– Garde des Ombres –
Et le voilà reparti... Salvador donnait de la confiture aux cochons. Un instant, il se demanda ce que le vieil homme cherchait à obtenir. Probablement la même chose que lui... La différence principale entre eux était que lui semblait plus tenir à Salvador que l'inverse, et ne cessait de lui courir après.
Il se mit à déblatérer sur sa vie de poète, ses grandes aspirations pro-magie, en faisant appel à la fibre patriotique de Salvador... C'était malin, quelque part, ça aurait sans doute pu marcher. Peut être même savait il que Rivaïn avait subi des marches exaltées, et utilisait il la chantrie pour convaincre le garde des ombres qu'ils étaient dans le même camp. De la même façon, il utilisa le Qun comme argument pour dire qu'ils se faisaient maltraiter par Orlaïs, diffamer et trainer dans la boue... Toute cette discussion lassait prodigieusement Salvador, mais il dissimula parfaitement son désintérêt derrière un sourire et parvint même à afficher une lueur d'intérêt dans son regard. Et enfin, il revint à la charge.
Salvador ne perdit pas son sourire, ni même la lueur d'intérêt dans son regard. C'était eux deux qui allaient être le plus douloureux pour Fabien.
Il se détourna à nouveau. Il était maintenant clair que ce sourire et cet intérêt n'étaient que de l'amusement, une moquerie de son interlocuteur... Et c'est pourquoi, en quittant la ruelle, Salvador croisa les bras dans son dos, comme s'il flânait tranquillement, alors qu'il se mettait simplement en position pour sortir son bouclier et parer une attaque du viell homme vexé.
Ft. Salvador Diala – Camarade ? ☆
Camarades ?
Gardien 9:30
Il avait posé une autre carte sur la table. C’était le Burg dans un jass, l’as dans une bataille, la plus redoutable des cartes : celle de blesser l’ego.
" Vous n'êtes peut être pas un menteur, Fabien, peut être même que vous me dites la vérité en ce moment même. Je serais même tenté d'y croire. Mais vous n'êtes qu'un petit rebelle sans ambition et sans envergure, doublé d'un orateur expérimenté, mais sans talent. La Garde ne pourrait rien tirer de vous, peu importe les talents martiaux que vous dissimulez derrière cette histoire de poésie. Bonne soirée."
Le Burg qui contraignait de poser un atout important, et évidemment, il ne me restait plus beaucoup de faibles atouts à sacrifier à la place. Un petit rire franchit mes lèvres, tandis que mon interlocuteur s’en alla sur son pas lent, mais évidemment calculé. Evidemment qu’il attendait ma pièce maîtresse, mais j’attendais également la sienne.
"Mon honnêteté possède la même proportion que la vôtre lors de cet échange, Salvador, et je sais que vous n’avez pas été entièrement honnête."
Je marquai une pause, mais ne bougeai pas, sentant une espèce de pression soudainement dans cette ruelle. Une tension, qui brisée causerait des dégâts.
"Vous voulez me faire croire qu’un analyste tel que vous gaspille ses talents à recruter de simples criminels ? Vous savez pertinemment comment les convaincre de se joindre à cette cause-ci, et ce n’est clairement pas la méthode-là que vous utilisez sur moi en ce moment."
Mon sourire restait brillant, tandis que je tenais un bon bout.
"Mais allez-y, défilez-vous, je peux parler fort, et ainsi exposer haut et fort ce que je ne devrais pas ! Les murs ont des oreilles, mais après tout, c’est vous qui voyez."
– Garde des Ombres –
Evidemment que Fabien n'était pas stupide et se doutait qu'il était lui même plus que ce qu'il racontait. Mais il était clairement à court de cartes à jouer. Salvador prit le temps d'étudier le peu qu'il lui restait. L'attaquer, le provoquer à son tour, le faire chanter... Beaucoup de cartes qui ne reposaient que sur la faiblesse éventuelle du Garde. L'inconvénient étant que Salvador n'avait aucun intérêt à se montrer faible, puisqu'aucune récompense ne l'attendait. Mais voyons comment il allait essayer de jouer...
Il sourit, et se retourna à moitié. L'amusement dans son regard n'était plus dissimulé, et sa posture évoquait plus encore une tranquille assurance qu'avant.
Quant à savoir pourquoi un analyste et un orateur tel que moi fait tout cela pour la Garde... C'est parce que je suis un homme de conviction, et que je suis prêt à investir tout ce que je suis dans la mission de protéger mon pays. Peut être est-ce en cela que nous sommes le plus différents, au final."
Il laissa un doux rire, exprimant presque son pardon à Fabien, le fait qu'il ne lui en voulait pas de lui avoir fait perdre son temps... Une ultime provocation, et c'en serait fini, cette fois. Soit Fabien s'ouvrirait, soit Salvador partirait pour de bon.
Ft. Salvador Diala – Camarade ? ☆
Camarades ?
Gardien 9:30
Il avait mordu malgré tout. Il prétendait être à l’aise, il prétendait que rien ne l’atteignait, mais si c’était vraiment le cas, il n’aurait même pas daigné me répondre et serait reparti en chasse. Mais il s’était arrêté, d’apparence confiant, très confiant même. Ainsi, par ego, ou simple envie de divertissement, il joua cette fois-ci la carte de la menace en retour à la mienne.
"Parce que vous n'êtes pas un criminel, je m'adapte et tente de vous faire parler. Mais je suis un Garde des Ombres estimé, et vous êtes un roquet mille fois hors la loi. Attirez l'attention, révélez ce que vous pensez savoir, et vous serez mêlés à une enquête. C'est pour votre sécurité que je vous ai fait venir ici, Fabien, non pour la mienne. Je vous offrais une porte de sortie, un moyen de vous mettre à l'abri, et vous écartez cette main qui vous est tendue par ego... C'est votre choix. Mais nul besoin de brandir de menaces, rien de ce que vous pouvez faire ne saurait m'atteindre... "
Je lui adressai alors un sourire entendu : parfait. Je préférais qu’il me sous-estime plutôt que nous entrerions dans la partie chantage de cette conversation. Il n’était pas qu’un Garde des Ombres : d’une certaine manière, il connaissait certains codes et certaines façons de faire propres aux espions, aux informateurs de mon genre. Lui aussi devait se douter de quelque chose, mais en général, il ne fallait pas pousser mamie dans les orties dans ce genre de situation : lui comme moi ne connaissions pas l’identité « douteuse » de l’autre, donc autant sortir le sourire courtois et ne pas trop provoquer.
Je gardai cependant à l’esprit de m’atteler à faire quelques petites recherches de mon côté, car je n’avais pas souvenir que des individus du Riveïn aient pris leurs quartiers en Orlaïs. Ou alors, peut-être avait-il intégré un réseau déjà connu de mon champ de vision ? Difficile à dire.
" Quant à savoir pourquoi un analyste et un orateur tel que moi fait tout cela pour la Garde... C'est parce que je suis un homme de conviction, et que je suis prêt à investir tout ce que je suis dans la mission de protéger mon pays. Peut être est-ce en cela que nous sommes le plus différents, au final. "
Protéger son pays. A mon avis, il ne parlait pas d’Orlaïs. Je gardai cette information pour moi, curieux à l’idée que le Riveïn puisse venir semer un certain trouble à l’étranger, voire carrément à Orlaïs. Je haussai des épaules, jouant sur mes défauts avec brio.
"Hélas, mon égo m’empêche de comprendre votre sens du patriotisme et de la dévotion."
Attends, les Gardes n’étaient pas apolitiques ? Pourquoi prenait-il le risque de me parler de patriotisme ? Non parce qu’à en juger les rares infos de Férelden, ce n’était pas Orlaïs qui pouvait prêter main forte : apparemment, la frontière leur était bloquée. Tristesse.
Je m’approchai de Salvador, mais surtout pour pouvoir sortir de la ruelle. La conversation ne pouvait pas continuer plus loin, car nous étions tous deux trop fiers pour cet interrogatoire improvisé et mutuel. Quel dommage, bien que tout cela allait me faire me poser mille et une questions une fois de retour à Val Royeaux. Je lâchai une tape amicale sur son épaule robuste, tout en croisant son regard une fois de plus.
"Bien. Restons-en là, je vois bien que vous n’appréciez pas vraiment que je cherche la petite bête, Salvador du Riveïn. J’espère que je n’aurai pas à entendre parler de vous à nouveau, que vous vous attireriez des ennuis, .. Ce serait dommage."
Je lui lançai un clin d’œil, avant de tendre la main, à but de l’empoigner. Dans le doute, ne jamais se faire inutilement des ennemis, surtout lorsqu’on ignorait sur quel pied danser.
"Je ne vais pas vous importuner davantage, vous avez du recrutement à faire pour votre cause, et un Enclin à gérer si on vous ouvre la frontière. Bien que j’aurais adoré vous poser quelques questions sur la philosophie rivénienne, car le concept d’égalité et d’équité entre tous est une pensée qui m’a toujours intéressé. Mais bon, peut-être une autre fois, qui c’est ?"
Haussant des épaules, ce fut à mon tour de le devancer pour quitter la ruelle sur un pas tranquille.
"Profitez bien de votre soirée, Salvador."
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