La dague enchantée [PV Elia]

Haring, 6:41 du Dragon

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Il était une fois, un navire maudit voguant sur une mer d'écume. Sur son tracé, l'hiver était rude et les tempêtes nombreuses, fragilisant le moral et le métabolisme de ses fièrs marins. Un à un, ils tombèrent malade ou souffrirent des affres de la faim, tant et si bien qu'ils furent obligés de jeter l'ancre aux abords de la puissante et majestueuse ville de Val Royaux.

Notre héros, qui n'était ni l'homme le plus brave ni le plus fort de ce navire, mais simplement leur cuisinier, fut envoyé à terre en quête d'un remède. Pour mener à bien sa mission, le capitaine lui confia une bourse remplie de pièces d'argent ainsi que deux acolytes pirates à l'air patibulaire, boitant et grimaçant au rythme de leurs maux. Mais ces hommes n'étaient pas en réalité dépêchés auprès du cuisinier pour l'aider à transporter porter le remède recherché, mais avaient pour ordre de le surveiller. Car le cuisinier, qui avait bon cœur, avait au cours de leur dernière escale dilapidé toutes les pièces qui lui avaient été confiées pour acquérir trois chétifs haricots.

Le cuisinier, suivi donc par les deux pirates, franchit les grilles menant au populaire marché de Val Royaux. Après ces longues semaines en mer, le sol si stable sous ses bottes en comparaison du pont du navire lui arracha un sourire franc et c'est joyeusement qu'il entama sa quête. Du regard il embrassa l'enceinte close de la place et repéra sans mal les joyaux recherchés lovés dans les paniers des citadins, de murs fruits gorgés d'eau et de promesses. Notre héros, le nez en l'air, n'eut aucun mal à remonter la piste de leur provenance, débouchant finalement devant un étal bien fourni aux mille couleurs du monde, dégageant un puissant parfum complexe et enivrant.

Les deux pirates émirent un sifflement impressionné devant cette profusion d'offrandes sacrifiés par mère nature pendant que le cuisinier commençait à empiler dans leurs paniers tendus une sélection de joyaux de la terre. Et plus il empilait, plus il s'enfonçait au coeur des étales, se glissant entre les autres clients, jusqu'à sentir au creux de ses épaules le vilain regard du marchand propriétaire des lieux. Le cuisinier se figea, les mains refermées autour de juteuses oranges. D'un geste fluide il les envoya fendre l'air et se retourna. Il rattrapa ensuite les fruits et jongla adroitement un moment tout en fixant le déplaisant homme, qui ne sembla pas se dérider d'un poil devant la performance.

Piqué par ce public difficile, le cuisinier glissa les oranges dans le panier de ses acolytes, les sourcils froncés, avant s'en retourner vers une courge gigantesque. D'une tape ferme et experte, le cuisinier en tira un son qui résonna dans ses entrailles creuses. Un tel légume n'était pas fait pour la vie sur les mers et pourtant, comme envoûté par ce somptueux produit, notre héros s'attardait. D'une tape, puis d'une autre, il créa un rythme. Le rythme devint phrase, et la phrase, chanson. La bouche fermée, le cuisinier chanta, ajoutant une mélodie au rythme de la courge. Derrière lui, les deux pirates se mirent à danser. Aussi simplement que cela, une cohue se forma autour d'eux.