Un sentiment de Déjà-vu
"Il marchait sans bruit, comme un poisson." --J. Renard
Les chandelles qui illuminaient d’une étrange lumière jaunâtre les sourires difformes et les masques immaculés, la flamme qui dansait avec bien plus que tous ces gens, qui elle au moins avait pour conviction première de simplement danser. Tout n’était qu’une question de masque ici, je le savais fort bien : cela dit, la curiosité m’avait sans doute poussé à venir en ces lieux. J’avais réussi, après une longue et sympathique correspondance avec un marquis outré mais à belle plume, à recevoir une invitation à l’une de ses fêtes à Val Royeaux. Quel honneur ! J’avais tant envie de découvrir cet endroit, cet empire. Et cette fois-ci, j’étais allé seul, ce qui avait eu le don d’inquiéter Meghan quelque peu ; à chaque bal, elle m’accompagnait car c’était moi qui le lui demandais, ou alors j’y allais avec Octave. Mais seul, au milieu du Noble Jeu ? J’étais un homme mort, sans doute. Mais d’un côté, j’y trouvais une lueur fascinante et dangereuse : il fallait se confronter aux difficultés pour espérer un jour s’en défaire.
Et j’étais donc présent, un éventail à plumes en mains, le masque fin, blanc qui couvrait mon regard clair, avec quelques plumes sur le côté gauche. J’observais. Mes cheveux bouclés partaient jovialement où ils voulaient, mais parvenaient toujours à conserver un semblant d’harmonie qui plaisait aux yeux. Ma tenue n’était pas celle des Mortalitasis, mais quelque chose presque autant sobre qui continuait de mettre la pâleur de ma peau en valeur ; haut noir, bas plutôt bleu marine. Mes bottes noires remontaient jusqu’aux genoux, le talon claquant rien que pour attirer l’attention au besoin.
Puis je croisai du regard mon invité, l’éventail s’agitant lentement. Il m’adressa un regard, hocha de la tête, en plein dans sa palpitante conversation, avant de reporter son attention sur ses actuels interlocuteurs. En attendant, j’espérais que quelque chose serait digne d’intérêt, ici : il était mon prétexte pour voir un peu plus du pays, après tout.
