[FB Réalduc 9:40] Mais ils sont fous, ces Templiers [PV Reece]

Le soleil est haut dans le ciel bleu. Pourtant, contrairement aux quartiers de Dairsmuid, le vent souffle fort, chantant dans les grands sapins. Nolis rabat les pans de sa cape sur elle pour tenter de se réchauffer, maudissant pour la énième fois cette stupide région en guerre. Si elle s’écoutait, elle aurait trouvé refuge dans une des grottes de la vallée pour faire le meilleur feu possible. Même qu’elle aurait pu mettre une barrière à l’entrée pour sa tranquillité.

Mais la zone est en conflit et plus vite elle sera loin, mieux ça sera. Déjà que sa dernière expédition a tourné au vinaigre, elle n’a pas envie d’avoir plus que quelques mèches roussies. Fichu dragon-Sir. Au moins, elle a survécu et a gagné un mabari dans la débandade de la bande de mercenaires dans laquelle elle s’était glissée.

Sa main passe dans la fourrure grise de Brume, qui aboie joyeusement, alors qu’elle se demande comment elle racontera cette histoire, une fois rentrée. Elle compte bien la rendre la plus épique possible - et taire au passage la partie où elle a manqué de finir en snack pour dragon - pour amuser ses confrères de la Porte des Rêves. Elle a une réputation à tenir, bon sang ! Elle est Lys aux flammes, Lys aux Esprits, elle ne tient pas à être la risée des Seigneurs de la Fortune pour quelques mois !

D’accord, elle est plutôt Lys aux ennuis pour la plupart de ses confrères. Ses expéditions se révèlent souvent plus compliquées que prévues et, si elle a toujours réussi à s’en sortir jusqu’ici, elle se traîne une réputation d’aimants à problèmes pas déméritée. C’est presque la première question que ses confrères lui posent quand elle rentre, d’ailleurs !
Le mabari lève ses yeux dorés vers elle en gémissant, remuant la queue. Elle le côtoie depuis trop peu de temps pour dire avec précision s’il a compris ou non. Les féreldiens qu’elle a croisé à Kirkwall juste après l’Enclin ont toujours dit que les mabaris étaient presque aussi intelligents que les hommes, mais elle se gardait le bénéfice du doute pour l’instant. La mère de Brume est restée auprès du cadavre carbonisé de son maître, sans doute jusqu’à en mourir et Nolis ne considère pas ça comme une preuve d’intelligence.

Elle doit bien avouer cependant qu’elle envie une telle fidélité.
Andrasté merci, elle se débrouille suffisamment bien avec ses barrières pour rester en vie, même en tombant nez à nez avec un dragon-Sir.

Brume aboie, l’air mécontent, comme s’il comprend qu’elle parle de lui. Elle lui tapote avec un sourire le crâne, se retenant de sourire jusqu’aux oreilles comme quelqu’un de totalement gaga. C’est une bouche de plus à nourrir, des ennuis potentiels supplémentaires ; elle ne peut pas se permettre de se laisser attendrir. S’il lui est trop difficile de s’en occuper, elle devra l’abandonner.
Nolis ne peut s’empêcher de rire à l’air malheureux qu’il lui offre en retour ; elle s’accroupit pour le câliner - et non, elle ne cède pas à ses charmes canins ! - alors qu’il aboie joyeusement.

Pourtant, brutalement, il se met à gronder, le regard fixé vers une amas rocheux plus loin. La jeune mage se redresse prudemment, prenant son bâton entre ses mains. Est-ce un simple animal, ou encore des ennuis ? Elle a pourtant déjà eu son quota pour la semaine, voire même le mois.
Avec la chance qu’elle se traîne, à tous les coups, ça sera un ours qui surgira de derrière les rochers. Et par le saint cul du Créateur, ces bêtes sont une plaie à tuer. Pire que les Wyvernes du Névarra, et elle déteste au plus au point ces créatures. Encore plus que les dragons, qui au moins te foutent la paix si tu es assez rapide pour quitter leur territoire en vie.

Elle aperçoit le casque ailé d’un Templier dépasser de l’amas rocheux. Est-ce qu’elle peut faire passer son bâton pour un bâton de marche avant qu’ils ne la repèrent ? Avec un peu de chance, elle pourrait échapper au conflit ! Mais elle se rappelle de cette veuve éplorée  sur sa route, de ces fermiers pris pour des mages et morts avant d’avoir pu expliquer la méprise.

Cette expédition peut définitivement se classer dans les pires qu’elle a faites jusqu’ici et elle grommelle.
Elle puise sa force dans l’Immatériel, dressant une barrière alors même que le premier templier s’aperçoit à peine de sa présence. Est-ce qu’elle peut le faire cuire dans son armure, ou celle-ci le protège-t-elle de la chaleur ? Elle ne le saura qu’en essayant, après tout. Un bon vieux sort d’Immolation devrait faire l’affaire, elle l’espère. Ou elle aurait clairement des ennuis. Elle sait se battre au corps à corps, ses dagues ne sont pas là pour décorer, mais quand même.

De nouveau, elle puise dans l’Immatériel, se concentrant alors que le premier Templier se dessine. Et si elle manque les autres parce qu’ils sont plus loin ? Elle n’a plus de potion de lyrium sur elle, elle doit s’économiser le plus possible si elle veut s’en sortir sans trop de dégâts. Mais elle n’a pas vraiment mieux en stock et elle aimerait éviter d’utiliser trop sa magie de l’esprit. S’il y a un survivant, elle risque d’être recherchée plus intensément par les Templiers. Ces crétins de sudistes l’assimilent un peu trop à la magie du sang à son goût, même si, d’accord, elle ne fait pas des choses très très correctes non plus.

Nolis vise et relâche son sort ; l’explosion qui suit résonne entre les parois de la vallée.

Oh. Elle n’a pas songé à ce léger détail.

Elle n’a plus qu’à prier pour que son sort face effet, qu’elle puisse se tailler le plus vite possible avant que des renforts n’arrivent.

L’explosion semble avoir sonné les Templiers.

Nolis n’en est cependant pas sûre, alors qu’elle entend les râles de douleur à quelques mètres d’elle. Elle recule d’un pas, observant d’un bref coup d'œil le chemin qu’elle a emprunté pour parvenir jusqu’ici. Peut-elle trouver un autre moyen de sortir de cette fichue vallée ? Elle veut s’éloigner le plus possible de Golefalois. Il y a trop de mages et de Templiers aux alentours pour qu’elle s’y rende sans réfléchir. Et il y a un dragon dans le coin, qu’elle ne souhaite pas revoir de sitôt.

Si elle rebrousse chemin maintenant en courant, gagnerait-elle assez de terrain grâce à sa souplesse et son agilité pour semer les Templiers et choisir un autre chemin ?

Le cri ne la surprend pas. La jeune mage arme une boule de feu au bout de son bâton, le pointant sur le Templier qui a son épée tendue vers elle. S’il est assez pressé, peut-être n’attendra-t-il pas que ses confrères soient tout à fait remis de l’explosion pour l’attaquer ? En un contre un, elle a une chance ; ce n’est qu’un petit Templier du Sud, il connaît que trop peu la magie de l’esprit pour qu’elle ne puisse pas en profiter pour le déstabiliser.

Cependant, elle n’a pas le temps de relâcher son sort que son adversaire tombe au sol, mort. Une silhouette masculine et armée de deux épées se tient derrière lui. Le responsable se rue alors ensuite sur les autres Templiers et Nolis laisse son sort s’évaporer vers l’Immatériel plutôt que de le lancer, à la fois curieuse et méfiante. Est-ce un mercenaire accompagnant des mages - et dans ce cas, il vaut mieux pour elle qu’elle s’éclipse en catimini - ou un homme de passage qui a décidé d’intervenir en sa faveur ?

Le goût du risque la perdra, songe-t-elle alors qu’elle s’appuie nonchalemment sur son bâton pour observer l’issu du combat. Son sauveur providentiel n’a pas besoin de son aide pour tuer les Templiers déjà amochés par son explosion. Aucun autre mage ne semble pointer le bout de son nez, ce qui fait pencher son avis sur l’homme vers l’inconnu de passage plutôt que le mercenaire.

Lorsque six cadavres de Templiers fixent le ciel de leurs yeux sans vie, l’étranger se laisse tomber dans l’herbe, sans nul doute épuisé par l’effort qu’il vient de fournir. Nolis se redresse alors, récupérant sa gourde dans son sac pour s’approcher doucement de lui. Elle range son bâton dans son dos, songeant qu’elle n’a pour l’instant que peu à craindre avec sa barrière encore en place, avant de s’arrêter à quelques pas de l’inconnu et de se pencher pour lui tendre la gourde au-dessus de son visage.

Elle n’est pas assez égoïste pour ne pas aider, ne serait-ce qu’un tout petit peu, celui qui a risqué sa vie pour la sienne.
Elle sourit, alors que Brume vient renifler l’inconnu. Elle le siffle, de peur que ce dernier ne devienne violent envers son chien. Il geint, avant de se coller contre les jambes avec un regard doux, comme pour se faire pardonner. Elle hausse un sourcil dans sa direction, dubitative, avant de retourner son attention vers l’étranger.
Elle sourit un peu plus en s’accroupissant à ses côtés, sans perdre son sourire. Peut-être n’a-t-il pas envie qu’elle le dérange ? Si jamais c’est cela, elle prendra ses clics et ses claques sans plus attendre. Il y a toujours un risque qu’il y ait des renforts et si elle l’agace, elle le laissera se débrouiller tout seul. Son altruisme a des limites ; si on ne veut pas de son aide, elle ne s’entêtera pas. Elle ne peut pas porter toute la misère du monde en plus de ses propres problèmes.

L’étranger n’a pas l’air méchant, ni agressif. Nolis a un bon pressentiment, alors qu’il saisit sa gourde avec une certaine réluctance. Il est méfiant, certes, mais ce n’est pas si étonnant par les temps qui courent. Au contraire, cela lui prouve qu’il a quelques facultés de réflexion. Elle aurait très bien pu empoisonner ou droguer la gourde. Les esclavagistes doivent sans doute se frotter les mains au vu du bordel qui règne actuellement en Férelden et qui doit bien les aider à faire disparaître sans un bruit leurs malheureuses victimes.

L’homme se présente ensuite, lui permettant de mettre un nom sur le visage fatigué. Elle hoche la tête pour montrer qu’elle l’a entendu, avant de récupérer la gourde qu’il lui tend en se relevant. Brume renifle à nouveau l’air, comme pour enregistrer l’odeur du dénommé Fabien.

Elle hésite un bref instant à le laisser se rapprocher du guerrier pour qu’elle voit comment il se comporte avec lui. Sothos lui disait que les chiens étaient assez intelligents pour sentir les mauvaises personnes, mais elle a le mabari depuis trop peu de temps pour se forger son propre avis. Et elle aimerait éviter qu’il soit blessé, il lui est quand même bien utile pour défendre sa vie.

Ses hésitations semblent pourtant ne pas avoir de fondements lorsque son sauveur providentiel lui propose de l’aider à échapper aux renforts, enfin, si elle saisit bien. Elle se relève en glissant sa gourde dans sa besace, avant de venir serrer brièvement l’homme contre elle, ayant du mal à contenir la joie et le soulagement qui l’envahit. Elle peut se débrouiller seule, certes, mais une compagnie sûre n’est pas à dénigrer. Puis, il l’a sauvé, donc il ne doit pas avoir peur des mages ! Tant qu’elle ne lui montre pas sa magie de l’esprit, tout ira bien.
Nolis reste cependant sur les histoires de planques. Elle n’a pas envie de se retrouver dans une grotte pour la nuit, ou sa claustrophobie risque de la garder éveillée. Au moins, elle ne risquerait pas de mauvaises surprises dans son sommeil. Malgré sa joie, elle reste sur ses gardes. Cela peut très bien être un piège et, même si elle saute sur l’occasion, elle ne se voile pas la face pour autant. Il pourrait être l’un de ces esclavagistes auxquels elle pensait plus tôt, ou animé de mauvaises intentions.

Elle veut rentrer à Dairsmuid sans un traumatisme de plus, de préférence.
Son sourire est un peu faux. L’absence d’Athos lui serre le cœur malgré les années ; c’est lui qui l’a élevé ou presque, compensant les nombreuses absences de leur aîné qui assurait leur subsistance. Et à chaque fois qu’elle voit un chien ou qu’elle en parle, elle se rappelle de sa peur panique, presque irrationnelle, à l’encontre de ces animaux. Mais elle ne s’en est jamais moquée ; elle comprenait avec ses propres phobies.

Puis, avec l’âge, la maturité lui a fait comprendre les origines de cette terreur. Combien de fois a-t-il dû la défendre contre des chiens errants ? Combien de fois a-t-il dû soigner leurs morsures et griffures sur le corps de Sothos ? Bien sûr qu’il avait peur de ce qu’il analysait alors comme un danger qui pouvait lui arracher sa fratrie.

Ses doigts se referment sur le pelage de Brume alors qu’il s’approche un peu plus de Fabien pour le renifler. Elle se détourne, réajustant sa cape terne et sa besace, son sourire disparaissant alors. Elle inspire, chasse les souvenirs de ses frères qui ne peuvent que la faire souffrir désormais, avant d’étirer ses lèvres comme si de rien n’était. Cela fait huit ans. Ils ont dû passer à autre chose. Ils ont dû être heureux que leur petite dernière, le boulet à leurs jambes, disparaisse de leur vie.

C’est plus simple de penser ça. Elle ne peut pas se permettre d’être triste. Elle ne veut pas appeler un démon à elle. La tentation de les chercher a toujours été là, mais Nolis ne sait que trop bien ce qui les attend si elle reprend contact avec eux et qu’elle rentre ensuite au Riveïn, à la portée de l’autre folle. Elle mettrait sa main au feu que sa grand-mère garde sous surveillance ses deux aînés et qu’elle menacera de les tuer pour qu’elle revienne vers elle.

Nolis refuse qu’ils souffrent encore par sa faute.

La jeune femme triture les nombreux bracelets à ses poignets pour tenter de se détendre et se changer les idées, réfléchissant à la meilleure façon de s’occuper l’esprit autrement. Ses doigts se figent dans l’air alors qu’une idée lui vient et son sourire revient. Elle se retourne vers son compagnon de route éphémère, glissant ses mains derrière son dos avec un peu d’espoir en baume au cœur.
Elle a un récit à structurer avant de rentrer à Dairsmuid, après tout.

Fabien a remarqué son trouble.

Nolis s’en veut un peu d’avoir manqué de discrétion, elle ne veut pas l’inquiéter. D’un, parce qu’elle ne lui fait pas totalement confiance et de deux, parce qu’elle sait depuis longtemps qu’en parler n’y changera rien. Elle ne reverra pas pour autant ses frères. Autant ne pas en parler ; se rappeler de ce qui lui manque ne fera que la blesser un peu plus.

Elle lui emboîte le pas alors qu’il se met en route, trottinant un peu pour le rattraper et se mettre à sa hauteur. Elle espère qu’ils trouveront un moyen de masquer leurs traces, peut-être en préférant une route rocailleuse qui ne s’imprimerait pas de la marque de leurs bottes. Brume aboie joyeusement, avant de prendre la tête en éclaireur. Sans doute les alertera-t-il s’il sent quelque chose ou quelqu’un approcher. Cela lui donnera le temps de nouer ses cheveux pour éviter de les avoir dans les yeux en combattant, au moins.

Peut-être apprécie-t-elle plus le mabari qu’elle ne veut bien l’avouer, à vrai dire. Il lui est des plus utiles ; peut-être accepterait-elle de se priver si besoin pour l’entretenir. Et, connaissant son amour immodéré pour la bonne cuisine, c’est dire si elle est tentée par l’idée de le garder plutôt que de le revendre ou de le céder à quelqu’un.

Son sourire sur ses lèvres redevient sincère alors que son compagnon de route lui avoue les yeux brillants qu’il est conteur de profession. Elle claque des mains de joie, ses bracelets d’or tintant à son poignet. Il est le meilleur public test qu’elle n’a jamais eu, peut-être pourra-t-il même lui donner des conseils ! Elle ignore ce qu’elle a fait pour qu’Andrasté lui offre une telle bénédiction, mais elle compte bien en profiter ! D’autant plus que, si elle écoute bien entre les lignes, couplé avec son sauvetage, Fabien semble être un allié pour les gens comme elle plutôt qu’un ennemi.
Elle rit, plus amusée par l’idée qu’excédée. Elle a l’habitude, de toute façon, puis au moins s’en est-elle sortie en vie. Elle ne se plaindra pas. Tout ce qu’elle risque, ce sont quelques plaisanteries gentilles qu’elle peut aisément supporter. Belette sera sans doute la plus insupportable de tous, mais c’est sa sœur de cœur ; elle lui pardonne déjà.
Elle saisit d’une main son bâton sans le décrocher de son dos, juste pour avoir un catalyseur alors qu’elle forme une boule de feu dans sa main, la modulant avec ses doigts pour donner la vague forme d’un animal. Elle ne devrait pas faire ce genre de petites choses et un mage du sud ne s’y risquerait sans doute pas, trop effrayé par les démons ; mais c’est un moyen de maîtriser mieux sa magie comme un autre, aussi elle s’amuse parfois à user de la petite pyrotechnie lorsqu’elle conte.
Un rire léger lui échappe, alors qu’elle fait disparaître la boule de feu et qu’elle relâhce son arme. La discussion légère chasse ses idées noires, pour l’instant, mais elle peut faire avec. Elle sait faire avec. Tant qu’ils ne finissent pas dans une grotte, un tunnel, ou tout autre endroit noir ou petit, elle devrait s’en sortir.
Nolis se rattrape avec un sourire gêné et vient jouer avec ses bracelets pour masquer son inconfort. Peut-être n’a-t-il pas envie de lui raconter d’histoires, à force de se voir censuré, ou alors il est fatigué de son combat contre les Templiers.

Nolis sourit aux étoiles dans les yeux de son camarade de route. Elle s’incline légèrement pour le remercier du compliment, avant de s’étirer, tendant ses bras devant elle. Elle semble avoir réussi à briser la glace avec ses flammes et elle a l’impression que Fabien est fatigué, mentalement parlant. Elle a l’impression de voir son reflet lorsqu’elle était plus jeune et venait de tout perdre. Mais cre n’est qu’une sensation, n’est-ce pas ?

Et sans doute est-elle juste, vu les événements de ces derniers. Qui peut se vanter de s’en être sorti indemne, sans aucune perte ou membre de sa famille à pleurer ? Sans aucun incident ? Elle, certes, dans une certaine mesure, mais elle n’est pas d’ici. Elle va et vient là où l’or et l’argent l’appelle, là où l’aventure sent bon le danger. C’est sa vie, tous les jours, contrairement aux pauvres gens de ces contrées.

Être arrachée à sa famille enfermée, poussée à faire des choses qu’elle ne comprend pas ni ne veut réellement, Nolis l’a vécu aussi, quoi que d’une manière bien différente. Certes, sa grand-mère était toujours mieux que le Cercle, parce qu’elle ne jouait pas trop souvent avec sa claustrophobie et sa peur du noir. Aurait-elle-même survécu avant sa Confrontation, ou l’aurait-on Apaisée avant même qu’elle n’ait atteint ses vingt ans ?

Elle a conscience d’avoir vécu un moindre mal comparé au Cercle, mais elle hait quand même de toutes ses forces la sorcière qui lui sert de grand-mère. Elle l’a arraché à Nyss, Athos et Sothos, elle l’a arrachée à tout ce qu’elle connaissait et a voulu la forger comme elle le souhaitait. Mais Nolis est comme une flamme, insaisissable, indéfinie ; il est impossible de se couler dans un moule, encore moins un qu’elle n’aurait pas choisi.

Une moue triste passe sur son visage lorsqu’elle apprend que Fabien n’a rien à raconter. Tant pis, elle sera la seule conteuse du voyage. Cela l’attriste un peu, elle qui se faisait une joie de l’écouter, mais qui est-elle pour aller contre les aléas de la vie ?
Un ricanement lui échappe lorsque Fabien parle de se mettre à l’abri. Même si elle comprend ce qu’il veut dire par là, elle trouve cela un peu utopique.
Nolis soupire ; sans doute exagère-t-elle un peu, mais les routes sont dangereuses, plus encore que le hors-piste. Cela ne lui était jamais arrivé auparavant.
C’est déjà beaucoup, Nolis en a conscience, mais elle ne veut pas révéler jusqu’à quel point elle connaît la région et est déjà venue ici. Une Seigneur de la Fortune, ce n’est pas très commun et, même si Fabien semble être dépourvu de tout lien avec sa grand-mère, il pourrait toujours dire le mauvais mot à la mauvaise personne. Moins elle étale ses connaissances, plus elle a de chances de passer sous les radars et d’esquiver les gens que la vioque envoie à sa poursuite.
Un éclat de rire lui échappe tout de même. Ce n’est pas une mauvaise histoire, puisqu’elle est encore en vie pour la raconter, après tout.