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Le monde est un théâtre, mais la pièce est mal distribuée.
Servis médita un instant sur la portée des paroles du Magister. Se pouvait-il qu'il ait raison ? Que seul le don de magie le séparait lui-même des hommes parqués et agités des autres tribunes . Le bas peuple. Les citoyens anonymes. Tout juste bon aux tâches les plus ingrates. Parfois plus misérables que les esclaves eux-mêmes. Pour être tout à fait honnête, Servis ne pensait que très peu à eux. Il était bien trop focalisé sur sa passion sur l'histoire. Sur le creux dans son ventre, qu'agrandissait tous les jours un peu plus son avidité. Petit à petit, il en était arrivé à s'enfermer dans un monde à une seule dimension, à sentir ses pensées se tourner vers un seul et unique sujet : la poussière et ses mystères. Et c'était justement pour détruire cet enfermement qu'Ulio s'évertuait à le traîner à toute autre activité sociale. Comme ce présent tournois. Alors non, aux yeux de Servis, ce n'était pas la magie qui le séparait de ces hommes en bas, en train de se déchirer. Mais bien la passion. Prenant appui sur la rambarde et tournant le dos à la scène de combat, il promena un regard inquisiteur autour de lui dans la tribune. Oh comme ces hommes avaient le visage fermé ! Le regard éteint ! Certes, ils n'étaient pas des animaux. Mais plutôt des machines, mécanismes aux rouages complexes. À peine mieux élevées.
La rage qu'il sentait le distraire un instant de sa propre avidité fut rapidement dissipée lorsque les paroles suivantes d'Albucius furent prononcées. Bien. Ainsi il aurait à la fois le beurre, ainsi que l'argent du beurre. La visite du stade et un pied, ô combien minuscule, mais un pied tout de même, dans cette société où toutes les folies semblaient êtres possible. Pourtant il ne sourit pas. Son sourire était noyé quelque part au milieu des paris des puissants et des vies perdues inutilement dans son dos.
Le pria Ulia de sa voix douce, une main ferme et compatissante se plaquant entre ses omoplates. Le poing droit de Servis se serra lorsqu'il décolla son dos de la balustrade pour venir rejoindre sa place. Albucius poursuivit. *Je veux juste poser mes propres yeux sur ces structures plus que centenaires, superposer les plans gravés dans ma mémoire aux dommages causés par l'usure du temps. Je souhaite juste sentir le poids des pierres sur mes épaules, dénombrer les milliards de pas qui ont parcouru l'édifice et esquissé l'allure de ses premiers occupants dans mon imagination. Je dois sentir la poussière.* Pensa Servis en réponse, tout en s'inclinant sagement devant les excuses mondaines du Magister. Non, Servis n'avait à vrai dire que peu besoin d'un guide, à peine avait-il besoin d'une entrée officielle.
Perdu dans la poussière, le sort de ses concitoyens ne l'atteignait plus. Pourtant, sous ses yeux, un nouveau projectile en feu fût lancé. Il vint s'écraser et répandre ses flammes jusqu'au pied des combattants qui mirent un terme à leur affrontement chorégraphié. Le mage lâcha un bref rire involontaire en les voyant fuir, apeurés comme des enfants par les flammes, en direction du centre de l'ovale. Servis se concentra alors sur la propreté de ses ongles, sur la bonne inclinaison de ses bagues et chevalières, et sur l’absence de toute poussière sur sa tenue colorée. Ce faisant, il laissait son attention dériver sans jamais se fixer, ni sur les conversations nombreuses l’environnant, ni sur les bruits de lutte et les cris, parfois d'agonie, provenant de l'autre partie du stade. La sécurité était à l'oeuvre, sans aucun doute. Lorsqu'il redressa la tête, satisfait de son allure à présent irréprochable, les fauteurs de troubles avaient été jetés dehors, en même temps qu'une bonne partie des Laetans. Servis en apprendrait certainement plus sur la situation et sur les pertes occasionnées par la rixe dès le lendemain, en parcourant distraitement les principaux journaux de la ville. Quelques corps restaient dans les gradins. Des corps qui seraient réclamés par les familles pouvant leur offrir une sépulture, ou bien revendus à L'Académie pour étude. Finalement ils n'étaient pas morts pour rien.
Le combat avait déjà repris.
La rage qu'il sentait le distraire un instant de sa propre avidité fut rapidement dissipée lorsque les paroles suivantes d'Albucius furent prononcées. Bien. Ainsi il aurait à la fois le beurre, ainsi que l'argent du beurre. La visite du stade et un pied, ô combien minuscule, mais un pied tout de même, dans cette société où toutes les folies semblaient êtres possible. Pourtant il ne sourit pas. Son sourire était noyé quelque part au milieu des paris des puissants et des vies perdues inutilement dans son dos.
“Viens, retournons nous asseoir.„
Le pria Ulia de sa voix douce, une main ferme et compatissante se plaquant entre ses omoplates. Le poing droit de Servis se serra lorsqu'il décolla son dos de la balustrade pour venir rejoindre sa place. Albucius poursuivit. *Je veux juste poser mes propres yeux sur ces structures plus que centenaires, superposer les plans gravés dans ma mémoire aux dommages causés par l'usure du temps. Je souhaite juste sentir le poids des pierres sur mes épaules, dénombrer les milliards de pas qui ont parcouru l'édifice et esquissé l'allure de ses premiers occupants dans mon imagination. Je dois sentir la poussière.* Pensa Servis en réponse, tout en s'inclinant sagement devant les excuses mondaines du Magister. Non, Servis n'avait à vrai dire que peu besoin d'un guide, à peine avait-il besoin d'une entrée officielle.
Perdu dans la poussière, le sort de ses concitoyens ne l'atteignait plus. Pourtant, sous ses yeux, un nouveau projectile en feu fût lancé. Il vint s'écraser et répandre ses flammes jusqu'au pied des combattants qui mirent un terme à leur affrontement chorégraphié. Le mage lâcha un bref rire involontaire en les voyant fuir, apeurés comme des enfants par les flammes, en direction du centre de l'ovale. Servis se concentra alors sur la propreté de ses ongles, sur la bonne inclinaison de ses bagues et chevalières, et sur l’absence de toute poussière sur sa tenue colorée. Ce faisant, il laissait son attention dériver sans jamais se fixer, ni sur les conversations nombreuses l’environnant, ni sur les bruits de lutte et les cris, parfois d'agonie, provenant de l'autre partie du stade. La sécurité était à l'oeuvre, sans aucun doute. Lorsqu'il redressa la tête, satisfait de son allure à présent irréprochable, les fauteurs de troubles avaient été jetés dehors, en même temps qu'une bonne partie des Laetans. Servis en apprendrait certainement plus sur la situation et sur les pertes occasionnées par la rixe dès le lendemain, en parcourant distraitement les principaux journaux de la ville. Quelques corps restaient dans les gradins. Des corps qui seraient réclamés par les familles pouvant leur offrir une sépulture, ou bien revendus à L'Académie pour étude. Finalement ils n'étaient pas morts pour rien.
Le combat avait déjà repris.
“Si je ne me trompe pas, l'issue de ce tournoi va se jouer au combat suivant ?„
Hasarda Servis en fixant un point aléatoire du ciel assombri au-dessus de sa tête. Puis, après un léger silence, il poursuivit. Courtois : “Êtes-vous confiant quant à la performance de votre qunari?„
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Le monde est un théâtre, mais la pièce est mal distribuée
*** Albucius ***
Le Magister Albucius n’avait pas bougé de sa place durant tout l’incident. Il semblait légèrement irrité du comportement des soporati mais n’y prêtait pas plus attention que cela. Attendant que la cohue se dissipe et que les gardes fassent évacuer les fauteurs de troubles présumés. Ses accompagnants avaient trouvé dans la tribunes des gens qu’ils connaissaient et discutaient allègrement du tumulte occasionné par la foule sans vraiment y prêter attention et l’avant dernier combat se termina sans encombre. Albucius eut un sourire satisfait et quelque peu amusé, comme s’il racontait une plaisanterie qu’il était le seul à comprendre.
- « J’ai confiance en sa connaissance des conséquences s’il venait à humilier son maître avec une défaite en finale à la fin de la saison. »
Et pour une plaisanterie, s’en était une. Il avait vite compris que ni les récompenses ni les punitions ne motiveraient jamais Katari. Il ne craignait pas la douleur, ni la privation, encore moins les réprimandes. En fait, la seule chose qui motivait réellement le Qunari était la sensation d’avoir rempli son rôle dans la société à laquelle il appartenait. De leurs longues conversations devant la cheminée du grand salon, Albucius avait fini par comprendre que Katari avait peur du chaos. Il avait besoin de connaître sa place dans l’univers et de s’y tenir à tout prix.
Son rôle de gladiateur, et de Champion de son maître consistait selon son interprétation – et Albucius reconnaissait volontiers la perspicacité de cette dernière- Etait à la fois celle d’être l’acteur et le guerrier. Oui son rôle était de gagner des combats en l’honneur de son acquéreur, mais il avait également un devoir envers la foule. Il s’était donc créé un personnage muet, sauvage, n’obéissant en publique qu’à des ordres simples et la plupart du temps signés.
Ce que les gens ignoraient c’était que Katari était capable de parler et de lire plusieurs langues, qu’il discutait aisément, littérature, algèbre et musique avec son maître derrière les portes closes et qu’il poussait son art de gladiature autant pour lui plaire que pour se sentir à sa juste place.
Les Qunari étaient décidément des créatures fascinantes dans la construction de leur esprit.
***** Katari *****
L’avantage du bordel qui avait eut lieu dans les gradins c’était que chacun avait pu prendre son temps pour se mettre en place. Les deux derniers combattants avaient pris position devant les portes de fer, deux immenses portes à chaque extrémité de l’ovale du stade, plus imposantes et plus lourdes que celles en bois qu’ils avaient passées jusque là. C’était un honneur que de pousser les Portes de Fer, c’était une entrée réservée aux finalistes du tournoi de Minerathie, le fracs des gonds centenaires s’ouvrant dans l’écho du Colisée arrivaient même à se faire entendre par dessus les cris de la foule.
Le calme était revenu dans les gradins, on entendait maintenant des murmures d’excitation , comme le bruissement des feuilles dans le vent précédant un coup de tonnerre. L’énergie était grisante, de temps en temps on entendait, crié par dessus les conversations, le nom d’un des deux champions. Adecan combattait à Domicile, il n’était pas étonnant que son nom soit scandé plus souvent et avec plus de ferveur. Car en effet, si Albucius avait ses quartiers à Minerathie pour les cessions du Magisterium, il n’en était pas moins originaire d’Asariel et c’était à Asariel qu’il avait fait faire ses débuts en arène à Katari.
Les cris isolés se transformèrent peu à peu en clameur, les noms des deux finalistes scandés dans le stade montèrent et se mêlèrent au rythme des clappement des mains et au martèlement des pieds sur les gradins. De là où il se trouvait, Katari pouvait sentir le plafond trembler sur les murs. Une ovation, des cris de joie qui laissaient deviner que le crieur avait repris sa place pour annoncer le dernier combat. A travers les portes, il entendit le nom de son adversaire, la vague d’encouragements et de huées des supporters, et par dessus, le grincement tonitruant de la porte de métal.
Puis vint l’annonce de son propre nom. Les deux mains posés sur les portes, Katari se prépara à se donner en spectacle. Il mit bient plus d’effort qu’il n’en fallait pour pousser les Portes de Fer, juste pour qu’on puisse voir jouer sa musculature de plus loin. Il foula le sable du stade sous les acclamations et fit tournoyer sa hache.
- « Kadanshok defransdim vashedan! »
Adecan réprima de justesse un sourire. Le guerrier riveini était suffisamment familier avec le Qunlat pour savoir que Katari venait de crier quelque chose en rapport avec le fait d’envoyer son pied dans les parites intimes de quelqu’un, et voir la foule répondre en hurlant avec enthousiasme avait quelque chose de profondément risible.
Le combat en lui même commença au son de la cloche en bronze qui avait retenti chaque fois que l’on entamait un nouvel affrontement. Il était de coutume que les Gladiateurs s’accordent entre eux pour faire durer un peu les combats de final, pour que les spectateurs en profitent, Adecan et Katari n’avaient même pas eut besoin de se mettre d’accord, ils savaient ce qu’ils avaient à faire pour distraire le public.
Il y eut quelques minutes d’attaques ratées où la hache de Katari rencontrait le bouclier d’Adecan dans de grands fracas. Les coups étaient destinés à faire du bruit plus qu’autre chose mais la vibration affaiblirait tout de même le bras de l’humain et Katari n’était pas contre l’handicaper un peu. Puis e Riveini lanças son filet sur le Qunari ce qui lança de vraies hostilités. Le filet se prit dans la hache, la rendant inutilisable.
La laissant tomber dans le sable, le géant mit un point d’honneur à faire craquer ses articulations de façon visible. Adecan fonça, bouclier levé, épée en avant. Contre toute attente, Katari l’esquiva et lui asséna un coup de coude derrière la tête qui le projeta en avant. Desequilibré, l’humain posa un genou à terre avant de se retourner pour combattre.
***** Albucius *****
Le magister semblait bien s’amuser. Loin de s’inquiéter que son champion ait perdu son arme, il regardait avec attention le déroulement du combat. Un sourire aux lèvres il regarda Katari attendre que son opposant se remette de ses émotions et l’attaque à nouveau. La seconde attaque fut sanctionnée par la percussion du bouclier et des deux poings joints du Qunari. Si le son était moins impressionnant que lorsque la hache s’était abattu dessus, le choc n’en renvoya pas moins l’humain en arrière.
Albucius émit un petit rire.
- « Je vais pouvoir taquiner Arthurus, Si Katari gagne sans arme il va en entendre parler jusqu’à la fin des temps. »
Et la victoire n’était pas loin. Il était peut être étonnant de voir le Qunari dominer l’humain sans arme mais ses quelques soixante centimetres de plus en hauteur et sa carrure impressionnante lui permettait d’atteindre l’humain par dessus son bouclier sans trop de probleme. Il prit quelques estafilades sur les cotes et les cuisses dans la manœuvre mais il continuait de harceler le Riveini. Frappant violemment sa tête, la faisant rencontrer son bouclier par moment. Quelques minutes de ce traitement furent suffisantes pour que Katari passe derrière son adversaire, lui torde le bras jusqu’à récupérer l’épée d’Adecan et la passe sous sa gorge en attendant que l’on annonce sa victoire.
Il y eut un petit temps d’attente, le commentateur espérant peut-être qu’Adecan se débattrait. Mais il fallut annoncer la victoire de Katari après quelques instants. Encore une fois, Albucius fit signe de relâcher son adversaire, et le Qunari s’avança pour recevoir les acclamations de la foule avant de récupérer sa hache et de disparaître dans le vestiaire.
- « Je vous ai promis une visite des coulisses je crois. » dit Albucius d’un ton joyeux. « Allons y avant que tout le monde ne se mette à remuer dans tous les sens. »
Il se leva et se dirigea vers une petite porte qui sortait sur le côté de la tribune officielle et descendait un couloir de pierre vers les entrailles du Stade.
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Le monde est un théâtre, mais la pièce est mal distribuée.
Albucius lui répondit avec un sourire amusé et Crassius l'écouta avec application.
Oui... Oui Servis avait déjà entendu quelque chose d'approchant. La peur des coups est plus efficace que les coups eux-mêmes. C'était un formateur qui lui avait énoncé ce simple fait, à lui et à une dizaine d'autres, lors d'un atelier pratique de gestion d'employé. Bien sûr, le terme d'"employé" servait à recouvrir un certain nombre de possibilités, allant des esclaves de famille aux subordonnés hiérarchiques. Ils avaient passé en revue un certain nombre de cas pratiques, et Servis c'était alors souvenu avec nostalgie de l'époque où certaines de ces techniques avaient étés appliquées à sa personne. Mais ce temps était révolu. Aujourd'hui c'était bien lui qui avait suivi cette formation dispensée par l'Académie. Lui qui s'apprêtait à se hisser au plus haut rang hiérarchique du petit monde des expéditions archéologiques. Et il avait pris des notes. Avec amusement.
Ainsi, en entendant la stratégie adoptée par Albucius pour maîtriser son Qunari, Crassius acquiesça en connaissance de cause. Il se retourna encore une fois vers l'arène, et sa voix se perdit quelque peu lorsqu'il prononça, presque pour lui-même :
Ses yeux bleus, plissant sous l'effort, avaient dérivé en direction des portes de bois par lesquels les combattants avaient jusque-là fait leur entrée sur le terrain. Ulio, toujours attentif quant au comportement social de son ami, lui asséna un coup de coude discret avant de lui désigner d'autres portes, bien plus décorées, et en fer cette fois-ci. Ah oui, les portes en fer. Les portes réservées aux finalistes. Pensa honteusement Crassius en massant ses côtes douloureuses. Petit, il ne parvenait jamais à s’intéresser aux combats jusqu'au dénouement final. Un tournoi complet durait bien trop longtemps pour un enfant : Crassius finissait invariablement au sol pour jouer dans la poussière avec son frère, et ce dès le troisième affrontement. De mémoire, il n'avait d'ailleurs jamais vu personne franchir les portes de fer. Personnes avant ce soir. Car grâce à Ulio, et averti par les cris de la foule et du présentateur, il vit apparaître le grand Qunari, poussant de toutes ses forces les lourdes portes, le jeu des muscles de ses épaules visibles même à cette distance. La foula acclamait Adecan, l'autre finaliste, originaire de la ville. Son champion, en quelque sorte. Il arrivait souvent aux amies de Crassius de radoter au sujet de ce combattant. Des étoiles pleins les yeux, elles évoquaient ses performances physiques, et en imaginaient d'autres tout en s'éventant avec ferveur. La fiancée d'Ulio ne dérogeait pas à la règle. Oh bien sûr, jamais en présence de ce dernier. Elle le savait sensible à toute comparaison. Une nouvelle fois distrait par ses propres pensées, Crassius rata les premiers échanges de la finale.
Le fracas provoqué par la hache en heurtant le bouclier le ramena brièvement vers le match. Il fut témoin, comme un millier d'autres, de la chute du qunari dans le sable du stade. Lorsqu'il esquiva au dernier moment l'attaque de son adversaire, les ongles longs d'Ulio se plantèrent dans la cuisse de Crassius, lui arrachant un sursaut. Il décala sa main et massa son muscle endolori, tout en promenant de nouveau son regard sur le public, plutôt que sur le combat. Il était en liesse. Certains, à l'image d'Ulio, se contractaient et se relâchaient en fonction des mouvements des gladiateurs. *Ils participent.* Pensa avec amusement le mage en observant encore cet étrange manège.
Le nouveau commentaire d'Albucius fit enfin remarquer à Crassius la perte de l'arme du monstre cornu. Il continuait de se battre, à mains nues, récoltant au passage de nombreuses blessures. Crassius pensa encore aux soldats, aux diverses geures ayant lieu dans le monde, puis aux sensations désagréables que ne devaient pas manquer d'occasionner ce genre de plaies. Enfin, le combat prit fin, et Crassius applaudit avec ferveur, plus pour saluer la fin de son calvaire que pour acclamer la performance des combattants.
Déclara joyeusement le magister victorieux de ce tournoi. Ce à quoi Crassius bondit de son siège avec bien trop d'entrain, bousculant sans le vouloir son voisin immédiat, au grand dam d'Ulio. Avec des gestes toujours empressés, il s'excusa avant de suivre le magister en direction d'une petite porte discrète de la tribune officielle. Englobé par l'obscurité du petit couloir de pierre, Crassius ne put étouffer le petit cri de joie qu'il sentit lui monter depuis les profondeurs de sa gorge. Il toussa, cherchant à faire oublier son écart. Mais déjà, ses yeux se promenaient sur les pierres centenaires.
Oui... Oui Servis avait déjà entendu quelque chose d'approchant. La peur des coups est plus efficace que les coups eux-mêmes. C'était un formateur qui lui avait énoncé ce simple fait, à lui et à une dizaine d'autres, lors d'un atelier pratique de gestion d'employé. Bien sûr, le terme d'"employé" servait à recouvrir un certain nombre de possibilités, allant des esclaves de famille aux subordonnés hiérarchiques. Ils avaient passé en revue un certain nombre de cas pratiques, et Servis c'était alors souvenu avec nostalgie de l'époque où certaines de ces techniques avaient étés appliquées à sa personne. Mais ce temps était révolu. Aujourd'hui c'était bien lui qui avait suivi cette formation dispensée par l'Académie. Lui qui s'apprêtait à se hisser au plus haut rang hiérarchique du petit monde des expéditions archéologiques. Et il avait pris des notes. Avec amusement.
Ainsi, en entendant la stratégie adoptée par Albucius pour maîtriser son Qunari, Crassius acquiesça en connaissance de cause. Il se retourna encore une fois vers l'arène, et sa voix se perdit quelque peu lorsqu'il prononça, presque pour lui-même :
“Tout de même, pouvons-nous réellement parler d'humiliation lors d'une défaite en phase finale ?„
Ses yeux bleus, plissant sous l'effort, avaient dérivé en direction des portes de bois par lesquels les combattants avaient jusque-là fait leur entrée sur le terrain. Ulio, toujours attentif quant au comportement social de son ami, lui asséna un coup de coude discret avant de lui désigner d'autres portes, bien plus décorées, et en fer cette fois-ci. Ah oui, les portes en fer. Les portes réservées aux finalistes. Pensa honteusement Crassius en massant ses côtes douloureuses. Petit, il ne parvenait jamais à s’intéresser aux combats jusqu'au dénouement final. Un tournoi complet durait bien trop longtemps pour un enfant : Crassius finissait invariablement au sol pour jouer dans la poussière avec son frère, et ce dès le troisième affrontement. De mémoire, il n'avait d'ailleurs jamais vu personne franchir les portes de fer. Personnes avant ce soir. Car grâce à Ulio, et averti par les cris de la foule et du présentateur, il vit apparaître le grand Qunari, poussant de toutes ses forces les lourdes portes, le jeu des muscles de ses épaules visibles même à cette distance. La foula acclamait Adecan, l'autre finaliste, originaire de la ville. Son champion, en quelque sorte. Il arrivait souvent aux amies de Crassius de radoter au sujet de ce combattant. Des étoiles pleins les yeux, elles évoquaient ses performances physiques, et en imaginaient d'autres tout en s'éventant avec ferveur. La fiancée d'Ulio ne dérogeait pas à la règle. Oh bien sûr, jamais en présence de ce dernier. Elle le savait sensible à toute comparaison. Une nouvelle fois distrait par ses propres pensées, Crassius rata les premiers échanges de la finale.
Le fracas provoqué par la hache en heurtant le bouclier le ramena brièvement vers le match. Il fut témoin, comme un millier d'autres, de la chute du qunari dans le sable du stade. Lorsqu'il esquiva au dernier moment l'attaque de son adversaire, les ongles longs d'Ulio se plantèrent dans la cuisse de Crassius, lui arrachant un sursaut. Il décala sa main et massa son muscle endolori, tout en promenant de nouveau son regard sur le public, plutôt que sur le combat. Il était en liesse. Certains, à l'image d'Ulio, se contractaient et se relâchaient en fonction des mouvements des gladiateurs. *Ils participent.* Pensa avec amusement le mage en observant encore cet étrange manège.
Le nouveau commentaire d'Albucius fit enfin remarquer à Crassius la perte de l'arme du monstre cornu. Il continuait de se battre, à mains nues, récoltant au passage de nombreuses blessures. Crassius pensa encore aux soldats, aux diverses geures ayant lieu dans le monde, puis aux sensations désagréables que ne devaient pas manquer d'occasionner ce genre de plaies. Enfin, le combat prit fin, et Crassius applaudit avec ferveur, plus pour saluer la fin de son calvaire que pour acclamer la performance des combattants.
“Je vous ai promis une visite des coulisses je crois. Allons y avant que tout le monde ne se mette à remuer dans tous les sens.„
Déclara joyeusement le magister victorieux de ce tournoi. Ce à quoi Crassius bondit de son siège avec bien trop d'entrain, bousculant sans le vouloir son voisin immédiat, au grand dam d'Ulio. Avec des gestes toujours empressés, il s'excusa avant de suivre le magister en direction d'une petite porte discrète de la tribune officielle. Englobé par l'obscurité du petit couloir de pierre, Crassius ne put étouffer le petit cri de joie qu'il sentit lui monter depuis les profondeurs de sa gorge. Il toussa, cherchant à faire oublier son écart. Mais déjà, ses yeux se promenaient sur les pierres centenaires.
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Le monde est un théâtre, mais la pièce est mal distribuée
*** Albucius ***
Après la victoire de son esclave et avec un sourire indulgent, Albucius expliqua le raisonnement derrière son affirmation précédente en descendant les marches qui menaient à l’intérieur du stade.- « Ce n’est pas une question de Finale, c’est une question de fin de saison. Voyez vous, les Gladiateurs qui ont le plus de victoires à leur actif sont mieux cotés, mais les matchs de fin de saison sont ceux dont les gens se souviennent le mieux, car ce sont les plus frais dans la tête du publique. Même si un gladiateur ne fait pas une saison extraordinaire, s’il se rattrape vers la fin il sera mieux coté car les spectateurs l’attendront d’avantage à la prochaine saison. A l’inverse, si Katari avait perdu son dernier match on se souviendrait d’avantage de son adversaire, il serait moins bien côté. Mais je vous ennui avec mes pronostiques. Allons plutôt admirer le stade. »
Sous le bruit du roulement des pas des spectateurs quittant le stade, au pied de l’escalier se trouvait un couloir large de trois bon mètres, dont les murs anciens se voûtaient en hauteur jusqu’à un plafond stylisé. Les gravures et sculptures dataient au moins de l’âge des Tours, certaines avaient été retouchées pour que l’usure ne fasse pas disparaître leur splendeur. Des torches enflammées léchaient les murs entre les tentures qui les décoraient. Le tout criait l’empire Tevintide, évidemment.
Les tentures dépeignaient les combats les plus célèbres de l’Histoire de la Gladiature. Certaines d’entre elles dataient de quelques siècles, d’autres, plus récentes illustraient des champions des tournois exceptionnels de ces dix dernières années. Alternées en raison de leurs composition plutôt que de leur âge, elles donnaient un ensemble éclectique mais harmonieux.
Le sol dallé faisait résonner leurs pas alors qu’ils parcouraient l’ovale encerclant la piste, Au bout d’un moment d’autres escaliers, plus larges, s’enfoncèrent encore jusqu’au niveau du sol de l’arène. Le sol de terre battu soulevait sa poussière sous leurs pas et la décoration, plus antique encore et plus spartiate.
- « Nous arrivons aux portes des vestiaires, je vous préviens, l’ambiance peut parfois être un peu vulgaire. Ces gens là ont tendance à fêter la fin des tournois dans le stupre et la luxure. Peut-être souhaitez vous rencontrer mon champion une autre fois ? »
***** Katari *****
Comme à chaque fin de tournoi, les Gladiateurs qui en avaient le choix restaient dans le plus grand des vestiaires, cela leur servait de lieu de célébration. Les maîtres les plus généreux fournissaient l’alcool et les esclaves corporels, généralement l’organisateur du tournoi organisait tout pour eux. On les laissait mariner dans l’alcool et les femmes -ou hommes- en fonction des préférences, et on leur ouvraient les portes le lendemain pour qu’ils rentrent chez eux.
Katari savait que s’il le désirait, son maître le laisserait aller fréquenter les maisons de plaisirs, mais il faudrait alors qu’il prétende ne pas connaître la langue commune et qu’il fasse la fête tout seul. Ce n’était pas vraiment dans l’esprit de camaraderie entre lui et les autres combattants.
Lorsqu’il entendit la voix de son maître derrière la porte des vestiaires, il regarda la jeune humaine brune à la beau hâlée qu’il avait sur les genoux et soupira. Ce n’était pas la première fois qu’Albucius se servait de ce genre de moments pour impressionner – ou dégoûter- des gens. Il espérait que ça n’allait pas durer longtemps. Eireen et lui se connaissaient bien, il aimaient passer du bon temps ensemble… Il avait envie d’elle et pas de jouer les sauvages domestiques.
Il attendit la réponse de l’invité pour connaître la direction que prenait sa soirée.