Coda — ft. Bryn (9:36)

Coda

Cordélia & Bryn

Their only enemy was time

Le coeur de Cordélia commençait déjà à se serrer lorsque son regard rencontra celui, interloqué, de Bryn. Oh, ça allait être beaucoup plus dur que prévu.

- Oui, je serai encore là pour le repas, et pendant les prochains jours. Mais après... Père veut que je parte devenir Templière. Et je crois que je le veux, aussi.

Le départ de la maison promettait mille aventures palpitantes, dont la jeune fille se faisait une idée hautement romancée. Les combats, épreuves, et victoires (forcément) de sa future vie de Templière tournaient sans arrêt dans l'esprit de Cordélia, comme la promesse que sa véritable vie commencerait enfin hors des murs du domaine. Leur famille était faite pour ça, après tout. Elle voulait être forte comme Aelan, qui portait à lui seul le fardeau d'hériter de la lignée Trevelyan. Elle ne comprenait pas encore l'amertume dans le regard de ce dernier, et la jalousie qui couvait dans le coeur de son frère aîné à chaque fois qu'il la voyait s'entraîner à l'épée avec leur père. Devenir Templier était, après tout, son rêve à lui.

- Je risque de partir pour très longtemps, Bryn, dit-elle enfin en regardant tendrement son petit frère. Il allait lui manquer. Enormément. Père parle de quelques années dans un monastère, éloignée du reste du monde. Je vais m'ennuyer... Mais à la fin, ça vaudra le coup. Et puis je suis certaine qu'ils me laisseront te voir.

(c) DΛNDELION

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Cordélia & Bryn

« When we are young, we think everything lasts forever. But it’s not true. It never was. »

Entendre cela, apprendre ces mots, cela eu sur le jeune garçon l’effet d’une douche froide. Ou d’une claque cinglante. Allez savoir pourquoi, Bryn ne s’imaginait pas qu’il serait un jour séparé de son aînée. Aussi loin qu’il se souvenait, elle avait toujours été là. À veiller sur lui, à l’emmener en promenade – avec ou sans l’approbation de ses parents ou d’Isadora – à l’aider dans ses leçons… Elle était une présence qui demeurait à ses côtés, quelles que soient les circonstances.

Quand on est petit, et naïf comme lui, on croit que tout dure toujours. Que ces jours de bonheur ne prendraient jamais fin et que rien ne pourrait jamais les atteindre. Ce n’était pas du malheur qui venait en cet instant, mais simplement le destin. La preuve que les jours passaient et qu’ils n’étaient pas faits pour durer.

Devenir Templier était un grand honneur pour leur famille : la Chantrie avait toujours eu une très grande place dans la vie des Trevelyan. Combien de cousins, de cousines, d’oncles, de tantes, devenaient eux-mêmes Templiers ou Sœurs ?

Il était resté parfaitement silencieux, la respiration lourde et lente, pendant qu’il écoutait chacun de ses mots. L’envie de pleurer le prit, bien évidemment ! Mais rien ne coulait sur ses joues.

« Très longtemps… » répéta-t-il pendant qu’il en comprenait lentement le sens.

C’était une longue formation, d’être Templier. Longue et glorieuse, qui rapporterait tant de fierté à leur famille.

Il vint alors resserrer ses genoux avec ses bras, comme si soudainement l’air se faisait plus frais. Cela devait arriver, se dit-il. C’était une question de temps. Ses yeux s’humidifièrent, mais encore une fois, rien n’en sortait. Rien du tout.

« Donc… c’est la dernière fois que tu m’emmènes ici. »

Ce n’était pas une question, juste une triste affirmation. Bien sûr, il pourrait également devenir Templier. Après tout, il n’était pas le fils aîné ! Il n’avait pas la pression qui retombait sur les épaules d’Aelan, il n’était même pas destiné à avoir un titre et des terres. Mais il n’avait jamais été fait pour ça. Ce n’était un secret pour personne : Bryn n’avait rien d’un soldat qui portera l’épée et l’armure plus tard. On l’imaginait plutôt devenir un homme de lettres, et s’il était plus assidu dans ses études, il pourrait certainement devenir un comptable, un homme de droit, peut-être un négociateur ou un ambassadeur. Pour l’heure, c’était bien plus flou pour lui, et vu son âge, c’était parfaitement normal.

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Cordélia & Bryn

Their only enemy was time

- Probablement, finit-elle par répondre. Ou du moins, pas avant un long moment. La perspective que ce soit le dernier lui faisait... bizarre, c'était le moins que l'on puisse dire. Et le dire à voix haute n'améliorait pas les choses. Laisser Bryn, Aelan, ses parents, et le manoir derrière elle... c'était définitivement enterrer son enfance. Plus de retour possible. Elle était restée là cloîtrée, protégée, et ignorante des choses de la vie. Quelques fois seulement ils avaient visité d'autres membres de la famille, à Tantervale ou à Ansburg, mais c'était encore la société noble, et elle ne rêvait que de combattre.

- Je t'aime, petit frère. Vraiment. Dit-elle en passant son bras autour des frêles épaules de Bryn, lui offrant le sourire qu'elle avait l'habitude de lui montrer lorsque les choses allaient mal. Ce n'est que temporaire, d'accord ? Je ne veux pas que tu croies que je t'abandonne.

Elle connaissait les complexités du jeune esprit de Bryn, et elle savait à quel point leur relation était importante pour lui - tout comme elle l'était pour elle. L'idée de ne pas pouvoir regarder son petit frère grandir lui pinçait le coeur. Elle avait toujours été là pour essuyer ses blessures ou ses larmes, et lui apprendre le nécessaire lorsque leur mère leur tournait le dos. La fratrie Trevelyan était très soudée, et elle l'était d'autant plus que les parents Trevelyan se préoccupaient davantage de l'avenir politique de leur progéniture que de leurs sentiments. Ils en avaient tous vaguement conscience, mais ayant été élevés dans ce microcosme noble, l'indifférence froide de leur mère et de leur père était normale.

- J'ai juste envie de... commencer à vivre ma propre vie. Quand le temps sera venu, ce sera ton tour. Et quand nous nous reverrons, tu seras devenu grand et fort. Et tu auras un grand cheval blanc, et une belle armure... Comme Edwin !

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Lun 18 Mar 2019 - 20:08

Coda

Cordélia & Bryn

« When we are young, we think everything lasts forever. But it’s not true. It never was. »

C’était à peine s’il sentait le bras de sa sœur passer autour de ses épaules tant il prenait conscience de ce que tout ça voulait dire. Enfin, il le savait déjà : la moitié de leur arbre généalogique comptait des Templiers et des Templières, et la moitié de la moitié restante se vouait à la Chantrie… Alors dans un sens Cordélia ne lui apprenait rien. Mais cette fois-ci, c’était dur de l’accepter. C’était sa sœur, sa grande sœur… Si elle n’était plus là, que deviendrait-il ? Que fera-t-il ? Il n’avait pas besoin d’imaginer son départ pour deviner combien il se sentira seul.

Il se laissa cependant faire, finissant par blottir sa tête contre elle, comme quand il se réveillait d’un cauchemar et qu’elle était là. Elle disait qu’elle l’aimait.

En d’autres circonstances, il lui répondrait que lui aussi, comme il en avait l’habitude. Mais pas là. Une partie de lui voudrait simplifier la situation, accuser Cordélia de lui mentir, la blâmer de l’abandonner… Cependant comment le pourrait-il ? Il savait que c’était faux.

« Je ne veux pas que tu partes… »

Sa voix était tremblante, cassée, comme si le garçon s’était mis à pleurer. Mais il n’y avait aucune larme qui venait tâcher la tunique de la jeune fille.

« J’ai… peur, Cordélia… Je ne veux pas que tu t’en ailles… Je ne suis pas comme Edwin… »

Bien qu’il s’agissait de son personnage préféré, le plus héroïque et digne des héros ! Mais Edwin était sans peur, il était courageux en toutes circonstances, et Bryn… lui était juste un garçon. Un enfant de six ans qui avait pratiquement été élevé par sa sœur.

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Cordélia & Bryn

Their only enemy was time

Bryn était courageux. Aucune larme ne venait brouiller les yeux du garçon, mais Cordélia ne pouvait pas en dire autant. Elle lutta contre la sensation de sa gorge qui se serrait, de ses yeux qui devenaient humides. Elle avait eu à plusieurs reprises l'impression d'être une soeur indigne, de le laisser à son sort. Cette impression n'avait jamais été aussi présente que maintenant. C'était pour ça qu'elle avait tellement repoussé le moment de lui annoncer... Elle savait que ça ne serait pas une partie de plaisir.
Cordélia resserra son étreinte autour des épaules de Bryn, la légère brise et les clapotis de l'eau les enveloppant de leur cocon.

- Tu es déjà si grand, Bryn. Tu te débrouilles déjà comme un chef ! C'était déjà plus difficile de lutter contre les larmes qui réclamaient à sortir et la gorge serrée, mais elle tint bon. Je suis vraiment désolée. Je me sens... comme enfermée ici. Quand le temps viendra pour toi - et il viendra plus tôt que tu ne le penses - tu auras toi aussi envie d'aller découvrir le monde. Et j'ai hâte de voir ce que tu vas devenir.

Elle tapota l'épaule de son frère, un sourire sur le visage qu'elle réussit à tenir assez bien vu les circonstances.

- Je t'enverrai des lettres, d'accord ? Et dans celles que tu m'enverras, tu devras tout me raconter. Les entraînements, Aelan, Père et Mère, tes amoureuses... Tout !

Elle se redressa finalement, aidant Bryn à faire de même, Puis, une nouvelle étreinte, beaucoup plus longue, durant laquelle une larme roula sur sa joue. Elle renifla de façon assez peu élégante dans les cheveux du garçon, essayant de contenir le flot de larmes qui se faisait plus pressant. Elle pleurerait plus tard, dans sa chambre. Bryn devait avoir l'image d'une soeur forte et remplie de confiance en elle. Qui d'autre pourrait lui donner ?

- Nous devrions rentrer maintenant... Père va finir par se douter de quelque chose. Elle prit Bryn par la main, allant par la même occasion détacher la bride de Philémon.

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Coda — ft. Bryn (9:36)

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