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Lun 19 Avr 2021 - 22:09

Léah de Cautraux
Léah de Cautraux

– Nouvel Ordre –

Messages : 317

Sur la flèche qui l'atteint, l'oiseau reconnaît ses plumes.


Les cloches de Fort Eden sonnaient.

Les harmoniques glorieuses qu’émanait du bronze massif étaient connu de fidèles autant que d’hérétiques. A travers toutes les terres civilisées, elles portaient en elle la promesse du Chant et de Son retour. Il y avait en plus, dans le métal crissant et nouveau des cloches de la nouvelle chantrie de Fort Eden, une promesse de renouveau dans le timbre.

Mais à travers les vieilles pierres, scellé par le mortier et le gravier, seules les résonnances les plus graves pouvaient se faire entendre. Contrairement aux notes joyeuses et angéliques de la surface, les Cloches semblaient porter leur jugement à tous les déchets qui atterriraient dans l’endroit le plus maudit du Fort de Léah.

Son Donjon.

Elle ne se mentirait pas. Même si la Templière adorait chaque recoin de cet endroit et remerciait le Créateur de lui avoir donné cette opportunité, elle détestait descendre dans les abysses du Donjon. C’était une relique du passé, construit par le Tyran Fyruss il y a de cela sept cents ans. Et comme toute relique du passé dans une terre aussi sanglante que celle des Marches Libres, elle émanait une aura de ténèbres qui donnait des sueurs froides à la Templière.

Surtout depuis le désastre qui venait d’encourir au beau milieu de la vieille ville de Starkhaven. Les vieux endroits comme ceux-ci détenaient un pouvoir qu’elle ne comprendrait jamais vraiment, malgré toute sa volonté pour le faire. Et ce qu’elle ne comprenait pas, elle détestait.

Mais si les cloches sonnaient, c’était parce que c’était l’heure de l’une des grandes messes organisées pour redonner du courage aux Templiers et leur recrue. Très bientôt, la rotation hebdomadaire des gardiens de la faille allait se faire, et une autre part de leur Ordre allait faire face aux démons.

L’organisation de la chose avait été terrible, et n’avait pas laissé une seconde de répit à Léah. Et pourtant, elle avait un devoir qui l’attendait dans cet endroit sombre.
Un homme, ou plutôt une épave, était le responsable de tout ça. Il n’en était pas la cause, mais le papillon d’où provenait la tornade. Et pour cela, il ne serait jamais pardonné. Léah ferait tout en son pouvoir pour qu’il pourrisse entre ses murs, que la seule chose qu’il contemple soit la poussière de son monde sans lumière.

Sa botte de fer résonna sur le granit alors qu’elle arriva à la porte qui l’intéressait. Un geôlier tenait garde, désintéressé par sa charge comme tout les autres. Sans dire un mot, il fit tourner sa clé en fer forgé pour faire passer Léah.

La première chose qui la frappa fut l’odeur. Elle n’était pas étrangère aux entrailles vidées des champs de bataille ni à l’odeur pourrie de membres gangrénés, mais ce qui la choqua était l’odeur de défaite palpable qui saturait cette geôle.

En tout cas, c’était comme ça qu’elle l’interprétait. L’homme qui se cachait de la Lumière qu’elle apportait avec sa torche de ses mains frêles était défait, une pathétique épave bouleversée par des courants qu’il avait osé défier.

La deuxième chose fut son état. Créateur, ce Héraut était un boucher. Un boucher immonde, et il ne lui avait même pas transmis tant d’informations que ça. Il fallait qu’elle lui en touche deux mots. Même si cet homme était un félon, il semblait apparent que ce qu’il lui avait été infligé était zêlé.

Elle s’attendait à ça d’un Féreldien. Pas du Héraut de la sainte ville de Starkhaven.

La vision de ce meurtrier lui rappela un verset du Cantique particulier. Il avait été censuré du Cantique habituel, mais dans sa curiosité elle l’avait investigué. Ce fut la première chose qu’elle dit, et la première chose qui brisa le silence :

« La rancune dévora tout ce qui était bon, sain et aimant jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’elle, enroulée autour de mon cœur comme un énorme ver.
Et dans mon heure la plus sombre, je me suis détourné d’Elle et j’ai juré de La détruire.
Au moment de Sa mort, j’ai su l’horreur de mon action, et je me suis lamenté.
J’apporterai le Chant aux terres de mes pères. Là se trouve leur salut, et le mien.
Et Elle vint à moi dans une vision, et posa sa main sur mon cœur.
Son touché était comme un feu qui ne brûlait pas. Et par lui, je suis redevenu pur.
‘Ne désespère pas’, dit-elle, ‘Car ta traîtrise était bénie du Créateur, et m’a retourné à lui’.
J’étais pardonné. »


Elle laissa ses paroles flotter dans l’air croupi de la cellule, avant d’ajouter :

« Meurtrier. Voyez-vous donc ce qu’apporte vos choix ? Sentez-vous donc l’amplitude de vos erreurs ? Notre Justice est corporelle, mais elle est suffisante. »

Elle approcha la torche de son visage.

« Regardez, monstre. Regardez ! Ceci est la lumière que vous avez tant voulu étouffer. Vous ne pensez donc pas que les ténèbres de votre cellule sont préférables ? »


Mar 20 Avr 2021 - 23:13

Ashleigh
Ashleigh

 

Messages : 394

Sur la flèche qui l'atteint, l'oiseau reconnaît ses plumes.




4 Drakonis 9:42 du Dragon
Feat. Léah de Cautraux
Adversaire honorable, mais perdue - ■■■


Le néant. Il dévorait la lumière, particule par particule, qui ne devenait alors plus que l’ombre d’elle-même. Charognard insatiable, ce néant qui assombrissait les cœurs avait toujours son petit péché mignon, sa petite cible de prédilection. La lumière. L’innocence. La justice. Il était difficile de noircir le noir, tout comme il était difficile de blanchir le blanc. Le voleur ne dérobait rien aux pauvres, qui ne possédait aucun bien. Le Bel-Ami ne perdait nullement son temps avec les vulgaires domestiques, qui ne possédaient aucun pouvoir, ni influence.

Ainsi, le néant ne visait jamais les Hommes au cœur déjà terni, aux mœurs et aux valeurs déjà défaillantes ; en quoi cela serait divertissant à ses yeux ? Non, il cherchait cette perle rare, ce bijou humain qu’il ferait tomber de haut, de très haut. Le néant s’attaquait toujours aux vertueux, aux justes, aux bons ; il les traînait dans la boue, jouait avec ses pantins, les faisait bouger selon ses bons vouloirs dans une danse macabre qui les marquerait à jamais.

Et me voici à présent, marionnette désarticulée, vouée à la pourriture et aux ténèbres de cette cage hors du temps.

Me voici à joncher le sol tel un cadavre sans âme, le regard vitreux. Mon cœur battait dans mes oreilles à chaque instant, insupportable tambour qui rythmait ce requiem, s’étendant toujours plus sur les heures, sur les jours, sur les semaines. Parfois, l’orchestre de mon organisme s’emballait dans un presto chaotique et atonal. Les mouvements allaient et venaient, parfois emprunts d’une certaine curieuse régularité, parfois ils éclataient sans prévenir. Un coup, me voici dans cet enfer à goûter au silence de la mort. Un coup, me voici plaqué contre ce mur froid. Cette atroce odeur qui emplit toute la pièce. Ça empeste. Son regard jadis familier qui se plante dans le mien. Avec cette lumière sadique qui y scintille triomphalement. Ce sourire distordu qui s’étire lamentablement. Cette douleur qui s’échappe de ma main pour assommer mon corps entier. Le choc. Les chocs. Les coups. Les cris. Les rires. Et un nom. Un foutu nom.

Qui suis-je ?


Tout se mélangeait dans ma tête.

Le templier était revenu dans la cellule pour m’envoyer son poing dans les côtes. Encore. On aurait dit que son passage était toujours plus fréquent. Sous le poids de son coup, je m’étais assis, adossé au mur, reprenant bruyamment mon souffle. Je devais avoir repris mes délires. Peut-être avais-je encore hurlé. Je ne le saurais jamais.

Mais mon regard brûlait malgré ce grand corps malade, malgré ce corps qui ne voulait plus répondre. Je l’aurai. J’aurai sa peau. J’aurai leur peau à tous.

Un lourd claquement métallique retentit. Le templier revenait déjà ? Un rire particulièrement crispé et exténué franchit mes lèvres à cette seule pensée. S’il revenait déjà .. mais non. Ce n’était pas lui, à ma grande surprise – si je pouvais encore l’être.

Une flamme. Semblable à celle qui bouillonnait mon regard assombri par l’âge et par les trahisons. Ce visage était familier. Quelle déception je pouvais lire dans ses pupilles, dansantes avec la lumière de sa torche. Je desserrai la mâchoire au seul constat de sa présence.

Un silence pesant régnait encore cependant, un silence qui bourdonnait encore et toujours à mes oreilles. Était-elle vraiment là ? Était-je tant désespéré à l’idée de revoir une personne respectable que je la voyais au cœur d’un sombre songe ? Mais sa voix, portante et fière, m’assura de sa présence en ces lieux, me saluant d’une bien curieuse façon.

La rancune dévora tout ce qui était bon, sain et aimant jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’elle, enroulée autour de mon cœur comme un énorme ver.
Et dans mon heure la plus sombre, je me suis détourné d’Elle et j’ai juré de La détruire.
Au moment de Sa mort, j’ai su l’horreur de mon action, et je me suis lamenté.
J’apporterai le Chant aux terres de mes pères. Là se trouve leur salut, et le mien.
Et Elle vint à moi dans une vision, et posa sa main sur mon cœur.
Son touché était comme un feu qui ne brûlait pas. Et par lui, je suis redevenu pur.
‘Ne désespère pas’, dit-elle, ‘Car ta traîtrise était bénie du Créateur, et m’a retourné à lui’.
J’étais pardonné.

Mes yeux s’étaient clos au fil de ses mots, comme pour en savourer la substance. Je pouvais sentir la chaleur d’un feu de camp, l’odeur d’un vieux livre, la douce peau de cette rouquine sur ma route. Cela produisait le même effet, comme un sentiment de retour chez soi, comme la fin d’une guerre qui avait duré trop longtemps.

Mon corps se mit alors à trembler, comme après avoir porté un bien trop lourd et encombrant objet sur une bien trop longue distance. Il me fallut encore quelques temps pour sentir mes larmes bouillir, traçant leurs sillages dans la crasse et dans la poussière. Mais aucun son n’osait franchir mes lèvres, comme intimidés soudainement par la droiture de cette femme qui me faisait à présent face. Mon corps se recroquevilla quelque peu sous le poids de son seul regard, et de cette flamme qu’elle brandissait près de moi.

Mais bientôt, la réalité reprit son cours, après ce flottement divin.

Meurtrier. Voyez-vous donc ce qu’apporte vos choix ? Sentez-vous donc l’amplitude de vos erreurs ? Notre Justice est corporelle, mais elle est suffisante.

Je ne pus m’empêcher de rire. Un rire silencieux, brisé. On aurait dit une mauvaise blague. Le Créateur avait mis sur mon chemin cette femme, cette guerrière, cette templière, pour le simple plaisir de retourner le couteau dans la plaie. Encore. Et toujours. On aurait dit qu’aucun mal ne l’avait encore effleurée, sûrement une immense plaisanterie. Que cherchait-elle à accomplir de par sa si improbable visite ? Que cherchait-elle à montrer au monde ?

Mais elle ne s’arrêta pas là. Elle rapprocha sa torche de ma tête baissée et pendante de moi, continuant son absurde plaidoirie.

Regardez, monstre. Regardez ! Ceci est la lumière que vous avez tant voulu étouffer. Vous ne pensez donc pas que les ténèbres de votre cellule sont préférables ?

Lentement, je relevai la tête pour observer cette lumière. Mon regard papillonna à cause de la trop forte intensité de sa torche, mais par cette flamme, je pus ainsi y voir clair.

Je peux voir ces petits moments précieux qui pour moi étaient sans importance. Je peux voir ces nuits blanches avec Etienne à terminer le dernier acte à la dernière minute, je peux voir ces soirées avec Roland, la bouteille au poing. Je peux voir les lettres qu’Emmett m’avait envoyé une fois que nous nous étions retrouvés, je peux voir tout ce temps passé à aider le bas-cloître de Val Royeaux face à l’injustice. Je peux voir le sourire de Lemia qui luisait aux lumières des bougies, ou le regard inquiet que pose Sarie sur mes épaules bien trop souvent. Et je peux aussi voir le regard de cet orphelin que j’ai sorti de la cave, qui a réalisé que cette histoire de torture et de conditionnement touche à sa fin.

Mon sourire s’élargit alors, les yeux désormais droits dans ceux de la templière.

Léah de Cautraux.

Et dans un souffle court, j’éteignis la torche. Plongés à nouveau dans l’obscurité, je ris à nouveau, cette fois-ci avec plus de voix, les larmes bouillantes roulant toujours le long de mes joues.

Voyez l’effort qu’il m’a fallu pour vous ôter cette lumière, cette si précieuse lumière, celle qui vous permet de voir devant vous.

Ma voix cassée tremblait sous l’émotion, sous tout ce qui était en train de se passer dans ma tête depuis bien trop longtemps, et qui semblait trouver une certaine semi-conclusion à ce moment précis.

On peut éteindre une flamme, mais on ne peut pas éteindre les ténèbres. Et plus la flamme est grande, plus le contraste de son départ croît.

Je ne voyais pas tant bien son regard que cela, mais je savais approximativement où il se trouvait ; ainsi, je ne le lâchai nullement.

Vous n’êtes pas venue jusqu’ici pour me faire la morale, car on ne fait pas la morale à un monstre, à un criminel. Je serais donc curieux de connaître la raison qui vous a poussée jusque dans cet enfer, que vous avez créé pour moi en guise de remerciement.


Dim 6 Juin 2021 - 17:14

Léah de Cautraux
Léah de Cautraux

– Nouvel Ordre –

Messages : 317

Ft. Fabien


Sur la flèche qui l'atteint, l'oiseau reconnaît ses plumes.



Un rire.

Un rire brisé et lourd de cynisme, traversant la glotte d’un mort qui marchait encore. Un rire saccadé né d’une gorge trop sèche, tentant de souffler sur les cendres d’une colère qui avait été battue.

L’épave qui se présentait devant elle riait en tremblant comme un animal qui venait de naître. Un animal corrompu, qui rejetait sa lumière avec tant de verve putréfiée que Léah n’eut qu’une envie.

Le frapper. Tandis que l’homme parlait, se gaussant dans les ténèbres épaisses des tréfonds de Fort Eden, Léah voulu le soumettre par la force. Le frapper jusqu’au sang, le faire payer pour tout ce qui lui était arrivé.

Dairsmuid. Pierre. La guerre civile. Ce cancer qui parasitait son esprit pouvait être excisé dans la douleur de ce chien. Il lui demandait ce qu’elle venait faire là, et elle sera son poing dans son gantelet.

Si fier de ses ténèbres, il ne pouvait pas la voir. Mais lentement, les articulations d’acier de son gantelet craquaient une à une sous la pression qu’elle exerçait. Lui faire ravaler sa fierté de meurtrier était à la portée de ses doigts.

Mais c’était trop simple. Elle n’était pas comme ça. La Templière se rappelait Dairsmuid, et son refus d’obtempérer. Elle se rappela Lukan, le boucher qui avait fait couler le sang dans ses propres geôles sur son propre prisonnier.

Elle se rappela Pierre, qui se réjouirait de la voir devenir comme lui.

Son poing se desserra, et ses doigts perdirent leur rigidité car sa concentration s’était déplacé autre part. Son esprit, sa foi, son âme se concentrèrent sur ce qui coulait dans son sang. Elle sentit le pouvoir de trancher l’immatériel se déverser partout dans son corps, de la plante de ses pieds jusqu’au bout de ses doigts.

D’un coup sec, elle dégaina son épée et l’approcha du traître, alignant le plat avec son front crasseux. Lentement, le pouvoir du Lyrium se diffusa de ses doigts jusqu’aux fibres de l’acier, et petit à petit une faible lueur bleue perça les ténèbres. C’était quelque chose de très subtil, mais dans ces ténèbres épaisses son amplitude en était démultipliée.

Forçant sur son pouvoir, la lueur tourna à l’incandescence. Sans que Léah puisse le voir, ses prunelles se teintèrent du même bleu que le lyrium le plus pur.

Son aura irradia la salle sans pourtant lui permettre de déceler entièrement l’épave qui gisait au sol. D’une voix forte, elle dit :

« La flamme qui brûle en moi est incorruptible. Elle brillera, qu’importe les circonstances. Ma détermination est d’acier, ma foi inébranlable.

Comment pourrez-vous éteindre ce que vous n’atteindrez jamais malgré tous vos sacrifices vains ? »


Tandis qu’elle parlait, elle remarqua que le monstre la regardait droit dans les yeux, comme si il se tentait à percer son âme. Mais il remarquerait bien vite, à travers la maigre lueur bleue, que Léah retournait son attention d’une intensité égalée.

Mais au lieu d’une haine injustifiée, il n’y avait que pitié.

Pitié et incompréhension.

« Je suis venu pour comprendre. Comprendre comment on peut tomber si bas. Comprendre qui vous êtes, et ce qui vous rend si irrécupérable. J’ai connu quelqu’un qui suit le même chemin que vous actuellement. Et quand viendra le jour de son Jugement, je ne veux défaillir.

Parlez, criminel. Dites-moi qui vous êtes, et surtout pourquoi. Que vous préfériez les ténèbres, très bien. Mais parlez. Ce sera probablement votre dernière chance d’affronter autre chose qu’un vindicateur. »



Dim 6 Juin 2021 - 22:42

Ashleigh
Ashleigh

 

Messages : 394

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Ft. Léah de Cautraux – Un phare au coeur du Chaos ☆☆☆


Sur la flèche qui l'atteint,
l'oiseau reconnaît ses plumes.
4 Drakonis 9:42



Le silence me retrouva. Un silence tranchant, lourd. Mais j’attendis, car c’était bien la seule chose que je pouvais faire. Les ténèbres avaient gagné cette cage, alors que le sombre écho des cloches vrombissait dans les murs débordants de décrépitude. Les cliquetis de son armure chantaient alors à mes oreilles, mais avec une certaine réserve. Mais ça, c’était avant que son arme ne quitte son fourreau pour me rencontrer.

Là, une lueur, une énergie émana d’elle. Un bleu chaleureux et étrangement accueillant, compte tenu de la situation. Je fermai les yeux un instant, cherchant à comprendre ce que signifiait cette énergie.

Cette femme, Léah de Cautraux. Elle possédait quelque chose que les autres templiers ne possédaient pas. Quelque chose que je n’arrivais pas à déceler, ou à décrire. Description que la templière me livra.


"La flamme qui brûle en moi est incorruptible. Elle brillera, qu’importe les circonstances. Ma détermination est d’acier, ma foi inébranlable.
"



Ma tête s’était effondrée, permettant à ses paroles de me pénétrer davantage. Chaque syllabe, chaque son me parvenait telle une évidence. Cette flamme avait affronté des tempêtes. Cette flamme était un phare au cœur du chaos et de la guerre.


"
Comment pourrez-vous éteindre ce que vous n’atteindrez jamais malgré tous vos sacrifices vains ?"



Mes sacrifices vains. Quels sacrifices ? Que sacrifier, lorsqu’on ne possédait rien ? Je restai silencieux et tremblant, réfléchissant à sa question avec sérieux.

Le monde n’avait cessé de me dépouiller. On m’a pris mon futur, mon premier amour, mes armes. Mon honneur, ma fierté, mon noble sang. Mon espoir, ma confiance, mon propre nom. Tout. Et il n’a suffi que d’une seule journée. Une seule.

Ce fut un regard sombre que je plantai dans le sien. Un regard de désillusion, de rage, de désespoir, mais aussi de fatigue et de solitude. Mon passé m’avait déjà tout pris en partant, et le voilà à tout me reprendre une fois de plus. Mais Léah de Cautraux me rendait ce regard, avec la même intensité, l’intention différant pourtant largement. Ce n’était pas de la haine que je pouvais à peine déchiffrer dans son regard. Qu’était-ce, alors ?


"Je suis venu pour comprendre. Comprendre comment on peut tomber si bas. Comprendre qui vous êtes, et ce qui vous rend si irrécupérable. J’ai connu quelqu’un qui suit le même chemin que vous actuellement. Et quand viendra le jour de son Jugement, je ne veux défaillir."



Je ne pus dissimuler ma surprise. Mes muscles se relâchèrent. Je savais ce qu’elle avait de plus que les autres. Le désir de comprendre. Mon souffle trembla, mon corps s’alourdit, mais je tins bon, m’adossant brutalement contre le mur. C’était comme une trêve, la fin d’une bataille. Une bataille certes, mais pas la guerre. Elle poursuivit sur un ton plus autoritaire, constatant mon silence.




"Parlez, criminel. Dites-moi qui vous êtes, et surtout pourquoi. Que vous préfériez les ténèbres, très bien. Mais parlez. Ce sera probablement votre dernière chance d’affronter autre chose qu’un vindicateur."



Un rire plus doux franchit mes lèvres. Un vindicateur. Elle représentait la loi dans cette ville malgré son appartenance à l’Ordre, et elle osait me parler de condamnation de la part du peuple.

Je pris cependant le temps de songer à ma réponse. C’était vrai, ça : qui étais-je ? Tant de visages, tant de masques, mais finalement, dans quel but ? Je souris, soudainement empli de cette sensation que possédait un conteur au fin fond d’une taverne, qui racontait une tragique histoire qu’il avait entendu dans une contrée lointaine, au fil de ses périples.


"On ne peut jamais vraiment fuir son passé, n’est-ce pas ? On peut fuir un pays, se contraindre à faire l’exact opposé des atrocités par lesquelles on est passé, et finalement, il frappe doucement à la porte, à chaque fois."



Ma voix tremblait. Je pris un temps pour respirer lentement, pour continuer mon histoire. Une histoire que je n’avais jamais vraiment racontée, du moins pas entièrement. Mais puisqu’il était ainsi, puisque rien d’autre ne m’attendrait dehors que la paix et le repos de la mort, alors soit. Il était temps.


"Voici l’histoire absurde du mouton noir des Trevelyan."



Je pouvais sentir toutes les émotions se mélanger dans ma tête. La colère. Le vide. L’attente. La trahison. Le désespoir. La culpabilité. Le deuil.


"Les Trevelyan sont une influente famille d’Ostwick, réputée pour sa foi, autant que pour ses guerriers. J’ai moi-même été envoyé au Cercle dans l’espoir que le monde fasse de moi un templier. L’ironie du sort était que je n’ai jamais été intéressé à apprendre à combattre. Ça peut complètement surprendre, dit comme ça, mais .. à l’époque, je voulais changer le monde, oui, mais je voulais le changer à travers les arts. Combattre ne m’intéressait pas, et encore moins tuer."



Ma foi, j’avais dû m’adapter à la cruauté du monde. Ah, j’étais si innocent à l’époque. Si stupide, aussi.


"Mon père disait toujours que les mages étaient des sous-races, des créatures démoniaques qu’il fallait enfermer à tout prix, pour le bien et la prospérité de notre civilisation. Ma foi, même si j’aimerais affirmer le contraire, il fut un temps où je buvais ces paroles. Mais mon arrivée au Cercle avait changé pas mal ma vision des choses. Ils étaient comme nous, ils avaient des rêves, des envies de voyager, de liberté, de trouver le bonheur."



On parlait beaucoup du Cercle de Kirkwall, comme quoi il était atroce et sanguinaire, mais en réalité, une bonne partie des Cercles étaient similaires, voire pires : ils savaient juste mieux cacher leurs petits jeux.


"Vers mes 15 ans, j’ai rencontré une jeune mage pleine de vie du nom d’Alda. Nous passions beaucoup de temps ensemble, à lire, à nous occuper comme nous pouvions. Parfois, il nous arrivait de se dissimuler hors du Cercle par le biais de passages très secrets, de nous prélasser dans les prés débordants de lavande .."



Je peux sentir la petite brise nocturne me caresser le visage, revoir ce si beau regard que porte Alda avec humilité. Créateur, elle est si belle. Entendre son rire est une bénédiction du ciel. Je passe mes doigts dans sa longue chevelure balayée par le vent, et nos regards se bloquent l’un dans l’autre. Nous rions, mais je ne savais plus de quoi.

Quittant un doux rire empli de nostalgie, j’entendis un reniflement lourd et pénible, avant de réaliser qu’il s’agissait également de moi. Je poursuivis mon récit avec peine, mais il le fallait, j’imaginais.


"Je n’avais qu’une pensée parasite qui m’obsédait : « si le père l’apprend, je suis un homme mort ». Après tout, ce serait comme lui expliquer qu’on voulait épouser un cochon ou un cheval. Non-sens. Aberration. Honte sur toute la famille, qui avait une réputation à conserver."



Je sentis ma gorge se serrer, la colère monter, mais je balayai ces émotions si éphémères. J’avais une histoire à raconter.


"Mon frère aîné, Emmett, a toujours tenté de jouer les grand-frères protecteurs, surtout avec moi. Ah, le pauvre. Mais c’est lui qui a appris pour moi et Alda, en me suivant discrètement jusque dans notre petit coin secret. Il m’avait promis qu’il ne dirait rien, mais malheureusement pour moi, il a eu peur."



Un rire franchit mes lèvres, un rire nerveux, usé, mais presque silencieux. Comme je fus naïf. Mais c’était une leçon de la vie que je n’allais plus jamais oublier.


"Et donc, il m’a vendu au père. Je n’étais évidemment pas au courant, j’étais au Cercle. Un jour, le père est arrivé au Cercle, avec une leçon importante à m’apprendre. Il m’a conduit dans une pièce sans fenêtre, avec seulement une porte et deux chaises à l’intérieur, et m’a fait m’asseoir. Puis, deux templiers sont arrivés avec Alda, et .."



Ma voix tremblait, s’amoindrissait. Mon regard débordait de rancœur et de larmes, pointant toujours plus vers le sol sale de ce cachot. Mais finalement, il se redressa dans celui de mon interlocutrice, un sourire douloureux et beaucoup trop large occupant mon visage.


"Et ils l’ont apaisée devant moi. L’apaisement retirant toute émotion de sa victime, un amour aberrant ne serait ainsi plus un problème. Et puis, tous les prétextes étaient bons pour justifier pareil crime : perte de contrôle de sa magie, insubordination, .. Mais vous devez mieux connaître la liste que moi."



Oui, c’était gratuit, oui, c’était amer. Mais elle savait de quelles magouilles je voulais parler. Si elle faisait partie des gradés, âme charitable et ouverte ou pas, elle savait. Ou alors, ce n’était qu’une demeurée illuminée, mais je ne misais pas trop sur cette hypothèse.


"On m’a ensuite viré de l’Ordre, chose qui arrive fréquemment, lorsqu’on en a trop vu. L’abus de pouvoir, les magouilles, tout ce qui pouvait entacher une bonne réputation. D’ailleurs, ils ont envoyé mon petit frère à la place. Je l’ai revu dernièrement, dans les troupes corrompues de Samson. Cette image me fait encore beaucoup réfléchir .. Si j’avais été « sur le bon chemin », j’aurais été à sa place. Effrayant."



Lentement corrompu par le lyrium rouge, perdant ma raison, mes sens, tout ça à but de devenir un pantin sans âme et sans convictions personnelles. Un sacrifice nécessaire pour mener à bien les projets de l’Ancien. Effrayant.


"J’ai passé une année dans le néant et l’enfermement, avant de trouver une porte de sortie. J’ai quitté le pays pour Orlaïs. J’ai donné tout ce que j’avais pour entrer à l’université, et pour devenir ensuite écrivain. Ce que j’avais vu au Cercle ne m’avait jamais quitté, et j’étais déterminé à combattre l’injustice qu’affrontaient les mages avec mes vers."



J’émis un rire amer, songeant à ma vie à Val Royeaux. Elle semblait autant chaotique que paisible, autant vaine que pleine d’espoir.


"Maintenant, considérez ceci : est-ce que quelques poèmes et tragédies sur le sujet ont changé quoi que ce soit ? Non. Je pense même, et en toute logique compte tenu de votre appartenance, que vous n’en avez jamais entendu parler. Par contre, est-ce que l’explosion d’une Chantrie a changé quoi que ce soit ? Complètement. C’était extrême, mais nécessaire pour secouer les consciences. Les mages étaient des animaux en cage au mieux, des poupées dont les templiers abusaient au pire. Vous comprendrez donc qu’entre des mots constamment censurés par la Chantrie, et mes épées, j’ai pris mes épées. Il n’y a rien de plus à comprendre."



Je marquai une pause, songeant à la guerre entre les mages et les templiers, à toutes les conséquences qui avaient suivi l’explosion à Kirkwall. Cette ville était un merdier, mais c’était partout le cas, il fallait être honnête.


"Le monde a plongé dans le chaos et la guerre, Léah. Votre flamme est peut-être incorruptible, mais vous êtes bien seule. Vous pouvez vérifier mes affirmations sans souci, mais cet orphelinat si charitable torturait et vendait les enfants pour Antiva, sûrement aux Corbeaux. Quoi, vous pensez que vos chers collègues vous le diraient en toute franchise ? « Oh oui bien sûr, on se fait même un sacré paquet de blés avec eux, ce sont de très bons clients ! » Mes sources sont très sûres, et il vous suffira d’aller faire un tour dans leur cave pour le voir. Mais le problème n’est pas là, n’est-ce pas ?"



Je me redressai dans ma posture, ne quittant pas les yeux de mon interlocutrice.


"Quelque chose vous effraie, et vous cherchez à le comprendre pour vous rassurer. Personnellement, je trouve amusant les similitudes que j’ai pu repérer entre vous et moi : toute la différence réside en notre vécu, mais dans le fond, nous sommes pareils. Vous voulez rendre justice, je veux rendre justice. Vous voulez rendre le monde meilleur, protéger la veuve et l’orphelin, eh bien moi aussi. Seulement, votre premier amour n’a pas été apaisé par la corruption de cette institution trop vieille. Je vous l’ai déjà dit lors de notre première rencontre : je n’ai rien contre les templiers. Ils ne sont que les victimes de cette propagande absurde, menée avec brio par la Chantrie. La peur des mages, la justification de toute cette violence, cet abus de pouvoir, tout origine de là, et vous ne pourrez jamais me faire changer d’avis là-dessus."



Soupirant péniblement, j’appuyai ma tête contre le mur, pris d’une soudaine migraine. Je fermai les yeux, essayant de me concentrer au mieux, avant de reprendre sur un ton plus calme, autant que désaccordé.


"Vous croyez en ces chimères, c’est votre affaire. Vous m’avez demandé qui j’étais, et pourquoi, eh bien voilà mes raisons. Et le Créateur possédant le plus absurde sens de l’humour, en plus de me coincer ici car j’ai choisi de vous aider au lieu de m’enfuir, voilà que mon neveu repart avec un de mes doigts, ainsi que ma santé mentale et ma vie orlésienne. Car non, il n’est pas venu m’interroger au nom du prince, mais au nom des Trevelyan. Et ils vont sûrement tenter de me récupérer afin de me tuer, ce qui serait pas mal, je dois vous dire. Trouver enfin la paix, après une vie passée dans tous les conflits imaginables .. Oh, suis-je bête, le monde ne marche jamais comme ça."



Je posai un lourd regard sur ses épaules, pendant lamentablement avec mes chaînes aux poignets.


"J’ai l’intuition que vous ferez une différence, que l’Ordre prendra une toute autre direction que celle imposée par les Chercheurs et par la Chantrie. J’imagine que tout ça repose sur vous. On va dire que je vais prier pour que cela arrive. "



Le silence retomba dans ma cage. Un silence moins lourd qu’avant, mais imposant malgré tout. Je coupai ce silence d’un petit rire.


"Et vous, quelle est votre histoire ? Vous connaissez la mienne, et puisque mon destin est apparemment de payer pour mes crimes, vous serez assurée que cette conversation ne quittera pas ces lieux. Et contrairement à certains lâches, je suis un homme de parole."



Elle voulait me comprendre car elle espérait y trouver quoi, des conseils ? Elle songeait vraiment à s’aiguiller avec mes propos ? Eh bien bon courage : je n’osais quantifier son désespoir, pour demander conseils à une conscience fragmentée et chaotique comme la mienne. De quoi trouver cela intriguant.

Lun 30 Aoû 2021 - 11:22

Léah de Cautraux
Léah de Cautraux

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Sur la flèche qui l'atteint, l'oiseau reconnaît ses plumes.


Léah écouta le récit de l’épave qui se tenait devant elle. Dire qu’elle le faisait avec attention serait un mensonge : L’homme avait décidé de lui raconter sa vie entière, faisant preuve d’un hubris qui en ferait rougir un dramaturge Antivan. Comment cet homme pouvait-il se décrire comme un écrivain ? Il divaguait, la cohérence de son récit maintenue uniquement par la haine qui passait derrière ses yeux quand son passé ressurgit.

Car Léah pouvait le voir. Il lui parlait, ses faibles bras tentaient vainement de continuer sa routine d’orateur malgré ses entraves mais l’homme n’était pas vraiment là. Il était prisonnier de son passé. Pendant qu’il parlait, narrant sa terrible histoire d’apaisement, Léah pouvait sentir que son emprise sur son pouvoir la fatiguait bien trop. Lâchant graduellement la main, la lueur turquoise faiblit. Avant qu’ils ne se retrouvent dans le noir, elle sortit un silex de sa poche de survie. Frappant la pierre volcanique contre le mur, des étincelles surgirent et allumèrent les braises de la torche qui venait d’être éteinte.

Puis elle sentit une pause dans le récit du meurtrier. Il semblait avoir terminé sa terrible histoire. Elle avait tout écouté du début jusqu’à la fin, sentant chaque intonation derrière le destin terrible qu’il se voulait annoncer.

La Templière s’était surprise à penser que son récit ne lui avait fait ni chaud ni froid. Il y a dix ans de cela, elle aurait peut-être versé une larme en entendant cette tragédie. Elle aurait tenté de pardonner l’homme qui avait tué tant d’innocents. Dans une réalisation terrible, qui lui faisait plus d’effet que les mots de l’homme, Léah se rendit compte qu’elle avait changé. Le carnage de Dairsmuid, la guerre contre la rébellion des mages, les marches solitaires…

Elle avait vu tant de meurtre, de sang, de trahison et d’actes innommables depuis la rupture des accords du Névarra qu’elle en était devenue cynique. Léah ne pouvait plus compter sur ses deux mains le nombre de fois où un Templier avait abusé de son pouvoir pour apaiser un proche, et encore moins les fois où un père cruel refusait de voir son nom de famille souillé de la sorte.

Et puis, l’homme le plus misérable qu’elle connaissait commença son sermon. Elle choisit de ne pas l’interrompre, malgré l’envie qui la démangeait, car elle lui avait autorisé de vider son sac. Il lui dévoila les raisons de son acte de meurtre dans sa ville, il fit même l’apologie de l’explosion de la Chantrie de Kirkwall ! Il lui disait que tout ce qu’elle croyait étaient des chimères, et ensuite…
Il voulait… Il voulait qu’elle lui raconte son histoire ?!

Elle ne put se retenir. Sa main gantée le frappa de toutes ses forces sur la mâchoire. Les phalanges métalliques s'imprimèrent dans sa joue, et Léah fronça des sourcils.

« Vous voulez que je raconte mon histoire ?! Après avoir craché sur mes croyances, justifié tout ce que je qualifie de crime ? Vous pensez vraiment que votre histoire mielleuse, bien que tragique si vraie, me ramollira à ce point ? Vieillard présomptueux ! Vous pensez être si spécial que ça, hein ? Que le monde tourne autour de votre petite personne ? »

Elle cracha par terre de dégoût.

« A en écouter votre histoire, je n’en ai qu’une conclusion. Vous qui êtes si plein de haine pour votre père et ce qu’il vous a fait, vous êtes strictement comme lui. A tuer, à massacrer tout ce qui se trouve sur votre passage juste parce que le monde est trop cruel, hein ?

Ecrire des misérables poèmes sur une réalité que vous ne pouvez commencer de comprendre est une chose. Mais avez-vous pensés aux familles de ceux qui se sont fait écraser par les débris de la Chantrie de Kirkwall ? A tout ceux qui se sont fait écarteler, retourner de l’intérieur pour dévoiler muscles et veines par des abominations ? Est-ce que leur proches se sont mis à tuer tous les mages qui bougent, à détruire des vies pour une vengeance contre le monde ? »


Elle écarta les bras, et surtout la torche pour qu’il ne tente pas de les replonger dans le noir encore une fois.

« Votre vie est une blague. C’est moi qui suis supposé croire en des chimères ? Ce que vous m’avez raconté, je l’ai vu se dérouler des dizaines, des vingtaines de fois. Et pourtant, vous avez cru bon d’exalter votre propre sens de justice tordu dans MA ville ? Quel bien cela a fait d’assassiner ce frère de la Chantrie ? »


Elle pointa le symbole de l’épée de justice sur son armure.

« La Justice des Hommes existe pour cela. Il faut bien faire les choses, car lorsque tous les moyens sont bon pour se battre contre le mal, le bien que l’on défend se confond avec ce que l’on combat. Regardez donc ce que vous êtes devenu. Un meurtrier, un traître. Et bientôt, un macchabé. »

La Templière avait déjà prévu d’exécuter cet homme. Les cachots de Fort Eden seront très vite remplacés par quelque chose de plus utile, et elle n’avait pas la place pour ce genre d’épave dans son monde.

« Vous voulez connaître mon histoire, meurtrier ? Alors écoutez moi bien : Je suis Léah de Cautraux, la dernière Templière de Montsimmard, et je réparerais tous les défauts de ce monde. En commençant par rectifier le cocktail d’égo et de stupidité qui créé les hommes comme vous. »



Dim 5 Sep 2021 - 2:01

Ashleigh
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Léah de Cautraux n’émit aucun son lors de ma longue tirade, ce que je trouvais admirable. Ou alors, je ne l’avais pas entendue, trop pris dans mon récit, dans cette rage, dans cette frustration de la vie, dans tout ce qui constituait finalement mon être. De me dire que même après tant d’années, que même après avoir tué le responsable de tous mes maux, que rien n’avait changé, c’était terrifiant, il fallait l’admettre. Je me retrouvais, comme le dernier des cons, enchaîné dans une cellule depuis Andrasté savait combien de temps, à ruminer toute mon histoire.

C’était la première fois que je la contais sans le moindre filtre pour flouter les détails gênants. Cela faisait réellement étrange, mais à quoi bon ? Je savais que tout se terminerait ici, alors autant ne pas se retenir. Que quelqu’un se rappelle de moi, de ce merdier, en bien ou en mal. Je m’en foutais. L’Histoire était toujours écrite par les vainqueurs, et il fallait croire que ma noble quête n’en ferait pas partie, serait charcutée par mes détracteurs, retournée, déformée, afin qu’elle suive leur propre narration. Qu’est-ce que cela pourrait me foutre, à présent ? Je n’allais pas quitter cette foutue ville. Ma vie allait s’arrêter bêtement ainsi, sans que je ne puisse rien y changer.

Un coup voilent heurta mon visage. Ma tête suivit le mouvement, à la limite de quitter mon corps, mais la douleur me semblait lointaine. Pourtant, elle avait frappé fort, n’est-ce pas ? J’aurais dû grimacer, me braquer, quelque chose du genre ? Étais-je déjà en train de mourir ?


"Vous voulez que je raconte mon histoire ?! Après avoir craché sur mes croyances, justifié tout ce que je qualifie de crime ? Vous pensez vraiment que votre histoire mielleuse, bien que tragique si vraie, me ramollira à ce point ? Vieillard présomptueux ! Vous pensez être si spécial que ça, hein ? Que le monde tourne autour de votre petite personne ?"



Chaque mot trouva son chemin dans mon esprit comme la plus agile des flèches trouvait sa cible sans la moindre difficulté, avec le vent le plus coopératif dont elle pouvait bénéficier. Vieillard, présomptueux, spécial, égoïste.


"A en écouter votre histoire, je n’en ai qu’une conclusion. Vous qui êtes si plein de haine pour votre père et ce qu’il vous a fait, vous êtes strictement comme lui. A tuer, à massacrer tout ce qui se trouve sur votre passage juste parce que le monde est trop cruel, hein ?"



Mon souffle se bloqua. Encore. Ce n’était pas la première fois qu’on me le disait. Qu’on faisait allusion à lui. Pourquoi ? Il devait bien y avoir une explication, non ? Une meilleure explication que .. Non. Je n’étais pas comme lui. J’étais tout sauf comme lui. Je n’étais pas lui.

N’est-ce pas ?




"Ecrire des misérables poèmes sur une réalité que vous ne pouvez commencer de comprendre est une chose. Mais avez-vous pensés aux familles de ceux qui se sont fait écraser par les débris de la Chantrie de Kirkwall ? A tout ceux qui se sont fait écarteler, retourner de l’intérieur pour dévoiler muscles et veines par des abominations ? Est-ce que leur proches se sont mis à tuer tous les mages qui bougent, à détruire des vies pour une vengeance contre le monde ?"



La fin justifiait-elle les moyens ? Bah. Personne ne le ferait, sinon. Mes écrits pour défendre une cause étaient certes une chose totalement différente que de libérer des orphelins de la torture. Mais tout de même .. Avait-elle quelque part raison ? Non, la guerre civile l’avait bien montré, tous des sauvages .. Mais ..


"Votre vie est une blague. C’est moi qui suis supposé croire en des chimères ? Ce que vous m’avez raconté, je l’ai vu se dérouler des dizaines, des vingtaines de fois. Et pourtant, vous avez cru bon d’exalter votre propre sens de justice tordu dans MA ville ? Quel bien cela a fait d’assassiner ce frère de la Chantrie ?"



Ma vie. Quelle vie ? Celle que l’on passait à survivre ? A se terrer dans les coins sombres en attendant d’obtenir vengeance ? Une vengeance qui en plus ne m’avait clairement pas satisfait ? Cela faisait vingt-quatre ans que j’avais cessé de vivre. Je n’avais pas vingt ans, que vivre n’avait plus été une option pour moi, option que je n’avais pas vraiment été chercher.

Quel bien cela procurait de tuer un homme ? Je n’aimais pas tuer. Je le faisais car il n’y avait pas d’autre façon. C’était nécessaire. J’ai sauvé les gosses en agissant de la sorte. Mon regard quitta le néant pour le relever vers Léah, qui pointait son symbole avec une certaine fierté.


"La Justice des Hommes existe pour cela. Il faut bien faire les choses, car lorsque tous les moyens sont bon pour se battre contre le mal, le bien que l’on défend se confond avec ce que l’on combat. Regardez donc ce que vous êtes devenu. Un meurtrier, un traître. Et bientôt, un macchabé."



Je l’observai un instant. Un long instant. A entendre ses paroles, dont mon esprit voulait ignorer le sens, mes larmes se mirent à couler. Je ne savais pas trop pourquoi. Elles effaçaient sûrement un peu de crasse présent sur mon visage, avant de se faufiler dans ma vieille barbe tordue.

Quelque part, d’entendre que ma mort était enfin proche, et ce après avoir fait une action que je jugeais bien, était un soulagement. Je n’allais pas mourir à cause de bêtes machinations, je n’allais pas mourir à cause d’une connerie, une bête chute, une bête erreur qui me vaudrait la rage d’un ennemi pourtant si facilement surmontable, non. Le Créateur avait enfin décidé de me laisser partir, me reposer, ne plus penser à toutes ces luttes, à tous ces sacrifices, à tout ce temps gâché à survivre. Je n’attendais que ce repos. Un repos bien mérité.


"Vous voulez connaître mon histoire, meurtrier ? Alors écoutez moi bien : Je suis Léah de Cautraux, la dernière Templière de Montsimmard, et je réparerais tous les défauts de ce monde. En commençant par rectifier le cocktail d’égo et de stupidité qui créé les hommes comme vous."



La dernière templière de Montsimmard.

Ses objectifs étaient clairs. Cependant, quelque chose me chiffonnait encore. Nous avions les mêmes buts, alors pourquoi était-elle dans le juste et pas moi ? Pourquoi sa façon de faire serait mieux que la mienne ? Avait-elle raison ? Après un certain silence, je repris la parole, de ma voix rauque et épuisée.


"Et qu’est-ce qui vous fait penser que vous agissez mieux que moi, Léah de Cautraux ? Que vos intentions sont meilleures ? Qu’est-ce qui vous fait penser que vous ne tomberez pas un jour dans la boue, comme moi aujourd’hui ?"



Je n’avais pas grand-chose de plus à dire, pour être honnête. J’avais fait le tour de ma vie plusieurs fois entre ces quatre murs. Je m’étais repassé les pires moments de ma vie, ainsi que ce que je qualifiais de meilleur. Ce n’était pas une vie, ce que j’avais mené depuis mon départ d’Ostwick. C’était sûrement mieux ainsi, de par mon métier et mon histoire, mais était-ce satisfaisant pour autant ?

Un rire franchit mes lèvres, après un autre long silence.


"Ça aurait dû arriver il y a bien des années en arrière. J’aurais dû mourir injustement à cause de la stupidité de ma famille, ça m’aurait évité de survivre pendant si longtemps, pour finalement pas grand-chose. Tu parles d’une vie."



Puis, avec une espèce de sourire trop large, je plantai mon regard troublé dans celui de mon interlocutrice.


"J’ai hâte."



Hâte d’en finir. D’enfin partir d’ici. De pouvoir enfin dormir la nuit.

Dim 10 Oct 2021 - 10:31

Léah de Cautraux
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Sur la flèche qui l'atteint, l'oiseau reconnaît ses plumes.



Parler avec cet homme avait été une bonne idée. La perspective était la ressource la plus rare pour quelqu’un qui souhaitait, et pouvait, changer le monde. Mais d’une manière, elle était déçue.

Ce meurtrier manquait beaucoup trop de volonté. Malgré ses beaux discours, et son histoire cruelle, il n’avait suffi à Léah que de montrer sa propre flamme pour qu’il s’écroule comme un château de cartes. Des larmes se mirent à couler sur son visage défait, ses épaules s’affaissèrent de dépit. Et même s’il rit à nouveau, le son ressemblait plus à un ballon de baudruche antivan qui se dégonflait plutôt que le défi d’un homme capable de tuer pour ses idées. Léah tiqua :

« Tsch. Que j’ai hâte de voir l’expression de votre visage sur celui de Pierre. Mon nom ne finira jamais dans la boue, car je tuerai l’infâme qui l’y a plongé. Avez-vous déjà vu une mouette pécher un poisson, meurtrier ? Elles plongent dans la mer pour gober leur proie, mais leur plumage reste sec. Savez-vous pourquoi ? »

Elle écarta les mains, comme un professeur qui explique sa leçon.

« Leur vitesse. Elles plongent dans l’eau et ressortent si vite que l’eau n’a pas le temps de laisser sa marque. C’est la même chose lorsqu’un Nom plonge dans la boue. Il suffit de rebondir, savoir prendre de la vitesse pour en ressortir immaculé.

Votre erreur est d’avoir préféré rester dans la fange pour tenter de jouer au même niveau que ceux qui vous ont fait affront. »


Elle se leva, signalant que la discussion allait bientôt se terminer.

« Je serais la dernière personne que vous verrez. L’Ordre n’exécute plus ses ennemis en public. Usez bien de vos derniers mots, car je serais la seule à les entendre. »



Dim 10 Oct 2021 - 13:01

Ashleigh
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4 Drakonis 9:42



Quelque chose me dérangeait. Quelque chose semblait pourtant inévitable, c’était indéniable, mais ce n’était pas la mort. Je connaissais ma chance. Cette stupide chance. Cette infernale chance.


"Tsch. Que j’ai hâte de voir l’expression de votre visage sur celui de Pierre. Mon nom ne finira jamais dans la boue, car je tuerai l’infâme qui l’y a plongé. Avez-vous déjà vu une mouette pécher un poisson, meurtrier ? Elles plongent dans la mer pour gober leur proie, mais leur plumage reste sec. Savez-vous pourquoi ?"



Pierre. Tuer l’infâme qui l’y a plongé. J’essayais de suivre son raisonnement entre mes divers tremblements.


" Leur vitesse. Elles plongent dans l’eau et ressortent si vite que l’eau n’a pas le temps de laisser sa marque. C’est la même chose lorsqu’un Nom plonge dans la boue. Il suffit de rebondir, savoir prendre de la vitesse pour en ressortir immaculé.

Votre erreur est d’avoir préféré rester dans la fange pour tenter de jouer au même niveau que ceux qui vous ont fait affront."



Rester dans la boue. Rester à la hauteur de ceux qui m’y ont traîné.

Un rire plus ferme franchit mes lèvres.


"Je serais la dernière personne que vous verrez. L’Ordre n’exécute plus ses ennemis en public. Usez bien de vos derniers mots, car je serais la seule à les entendre."



"Et vous y croyez."



Je mis une certaine force dans mon corps pour tenter de le redresser. Mes épaules craquèrent, ainsi que mon bassin. Mais j’étais déterminé à être une plaie jusqu’à la fin.


"Vous ne serez pas la dernière personne à m’entendre, Léah de Cautraux. Le Créateur n’a pas fini de me tourmenter. J’ai failli y croire, sûrement par solution de facilité. Et je voudrais bien vous croire. Mais votre illusion alléchante ne se produira pas."



Tout faisait sens dans mon esprit, désormais. Si le Créateur ne m’avait pas laissé mourir des années auparavant, Il n’allait pas me laisser mourir maintenant, peu importait comment.


"Je vous ai parlé des Trevelyan. Ils m’ont retrouvé. Vous pensez sincèrement qu’ils vont vous laisser rendre justice ici, alors qu’ils veulent acter de mon jugement directement à Ostwick ?"



Mon sourire s’élargit encore, s’il le pouvait, tandis que mes larmes séchaient peu à peu. Je ne savais pas ce qui me réjouirait le plus dans ce calvaire.


"Pourquoi pensez-vous que Lukan serait venu me faire une visite ? Il n’est pas venu ici au nom du Prince, mais au nom de son cousin, Aelan Trevelyan, lui-même mon neveu. Mais j’imagine qu’il ne vous a rien dit à ce sujet. J’ose même imaginer que le Prince n’est pas au courant."



Je haussai légèrement des épaules, trop lourdes pour les hausser davantage.


"Faites attention, un rat se promène dans votre cave. Et ce rat va me faire sortir d’ici avant même que vous puissiez lever la main sur moi."



Un autre rire franchit mes lèvres sèches.


"Mais je dois penser à une dernière parole pour vous, alors .. Je ne vais vous dire qu’une chose : à toute à l’heure."



Mon corps restait tendu, au point de me faire mal. Je pestai mentalement face à un corps toujours plus vieux et frêle, dans des conditions à la limite de l’inhumain. Mais je ne bougeai pas pour autant.


"Et merci pour cet échange. Mais on se reverra. Peut-être même que nous en serons à échanger autour d’un bon café sur les banalités de la vie. Qui sait ? Le monde est déjà suffisamment absurde, alors pourquoi ne pas l’être ?"



Mon sourire restait aussi étincelant qu’il le pouvait, désormais. Mon clair regard ne quittait pas celui de mon interlocutrice, les flammes s’y reflétant avec douceur et vivacité.

Dim 10 Oct 2021 - 15:38

Léah de Cautraux
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Ainsi, il avait encore la force de fanfaronner. Pathétique.

« Quel mauvais choix de mots. La chose sensible aurait été au moins de demander pitié au Créateur. Si nous devons nous revoir un jour, ce sera de l’autre côté. Mais je serais parmi les fidèles, parmi les Justes. Et vous… Vous ferez encore parti de la fange que vous n’avez jamais quittée.

Adieu, meurtrier. Puisse le prochain monde vous être plus clément que celui-ci. »


Léah vint de se rappeler que même après avoir passé tant de temps avec cet homme, elle n’avait jamais su son prénom.

Bah. C’était un animal.

Et il allait mourir comme tel.

Léah sortit de la cellule avec un sourire, car discuter avec cette épave l'avait affirmé sur son chemin. La porte en acier se referma lourdement sur la pièce sombre. Elle se referma sur le premier, et le dernier, prisonnier du Nouvel Ordre.
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