Chasing the Red Hiding Stuff (Pv Servis)

Pour ma plus grande exaspération, Servis était plus qu'à l'aise. Autant dans son rôle que dans cet environnement. J'essayais d'ignorer ses tentatives de drague graveleuse, que je savais surtout pour les oreilles des autres. Mais au moins, quand je lui posais une question sérieuse en attendant d'avoir la clé de la chambre et à boire, il répondit de façon intelligente. Il avait raison, nous ne pouvions rien faire sans Halda. Elle seule savait qui était notre nain. En attendant, nous devions simplement jouer notre rôle. Je soupirais, regardant sans grande conviction la bière dans ma chope.

"Je n'ai jamais été douée pour prétendre ce que je ne suis pas..."

Se faire passer pour gentille, attentive, vulnérable, naïve... Tout cela n'était vraiment pas dans mes habitudes. Autant par fierté que par incapacité, devoir incarner un de ces idéaux des hommes était une véritable souffrance autant que ma prestation était maladroite. Et je ne parle même pas du fait de devoir se faire passer pour une amante. Je buvais une rasade, me disant qu'il serait mieux pour notre couverture que je reste dans la chambre, quand je sentis une main sur mes reins. Je me crispais aussitôt, tournant la tête vers Servis qui fixait le mur devant lui, comme si de rien n'était. Une partie de moi était furieuse et avait bien envie de le foudroyer sur place pour son impertinence. Mais je savais également qu'il fallait faire un effort pour la mission. Je serrais les lèvres, prenant rapidement une décision. Ou plutôt, un compromis. Je levais mon pied pour l'écraser avec violence sur celui de Servis, utilisant bien le talon pour qu'il ait le plus mal possible. Feignant une expression courroucée et vexée, je répliquais d'une façon sèche et hautaine.

"Tes manières... Pas en public je te l'ai déjà dit... humpf ! "

Le barman vint me sauver la mise. Rapportant enfin une clé de la chambre, je la pris sans hésiter avant de me tourner vers Servis, qui semblait bien avoir mal. Comme une épouse hautaine et en colère, je lui répondis avant de prendre congé.

"Merci.... Je te laisse t'enivrer, histoire que tu reprennes un peu tes esprits."

Je partais alors du comptoir, la clé dans une main et ma chope dans l'autre. Je montais les escaliers en slalomant entre les tables, ignorant les quelques regards à la fois appréciateurs et amusés par la scène. Je disparus à l'étage, et c'est ce moment là que Wallace et Halda choisirent pour entrer. Tous les deux en habits de civils, même Wallace, ils repérèrent au comptoir Servis et s'approchèrent de lui. Halda était souriante, son regard malicieux posé sur Servis en devinant ce qui avait du se passer vu sa grimace de douleur. Je n'étais pas dans les parages en plus, alors la conclusion était bien facile. Mais elle en profita pour le titiller un peu. S'approchant de lui et l'accoudant, elle demanda un verre tout en l'interrogeant avec autant de bonne humeur innocente que de malice.

"Alors, on a raté quelque chose ?"

Wallace lui ne disait rien, mais son regard pétillant montrait qu'il voulait également savoir. Après tout, Servis a essayé de se frotter à la Méduse, il doit bien en subir les conséquences à un moment.

Un instant, Aesthia paru presque ... Vulnérable ? La main toujours sur la courbe de son dos, le regard toujours fuyant, Servis sentit peut-être pour la première fois son corps. Oui, il savait qu'elle était belle, mais ses propres idées n'étaient jamais au-delà. Là, une main contre elle, brisant inévitablement la barrière de glace qui les avait toujours séparé, il réalisait pour la première fois qu'ils étaient l'un et l'autre membre des deux sexes. Il se sentit rougir, voulut retirer sa main. Il aurait préféré ne pas réaliser ce simple fait, s'en tenir à la relation entre chien et chat qu'il partageait avec Aesthia : il ne souhaitait rien de plus. Mais pour le bien de la mission, il tient bon, et raffermit même la pression de ses doigts. Il la sentit alors bouger, se retourner vers lui. Il garda ses yeux fixés droit devant.

Il ne vit son mouvement qu'au dernier moment, et réalisa ce qui l'attendait que bien trop tard, alors qu'une douleur vive ce fût déjà propagée dans tous son pied. Elle lui avait écrasé le pieds avec le talon de sa botte, et le cuir souple de ses propres chaussures n'avait en rien atténué la force de son coup. Il se plia en avant, voulant recueillir par instinct son pied blessé dans ses mains, mais frappa son genou avec force dans le comptoir, une nouvelle vague de douleur inattendue le submergeant. Il étouffa le juron Tévène qu'il faillit lancer, et usa à la place son équivalant en langue commune, bien moins satisfaisant. Il se redressa, juste à temps pour entendre Aesthia se justifier, et partir avec la clé. Bien, au moins elle avait décidé de jouer le jeu. Et elle l'avait surpris, le laissant seul avec sa douleur et sa choppe d'alcool. La mine boudeuse, la douleur de ses orteils toujours lancinante, il s'accouda à grade peine contre le comptoir, répondant avec gêne au regard compatissant du barman. *Je sais l'ami. Je sais, elle est venimeuse.*

Le tenancier s'éloigna en frottant un chiffon crasseux contre l'une des choppe vides avant de la replacer sous le comptoir. Servis but de grandes gorgées de son propre liquide, n'ayant aucune difficulté à avoir l'air misérable après l'humiliation qu'il venait de subir. La tête basse, il sentit plus qu'il ne vit ses deux alliés entrer dans l'auberge du pendu. Ils se dirigèrent immédiatement vers lui et Halda lui posa joyeusement une question. Mais Servis fit mine de ne pas l'entendre, du moins au début. Il aurait préféré que l'approche des deux venatori se soit faites d'une manière plus discrète, plus détournée. Après qu'une bagarre ait éclaté dans le fond de la pièce, autour d'une table de jeu, et que le tenancier se soit précipité pour limiter la casse, Servis se retourna vers Halda et Wallace, notant immédiatement leur intérêt manifeste.


Demanda Servis naïvement, en retrouvant peu à peu sa bonne humeur. Il fit discrètement glisser deux pièces d'or, dissimulées sous sa main, le long du comptoir, jusqu'à ce que le templier ne les récupère. Halda, un brin déçue, se retourna vers la salle, un ras à présent passé autour de la taille de Wallace. Elle toussa discrètement et désigna du menton un nain isolé dans un coin de la salle. Il était assis seul, et semblait porter des vêtements de prix. Une barbe noire et touffue était tressée sur le devant de son buste, un crâne à moitié chauve renvoyait les éclats plutôt ternes des chandeliers. Ce nain... Il avait l'air misérable.

Servis étouffa un nouveau sourire. Un cœur brisé était facilement manœuvrable. Et aux vues du nombre toujours croissant de choppes vides entourant l'âme brisée, il n'allait pas être compliqué de le faire monter à l'étage.

Près de Servis, Hilda tenta une approche invasive, mais Servis avait plus d'un tour dans son sac. Elle dû donc se contenter de sa couverture actuelle, à savoir Wallace. En un regard sur la salle elle trouva son homme, plutôt bien habillé pour l'endroit. Elle fit un signe à Servis, qui lui demanda ensuite avec amusement si c'était bien lui. Hilda sourit et se tourna face à Wallace pour l'enlacer, le templier se trouvant un moment dépourvu mais ne la repoussa pas. Elle en profita pour glisser quelques mots à Servis, lui donnant plus d'éléments.

"Non, il était en habit de mineur. Mais je sais qu'il fréquentait depuis un moment une surfacienne du nom de Greta, membre d'une maison influente de commerce de Kirkwall. Cela fait des semaines qu'il la courtise, mais on dirait qu'elle en a préféré un autre..."

Et à voir sa tête dépitée, on pouvait facilement en conclure une telle chose. Le Venatori avait raison, profiter de sa faiblesse de coeur sera facile et profitable. Surtout vu la scène que venait de faire Aesthia. L'autre élément intéressant était que la soupirante du nain se rapprochait au final du comportement de leur venatori des glaces préférées. Elle sourit un peu plus, ayant une idée.

"Trop riche, trop précieuse et hautaine pour accepter les avances d'une personne de la piétaille. Ca ne vous rappelle rien ? Laissez moi faire..."

Elle se retourna pour faire signe à Wallace de la suivre, ou plutôt lui pris la main pour le tirer derrière elle. Chacun une chope à la main, ils se dirigèrent vers une table située juste derrière le nain. Ils s'asseyèrent, Hilda prenant les devants sur le scénario en riant et en parlant assez fort pour que leur victime puisse les entendre.

"Ha ha ha ! Tu as vu comment cette femme a repoussé le gars au bar ? Et le regard qu'elle lui a porté... On aurait dit qu'il n'y avait pas de couronne assez bien pour elle et qu'elle le méprisait comme un paysan."

Wallace hocha de la tête, portant la chope à ses lèvres. Il savait ce qu'elle voulait faire, et joua le jeux assez facilement. Il soupira légèrement, regardant Servis au comptoir tout en répondant avec une compassion feinte.

"Oui, le pauvre... Il a l'air tellement malheureux. Apparemment ça fait un moment qu'il lui faisait des avances et des cadeaux. T'y crois ça ? "

Ils continuaient de parler, restant sur le même sujet. Le nain avait tout entendu, et jeta un coup d'oeil vers le bar, voyant Servis. Avait il donc un autre compagnon d'infortune ?

Halda s'éloigna plutôt brusquement, entraînant Wallace dans son sillage. *Je ne rêve pas là, elle l'a pris par la main ?* Le mage, accoudé au comptoir, exigea d'un simple geste du doigt plutôt impérieux une nouvelle pinte de la part du tenancier. Il voûta son dos vers l'avant, rentra la tête dans les épaules, et lutta contre la curiosité qui menaçait de le dévorer. Son nouveau verre en main, il bût une gorgée, toujours acide, de cette liqueur qui n'était certainement pas de la bière. Depuis le comptoir, il n'entendait pas les mots prononcés par Halda, mais il pouvait saisir ses rires. Soudainement agité, Servis quitta son siège, sa pinte en main, et se mit à parcourir la salle, l'air le plus misérable possible.

Il repéra ses deux complices, attablés derrière leur victime, se comportant comme deux amis particulièrement proches. Il intercepta le regard qu'ils portaient sur lui, un regard qu'il connaissait particulièrement bien : il était l'objet de leurs commérages. Réprimant un sourire satisfait, et fronçant au contraire ses épais sourcils, Servis fit mine de se chercher une place où s'installer plus confortablement. Mais fort heureusement pour lui, Halda et Wallace s'étaient rués sur la dernière table libre. En étudiant méthodiquement ses possibilités, Servis intercepta un autre regard braqué sur lui, celui du nain. Quoi qu'ait pu dire Halda, cela avait eu le mérite de fonctionner.

Confiant, Servis s'imposa donc avec retenue :

Servis avait presque chuchoté sa question, fixant délibérément un coin de la table. Il tenait humblement sa pinte de ses deux mains, et ses épaules étaient toujours voûtées : son allure générale respirait l'abattement.

Répondit le nain avant d'écarter sa propre pinte, vide, de quelques centimètres pour lui laisser champ libre. Reconnaissant, Servis se hâta de s’asseoir, se laissant presque tomber sur son tabouret bancal. Là il posa son verre et se pencha vers le nain, instaurant un climat propice aux confidences.

Il but lentement une nouvelle gorgée de son liquide âpre, jaugeant du regard ce nain, s'assurant qu'il le poussait bien dans la bonne direction.

S'écria Servis, tout en frappant du poing la surface dépolie de la table. Il laissa échapper un sourire, reconnaissant volontiers que toute cette petite mascarade l'amusait profondément. En levant le bras, il commanda une nouvelle tournée, puis il laissa tomber deux gros sous d'argent sur la table, juste de quoi endormir la confiance de ce nain passablement imbibé. Avant même que les nouvelles boissons ne furent apportés à leur table, il poursuivit :

Il sortit de la poche de sa veste un petit paquet de cartes élimées, de fidèles compagnes lors de ses longues nuits dans le désert. Mais alors qu'il les étalait sur la table, Servis remarqua une certaine lueur dans le regard du nain. Un sourire semblait flotter sur ses lèvres, dissimulées par sa barbe fournie. Le mage délaissa ses cartes, et se saisit d'une nouvelle pièce, qu'il fit tournoyer entre ses doigts :

Servis se leva d'un bond et saisit les deux pintes qui venaient de leur être portées. Il attendit que le nain se mette difficilement sur les pieds avant de le pousser en direction de l'escalier vétuste menant aux chambres. Il laissa derrière lui ses cartes à jouer, mais le nain ne sembla rien remarquer de cet oubli, pourtant volontaire. Wallace et Halda pourront bien les récupérer pour lui après tout ! Après quelques minutes à tituber, ils parvinrent enfin devant une porte entrebâillée, qui Servis identifia comme étant celle occupée par Aesthia.

Offrit Servis, les deux mains prises par les verres, barrant toute possibilité de retraite du nain en bloquant l'étroit couloir par sa haute carrure. Sans aucune hésitation, le nain s'engouffra dans la chambre, et Servis le suivit, fermant la porte et se postant dos à elle.

Le piège semblait doucement se refermer sur leur victime, sous les regards complice d’Halda et de Wallace. Pour éviter d’attirer les soupçons, une fois Servis à la table du nain ils changèrent de sujet de conversation, parlant d’un ton badin sur les nouvelles de la ville. Cela ne les empêchait pas de garder une oreille sur la conversation entre le tévintide et le nain, attendant le signal pour passer à l’assaut final.

Pendant ce temps-là, je n’étais pas en reste dans la chambre. Montée d’un bon pas sans accorder le moindre intérêt aux autres usagers de ces couloirs miteux, je congédiais même une serveuse qui proposait de venir apporter en plus de ma pinte de quoi manger. Je prenais la chambre, refermant la porte derrière moi. C’était une chambre de taille respectable pour deux personnes, avec un lit double aux draps quelque peu douteux et un feu de cheminée dont l’odeur de fumée faisait oublier celle de la bière passée qu’ils servaient ici. J’avais quelques préparations à faire, et même si je n’avais pas mon bâton avec moi ce n’était pas ce qui m’empêcherait de faire mon travail. Avec diligence je m’attelais à ma tâche, marquant le sol et les murs de différents symboles. De quoi masquer l’utilisation de la magie une fois dans la pièce, mais également de quoi la rendre insonore pour éviter d’attirer du monde. Quand j’eus fini, je m’installais tranquillement sur une chaise près du feu, dos à la porte et pinte à la main. Je ne savais pas combien de temps ils allaient mettre pour le faire venir, et bien que d’habitude je ne savais pas faire étalage de ma patience, le fait d’être seule et en tout tranquillité m’aida à rester calme. Ce n’est que lorsque j’entendis au dehors la voix de Servis que je sus que nous allions bientôt passer à table. J’avais laissé la porte entre-ouverte, mais quand elle s’ouvrit pour les laisser passer je ne me levais pas. J’attendais que le piège se referme totalement, que la porte claque et scelle la pièce avec notre prisonnier en son sein. Dans un soupire je posais ma chope sur la petite table, me levant pour faire face aux deux visiteurs. Je regardais avec froideur le nain, qui semblait assez surpris.

" Et bien… Ce n’est pas trop tôt... Je commençais à m’ennuyer. "

Le nain se retourna vers Servis, semblant chercher des explications tout en nous regardant alternativement.

" Mais qu’est ce que… "

Je m’étais avancée vers lui, avec beaucoup de calme j’assenais une grande baffe au nain qui le fit tituber et reculer. Je l’interceptais alors d’une main, saisissant son gros menton barbu pour le maintenir en place alors que mon autre main s’électrisait légèrement.

" Silence… vous parlerez quand je vous le dirais. Et nous avons bien des choses à vous demander…"

La suite fut assez prévisible. Une petite séance de torture, utilisant les coups physique mais également un peu de magie en l’électrocutant avec parcimonie. Juste de quoi lui faire assez mal et peur, ce qui n’était pas très compliqué au final. Le nain nia dans un premier temps son implication dans l’expédition de Grégoire, mais rapidement il comprit qu’il avait plus intérêt pour sa propre vie de donner ce que nous voulions. Il finit par nous dire par quel endroit ils avaient pénétré les Tréfonds, et grossièrement quel chemin emprunter. Assez étrangement, il nous supplia de le laisser, de ne pas l’amener avec nous dans cet endroit maudit. Cela me surprit quelque peu, mais ma résolution fut toujours la même. D’un dernier geste je l’assommais, finissant ainsi notre petite session. Nous sortions enfin de la chambre, ayant caché le nain inconscient sous le lit. Je poussais un léger soupire, prenant le couloir pour rejoindre la taverne où Halda et Wallace se trouvaient sans doute.

" Bon… Il est temps de rentrer faire les préparatifs. J’ai assez soupé de Kirkwall pour l’instant. "

J’étais bien heureuse de pouvoir quitter ce bourbier. Je ne sais pas pourquoi, mais je préférais l’idée de me balader dans les Tréfonds plutôt que de rester dans ce trou à rats qu’est Kirkwall.

Comme prévu, dès qu'ils firent irruption dans la chambre, pas si décrépie, de l'auberge du Pendu, Aesthia prit les choses en main. Et le nain parla. Oh oui, le nain parla. Ce qui n'empêcha pas le mage d'user de ses talents, l'électricité bien sûr mais aussi d'autres techniques de tortures plus... Traditionnelles ? Servis détourna les yeux à de nombreuses reprises, choisissant de finir les verres qu'il avait en main plutôt que d'affronter la vision de ce que ce pauvre nain était en train de vivre. Mais ses autres sens eux ne cessaient d'être réquisitionnés. Son ouïe d'abord, surprenant les lamentations, les pleurs et les grondements de la victime. Mais aussi son odorat, avec ces fumets détestables de peur et de cochon grillé. Au moins avait-il absorbé suffisamment d'alcool pour anesthésier une partie de l'acuité de ses sens. Il se sentait... Fatigué. Le grand lit double occupant une partie de la chambre lui semblait être une bonne option.

Mais Aesthia termina, et Servis nota brusquement les indications crachées par le nain sur une carte des marches libres sortie d'une des poches de sa tenue. Une fois leur informateur involontaire mis en "sommeil", le grand mage souleva le lit, et aida son amie à y glisser le nain. Puis, calmement, ils sortirent de la chambre pour rejoindre la salle principale de l'auberge. Toute l'énergie de Servis était monopolisée pour maîtriser ses pas, pour repousser les assauts de l'ivresse qu'il sentait monter en lui. Il se battait également contre les fantômes des indications du nain, qui tournaient et retournaient dans son inconscient. *Plusieurs semaines d'expédition. Effondrements. Engeances.

Ils retrouvèrent Halda et Wallace, et quittèrent rapidement les lieux. De retour dans leur cache principale, les préparatifs furent engagés. Une longue expédition dangereuse les attendait. Dans la chambre qui lui avait été attribuée, Servis s'assit sur son lit, et prit sa tête entre ses mains. Il devait préparer ses affaires, rapidement, et ne prendre avec lui que l'essentiel. Telles étaient ses consignes. Mais Servis n'avait déjà pris avec lui que le strict minimum. Il soupira et se releva enfin, se dirigeant vers l'armoire pour en extraire son lourd sac. Pièce après pièce, il en sortit son armure de mage, qu'il déposa sur son lit. Il finit par l'épaisse tunique à capuche, qu'il avait choisie bleue pour se distinguer dans les ombres des tréfonds. Il s'habilla, lentement, et ajouta une longue cape pour dissimuler le tout. Son bâton-lance de mage à la main et son sac à l'épaule, il descendit rejoindre les autres dans le hall.

Il retrouva Halda, toujours accompagné de Wallace. L'idée même de partager cette mésaventure avec eux le mit en joie pour quelques instants. Laissant tomber son lourd sac au sol, il se fit présenter au reste de l'expédition : deux maîtres esclaves dirigeants chacun un cheptel de cinq esclaves, porteurs et combattants, et trois nains surfacient attirés par l'or, et habitués à l'emploi d'explosif et aux chasses aux trésors dans les tréfonds. L'un d'entre eux prétendait faire partie de la légion des morts. Mais Servis en doutait, fortement. Ainsi, ils seraient dix-neuf à s'aventurer dans les tréfonds. Trois mages, un templier, des gladiateurs et trois voleurs. Servis avait déjà connu pire. Et il était en vie. Lorsqu'Aesthia se présenta à son tour dans le hall d'entré, il s'adressa à elle, brandissant la carte :


Plusieurs véhicules les attendaient sur la cour devant leur cachette. Ils s'y répartirent et y chargèrent le matériel. Puis elles se mirent en branle, et un silence de plomb accompagna leur progression jusqu'à l'entrée des tréfonds.
Leur informateur n'avait pas menti : ils trouvèrent bien à l'endroit indiqué une porte praticable pour s'enfoncer dans l'ancien Royaume nain. Sous les claquements de fouets et les bruits de bottes, ils s’enfoncèrent, avalés par l'obscurité.

Le convois expéditionnaire avait été mis en place de façon plus rapide que ce que je pensais. Nous étions une vingtaine de personnes, deux nains que nous avions soudoyés pour nous aider à nous repérer et nous assister en cas d'éboulis, des esclaves pour combattre les engeances et servir de sacrifice en cas de pépin, un mage geignard, une autre mage roucoulante et un templier remonté comme une pendule. Alors que nous quittions Kirkwall pour atteindre les rives ouest où l'entrée de la grotte nous attendait, je me demandais si les choses allaient se passer comme prévu. Vu ce qu'il se tramait en douce entre le trio gagnant, quelque chose me disait que soit cela allait être très divertissant, soit que ça allait être une catastrophe sans nom. Bon, quitte à mourir, j'espère au moins avoir de quoi satisfaire mon envie de donner des coups de pied aux culs de certains et assez de divertissement dramatique pour toute une Cour orlésienne...

(jet 1 : temps d'expédition --> réussite : 5 jours et peu d'engeances)
(jet 2 : trouver l'idole --> échec: thaig vide, remonte les traces de Greagoir à la surface pour la trouver)


L'arrivée à la grotte fut assez facile, avec simplement une bande de bandits à faire déguerpir assez rapidement. Quelques magie de foudre, une épée dans les tripes et c'était réglé. Nous descendions sans trop d'encombre dans les Tréfonds, suivant des chemins humides mais étroits vers les entrailles de la terre. Il faisait très sombre, trop humide pour la coiffure d'Halda vu ce qu'elle babillait, et trop froid pour Servis qui semblait presque aussi à l'aise que dans un glacier. Je n'aimais pas cela non plus, mais je ravalais au moins mon inconfort pour tenir le rythme. Au contraire, j'utilisais cette frustration pour fustiger d'ordre les esclaves et les nains pour que nous avancions plus vite. Wallace et Halda prenaient leurs distances, voulant éviter d'être des cibles. J'ignorais Servis autant que je le pouvais, le gratifiant au mieux d'un regard noir et au pire d'un grognement de dégoût. J'étais charmante, vraiment.

Le chemin continuait de descendre, et en quelques cavités nous n'avions rencontré que des araignées géantes et quelques chattemites. Ils ne furent pas d'une grande difficultés, blessant simplement quelques esclaves et en empoisonnant un autre. Nous avions marché des heures durant, et le temps de soigner les blessés nous prenions une pause. Je regardais aux alentours, voyant de nombreux cocons attachées au plafond. Tiens tiens... Avec mon bâton, je lançais quelques sorts de foudre pour faire brûler les liens les retenant et en faire tomber quelques uns. Certains se fracassèrent au sol avec fracas, preuve qu'il n'y avait plus que des os là dedans. En revanche, deux cocons tombèrent dans un bruit mat, preuve qu'il y avait de la chair encore fraiche dedans. Je sortais l'une de mes dagues, découpant la coque robuste des cocons pour laisser voir le corps d'un nain. Il était pâle, les traits tirés mais encore... frais ? Il était mort il y a peu... donc nous n'étions pas seuls sur ce chemin. J'entreprenais de fouiller le cadavre, peu dérangée de voler un mort. J'en sortais une bourse avec quelques pièces, mais surtout ce qui semblait être un carnet de route. Je le feuilletais, regardant les quelques lignes et les dessins, fronçant des sourcils à la lecture de ce journal très enfantin. Il parlait de rechercher un trésor, une piste laissée par le Hérault de Kirkwall il y a longtemps et qui n'attendait qu'eux pour la gloire et le... ho par pitié... Je poussais un long soupire d'exaspération, faisant signe à Servis pour lui donner le carnet. Je ne pouvais m'empêcher de commenter avec humeur ce chiffon de mièvrerie qui me sortais des yeux.

" Sérieusement... qui est assez stupide pour chercher un trésor dans ces grottes moisies ? "

Je fixais Servis, me rendant compte soudainement que je venais d'insulter notre propre expédition. Je foudroyais alors du regard le mage, vociférant entre mes dents pour le mettre en garde avant qu'il n'ose ouvrir la bouche pour sortir une de ses fameuses moqueries.

" Servis... une seule remarque et je t'électrocute pour t'abandonner ici pour les araignées.... "

Je l'avais malgré moi pointé du doigt, promesse d'une mort certaine. Ou du moins d'être la cible de ma colère pour les heures à venir. Assez rapidement le départ fut de nouveau donné, et nous reprenions la route. Passé ce stade, nous croisions de temps en temps des escaliers sculptés à même la roche, mais pas encore de colonnes ou de grands couloirs typiques des thaigs nains. Il faisait également plus chaud, ce qui n'était pas pour nous déplaire. Mais il faisait toujours aussi sombre. Soudain, une torche fut visible au loin d'un couloir. Nous nous figions tous, sur nos gardes. Des engeances ? Non, il n'y a pas leurs crics horribles pour accompagner leurs pas... La torche avait disparu, puis de façon assez surprenante elle revint à notre vue, comme si son porteur semblait lui aussi peu certain de ce qu'il avait vu. A une trentaine de mètres de nous, il nous fixa, aussi incongrus et hors de propos qu'il pouvait l'être. C'était un nain vu sa stature, et la torche avait laissé de petits reflets métalliques se réverbérer sur les murs. Il portait une tenue avec du métal sans doute, mais les éclats avaient l'air plus... colorés qu'ils ne devraient être ? Semblant se reprendre, le nain disparu de nouveau en courant, nous laissant seuls dans le couloir. Personne ne bougeait. Voyant que nous n'avancerions à rien, j'interpellais les esclaves et les nains d'une voix forte, dégainant mon bâton pour y faire vibrer de l'électricité.

" Qu'attendez-vous, poursuivez le !"

Aussitôt nous nous mettions à poursuivre ce nain, qui sans doute était de la troupe dont le cadavre avait fait partie. A espérer qu'ils étaient moins nombreux que nous cependant...

Servis releva sa plume, et la tête par la même occasion. Aesthia lui envoyait un journal, sortit des restes de cocon géant qu'elle venait d'éventrer. Par-dessus l'épaule de sa collègue, le mage avisa du corps frais d'un nain. Il grimaça, et souffla tranquillement sur les quelques lignes de son journal d'expédition, qu'il gardait volontairement sommaire et énigmatique. Satisfait, il en ferma les pages avec précaution, avant de s'intéresser au registre envoyé par Aesthia. Un autre journal d'expédition, nettement plus complet. Écrit d'une main malhabile, maculée de taches et de fautes, cette oeuvre naïve était en plus fortement illustrée. Tournant page après page, le mage s’imprégna du journal, et de la quête éperdue qui avait animé ce nain, avant qu'il ne tombe mort entre les crocs d'une araignée géante.

La remarque lancée par Aesthia le sortit de son étude comparative, et de sa rêverie. Il lui sourit, ignorant volontairement son air plein de menaces.

Il rangea son journal, et glissa dans son paquetage celui du nain mort, momifié. Il connaissait quelqu'un, à la surface, qui serait ravi d’acquérir cette oeuvre de fiction bien réelle. Avant de s'éloigner, il posa une main rassurante sur l'épaule d'Aesthia. Elle lui semblait tendue. Wallace et Halda l'avaient senti aussi : ils s'étaient éloignés d'elle, d'eux, et faisaient profil bas.

Rapidement ils reprirent la route. Ils n'étaient pas encore assez profonds pour observer les premières traces de Thaig. À peine pouvait-on deviner que ces couloirs avaient étés percés par l'Homme... Rien. Rien dans le décor ne pouvait permettre à Servis de penser à autre chose. Ses pensées étaient entièrement tournées vers l'éventualité de croiser un filon de lyrium... Après tout, l'endroit s'y prêtait foutrement bien. Si au moins Halda et Wallace ne semblaient pas vouloir l'éviter, et Aesthia vouloir le pétrifier sur place... Il remit son sac en place sur son épaule, et fit tourner son bâton entre ses mains.

C'est alors qu'Aesthia vit une lumière hésitante, et qu'elle lança les esclaves à sa poursuite. Servis, peu intéressé, resta en arrière dans un premier temps, alors que tous s'emballèrent. Il ne souhaitait pas courir, gaspiller ses forces dès à présent. S'il s'agissait d'ennemis : ils risquaient de venir à eux. Alors à quoi bon les poursuivre ? Mais puisqu'il était le seul à rester en arrière, il finit par le laisser aller à un grognement. Il se mit à courir lourdement, retrouvant les autres après un coude dans ces couloirs. Il arriva au beau milieu d'une scène de bataille chaotique. Contre des chattemites. À regret, il empoigna son bâton, et lança çà et là des boules de feu.

Cette expédition n'avait décidément rien de glorieuse.

La poursuite ne fut pas très longue, mais étrangement ce soudain défoulement d'énergie me fit du bien. Comme si toute cette frustration trouvait un excipient en la personne de ce nain étrange. Nous le poursuivions au détour de plusieurs couloir, la lueur de sa torche et les reflets éclatants sur les murs nous indiquant comme un phare sa direction. Un jeu d'enfant presque. Nous arrivions enfin dans une autre salle, emplit de cris d'animaux et de mouvement au sol. Une horde de chattemite était là, semblant dévorer au sol un nain qui gesticulait et gargouillait dans son sang. Trop tard pour lui. L'autre nain lui s'était réfugié sur un monticule, essayant d'effrayer les chattemites avec sa torche.

" Non !!... arrêtez !!.... partez sales bêtes ! !!!!"

Les chattemites nos avaient vu aussi, et s'en prirent à nous. Les esclaves sortirent leurs épées, les nains leurs petites haches et moi mon bâtons. Je fus étonnée de voir que le nain survivant n'utilisait même pas son épée à sa ceinture pour se défendre, mais à voir sa tenue pleine de bijoux inutiles, une armure de fantoche plus faite pour la parade que pour le combat réel. Je me concentrais sur les sales bestioles, espérant que ce nain survivrait d'ici là. Il pouvait avoir des informations utiles, et au pire s'il était lié à une riche famille naine nous pourrions le ramener à la surface contre une récompense. Le combat n'était pas féroce, simplement épuisant par la quantité. La magie de foudre était utile car je pouvais éliminer un nombre important de bestioles, mais je devais faire attention à ne pas électrocuter un de mes alliés. Ce serait bête. Les boules de feu montrèrent que Servis avait enfin daigné se joindre à la partie, mais un autre cri attira mon attention. Le nain avait lâché sa torché et semblait submergé, et il tentait désespérément de dégainer son épée. Hélas, entortillé dans les sangles du fourreau et plein de maladresse, il ne s'en sortait pas. Rapidement il tomba en arrière, mais au lieu d'entendre le bruit sourd de sa chute et ses cris d'agonie alors que les chattemites le dévoraient, il poussa un long cri de peur qui s'étiolait dans le lointain. Il était tombé, mais où ? Et jusqu'où surtout ?

Le combat se termina somme toute rapidement, les chattemites restant mourant carbonisée ou bien foudroyée. Au moins, on aura de la viande pour ce soir. Essoufflée mais au moins soulagée que ce soit terminé, je me tournais vers Servis avec un léger sourire, lui donnant une tape sur l'épaule.

" Bon.... ça fait un peu d'échauffement au moins... Je me sens mieux."

Je me sentais vraiment mieux. Comme quoi la violence a du bon aussi. Je regardais les alentours, laissant les autres effectuer les soins. Personne n'était mort, mais la fatigue se faisait ressentir. Je pris le temps d'observer les alentours, voyant pour la première fois que la salle dans laquelle nous étions était juste... immense. Une grotte effondrée, légèrement éclairée au plafond par des filons de lyrium bruts, nous donnant un petit aperçu de ce qui composait la grande salle. Pas de constructions naines, mais des grandes colonnes calcaires qui reliaient le plafond et les abysses. D'un coup d'oeil on pouvait voir le fond sombre de la grotte, sans doute profond d'une centaine de mètres. Si le nain était tombé dedans, il n'y avait aucune chance qu'il en ait réchappé. Cependant au bout du chemin, on pouvait voir une corniche sinueuse qui longeait le mur et rejoignait un pont. Une sorte de pont naturel, comme une stalactite tombée avec le temps. Il y en avait plusieurs qui se succédaient en descendant, et l'on pouvait voir sur les dernières des structures plus carrées, comme taillées. C'était sans doute par là qu'il fallait passer.

"Cette suite de ponts... On dirait que ça ressemble un peu plus à de la structure naine. Peut être devrions nous monter le camps ici pour la nuit, nous traverserons demain."

Je m'étais tournée vers Servis, Wallace et Halda, demandant pour une fois leur opinion. Rester ici c'était le risque que d'autres chattemites reviennent, mais en un sens nous savions au moins ce qui nous attendait ici. Par delà les ponts, cela restait un mystère.