Howl at the Moon, Beast of the Night (PV Cole)

La nuit était tombée depuis une bonne heure, et malgré l'interdiction qui planait au dessus de ma tête, je me risquais à rôder dans le fort. Habituellement bruyante et très visible, j'avais pris pour une fois mes habitudes d'assassins. Je voulais profiter d'un moment calme et de verdure, pour une fois pour être seule avec moi même. Je n'avais pas ce luxe ici, avec mes responsabilités, Emery qui ne me quittait plus des yeux par peur que je ne fasse une bêtise... Mais j'étais une assassin, j'avais ça dans le sang. Si je voulais disparaitre, je le pouvais. Prenant une cape pour dissimuler mes cheveux et prenant avec moi de quoi grignoter (et surtout boire), je m'éclipsais du campement des gardes comme une ombre, pour arpenter le chemin vers le fort. Là, passant simplement parmis ne petite foule de servant qui ramenait de quoi faire le repas du soir, je ne laissais pas le temps aux gardes de trop remarquer ma présence. Disparaissant de leur vue, je longeais les remparts, accédais au chemin de ronde puis sur les toits. Là, j'arrivais au dessus de la petite cour du jardin. Il n'y avait personne à cette heure, alors que la lune illuminait si agréablement les feuilles verdoyantes de ce sanctuaire. Il est vrai qu'il est étrange pour moi de chercher ainsi le calme, moi qui d'habitude préfère la compagnie des autres à la taverne, faisant mille et une facéties et blagues, charmant et soulageant les naïfs de leurs effets. Mais là, je n'étais pas d'humeur.

Je descendais du toit, atterissant d'un pas souple et discret sur la cour. Il n'y avait personne, j'étais seule avec le puit désaffecté, les quelques bancs et les elfidées qui poussaient tranquillement. Je souriais, enlevant ma capuche pour découvrir mes cheveux argentés. Allègrement, j'allais me trouver un petit coin pour avoir une belle vue sur le jardin illuminé par la Lunde. M'asseyant sur un petit muret et sortant de ma besace mon picnic nocturne, je commençais à chantonner de ma voix chaude d'antivane l'une des chansons les plus connues des Gardes.

"Oh, Grey Warden, what have you done? The oath you have taken, is all but broken...."

Je sortais ma bouteille, la débouchais d'un geste expert et en buvais une lampée. J'avais beau être de bonne humeur d'habitude, pour une fois je n'étais pas dans mon assiette. Mes yeux observaient cette Lune encore croissante mais si belle, remontant en moi une nostalgie. Ici, c'était plus dur que ce que j'imaginais. Je n'aurais jamais cru que le Commandeur Cousland allait autant me manquer. Ne pas être comprise ni encouragée, se sentir seule à pousser des décisions peu orthodoxes mais qui peuvent marcher, être dévisagée par ceux qui doivent vous soutenir, devoir tout cacher et ne pas pouvoir tout dire. C'était.... fatiguant. Une solitude que je n'aurais jamais ressenti auparavant. Mais à vivre avec les Gardes de Fort Bastel, avec wulf Cousland... J'avais appris ce que c'était qu'une famille, et ce manque était né de ce que j'avais découvert. C'était inconfortable, comme une épine dans le pied mais qui ici préfère se loger dans le coeur. J'avais envie de hurler que ce que je faisais n'était pas (que) folie, que j'avais mes raisons mais que je ne pouvais les dires. Et puis, qui croirait une ancienne Corbeau ? Emery était d'une toute autre école, et comme ce Blackwall elle allait sans doute grimacer et se détourner encore plus avec dédain de ce que j'étais. Si j'aime tuer et que je le fais bien, et alors ? Mes mains sont pleines de sang, mais je n'ai pas honte car j'ai fait ce pourquoi j'ai été élevée. Ensuite, j'ai appris à n'utiliser mes dons de mort pour lutter contre les engeances. En quoi suis je plus mauvaise qu'un autre, parce que je suis violente et que j'aime la violence ? Mon sang bouillait de frustration, et plus fort je chantais les vers du chant des Gardes, comme une bête hurlant à la Lune et lui riant à la face.

"All is undone, demons have come, to destroy this peace we have had for so loooong ~ !"

Peut être que c'était ce sort raté qui m'avait rendue ainsi, comme une bête incontrolale et imprévisible. Ou alors, c'était tout juste ma nature, et je ne cherchais que des excuses. Mais cet appel au sang était fort, un plaisir que je savais partager avec l'autre chose qui rôdait dans ma tête. Et je ne parle pas de l'Enclin qui me ronge les veines à petit feu. Bha, au diable ce qu'ils pensent ! Je dois faire ce qui est juste pour sauvegarder les Gardes d'Orlaïs, qu'ils soient reconnaissant ou non. Pour ne pas décevoir Wulf. Je mangeais un morceau de fromage, sortant un peu de pain aussi. De toute manière, depuis le temps ce n'est pas comme si je dois m'attendre à autre chose des autres. N'agir que pour mon plaisir et n'en faire qu'à ma tête n'est pas un mal, si de toute manière on ne reconnaitra jamais le bienfondé de mes initiatives. Ce n'est pas comme si je cherchais leur approbation et leur reconnaissance, non ? Je souriais avec plus de malice, buvant une nouvelle goulée de vin et continuant de chanter.

"Ally or Foe ? Maker only kn... Mortecouille !!! Mais qu'est ce que ?!!"

J'avais soudainement sursauté, voyant du coin de l'oeil apparaitre une personne. Mais.. comment il était arrivé là ? Je ne l'avais pas entendu venir ni vu venir ! Mes yeux étranges se posèrent sur lui, alors que je manquais de tomber de mon muret. Un chapeau étrange, un air un peu ramassé sur lui même. Cette allure me disait quelque chose, mais... qui ?

Le jeune homme en face ne semblait pas plus à l'aise que moi. Au contraire, il semblait tout aussi surpris. Il s'excusa de m'avoir fait peur, me promettant qu'il ne me voulait aucun mal. Il manquerait plus que ça. Je le regardais au début avec méfiance, me demandant ce qu'il faisait là et ce qu'il me voulait. S'il avait voulu m'espionner il serait resté caché, et s'il voulait partir il n'avait qu'à prendre la porte sans avoir à me parler. Mes yeux étranges se fixèrent avec plus d'intérêt quand son nom résonna dans ma tête. Je n'avais aucun souvenir de l'avoir croisé, en revanche il était clair que j'avais déjà eu vent de ce nom. Mais où ? Sur mes gardes, je pensais à voix haute, d'une voix chantante mais posée comme un prédateur aux aguets.

"Cole... J'ai déjà entendu ce nom quelque part..."

C'était lors d'une de mes séances d'espionnages, ou plutôt quand je trainais dans les couloirs du fort, que j'avais entendu Cullen et Cassandra en parler. Une discussion assez animée et portée sur l'inquiétude, critiquant le choix de l'Inquisitrice d'avoir gardé un certain Cole avec eux. Une histoire d'esprit, ou de démons. Je fus encore plus surprise par ce Cole quand il se mit à parler. Des mots qui me donnèrent un frisson, de crainte mais également d'incompréhension. Comment pouvait il savoir cela ? Etait il un des sbires de Léliana ? Non, elle ne saurait pas... C'était étrange, comme s'il avait lu dans ma tête, ou plutôt dans mon coeur. Après la stupeur, un grand sourire de prédateur s'afficha sur mon visage, mes yeux brillant d'une lueur inquiétante.

"Hoooo ~ .... Voilà qui se trouve être intéressant. Le fameux garçon que l'on dit démon. Fu fu fu ~...."

Je me mis à rire doucement, me levant pour lui faire face. Ou plutôt, pour marcher lentement autour de lui, comme un chat qui encercle sa proie. Je me remémorrais les histoires que j'avais entendu sur lui, mais également la discussion entre le commandant et l'ancienne main droite de la Divine.

"Apparaissant et disparaissant à sa guise, laissant des évènements insolite sur son passage... Est ce que la glorieuse Cassandra n'avait pas essayé de vous tuer, une fois ? Ha ha ha !"

Je ne sais pas si elle avait vraiment essayé, mais il était clair dans la conversation qu'elle ne lui voulait pas du bien. La peur, sans doute justifiée, mais à laquelle j'étais familière. Parfois, si ce n'est souvent, je provoque cette même peur par la vue de ma simple apparence et mon attitude surprenante. A voir ce Cole qui ne payait pas de mine, j'étais très curieuse. Oui, j'avais de l'intérêt à en savoir plus sur lui, comprendre ce qui effrayait tant ces gros bras, et comment il faisait ce qu'il faisait. Ma nsotalgie était envolée, me focalisant sur l'instant présent et sur le sujet de divertissement devant mes yeux. Mais je ne devais pas effrayer ma proie, non... Vu ce qu'il venait de faire en apparaissant, il pouvait tout aussi rapidement disparaitre. Prudence et doigté. Souriant avec amabilité et m'éloignant un peu de lui pour lui laisser de l'espace, je retournais à mon petit muret. Je continuais la discution, me coupant un morceau de fromage.

"Nulle raison de me craindre, également... Mage et démon, j'ai eu mon compte par le passé mais je ne suis pas stupide pour crier au loup à la moindre étrangeté. Mais vous êtes... intriguant... Comment pouvez-vous dire ces choses à mon propos ? Et quoi d'autre ? Car il en faudra un peu plus pour me ...flatter"

Mes yeux étaient l'une des preuves de la magie opérée sur moi, mais je n'avais pas de magie en moi comme les mages. Une victime, et non une pratiquante. Mais je considérais avec une relative sagesse la magie comme n'importe quelle arme. Elle n'avait de mauvais que la manière dont on l'utilisait. Car elle pouvait autant détruire que guérir. Et ce garçon avait un don des plus intéressant. Percer aussi facilement le coeur des gens, cela m'intéressait beaucoup. Et puis, que pouvait il me dire d'autre sur moi ? J'étais une énigme pour moi même, ne comprenant pas totalement ce que j'étais. Avoir ses lumières pourrait être bénéfique. Enfin s'il ne les répète pas.

Le jeune homme était étrange. Sa présence était étrange, et même son odeur... Son attitude était particulière, un mélange de crainte et de curiosité. Ou plutôt de prudence, comme s'il avait une sorte de maladresse rien qu'en étant en ma présence. Il disait ne pas être menaçant et me vouloir du mal. Je souriais un peu plus, me prêtant à quelques jeux de mots.

"N’est plus menaçant que celui qui sait ce que les autres ignorent, et encore plus s’il sait utiliser ce qu’il sait contre ceux qui savent et ignorent, fu fu fu fu ~ ! Mais je conviens que vous ne voulez pas ma mort, c’est certain…."

Il n'avait pas l'air agressif, et mon instinct ne me mettait pas en garde. Ce qui était un signe. Je l'écoutais, intéressée et le laissant réponse à mes questions. J'étais curieuse, et intriguée par ce qui semblait être un tour de passe-passe ou de la vraie magie. Il disait que je n'étais pas un animal, et donc que je n'étais pas à "flatter". J'en riais intérieurement, car rien ne pouvait mieux me qualifier que d'être un "animal". Ajoutez "sauvage", "sanglant" et "imprévisible" à cela et vous aurez le tableau complet de la bestiole. Avec amusement, je lui en faisais la remarque, montrant que je n'étais pas offensée du terme.

"Beaucoup me qualifie de ce titre, et nous avons tous cette part sauvage en nous. Je la laisse juste s’exprimer plus à loisir, ce qui ne m’insulte pas car c’est ma nature, et j’en ai conscience. Et je me console en me disant qu’ils me sous estiment ainsi, et plongent vers leur propre perte, ha ha ha !"

Je riais, avant de boire une nouvelle rasade de vin et écoutant la suite de sa phrase. Il était vraiment étrange jusqu'au bout. Il essayait de me sonder, mais semblait s'y perdre lui même. Ses mots étaient toujours pour flatter, voulant me dire que j'étais une personne incomprise avec de nombreux talents. Je me retenais de lever les yeux au ciel devant tant de niaiserie banale. On dirait une vieille tirade d'un barde amoureux sur le déclin. Le genre à abattre pour son propre bien. Mes yeux brillèrent encore plus quand il mentionna le fait que j'étais spéciale. Maintenant, c'était trop. J'haussais des épaules tout en clamant avec force et dramatisme le fait que j'étais peu impressionnée et convaincue par ses mots. Mes yeux se posèrent sur lui avec plus de froideur, commençant à trouver ce jeu un peu ennuyeux.

"Spécial, un bien grand mot que tout le monde veut s’entendre dire pour ne pas entendre Médiocre ou Banal. Et tout le monde se veut être reconnu à sa juste valeur, c’est un fait. Même vous, j’en suis certaine. Car reconnaître notre valeur, c’est reconnaître notre but et se sentir moins perdu. Mais… qu’est ce qui me vaut l’honneur d’être encore plus différente que les autres et Spéciale ?"

C'était comme si je lui laissais une dernière chance, celle de pouvoir se justifier et satisfaire ma curiosité. Car si je perds patience, je suis du genre expéditive. Je pourrais partir d'ici pour trouver un autre endroit, mais il me semble être arrivée ici la première et ne compte pas délaisser mon petit picnic nocturne. Il m'observait, hésitait... semblait chercher ses mots. Et ses dernières paroles m'arrachèrent un soupire.

"Haaaa… nous y voilà… Parlez-vous de folie ? Car bien souvent les fous tous comme les génies ne sont pas seuls dans leur tête. Ou alors… est ce en raison de l’enclin qui coule dans mes veines ? Cette Corruption a sa propre présence, nous la percevons en tant que Garde. Mais… Cela ne semble pas être ça vu votre tête…"

Je voulais pousser sa logique et sa réflexion jusqu'au bout, le tourmenter en le poussant au bout et le forcer à m'avouer qu'il ne savait rien. Les choses devenaient intéressantes à présent. Me rapprochant de lui et souriant comme un prédateur, j'essayais de lui faire aller au bout des choses. Il n'avait pas tord sur le fait que je n'étais pas seule dans ma tête. Je le sentais, même si je ne savais pas ce que c'était. Mais j'étais la seule à savoir ce qu'il m'était arrivé avec le mage, et aucun autre de ses confrères n'avait réussi à savoir quel sort il m'avait jeté avec cette wyvern. Moi non plus d'ailleurs, mais je ne suis pas mage, alors c'est normal. Très clairement, je lui montrais que j'attendais qu'il m'impressionne pour croire ce qu'il disait.

"Que voyez-vous ? Et que sentez-vous ? Je ne peux vous aider, car je veux savoir si vous pouvez réellement sentir ces choses, ou bien si vous jouez sur la chance et la manipulation pour conter vos histoires."

Une part de moi voulait le croire. Après tout, je suis du genre ouverte d'esprit et ma curiosité n'avait de pas de bornes. Apprendre était important, pour survivre bien entendu mais pour s'élever intellectuellement. Et qui sait, peut être qu'il saura vraiment ce que j'ai. Ou pas ....