Un nouveau départ [Chantrie Andrastienne]

Le Comte Thevot Bescond, proche Conseiller du Prince de Starkhaven, fier d'avoir retrouvé les traces de Fort Eden, s'était empressé de faire des plans sur la comète et d'entreprendre des discussions avec la Chantrie, avec l'aval de son Prince, pour leur confier la réhabilitation et l'exclusive utilisation de cette merveille d'un ancien temps. Les discussions avaient été rapides, les interlocuteurs du Comte Bescond ayant écourté les missives pour envoyer à Starkhaven quelques représentants des personnes qui occuperaient le Fort, afin d'échanger de manière concrète sur les termes de cet accord et le mettre en application le plus rapidement possible. La Chantrie semble enthousiaste à l'idée d'un nouveau départ dans les Marches Libres, mais à quel prix ?

Le Comte, assis à son bureau, dans l'immense Palais au plein cœur de la cité, attend, impatient, la délégation envoyée par la Chantrie.

Un sentiment d'urgence pesait sur l'esprit de Léah depuis quelques temps déjà. Ce n'était pas un sentiment nouveau, mais il ne cessait de grandir en puissance. Après le massacre de Dairsmuid, son esprit était... embrumé. Embrumé par le doute. Embrumé par le sang versé par sa lame, et par celle de ses plus proches alliés. Elle avait erré, et avait même presque manqué de Lyrium.

La Templière savait que cela aurait mis un terme à sa vie. Elle n'avait pas la volonté ni la force de se priver de lyrium. Ni l'envie, d'ailleurs. Elle savait ce que le lyrium ferait d'elle après un certain nombre de doses. Nombre de Templiers avant elle avait succombé à des amnésies, des folies et autres nécroses inévitables. Mais elle souhaitait faire ce sacrifice. Pour le Monde. Pour le Créateur. Pour tout ce qu'elle chérissait.

Et pour cela, elle avait elle-même créé ce sentiment d'urgence. C'était un poids constant, qui appuyait toutes ses pensées et contaminait toutes ses paroles. C'était une tumeur qui se nourrissait de ses doutes, et qui au fil du temps la rendrait folle d'impuissance. Ce sentiment d'urgence n'était d'autre qu'un besoin.

Le besoin de redresser l'Ordre, de le sortir de la boue dans laquelle il s'était lui-même jeté. Les Chercheurs, en coupant les liens à la Chantrie, les avait précipités vers une direction insensée : Les Templiers n'étaient devenu qu'une milice de Corypheus, à présent. Le Lyrium rouge serait leur fin, et leur seul héritage dans le monde.

Pouvait-elle laisser cela se dérouler sans se battre ? Non, par le Créateur, bien sûr que non. Elle avait trouvé des sympathisants de la Chantrie, et de l'Ordre. Plus précisémment, ils s'étaient tous trouvés entre eux. Des naufragés du schisme, tentant de restaurer un monde qui a bien trop longtemps volés en éclats. Ils s'étaient rassemblés. Daniel, par exemple. Un ex-chevalier. Après avoir refusé de participer à un massacre, il était désormais à ses côtés. Il n'avait jamais connu la véritable camaraderie de l'Ordre, il n'avait jamais eu une jeunesse typique d'un templier. Il ne pouvait pas connaître l'Ordre du passé.

La seule chose qui le distinguait comme l'un des leurs était le Lyrium. Il avait passé sa veillée, et Léah elle-même avait apposé le Lyrium pur sur son torse pour l'initier à ses pouvoirs. Comme son entraîneur l'avait fait, il y a des années. En cet instant, c'était Pierre qui l'avait retenu face à la douleur aveuglante. Mais Pierre était depuis longtemps tombé en disgrâce, la disgrâce d'avoir cherché à annihiler les mages.

D'une façon, l'ignorance de Daniel sur les us et coutumes des Templiers était un don du Créateur. Pour Léah, il serait un symbole de renouveau. Un espoir. La Templière devait admettre se reposer un peu trop sur lui, par moments. Il ne méritait pas de supporter le poids de ses échecs et de ses doutes.

Le sentir à côté d'elle, marcher avec leur alliés, était réconfortant. Ils marchaient à Starkhaven à l'invitation du Comte Bescond, l'un de leur bienfaiteurs. La fierté d'avoir redécouvert le Fort Edel était sienne, et en vertue de proche conseiller du Prince de Starkhaven, il souhaitait s'entrenir avec les représentants de ceux qui occuperait le fort.

Léah avait été l'une des principales intéressée pour s'installer à Starkhaven. Orlaïs aurait été intéressant, mais la présence forte de la Chantrie, et la situation centrale des Marches Libres étaient bien plus importantes que l'Empire.

Pour inaugurer ce jour qui changerait son destin, elle avait décidé de retrouver les couleurs qu'elle avait jeté après Dairsmuid. Le poids de la lourde cape rouge, indiquant son rang dans l'ex-Ordre, était très étrange sur ses épaules. Elle n'y était plus habitué, et pourtant, c'était son droit et son devoir de l'afficher. La Templière était venue en armure complète, excepté le casque qui était resté sur la selle de son cheval.

Ses bottes d'acier martelaient le marbre de la maison du Comte Bescond, et la Templière s'approchait à grand pas de la porte de son cabinet personnel.

Un servant les guidait, et s'écarta promptement pour les laisser passer à travers les lourdes portes. Pour Léah, qui était Orlésienne, un cabinet n'était autre qu'un bureau privé où la noblesse organisait toute leur petite paperasse.

Pour un marcheur, en revanche, un cabinet s'averait être une salle resplendissante, assez grande pour accueillir tout les invités qu'un noble pourrait désirer. En entrant dans la pièce, Léah aperçut le Comte Bescaud de dos.

Il les attendait.

Ne regardant même pas si il se retournait, Léah entama une révérence compliquée, mais la coupa nettement et fermement avec un peu d'embarras. Sa mère lui avait appris cela, à l'époque où elle était encore dans la maison familiale. Et au grand dam de la Templière... Elle avait complètement oubliée comment elle se terminait. D'une voix forte, elle déclara :

« Salutations, Comte Bescond. Nous sommes venus à votre appel. Puisse notre collaboration apporter honneur et fierté sur Starkhaven. »