Une bière ça va, trois bières ça va, ça va, ça va [SMJ - Pv. Iron Bull]

« La bière est la preuve que Dieu nous aime et veut que nous soyons heureux. »
--B. Franklin

Le soir était un tout autre monde, comparé à celui où toute activité barbante et quotidienne se produisait ; parfois, bon, il fallait l’admettre, quelques petites étincelles apparaissaient en journée, mais il fallait toujours attendre le soir pour vivre le plus intense. Où, précisément ? Simple, très simple : dans une taverne, pardi ! Le havre de paix où se côtoyaient sans peine la boisson, les rires et la bastonnade. Et à Férelden, il fallait l’avouer également, l’ambiance s’y révélait magique : à croire que les plus rustres savaient plus aisément ces codes basiques pour le bienêtre d’un tel établissement. Ce soir-là, un début de soirée que je voyais prometteur, j’étais bêtement attablé au comptoir avec une boisson toute bête, un cidre. Un bon cidre dont les pommes et le savoir-faire provenait de vers Dénérim, apparemment. Il fallait croire l’étiquette et le tenancier sur le coup, mais bon ; quelle importance, il serait bu de toute façon.

L’ambiance était encore calme ; une barde jouait quelques mélodies encore inconnues pour moi, mais que bien d’autres chantaient déjà en chœur écorché. Ah, l’ivresse, quelque chose de si futilement agaçant, tout en restant la meilleure des sensations – mais seulement quand on la vivait. Ce soir-là, donc, j’observais la petite maison s’agiter sans vraiment me mêler aux autres pour une fois ; certains s’énervaient sur une Grâce Perfide qui ne tournait pas en leur faveur ; d’autres, un peu plus loin, riaient aux éclats sur une énième blague au sujet d’un Orlésien stupide et trop raffiné pour eux. Drôle de décor encore pour moi, même si l’essence même d’une taverne était la même partout : on entrait, on s’amusait, on chantait, et, si affinité, les poings arrivaient, ou tout autre chose.

A vrai dire, j’adorais l’ambiance de ce genre d’endroits, mais cette fois-ci, j’avais seulement envie de respirer avec un bon verre .. ou plusieurs. J’essayais encore de diriger cette histoire avec Wulf ; mine de rien, tout cet engouement avait rouvert une sacrée plaie. De me dire qu’il était possiblement trouvable me nouait encore les tripes par moment, me serrait parfois même la gorge. Mais ce soir, oui, j’avais envie de penser à tout autre chose qu’à ses beaux yeux d’antan : j’étais ici pour changer d’air, l’espace de quelques verres.

S’il y avait bien un secteur qui faisait beaucoup plus de bruits, c’était celui où se situait les mercenaires de la Charge : mon regard clair s’était posé sur eux depuis un petit moment. Le Créateur savait ce qu’ils fêtaient encore, mais ils étaient là, une chope à la main, à brailler jovialement. Puis mon verre attira une fois de plus mon attention, peut-être un peu trop longtemps pour paraître normal. Sans doute qu’un mélange subtil de fatigue et de réflexion prenait grande place dans tout ce schéma. Je soufflai par le nez avant de reprendre ma boisson : ce cidre n’allait pas se finir tout seul, après tout.

Si je m’étais pointé là également, c’était pour une autre raison totalement différente : je devais un verre à quelqu’un. Je détestais certes m’avouer vaincu, mais j’étais homme à tenir mes engagements. Et ce n’était pas à n’importe qui que je le devais : un grand cornu borgne et insupportable ; bon, insupportable, mais avec un certain sens de l’amusement. Il devait très certainement se trouver avec ses hommes, mais pour des raisons qui ne regardaient que moi et mes pensées envahissantes, je décidai de rester au comptoir. J’étais bien, là, posé avec mon cidre dans une main. Et puis, s’il tenait vraiment à son verre, étant donné qu’il habitait entre ces quatre murs, il viendrait le chercher.