Ft. Dam Thor'Njall - 25 Frimnaire 9:40
Il n’y a pas que les flocons qui volent
9:40, 25 Frimnaire
Nevarra, un soir, un bar
Elvire s’ébroua gentiment sur le palier de l’établissement, secouant la neige de sa chevelure blanche et de ses vêtements. Ainsi emmitouflée, elle paraissait encore plus massive que d’ordinaire et sa venue imposa un silence observateur. Alors qu’elle continuait son cheminement jusqu’au bar, la salle retrouva vie et animation. C’était toujours ainsi pour la cornue qui ne s’offusqua pas de la curiosité méfiante que créait son apparition. Les humains... Elle s’assit et commanda un breuvage corsé. Un de ceux qui vous fouettent le sang et vous brûlent aimablement la gorge. J’en ai bien besoin, songea-t-elle en ôtant ses moufles humides et glacées. Elle souffla sur ses doigts rougis par le froid. Pourquoi faisait-il aussi froid dans ces contrées ? Elle avait plus manqué de perdre un bout d’orteil d’engelures que tout autre danger. Il avait fallu que son mandataire paie bien pour qu’elle accepte de livrer ce colis précieux aussi loin. En vieillissant, Elvire se découvrait un désamour certain pour l’humidité et le froid. Les deux à la fois était une panacée. Le Nevarra n’était pas une contrée qui lui était familière et la mercenaire n’avait aucune espèce d’intérêt à y rester. Elle avait donc décidé, après sa halte ici-même, de repartir le lendemain en direction du sud.
"Bonsoir, Hermid m’a dit que vous comptiez regagner le sud après sa course pour lui. Si c’est le cas, j’ai affaire à vous parler si vous avez quelques instants à m’accorder."
"Je vous écoute, répondit-elle à l’homme qui venait de l’aborder."
C’est ainsi qu’elle rencontra Veltar. Un vieil homme un peu agaçant et sibyllin. Un homme à la bourse replète, il eut donc toute l’attention de la mercenaire. Non pas qu’elle accepte toute sorte de contrat, mais il s’avérait que travailler sur le retour serait réellement une plus-value. Au fil de la discussion, elle découvrit que l’homme s’était renseigné à son sujet. Les états de services de la mercenaires garantis par la guilde locale semblèrent lui suffire. Elle comprenait également que son choix précipité était mu autant par l’urgence et le besoin de discrétion. Il tenait à sa protégée, c’est une évidence qui s’imposa à la cornue malgré qu’il ne le reconnut jamais totalement. Un attachement sincère garant de payement, n’est-ce pas ? Il fallait tout de même admettre qu’il était prudent, la moitié de la somme vint grossir son escarcelle tandis que la promesse de paiement lui était fournie lorsque la cible aurait gagné sa destination.
Une escorte discrète, quoi de plus simple, n’est-ce pas ? Veltar l’avait cela dit mise en garde. Celle qui chassait sa protégée était aussi puissante que dangereuse. Une excellente raison pour rester hors d’atteinte. Elvire se promit d’aller vérifier, mine de rien, les primes avant de partir pour vérifier que la Dame n’ait pas lancé de chasse à l’homme trop conséquente avant de se lancer.
Nevarra, sur les chemins
Il lui fallut deux jours pour gagner la position de sa proie. Elvire observa la silhouette bleue qui se pressait sur le chemin. Veltar la lui avait suffisamment décrite pour qu’elle soit sûre de ne pas se tromper : il s’agissait de sa cliente. Cependant, Elvire ne concrétisa pas de contact et l’observa discrètement passer. Une chance de l’avoir trouvée si vite, heureusement que le vieux l’avait envoyée sur sa piste rapidement. La cornue décida de la suivre de loin pour l’instant. Premièrement, parce qu’elle voulait l’observer, voir comment elle se débrouillait. Deuxièmement, il fallait s’assurer que pour l’instant elle avait été la seule à mettre la main dessus. Visiblement, la fuyarde avait devancé ses poursuivants. C’est ce qu’elle constata après une journée entière à la suivre tout en brouillant sa piste.
Il semblait évident que le vieillard avait dû couvrir son départ, un temps du moins. Frimnaire était avancé et la neige présente. L’épais manteau blanc recouvrait les campagnes et chemins, rendant la progression plus compliquée. C’était une ennemie passablement ennuyante pour qui veut rester discret. Une ennemie également pour ceux qui n’ont pas l’habitude de voyager seuls. Cela semblait être le cas de la jeune femme. Parfois, elle eut pitié de la petite silhouette tremblante qui cheminait, nerveuse, en direction du sud.
Un petit oiseau migrateur exotique passablement égaré. Elle n’a certainement jamais vécu dehors seule, pensa Elvire, accoudée au pommeau de sa selle. Son cheval renâcla. Elle flatta son encolure, placidement, et fit une nouvelle fois demi-tour pour activement veiller à l’absence de poursuivants. Heureusement pour elle, l’oiseau semblait avoir une volonté d’acier et ne pas flancher, il aurait été compliqué d’œuvrer si en plus elle devait la sauver du froid.
A la frontière d’Orlaïs
C’est marchant à côté de son cheval qu’Elvire aborda son oiseau bleu pour la première fois. Elle l’avait suivie de loin jusque-là, effectuant un travail d’éclaireur, allant et venant. La raison de sa venue était simple, elle avait repéré la présence de deux mercenaires qui ne lui plaisaient assurément pas. Peut-être ne chassaient-ils pas son oiseau ? Un pari qu’elle ne voulait pas tenir. La petite avait encore une légère avance, mais ils ne tarderaient pas à se rapprocher de manière critique. Ce soir, ils seront sur elle, estima la mercenaire. Sans perde plus de temps, elle volta et lança son destrier en direction du sud. Son cheval souffla bruyamment lorsqu’elle le fit ralentir. Il était fatigué, Elvire également, mais il fallait se dépêcher. Inutile de préciser qu'elle agit sans précipitation et prit soins de brouiller, encore une fois, les pistes.
Elle mit pied à terre et sourit à sa monture. Une bête assurément solide. Il n’avait rien d’un de ces chevaux orlésiens aux membres fins. Après tout, il avait une sacrée masse à porter et il ne fallait pas moins d’un cheval de travail au dos puissant pour soutenir la qunari. Elle aimait chercher ses chevaux chez les fermiers et paysans qui sélectionnaient ce genre de monture. Un caractère docile, mais puissant. Une volonté au travail infatigable, oui, ce n’était après tout pas grand-chose et si elle le nourrissait bien et le bouchonnait avec soin, demain il serait prêt à les porter plus loin encore sans faillir.
Avec précaution, tenant son cheval par la bride, Elvire veilla à avancer doucement les mains en évidence et loin de ses armes.
"Le vieux m’a dit de te donner ceci, Dam. Il m’a dit que tu reconnaîtrais et que cela t’appartenait."
Elle lança sans cérémonie une petite boursette contenant un gage de confiance donné par son commanditaire. Ne l'ayant pas ouverte, elle ne savait pas ce qu'elle contenait. Le langage commun employé par la qunari était fluide. La voix grave de la créature ne buta sur aucun mot et ne dénota d'aucun accent en particulier.
"Je te suis depuis un moment… et je ne suis pas la seule. Je pensais avoir assez bien brouillé ta piste, mais j’ai deux parasites qui s’accrochent, alors tu vas devoir me faire confiance et on va désormais avancer à ma façon, cela te va, petit oiseau ?"
Question rhétorique, elle ne lui laisserait évidemment pas le choix. Il était hors de question qu’elle engage si vite le combat dans des circonstances aussi floues. Surtout s’ils pouvaient être évités. La qunari qui se tenait devant Dam était grande. Bien plus grande qu’un humain de grande taille. Elle l’observait placidement de toute sa hauteur. Ses yeux jaunes baissés sur la jeune femme avaient la couleur de ceux qu’arbore certains animaux, brillants et incisifs. Sa peau était d’une couleur grisâtre, brillant parfois d’un éclat particulier, métallique. Ses cornes torsadées encadraient son crâne et s’élançait vers l’arrière, solides. Ses cheveux blancs, abondants, étaient sommairement coiffés et attachés à l’arrière de son crâne. Ils disparaissaient dans une épaisse écharpe et un manteau de fourrure. Le reste de l’accoutrement hivernal ne laissait pas paraitre grand-chose. Elle était habillée de clair. Des couleurs plutôt discrètes qui se fondaient dans le paysage hivernal.
Dans son dos, un arc était rangé dans un carquois garni de nombreuses flèches. Deux lames courtes pendaient à ses flancs, ainsi que plusieurs bourses et sacoches. Ses bottes étaient crottées et l’ensemble de son équipement démontrait qu’il s’agissait d’une voyageuse aguerrie et très certainement d’une combattante. Malheureusement, ses mains gantées ne permettaient pas d’observer les mains puissantes et caleuses qui auraient pu confirmer à son interlocutrice bien des observations.