était sur moi, les sept autres arrivaient de plus en plus près. Reprenant mon souffle, je me raidis avant de lui asséner un coup de boule contre son crâne : il perdit pied, suffisamment pour me permettre de glisser hors de sa prison charnelle. Je secouai la tête, grimaçant quant au choc, avant de foncer sur un groupe de trois. Tant que j’étais seul dans cette pièce, ils se diraient que les renforts ne seraient pas nécessaires, ni même de prévenir de l’intrusion. Une fois le nombre de cadavre suffisamment inquiétant, il me faudrait agir vite. Mais je ne m’inquiétais pas trop, sachant que la patronne était encore dans le couloir.
Poussant un autre grognement, je fracassai mes lames contre celles de mes assaillants, les repoussant toujours un peu plus afin de les isoler toujours plus. Puis, Modeste entailla une jambe, un bras d’un autre, et l’imposante Ego se planta judicieusement entre le plastron et l’épaulière du troisième, ce qui le fit crier. Alerté par ce dernier, je me ruai sur lui pour en finir : mes deux lames se croisèrent contre sa gorge et en tira une belle croix écarlate, où le sang ruisselait toujours plus. Il tomba à terre, sans plus de cérémonie.
Ce fut à ce moment où je sentis un coup de masse contre mon épaule : je grognai de douleur et de frustration, lâchant un juron en orlésien. Merde. Je perdis mon équilibre un instant, mais ce fut l’instant limite : ils étaient trois à revenir à la charge sur moi. Esquiver. Je devais esquiver, le temps de reprendre un peu mes esprits.
J’enchaînai ainsi les mouvements sur les côtés, les sauts roulés et autres cabrioles similaires pour éviter leurs assauts. Peut-être que je les aurais un peu à l’usure. Je glissai Modeste à l’arrière des genoux de l’un d’eux, il perdit son équilibre dans un râle digne de lui : parfait, un d’urgent en moins. J’en atteignis un autre dans le mollet. Il tituba, avant de se prendre mon pied dans les tripes. Il tomba à terre, en souffrance. Deux.
Ce fut au tour du costaud d’avant d’attaquer. Reprenant mon souffle, je soupirai bruyamment avant de me préparer à nouveau au choc de nos lames. Etrangement je tins bon cette fois. Tentant une fantaisie improvisée, je pivotai dans ma position pour lui asséner un coup de pommeau au visage. Il grogna une fois de plus, avec plus de douleur dans son timbre graveleux, et en perdit même son casque cette fois. Parfait. Changeant à nouveau de position, je balançai dans son visage Ego de toutes mes forces. Une grande entaille, suivie de près par un cri. Il tomba. Quatre.
Deux étaient encore à terre. J’étais bien loin de la porte. Deux des quatre encore debout se ruèrent vers la porte en panique, et je ne pus y faire grand-chose. Il allait falloir improviser. Rapidement. Mes armes fidèles tendues autour de moi et prêtes à l’offensive autant qu’à la défensive, je respirais bruyamment. Ma position était solide. J’allais y arriver.
 
Elle aurait pu lui conter leur nombre, la couleur de leur caleçon et bien d’autres détails précis et chronométrés si un certain blondinet masqué n’avait contrecarré une partie de sa préparation. Elle ne répondit pas à sa question, il n’insista pas. Elle observa ensuite placidement le comportement de sa recrue temporaire. Il semblait qu’il n’ait pas tout à fait menti en ventant ses mérites. Tout aussi prête, la bufflonne emboîta l’élan de l’humain et …
BONK.
L’imbécile lui referma la porte au nez. Fort heureusement, au prix d’un réflexe fulgurant, elle put pivoter sa tête et s’éviter une fracture nasale. Elle tâta sa corne qui venait de heurter méchamment le bois et lui vriller toute la boîte crânienne. Intacte. Si ce bouseux d’humain décérébré lui avait cassé sa corne elle l’aurait éventré, lui aurait fait manger ses tripes, littéralement, avant de lui exploser la boîte crânienne. Foutus humains ! Ces réflexions fleuries de nom d’oiseaux furent ponctuées par la douce mélodie des lames s’entrechoquant. Elle prit une minute pour souffler et retrouver un état de parfaite concentration avant de rouvrir la porte. Elle prit le temps d’une deuxième minute, il ne servait à rien de se presser.
Première constatation : dommage, il vivait encore.
La seconde, c’était un véritable bourbier, comme prévu.
Ayant sorti un arc court du pan de sa vaste tenue, elle décocha une flèche, puis une seconde. Les traits volèrent, vibrants et se fichant avec un bruit mate dans les corps et armures qu’ils rencontraient. Il n’y eut là rien de très poétique ou artistique. Une simple efficacité. Charitable, elle défit l’humain de ses ennemis. Elle observa un court instant le blondinet, dont le souffle court agitait la poitrine. Très joli ce masque, pas pratique pour respirer. Encore un lamentable esprit de mode qui avait décidé qu’une bouche devait être fermée et ne laisser que deux vulgaires trous sous le nez ? Très orlésien ce genre de coquetterie. Sans s’attarder sur le blondinet, elle vérifia que les gardes étaient bien morts, en acheva un et récupérera ses flèches. L’arc et les flèches retrouvèrent leur place, à sa ceinture, sous un pan de tissu.
 
Entre de très mauvaises mains
9:42 du Dragon
Feat. Elvire
Patronne temporaire - ■ ■ ■ ■
Peut-être que j’aurais dû laisser la porte un peu ouverte. Enfin, peu importait ; ma patronne me rejoignit un peu après le début du combat. Vive et réactive, elle décocha des flèches dans le crâne de ceux qui restaient. Bien rapidement, le combat fut maîtrisé dans un premier temps, puis bouclé dans un second. Je reprenais mon souffle lentement, observant la salle avant de poser mon regard sur elle, qui arrachait une de ses flèches d’un cadavre. Je rangeai mes armes dans un mouvement souple et détendu.
◊ Prends ce que tu veux. Ce sera ton paiement.
Et elle me lança un sac, que j’attrapai dans un mouvement vif. J’observai le sac un instant, avant qu’un léger rictus ne s’étire sur mon visage. Ah, mon paiement. Je commençai à me mettre en quête de ce que je pourrais revendre.
◊ Attention, certaines pièces en plus d’un verrou sont piégées.
◊ Je note l’information.
Comme si je n’étais pas au courant. Mais bon, ce n’était pas le moment de faire le têtu, nous avions atteint notre objectif et j’allais être payé, donc autant ne pas ronchonner maintenant. Je procédai donc à ouvrir certains coffres, en faisant bien attention à l’ouverture évidemment.
◊ Dommage qu’elle soit si grande, je l’aurais bien vue dans mon jardin.
Mon regard se tourna un peu vers elle, pour la simple curiosité d’observer sa trouvaille. Une grande statue imposante, qui ressemblait à ce qu’on pouvait trouver dans une demeure orlésienne richement décorée. Je me contentai de laisser son regret planer dans l’air, portant mon attention sur ce que je pourrais bien emporter avec moi. Je n’allais pas prendre peu, mais il me faudrait porter mon butin, et être en mesure de le revendre sur la route surtout.
Fermant mon sac, j’entendis ma patronne reprendre la parole.
◊ Tu as pris tout ce qui t’intéressait ? Il faudrait qu’on ne tarde pas trop. La relève va bientôt s’effectuer.
◊ Allons-y, alors.
J’avais pris de quoi survivre à ce qui me restait de trajet, ainsi qu’un petit plus. On ne savait jamais, les imprévus existaient toujours dans ce genre de missions. Je me contentai d’attacher le sac à la lanière portant Ego, plus pratique à porter que branlant à la taille. J’interceptai de l’œil son geste m’invitant à sortir, chose que je fis sur un pas posé. Si mon épaule me faisait encore mal, j’avais la chance de ne pas avoir trop de dégâts à déplorer au niveau des jambes. Parfait. J’inspirai lentement avant d’ouvrir la porte lentement. Il faudrait repartir sur la même note subtile que nous étions venus, pour sûr. Je m’avançai dans le couloir sur un pas prudent sans pour autant traîner de la patte. Bien rapidement, je regagnai l’escalier, le gravis sans problèmes pour retrouver la fameuse porte d’entrée que la patronne et ses complices avaient créée.
Dans un geste souple, je poussai la tenture avec précaution, avant de me faufiler dans l’ouverture. Je revins ainsi dans ce fameux cellier, roulant de l’épaule pour en tester la solidité ; le choc était encore présent, mais mon épaule s’en remettrait. En somme, il ne nous restait qu’à détaler d’ici en vitesse avec notre butin.
 
La buflonne attentive à son environnement progressa à la suite de son employé. Toute peine mérite salaire, disait-on. Celui-ci avait bien mérité qu’elle l’autorise à se servir dans le coffre de ce collectionneur. Le laisser partir en vie était une simple partie de ce puzzle qu’elle avait bâti. Il aurait pu mourir. Elle observait sa nuque qui se courbait pour passer dans le passage. Il était docile, elle voyait bien à la tension que son bras le faisait certainement bien plus souffrir qu’il ne voulait le laisser paraître. Ce genre d’attitude lui donnait deux envies très distinctes. Celle de poser une main sur son épaule et de lui sourire, comme on sourirait à propos d’un couteau émoussé qui a bien servi. Un objet qui rempli son rôle est toujours une chose qui mérite le respect. Tout comme chaque individu qui se tient à sa place et à son rôle. Celui-ci était un bas et elle aurait tout aussi bien pu poser sa main sur sa nuque fragile et la lui briser. Comme l’on ferait d’un objet cassé n’ayant guère plus d’utilité. Elvire avait conscience de sa manière de penser et c’était bien-là une cruelle déformation professionnelle. Devait-elle aller conserver avec Viddasala de tout ceci ? Non, tant qu’elle affectionnait la vie et en concevait la priorité, ce n’était pas nécessaire. « On ne peut pas jouer avec toute chose, Hissrad. » lui avait-on dit, très justement. Ne les estime basra que s’ils te le prouvent, ça aussi on le lui avait répété. Ah. Elle n’aurait eu aucun talent en tant que vidathiss, c’était une chose certaine. Elle n’était pas une prêtresse munie de pédagogie et patience pour la médiocrité.
Le cellier était toujours aussi sombre et calme. Il ne régnait que le petit crépitement d’une lampe murale qui brûlait doucement, ajoutant une légère odeur dense du produit huileux qui avait été ajouté au bois pour en augmenter la combustion. Les lueurs dansantes et fantomatiques se projetaient sur les murs et objets. Au fond de la pièce, l’humain qui accompagnait la qunari les attendait, impassible.
Dehors, la nuit était bien avancée. La lueur diffuse de la lune à travers les nuages leur en donnait la nette indication. Il s’était écoulé un temps certain pour qu’ils commettent leurs méfaits. Il était plaisant de constater que le voile des illusions avait parfaitement joué son rôle. Toute joueuse qu’elle était, Elvire avait appris qu’il valait mieux se retirer sans gloire. C’était un aspect qu’elle regrettait parfois, cela aurait été très drôle de leur révéler sa farce. Hormis les sots, personne n’aurait pu croire que la cornue qui se gaussait d’avoir amassé un sacré pactole ce soir avait quoique ce soit à voir avec le Qun. Ou alors, il fallait être vraiment sot pour le croire, ce qui était tout à fait possible avec ces humains. Dans tous les cas, après pareils efforts, la fatigue se faisait sentir et elle était la pire des ennemies. Elvire avait hâte d'en finir et rentrer.
Alors qu’ils parvenaient au croisement d’une rue, la buflonne s’arrêta et toisa l’humain. Le visage de la créature, faiblement éclairé par la lune, ne reflétait aucune émotion particulière. Seul son sourire courtois usuel ponctua ses traits.
 
Entre de très mauvaises mains
9:42 du Dragon
Feat. Elvire
Patronne temporaire - ■ ■ ■ ■
Nous étions donc revenus dans le cellier. A l’opposé de nous se trouvait le gars qui nous avait accompagné avant, mais quelqu’un semblait manquer à l’appel. Mais ma foi, l’homme nous expliqua sans même que nous ayons à demander.
◊ Ipiu nous rejoindra. Elle était occupée à peindre le cadavre de sa remplaçante.
Ipiu, quel drôle de nom .. Mais « peindre » ? Je haussai d’un sourcil, avant de comprendre qu’il parlait sûrement de traits plus spécifiques, comme du maquillage, quelque chose comme cela. J’avais vu une fois quelqu’un qui savait peindre des cicatrices, c’était époustouflant.
◊ Et lui ?
◊ Comme prévu.
◊ Parfait.
Ah, on parlait sûrement de moi. Mais bon, tant qu’à faire .. Je n’ajoutai rien qui ne serait pas nécessaire : après tout, nous avions fini, alors dégageons de ces lieux en vitesse.
Il faisait bon frais dehors. En même temps, en plein hiver dans le nord des Marches, il ne faisait pas autant glacial qu’au fin fond du sud de Férelden ou d’Orlaïs. Un soulagement que les choses se soient passées pour le mieux : avec ce pactole, j’aurais de quoi tenir mon voyage, et bien plus. J’avais hâte de revendre ça au premier contrebandier de la ville prochaine.
Au bout d’un moment, après un trajet des plus silencieux – ce qui m’arrangeait, finalement –, ma patronne du soir attira mon attention.
◊ Ainsi nos routes se séparent… Agréable continuation.
Mon regard glissa également sur l’autre homme, qui me salua d’un hochement de tête ; hochement que je rendis, bien entendu.
◊ Ce fut un plaisir de faire affaire avec vous, ma dame.
Comme j’adorais ces petits contrats occasionnels avec de parfaits inconnus, l’espace d’une seule affaire. Pas d’engagement, de dette, de conneries : seulement du travail. Et du travail qui payait bien en plus : de quoi compenser la blessure à l’épaule, très largement même.
Je partis donc dans une ruelle non loin sur un pas calme, en quête de ma monture restée à la taverne : j’en aurais besoin pour foutre le camp d’ici et revendre mes trouvailles. Le travail était et chaque seconde était précieuse, alors autant ne pas perdre de temps.
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