Ft. Dam Thor'Njall - 25 Frimnaire 9:40
Il n’y a pas que les flocons qui volent
Le Qun nous guide vers ce qu’il y a de mieux et représente le seul chemin pour l’atteindre.
Voilà l’écervelée qui s’agitait et remuait... La géante ouvrit un œil pour la voir sortir, tourna l’œil sur sa monture, complice de toutes ses sarcasmes, et ne se donna pas la peine d’émettre un son. C’est qu’il comprenait tout au premier regard, ce canasson. Elle referma l’œil, elle ne risquait rien et elle n’avait aucune envie de s’agiter si promptement si tôt. C’est qu’elle avait battu toute la campagne, fait une nuit blanche et travaillé dur avant de la rejoindre. Elle méritait son repos, elles repartiraient quand elle le dirait, voilà tout. Elle resserra avec délectation son manteau et frottant la fourrure à sa joue, laissa filer sa conscience.
Voilà qu’elle venait lui souffler son haleine matinale à la tête, intérieurement, elle gronda mécontente de se faire à nouveau déranger et si vite. Extérieurement, elle ne bougea pas. L’immobilité la convaincra très certainement d’attendre qu’elle s’éveille d’elle-même. C’est ce qu’auraient fait les gens empathique ou muni d’une once de convenance. Avec la persévérance d’un moustique, sa compagne de route lui prouva qu’elle était démunie de l’un comme de l’autre. Elle ouvrit les yeux à contre-cœur, soupira légèrement.
Le regard de Dam fut scrutée par les deux iris jaune brillant et striés d’une onde de couleur mordorée. Ils la fixèrent sobrement, sans ciller. Alors qu’Elvire dodelina légèrement de la tête, ses cheveux dont la tresse avait sur eux une étreinte lâche, roulèrent de par et d’autres de ses cornes en une onde soyeuse. Fins et volatiles, il ne faisait aucun doute à l’impudente observatrice qu’ils étaient d’une douceur rivalisant avec les plus fines soieries. D’un geste lent, elle repoussa les mèches blanches qui étaient venus balayer son visage.
Elle se hissa en prenant appui sur une main et grogna ostensiblement. Elle frotta son dos en lâchant quelques mots en une langue tout à fait étrangère à l’oreille de l’humaine. Par le Qun, qu’elle se faisait vieille, ses articulations lui faisaient un procès à chaque levé à la belle étoile. On ne parlera même pas de l’humidité qui avait tendance à les faire naturellement grincer. En se frottant le bas du dos et s’étirant, elle initia la mise en mouvement de sa carcasse. Elle but à son outre et alla fourrager dans un sac. Celui qui contenait visiblement ses victuailles. Elle en sortit des galettes aux fruits, un peu similaires aux précédentes et les tendit à l’humaine.
"Bien dormi ?"
En mâchonnant son déjeuner, elle se dirigea vers ses vêtements étendus et enfila couche après couche l’armure, les protections de laines et fourrures contre le froid. La manière de faire était rapide et efficace. Elvire possédait cette armure et ses habits depuis un certain temps. Ils étaient efficaces et pratiques. Il n’y avait rien de mieux qu’une armure moyenne pour protéger sans prétériter la liberté de mouvement. Sans parler que sa peau arborait des vitaar la rendant aussi solide qu’une armure de métal. D’ailleurs, elle sorti un miroir de poche et sa mallette à ingrédients. Elle appliqua ensuite sur sa peau à l’aide d’un petit pinceau. Les traits blancs, s’étendirent par motifs géométriques rectilignes, ceignant pommettes et front. Une fois qu’elle eut terminé, elle observa le tout et satisfaite rangea son matériel. Experte en substance, Elvire fabriquait elle-même ces peintures sacrées. Après tout, chez les siens, par idiotisme réducteur, on pouvait la considérer comme une prêtresse. Elle dénoua ses cheveux, les coiffa à l’aide d’un peigne et refit une natte serrée. Une fois ses préparatifs faits, elle s’employa à ranger le matériel. La géante cornue termina par son cheval qu’elle brossa puis sella. L’animal semblait avoir une motivation à l’image de son maître, il les observait, l’œil mi-clos, sachant que trop bien ce que cette agitation signifiait. Une fois tout cela achevé, elle daigna finalement accorder un peu d’attention à l’humaine.
"Prête ? Nous allons emprunter une route dérobée, pour traverser, je l’ai employée quelque fois avec des trafiquants, c’est un endroit à la fois assez inadéquat pour vous et sûr… nous pourrons entrer sans un souci, je suis passée par là à l’aller, l’endroit est praticable. Nous allons dévier un peu à l’Ouest, mais il vaut mieux ne pas être sur les grandes routes et là où on s’attend à nous voir."
– Coalition Émeraude –
« Tu as du mal à te tenir, n’est-ce-pas ? » Vesta n’était pas loin de la vérité ; la nécromancienne se réfugiait derrière des actes et des attitudes que nombreux jugeaient inappropriés.
Elle avait tenté, plus jeune, de se conformer à l’étiquette et de prendre des cours auprès de ses précepteurs. Astrid avait payé les meilleurs enseignants afin de lui donner les armes et la conduite des femmes de bonnes familles, ce avec un succès mitigé. Dam finissait toujours par jeter les parchemins, se confondre dans une maladresse paralysante ou recouvrer ses commentaires ainsi que ses tournures de phrases peu élégantes. « Chasser le naturel, il revient au grand galop » avait répondu Vesta tandis que la Mortalitasi soupirait de dépit.
Dam se tenait donc loin des hommes et femmes gâtés par leur naissance, mais avec une qunari fidèle à sa doctrine et sans information sur sa culture, l’enfant douée de magie se sentait à nouveau dans une situation particulièrement épineuse. Ah, que n’aurait-elle pas donné pour en apprendre davantage afin de ne pas courroucer sa gardienne ? Beaucoup, à n’en pas douter.
Prostré dans un coin de la grange, Dam se fit oublier le temps qu’Elvire se sentît fin prête. Elle répondit à sa question d’un hochement de tête, prit et mangea les galettes en silence, puise se maudît pour son caractère insouciant.
Des minutes s’écoulèrent, la nécromancienne observa la qunari peindre son corps et se vêtir avec efficacité lorsque vint le temps de reprendre la route. Aussitôt, Dam bondit sur ses jambes et détendit à nouveau ses muscles. Avec un peu de chance, ou la volonté du Créateur, sa compagne passerait au-delà de son absence de manière. Il fallait y croire, bien qu’elle ne fît jamais preuve d’un grand optimisme la concernant.
Secouant la tête pour chasser l’orage, Dam rassembla ses affaires et le voyage reprit.
Le premier jour, la mage s’enferma dans un mutisme qui ne lui sied guère. Elle tenta d’afficher un air composé pour rassurer sa gardienne, mais forcé de constater qu’un tel effort la fatiguait. Contrairement à Astrid, la mage n’arrivait pas à revêtir l’indifférence comme manteau aussi longtemps. Bien vite, elle remplaça le silence par un fredonnement constant. Dam restait, en dépit de tous ses efforts, un papillon qui voyageait de fleurs en fleurs.
Le soir, elle tomba les masques et questionna encore la qunari sur le Qun. Et même si Elvire ne lui apporta que des réponses vagues, laconiques, Dam sembla satisfaite. Elle se contentait des demi confidences et fantasmait déjà sur cette société qu’elle ne pourrait jamais rejoindre, à moins de vouloir mourir ou d’être considéré comme une esclave. Les qunaris détestaient la magie et donc, par extension, les mages ; la nécromancienne faisait donc un trait sur la visite de leurs terres car, loin d’être suicidaire, elle savait se montrer raisonnable.
Le lendemain, elle resta dans sa couchette jusqu’à ce qu’Elvire ne la réveillât. Une fois encore, elle tenta de devenir une autre personne, une femme plus calme et moins pressante, mais un nouvel échec marqua cette froide journée d’hiver. Dam se remit à fredonner, à chanter du bout des lèvres des comptines névarranes pour passer le temps et parfois, lorsque la force ou la résistance de sa gardienne l’étonnait, elle l’interrogeait sur ses origines, son métier au sein du Qun, ses habitudes, etc. Et la mercenaire était bien obligeante pour conserver son éternelle indifférence ; la mage l’enviait pour son apparence détachée qui lui donnait un air supérieur, presque royal.
Deux jours. Trois jours. Quatre jours. Cinq jours s’écoulèrent ainsi sans que les deux femmes ne rencontrassent d’ennemis. En dehors de deux ours et d’un groupe de loups quelque peu hostile, elles évitèrent les bandits de grand chemin ainsi que les poursuivants de la névarrane. À deux, elles pouvaient bien se charger des animaux agressifs, et assistées par la gigantesque monture d’Elvire, les loups préférèrent se retirer plutôt qu’attaquer aveuglément. Seuls les ours se montrèrent moins résilients, par chance un sort de peur suffît à les mettre en déroute. Dam contrôlait parfaitement ses pouvoirs, une victoire dont Astrid se serait enchantée si elle avait été présente.
— Oh ! Regardez Elvire, un point d’eau !
Après six jours de marche dans la neige, Dam se réjouît de croiser un ruisseau au milieu de la roche, des arbres et des côtes pentues. Elle se précipita dans une joyeuse inconscience en direction du fil d’eau clair, totalement transparent, s’accroupit dans la poudreuse épaisse, retira ses gants et plongea ses mains en son cœur. Sa froideur lui tira un frémissement, mais la mage ne s’en écarta pas pour autant.
Elle invita plutôt sa compagne de voyage à la rejoindre avec un immense sourire.
— Nous pourrions peut-être monter le camp ici, qu’en pensez-vous ? Avec les pentes et les arbres, nous ne sommes pas trop à découvert, il n’y a aucune grotte aux alentours, ce qui limite l’arrivée inopinée d’ours ou de loups et nous pourrons remplir nos gourdes avant de repartir !
L’idée lui paraissait ingénieuse, d’autant que l’épaisseur de la forêt protégerait les deux femmes du vent d’hiver.
— Alors… Est-ce que j’ai bon, cette fois-ci ?
Les souvenirs d’Astrid s’expriment en #669999,
Quant à ceux de Vesta, ils apparaissent ainsi #336699
 
Ft. Dam Thor'Njall - 25 Frimnaire 9:40
Il n’y a pas que les flocons qui volent
Un mage est un être, qui par nature, ne pourra jamais être maître de soi et de son équilibre. Seul leur abnégation absolue peut les sauver de cette voie de perdition. Leur dangerosité justifie tout moyen coercif pour maîtriser ces armes.
Il y a une éternité, elle fut jeune et impatiente. Il lui semblait que cela appartenait à une autre vie, pensa-t-elle avec nostalgie, observant le manège de sa protégée. Elvire prêta une attention évanescente à ses humeurs durant la première journée. Elle fut plus occupée à étudier le terrain, vérifier les pistes et s’assurer qu’elles de fonçaient pas dans des embuscades. Vint à nouveau les questions sur le Qun auquel elle répondit très évasivement. Elle ne fut pas bien sûre que la mage ait bien saisit son statut d’exilée. Heureusement, quelques banalités semblèrent lui convenir et elle lui laissa un répit. Les jours s’écoulèrent, les discussions également.
Au sujet de son parcours, Elvire fut plus prolixe. Elle lui conta volontiers qu’elle avait déserté l’armée pour trouver refuge à Ferelden. Elle avait ensuite parcouru un peu tout Thédas, visité et erré de contrat en contrat. Pour finir, elle devint une mercenaire talentueuse, après tout, elle avait été éduquée pour combattre et elle le faisait donc parfaitement bien. Ses tâches n’étaient pas cependant toujours liées à la violence et il lui arrivait de traverser tout le continent pour faire parvenir quelques missives discrètes pour le compte d’intriguant. Sur le Qun, elle ne laissa rien transpirer, refusant de s’aventurer sur ce terrain. Elle argua que c’était du passé et qu’elle ne voulait pas en parler.
Le trajet se passa avec calme. Bon guide, Elvire ne les perdit pas et elles gagnèrent la frontière orlésienne sans encombre. La voir pratiquer la magie sur ces ours lui tira quelques sueurs, mais elle n’en montra absolument rien. Elle était un voile d’illusion et de mensonge. Elvire détestait le Qun, tolérait la magie sous ce masque-là. La réalité était inverse. Un miroir cynique. Pour l’instant, elle se contentait d’être la mercenaire impassible qu’elle devait être.
A l’interpellation de sa cliente, elle observa le terrain, puis le ciel.
"On peut effectivement s’arrêter pour aujourd’hui. L’endroit est un peu à découvert, mais nous ne trouverons guère mieux. On va s’installer en contre-haut, pour avoir un visuel sur le chemin au loin et la rivière. Je vais m’assurer que l’endroit est sûr, occupe-toi du cheval."
Elvire avait, très courtoise, laissé sa monture à la mage. Il était évident qu’elle n’était pas habituée à parcourir de telles distances. De plus, lorsqu’on a de grandes jambes, la distance est plus facilement avalée, ainsi que la neige enjambée. Laissant la mage à sa trempette glaciale, la qunari fit ce qu’elle dit. Elle initia son inspection par la pente et son bois avoisinant. Les bêtes ne l’inquiétaient pas tant, c’était une notion très négligeable qu’elle pouvait régler sans soucis. Les animaux d’ailleurs évitaient de s’approcher des humains s’il était possible. Aux traces dans la neige et à la configuration des lieux, elle pouvait affirmer qu’aucun ours n’était dans les parages.
Elle n’était pas profondément inquiète pour leurs poursuivants. Qu’ils soient nombreux ou non, elles avaient avancé rapidement et n’avaient croisés aucune âme qui vive. Soit, ils étaient en retard, soit ils étaient finalement bien moins nombreux qu’escompté, soit ils avaient mis en place une tierce stratégie. Ce qui l’inquiétait le plus ici était les brigands. Il existait plusieurs points de passage à la frontière. Les plus sûrs étaient les officiels, mais cela voulait dire passer des contrôles. Rien n’est plus corruptible qu’un soldat de cet acabit. Elvire était bien placée pour le savoir. Les chemins dérivés, comme celui qu’elles avaient suivi étaient anonymes, mais comprenaient leurs lots de prédateurs. Détrousser les voyageurs pressés ou non-prudents était un métier.
La qunari revint vers la mage.
"Nous ne ferons pas de feu ce soir et resterons habillées et prêtes au départ. Nous sommes actuellement dans les champs de Ghislain. Veux-tu que nous visions Arlesans et nous rapprochions de la voie royale ? ou bien tirions plus au nord vers Ghislain même. Nous pouvons aussi envisager Montfort. Nous devrions gagner une bourgade pour nous ravitailler, nous reposer et que je puisse sonder le niveau de nos poursuivants.
Tu ne m’as non-plus jamais réellement dit où je devais te mener pour la suite et ce que tu comptais faire."
Elle se pencha et l’observa un bref instant. L’expression qu’elle arborait était douce et sympathique. Peut-être n’y avait-elle pas penser, mais il fallait à présent se pencher concrètement sur ses plans d’avenir.