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La nuit était tombée sur Parendale. Les rues avaient mué, et les marchands de toutes sortes avaient laissé place aux créatures de nuit, nombreuses dans la cité frontalière. Catins, ivrognes, activistes politiques, prêcheurs illuminés, jeunesse dorée... L'obscurité qui enveloppait peu à peu la ville amenait une fraîcheur appréciable, compte-tenu des derniers jours très chauds. Le Nord, lui avait-on dit, n'avait pas le climat tempéré du Sud, et la chose était pour le moins déconcertante pour quelqu'un d'habitué aux rosées matinales et gelées d'hiver. Perché du haut de son observatoire, Octave de Gautron scrutait la ville, pensif.
Il lui avait fallu une bonne semaine pour faire la route jusqu'ici, et ce pour une simple réunion. Simple... Façon de parler, seuls les esprits les plus fins et acérés des Adeptes de Corypheus y avaient été conviés, et le but fixé était clairement de nouer de nouveaux accords prospères, dessiner un nouveau visage au Thédas à venir. Quand l'hypocrisie et la médiocrité auraient chuté de leur trône doré, et que la Vérité, seule maîtresse digne, prendrait sa place juste. Le Baron de Vertbois avait du laisser son domaine pour une longue absence, une seconde fois, et il n'aimait pas cela. Et si on se décidait d'y enquêter en son absence ? Qu'y trouverait-on ? Devrait-il s’exiler, impuissant, face à des preuves accablantes ? Qu'en serait-il de ses dessins et projets secrets ? Et pour autant, il avait été convié, et ne pouvait pas rater une réunion de cette importance, non.
Le jeune homme s'était habillé en circonstance. Sa tunique et son pantalons étaient de soie, une des meilleures qualités disponibles chez les grands tailleurs de Val Royeaux, de pourpre et bleu sombre. Une veste à la coupe élégante venait surmonter le tout, assez légère cependant pour qu'elle ne soit pas trop chaude. Il avait horreur de transpirer. Comble de l'exception, l'orlésien ne portait pas son masque. Il avait longuement réfléchi à la question, et s'était dit que le geste serait emprunt de symbolisme et marquerait l'occasion. Seulement, il se sentait quelque peu démuni sans ces défenses.
L'homme resta encore quelques minutes seul, accoudé au balcon de cette immense demeure, et se décida à retourner à la fête. Son visage était ouvert et poli, et il virevoltait d'un groupe à l'autre avec une aisance certaine, blaguant par ici et lançant une pique par là, au gré de son humeur. A vue de nez, il devait y avoir une quinzaine de personnes vraiment importantes, de l'Enchanteur déchu de Heissberg au général féreldien. Du coin de l’œil, Octave repéra l'entrée de Capheus, dont l'échange ce soir était fort attendu, et il resta en place – face au banquet – le temps que leurs regards se croisent. Un sourire taquin se dessina sur ses lèvres, et il finit sa bouchée d'un geste théâtral. Puis, la seconde d'après, lui tourna le dos pour reprendre son manège, et changeant de place au fur et à mesure que le mage se rapprochait.
Ce jeu l'amusa un moment, jusqu'à ce qu'une certaine lassitude s'empare de lui – à moins qu'il ne s'agisse déjà des premiers signes d'une légère ébriété. Il resta donc en place le temps de laisser Capheus le rejoindre, parlant avec enthousiasme avec deux femmes, dont la plus jeune était particulièrement admirable de par ses grandes connaissances et ses atouts remarquables. Ses yeux suivirent l'homme arriver en face de lui, et il s'inclina avec toute la technique de ses années passées à Jouer à la Cour. « Mon cher Capheus, quel bon plaisir de vous voir ce soir ! La route n'a pas été trop longue ? » Puis, d'un sourire entendu, il tâcha de l'introduire comme il se doit « Je vous présente la Marquise Celena de la très chantante Antiva, accompagnée de la Princesse Gwynn d'Ansburg. Madame, Mademoiselle, charmantes compagnies, permettez moi de vous présenter à Capheus Amnach, Mortalitasi et euh... mince. Je ne parviens jamais à me rappeler de votre fonction en Tevinter ? » C'était faux, bien entendu, mais il aimait taquiner. Sans lui laisser tout à fait le temps de rectifier ses propos, il enchaîna joyeusement : « Nous étions justement en train de parler de Kamarell, le célèbre peintre anders. Il paraît que ces dernière toiles sont formidables, emplies de finesse et d'élégance. Mais osées, semble-t-il. » Il adressa un sourire en coin à la Princesse Gwynn en lui posa délicatement la main sur le bras, et cette dernière laissa échapper un petit rire convenu.
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Capheus n'était pas seul, mais accompagné d'une femme rousse, intéressante, qui semblait être son épouse. Octave haussa un sourcil en réalisant que le Venatori n'était pas tout à fait celui qu'il avait laissé entendre, et pourtant, dans un sens, cela le rassurait, car il n'aurait pas à faire face à son incroyable talent pour trouver des mots justes, et emplis de second degrés, des mots dangereux et glissants. Le Tevintide d'adoption ne sembla pas perturbé le moins du monde par l'accueil que lui avait réservé l'Orlésien, et cela le frustra un peu. Pour autant, il en fallait beaucoup plus pour le mener au Noble Jeu, et il n'avait pas peur de se confronter à un étranger à ses coutumes. Il balaya la question sur l'art d'un simple revers de la main, avec aisance, comme s'il ne s'agissait que d'une mouche opportune, et Octave sentit qu'il allait bientôt commencer à avancer ses pions. « J’oublie beaucoup de choses ce soir, très cher Octave : je soupçonne que c’est de votre faute. » Un sourire courtois se dessina sur le visage du baron, qui inclina une nouvelle fois la tête. « Je ne saurais, par le Créateur, me tenir responsable de cela, mon cher ami. Il se dit que la mémoire ne s'arrange pas avec l'âge. » Sa remarque fit rire les deux femmes présentes à ses côtés, mais Capheus l'ignora à nouveau, avec un panache qui lui était propre, pour attirer son attention sur la femme qui l'accompagnait. « Octave, permettez-moi de vous présenter Meghan, ma tendre épouse. Elle occupe un siège au sénat tévintide, et est une femme très intelligente. » Sa femme donc. Le salaud, il était encore plus doué en dissimulation qu'il ne le laissait entendre. Son attention se porta sur son épouse, donc, une femme aux cheveux roux admirablement tressés, et particulièrement ravissante. Il avait de la chance, ce con. Elle s'inclina devant lui avec un sourire et un regard qui ne le laissèrent pas indifférent. La température venait de monter d'un cran. Elle devint presque étouffante quand Capheus lui murmura à l'oreille les mots suivants : « Elle est très curieuse, si vous voyez ce que je veux dire .. »
Octave avait beau être un coureur de jupon invétéré et un Joueur avéré du Noble Jeu, il sentit le malaise affluer en lui aussitôt, et ses jambes commencer à trembler. Ses joues devaient avoir pris de la couleur à présent, sa gorge était sèche et ses lèvres hésitantes. Il perdait totalement le contrôle de la situation, et dévoilait d'emblée sa faiblesse aux yeux des convives. La Princesse semblait déjà l'avoir remarqué, car son regard s'était fait plus distant. Octave respira lentement, et retrouva ses réflexes de survie en société. Un large sourire s'afficha sur ses lèvres tandis qu'il s'avançait vers Meghan, et il s'inclina à son tour, à la mode d'Orlaïs, avec déférence. Puis, sa main s'empara avec douceur de celle, terriblement envoûtante, de la tevintide, et il y posa ses lèvres. « C'est un plaisir de vous rencontrer enfin, ma Dame. Il semble que votre époux soit habile pour vous cacher aux yeux de simples gens comme moi, et j'ose croire que je le comprends. Vous méritez assurément toute son attention. » Son regard se plongea dans le sien quelques secondes, pour appuyer ses paroles, avant qu'il se quitte sa position pour revenir dans le cercle. Il était beaucoup trop risqué et dangereux de demander des détails maintenant, encore plus de lancer une autre conversation, car il ne doutait plus que Capheus trouve un moyen de le déstabiliser d'avantage. Et il faisait si chaud ici, qu'il avait grand besoin d'aller prendre l'air. « Mesdemoiselles, Madame, permettez que j'emprunte notre invité quelques minutes. Nous avons, je crois, quelques folles histoires à nous raconter, et j'ai peur qu'elles ne puissent pas attendre d'avantage. » Les femmes présentent se trouvaient dans l'obligation d'accepter, par politesse, et Octave s'approcha de son ami pour lui faire signe de le suivre à l'écart, sur un balcon, dans la présente rassurante des ténèbres et du vent frais. Il ne dit mot pendant la minute où les deux hommes traversèrent la salle, et attendit d'être bien installé contre la balustrade pour enfin, prendre la parole.
« Mon cher Capheus, j'ai peur que mes propos, lors de ma dernière lettre, aient été mal interprétés. Je vous demandais de me présenter à de charmantes demoiselles de votre pays, bien entendu, et vous venez de le faire, c'est incontestable. Mais jamais je ne me serais permis de penser à votre épouse. Votre mariage est-il difficile ? » Son ton était calme, mais ses paroles claires. « Je ne pense pas qu'il soit sage que je m’immisce dans vos affaires privées, mon cher ami. » Il ferma les yeux un instant, profitant de la caresse du vent sur son son visage. Il aurait du prendre son masque. « Et je pensais également que nous profiterions de cette occasion pour parler enfin de certains grands projets, pas seulement mondains. Quelles sont les nouvelles de Tevinter ? »
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