Chasseurs de Géants (PV Servis)

Le soleil dardait ses rayons en cette fin d'après-midi, le vent soufflant son lot habituel d'air sec et poussiéreux sans apporter la moindre fraicheur. Cela faisait plusieurs jours que nous avions rejoins cette contrée reculée d'Orlaïs, là où la chaleur du désert et les cohortes d'engeances rendaient cet endroit le plus inhospitalier de tout l'empire. Sans compter les bestioles, le sable brûlant... Mais j'aimais cet environnement. Cela me rappelait mes escapades dans les ruines après avoir quitté Minrathie. Aussi, sur mon cheval et dans la caravane comprenant plusieurs Adeptes, des esclaves et quelques templiers rouges, je ne pouvais que soupirer d'aise sous mon foulard trempé de sueur et de poussière.

"La chaleur... ça m'avait manqué...."

Troquer le manteau de fourrure de l'Emprise du Lion pour une tenue plus légère et aérée, il n'y avait pas de meilleure sensation. Bien sûr je souffrais de la chaleur, comme tout le monde. Mais j'ai vécu bien plus de temps dans la vie entourée des affres du soleil et de l'air chaud que du vent glacial. Aussi c'était avec un certain plaisir que j'avais reçu il y a quelques semaines de cela une missive de la part de Servis. Celui ci avait rencontré quelques difficultés avec des géants, et sachant que j'en avais déjà repoussé et même capturé quelques un dans l'Emprise, il venait me demander mon expertise. Au début je fus partagée. Quitter mon poste avec des ouvrier geignards, des templiers rouges qui devenaient chaque jour plus débiles les uns que les autres, supporter un temps glacial où il neige tout le temps pour... du soleil, l'air chaud et parfumé du désert, des ruines recouvertes de sables... Non, en fait le choix n'avait demandé que le temps que je me saisisse d'une nouvelle feuille et de ma plume pour répondre à Servis. Bien entendu j'acceptais, pour la gloire de l'Ancien et des Adeptes, bla bla bla... Me voilà donc dans ce désert, à cheval, accompagnée par mes fidèles compagnons (qui n'ont pas vraiment le choix) et donc le changement de paysage semblait faire du bien. La mage rogue Halda semblait au septième ciel, surtout qu'elle savait que nous allions rejoindre Servis, son petit amusement pour des soirée solitaires qu'elle disait. Je jetais un coup d'oeil en arrière, la regardant sur son cheval juste à côté de celui du templier Wallace. Elle avec son sourire, dardant sur le pauvre homme un regard des plus amusés et une langue des plus acérée.

"Je crois qu'il y en a un à qui ça ne doit pas plaire. Ca va Wallace ? Pas trop cuit là dessus ? Fu fu fu ~.... "

Sur son cheval, Wallace n'en menait pas large. A moitié affalé avec son armure, qu'il avait pourtant allégé pour l'occasion, il semblait avoir le souffle lourd et le visage rouge sous son heaume. Il tourna un regard noir sur la mage, mais sa réponse manqua quelque peu de panache sous ses halètements de boeuf épuisé.

"Huff... Huff... va.... Va chier Halda ! "

Un rire de la mage, de nouvelles taquineries... Voilà plusieurs jours que cela durait. A croire que plus nous nous rapprochions du but, plus Halda devenait intenable. Heureusement, nous n'étions plus très loin. Je regardais au loin, voyant d'anciennes grandes statues se montrer entre le colline de roches ocres. Servis m'avait laissé des instructions pour rejoindre son port d'attache, et nous étions également guidé par un de ses hommes envoyé à notre rencontre il y a un jour de cela. Avant d'arriver aux ruines, nous trouvions un petit campement avec principalement des esclaves et leurs maitres. L'un d'entre eux, un peu plus grand, se mit à discuter avec notre guide. Il vint ensuite vers moi, comme s'il attendait quelque chose. Je ne descendais pas de suite de cheval, toisant froidement cet homme dont le visage était recouvert par un de ces heaumes d'esclavagiste. Je m'adressais ensuite à lui d'une voix claire et posée, mais aussi froide que les vents de l'Emprise.

"Je suis Aesthia Amladaris, Adepte en charge de l'Emprise du Lion sous l'ordre de l'Ancien. Servis Crassius m'a fait demander pour une affaire de géant."

J'avais sorti de ma besace le parchemin que m'avait envoyé Servis, preuve que j'étais bien demandée. J'aurais pu dire que je lui faisais grâce de ma présence, mais ne connaissant pas son statut ici je préférais éviter ouvertement tout sarcasme en public. A moins bien sûr qu'il m'y oblige, là je serais dans l'obligation de sévir. S'il m'y oblige.

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Toute l'affaire commença par une idée de génie, vraiment, qui avait emballé immédiatement tout le campement lorsqu'elle y avait été évoquée pour la première fois. Ces premières réactions hautement positives, transformant une simple plaisanterie en véritable projet, pouvaient très largement s'expliquer par la quantité de vin absorbée autour du feu cette nuit-là. Mais alors comment expliquer qu'une telle bonne idée ne se soit pas évaporée au même titre que l'éthanol dans le sang de ces venatori ? Et comment comprendre la force qui avait poussé ces simples combattants à venir se présenter devant leur administrateur, afin de lui porter cette merveilleuse idée... Et Servis l'avait validée.
Tout était de sa faute.

Sous ses ordres, une petite équipe composée de gladiateurs entraînés et de brutes avaient étés envoyaient au-delà des limites de la porte, à la recherche d'un géant. Qu'ils soit parvenu à le ramener en vie révèle du miracle, mais peut-être l'avaient-ils suffisamment énervé pour qu'il les pourchasse jusqu'ici. Tout était possible finalement.

En résumé, un géant incontrôlable venait grossir les rangs de la faune dévastatrice de la Porte du Ponant. Phénix, hyènes, varghest, duvetins, araignées géantes et empoisonnées, dragon-sire et maintenant un géant en rogne. Oui, décidément, la porte du Ponant était l'endroit le plus merveilleux de Thédas.

Afin de limiter les dégâts que pouvait causer cet indésirable invité, Servis avait fait condamner les deux antiques portes de Toth et d'Andoral, les anciens Dieux du feu et de l'esclavage. Sans surprise, les serrures complexes et magiques de ces portes remontant à l'époque de l'ancien empire fonctionnaient toujours. Elles assureraient une certaine sécurité à ce géant, ainsi qu'aux venatori retranchées dans cette région de la Porte. Pour accéder au Fort retentis, il fallait à présent passer par l'ancienne prison de Coracavus. Et pour accéder à Coracavus, il fallait franchir des puits de sulfure étouffants. Ce chemin était emprunté régulièrement par quelques messagers et éclaireurs chargés de maintenir le lien entre l'Administrateur et les autres venatori.
Le flot incessant de missives ne tarissait jamais.

Installé sous la tonnelle dressée en haut de son fort, Servis parcouru distraitement les dernières nouvelles. Sous son armure de mage et surtout sous son masque, il avait chaud, comme toujours. Dans son dos, Octavian son second et Morven la brute discutaient gaiement. Le pauvre Octavian semblait minuscule à côté de l'Altus rustre et dénué de toute grâce qui, d'ailleurs, se promenait à demi nu même devant son administrateur.



Servis soupira, reposa calmement la missive qu'il avait en main sur le bureau, et se retourna, soucieux de faire taire Morven une bonne fois pour toutes. Mais les bonnes intentions de Servis furent contrecarrées par l'approche rapide d'un éclaireur, arme au poing.



L'éclaireur se retourna prestement et rebroussa chemin, son arme toujours dressée vers le ciel. Mais peut-être avait-il peur d'une mauvaise rencontre. Et si ce cortège ami était bien mené par Aesthia, comme le pensait Servis, alors peut-être faisait-il bien de se préparer au pire.

Servis ordonna à Morven de rester en haut du fort, alors qu'Octavian et lui-même descendaient les marches usées qui menaient à la cour. Lorsque enfin le groupe annoncé fut en approche, Servis s'avança en direction de la porte, afin de les accueillir : Aesthia juchée sur un cheval noble le fixait déjà de son regard le plus froid. La troupe qu'elle avait emmenée avec elle était large, impressionnante. Servis reconnu parmi les visages fermés ceux plus expressifs de Wallace et Halda.

Sous son masque, Servis laissa échapper un sourire, certainement détectable au creux des inflexions de sa voix. La sueur sur le front d'Aesthia, ainsi que la posture fortement relâchée de son templier, prouvait s'il le fallait qu'ils devaient déjà regretter les neiges de l'Emprise du Lion. Il y a quelque temps de cela, leurs rôles avaient étés inversés, et Aesthia ne s'était pas montrée tendre envers lui. Ce juste retour lui suffisait, Servis n'était pas rancunier.
Il tendit le bras vers la gauche, en direction d'une tente modeste sous laquelle étaient stockées des provisions : cuves de vin et courges à tout va...

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Le soldat nous amena vers un autre campement, qui semblait être au pied de grandes ruines. Alors que notre caravane arrivait, une personne masquée vint à notre rencontre. Je le toisais du haut de mon cheval, et ce n'est que quand une voix familière et légèrement moqueuse en sorti que je compris qui c'était. Je poussais un léger soupire, descendant de cheval tout en répondant de ma façon posée et froide habituelle.

"Tout comme on peut bien voyager dans un désert inhospitalier, je suppose. Mais retrouver un peu de chaleur et de soleil n'est pas déplaisant."

C'était factuel, et tout à fait suffisant pour montrer que je n'avais pas grand chose à faire de son sarcasme. Somme tout, ma manière polie et amicale de le saluer en retour. Les autres personnes de la caravane descendirent également, commençant à s'affairer. Servis de son côté nous invita à venir prendre quelques rafraichissement dans la tente, tout en présentant son second. Je le remerciais comme il se doit, de façon calme et détachée et gratifiait son second d'un regard rapide pour le jauger ainsi qu'un salut de la tête.

"Je te remercie, Servis. Ser Octavian..."

Quand il mentionna une autre personne là haut qu'il fallait ignorer, je levais la tête pour regarder rapidement, ne distinguant qu'une silhouette. Je fronçais aussitôt des sourcils, repensant à cet épisode de Macrinus à la tour d'Os. Mon ton se fit plus dur et plus froid, preuves que je lui en voulais toujours un peu pour ça et que je n'allais pas me garder de montrer mon mécontentement si nécessaire, peu importe les politesses et les ronds de jambe à faire.

"Si c'est encore un de ces gus comme le Prélat Macrinus, tu peux être certain que je me ferais un plaisir de le faire. Mais tu connais ma patience, elle reste très limitée."

S'il faut le foudroyer ou le jeter du haut d'une ruine pour avoir la paix, je n'hésiterais pas une seule seconde. Mes deux autres aides nous avaient rejoints, Wallace en sueur dans son armure qui foudroyait du regard celui qu'il avait reconnu comme Servis et Halda toute en sourire et en regard appuyé sur lui. Je ne sais pas pourquoi, mais je sentais déjà que j'allais regretter de les avoir amené. Quoi qu'il en soit, il fallait à présent éviter les dégâts autant que possible.

"Tu connais déjà Halda et Wallace. Ils m'assisteront pour la partie de chasse. Mais en attendant, ils vont superviser le déchargement de la caravane. J'en ai profité pour ramener un peu de ravitaillement et de matériel pour vous. Il était hors de question que le voyage se fasse dans une but futile après tout... "

Je me retournais pour leur jeter un regard froid et insistant. Ce n'était pas l'heure de la pause pour eux, pas encore. Et je voulais surtout éloigner un moment ces deux fauteurs de troubles qui avaient encore besoin de cuire un peu sous le soleil pour ne pas penser à des futilités. Ce qui était loin d'être mon cas. J'avais même pensé lors de mon départ à prendre de quoi ravitailler les campements de Servis, leur secteur isolé les rendant encore plus vulnérables et les ressources plus difficiles encore à obtenir qu'à l'Emprise du Lion. Je rentrais sous la tente, appréciant l'ombre qui mine de rien empêchait le soleil de nous rotir sur place. Je retirais les pans du chèches qui étaient sur ma tête, dévoilant ainsi mes cheveux et mon visage. Je pris un verre, me servant de quoi boire un peu tout en entamant la conversation.

"Alors ? Est ce que tu peux me faire un topo de la situation ? Où en est cette affaire de géant sans contrôle?"

Je lui jetais un regard interrogateur, attendant sa réponse. Il n'y avait aucun sarcasme ni envie de me moquer de lui dans mes paroles. Simplement des faits, implacables et bien là. Il fallait appeler un chat un chat, et un géant sans contrôle un géant SANS contrôle. Avant de comprendre comment il en était arrivé à ce fiasco, il fallait résoudre le premier problème qui se tenait devant nous au plus vite. Soit empêcher le géant de faire plus de dégât et le ramener sous notre joug.

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En entendant la réponse d'Aesthia, Octavian et Servis échangèrent un bref regard. Le petit harceleur possédait un rare don : celui de trouver naturellement les prunelles de son chef au travers des étroites lucarnes de son masque. Les deux hommes avaient suffisamment débattu au sujet du Prélat Macrinus, et notamment au sujet de la décalable de sa glorieuse escapade dans les neiges de l'Emprise du Lion, pour connaitre leur point de vue sur le sujet. Et leur point de vue concordait.


Servis esquissa un discret sourire sous son masque, et tapota visiblement l'épaule de son second au travers de son épais gant renforcé. Morven, du haut des remparts, les salua de la main. Le bougre était plus que conscient d'être au centre des conversations, et s'en amusait très largement. Sous son apparente bestialité, le contremaître était un homme à l’intelligence froide. C'était justement son aspect le plus dangereux.
Wallace et Halde s'étaient détachés du reste de la troupe, venant se placer en arrière de leur dirigeante. Le templier suait à grosses gouttes dans son imposante armure, mais son visage restait froid. Il fixait le haut gradé venatori d'un regard glacial, débordant d'un ressentiment difficile à dissimuler. Octavian glissa discrètement la main en direction de sa dague, coincée contre ses reins. Servis, qui n'avait pas cru important d'informer son second quant aux différends qui l'opposait stupidement à Wallace, fut flatté devant l'attitude protectrice de son second et ami.

Son second lâcha le manche de sa dague. Il salua d'un léger mouvement de tête et entraîna Wallace et Halda avec lui. Servis quant à lui poursuivit mondainement :

Aesthia pénétra sous la tente dressée dans la cour du fort en ruine. Elle ne prêta aucunement attention aux couchettes déroulées à même le sol de la tente, car c'était bien là que Servis et les quelques hommes occupant le fort venaient chercher du repos. Elle se servit un verre, et Servis l'imita. Néanmoins comme son casque l'empêchait de le vider, il le reposa sur les bords du tonneau à provision servant de table. Quelqu'un d'autre le videra certainement pour lui. Le mage ne s'était pas attendu à ce qu'Aesthia entre directement dans e vif du sujet. Du moins pas ici, au milieu du déchargement qui commençait. Si le sujet abordé n'avait rien de secret, il méritait néanmoins un peu plus de confort.

Il précéda Aesthia, traversant rapidement la cour de ce fort modeste. Il gravit rapidement les premières marches de l'escalier de pierre, glissantes à cause du sable s'y étant déposé au gré du vent. Il ne prononça aucun mot le temps de leur brève assertion. Le fort, construit sur les hauteurs d'une discrète colline de sable, jouissait depuis ces remparts d'une belle vue circulaire sur le désert de la Porte. Au loin, les gardiens étaient visibles : ces imposantes statues à l'armure en pointe, œuvre d'art inspirée des golems. En se dirigeant ensuite sur sa gauche, Servis conduit Aesthia jusqu'au bureau promis, au-dessus du quel avait été tendu un voilage épais procurant une ombre salutaire. Venant se réfugier sous celle-ci, le Mage en armure de guerre déroula un parchemin, sur lequel une carte de la région avait été tracée avec soin. Il traça du bout du doigt une zone, entourrant la gorge dans laquelle était prise le fort :

Comme Morven approchaient d'eux, Servis ne poursuivit pas ses explications. L'impressionnant Tévène aux oreilles de chou se déplaçait lentement, faisant rouler les muscles gonflés de ses épaules.

Sous son casque, Servis fronça les sourcils. Il savait la bataille perdue d'avance : il lui était impossible de faire respecter le moindre ordre à cette brute intelligente et manipulatrice. Ce qui ne l'empêcha pas d'essayer :

Le colosse eut un sourire mauvais, puis un, plus lubrique, dirigé vers Aesthia. Il lui adressa une révérence gauche et quelque peu provocatrice, un clin d’œil, puis l'éloigna de son pas lourd en sifflotant. Sous son casque, Servis émit un rire froid.

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Le second de Servis m'étonna par sa répartie ainsi que son pragmatisme. Je l'avais regardé avec une certaine surprise, puis commenta tout en buvant un peu de vin.

"Lui, je l'aime bien... Pourquoi tu ne me l'as pas envoyé plutôt que ce Macrinus ... "

Je fronçais légèrement des sourcils, toujours aussi énervée par ce stupide prélat. Il avait certes été utile, mais les dommages collatéraux n'étaient pas non plus négligeables. Il s'en était fallu de peu pour que les villageois ne donnent l'alerte. Heureusement, les messagers avaient été tués en chemin. L'autre chose qui fut tuée en chemin, c'était mon envie de boire ce vin. Quand Servis sembla s'exalter de l'idée de recevoir des provisions faites de denrées périssables, je manquais de m'étouffer. Je le regardais avec incrédulité, comme si j'avais mal entendu.

"Gorgée d'eau ? Amrita ? Mon pauvre Servis, le soleil semble t'avoir brûlé une partie de la cervelle... Pourquoi amener des produits qui pendant le voyage et sous cette chaleur ne vont que rapidement pourrir ou bien tourner ? Non, à la place j'ai ramené de l'eau infusée avec des herbes pour guérir de la dysenterie, des fruits et de la viande séchée, quelques couvertures et du matériel d'excavation supplémentaire. Des fruits frais, non mais vraiment... "

Je levais légèrement les yeux vers le ciel, reposant le verre alors que je pourrais un soupire. Vraiment, il semble qu'il oublie le côté pragmatique de cette mission. Peut être en avait il juste assez, et en un sens je pouvais le comprendre. Mais perdre des ressources précieuses juste pour un caprice qui de toute manière sera soit grandement déçu par l'arrivée de denrées gâtées soit assouvie que pour un bref instant pour ensuite être de nouveau exacerbé... Parfois je me demande comment il fait pour survivre ici... De toute façon, il était temps de partir. Il m'invita à le suivre dans son bureau, laissant Octavian s'occuper des autres. Cela m'allait parfaitement. Remettant mon chèche sur la tête et le visage, je le suivais sans broncher, toujours avec cette froide résolution.

"Si tu y tiens Servis, je te suis."

Le chemin ne fut guère long, et je dois dire que je comprenais un peu mieux pourquoi il s'était installé à cet endroit. Il y avait une bonne vue sur les alentours, le bâtiment procurait une légère fraicheur en plus de l'ombre délivrée par la toile tendue. J'enlevais de nouveau mon chèche, observant Servis ouvrir une carte. Je l'écoutais avec attention, observant les différents endroits montrés sur la carte. Il avait bien évité l'hémorragie de sa bourde, le géant restant à proximité donc toujours utilisable. De plus, il avait moins de chance d'indiquer notre position en étant restreint dans ses déplacements que libre dans la nature. Un géant dans un désert, c'est assez atypique pour que l'Inquisition ou d'autres puissent vouloir y jeter un coup d'oeil. J'hochais de la tête aux diverses informations données, commentant avec mes propres éléments à disposition.

"Les géants ne mangent pas uniquement de la viande, mais également des champignons et un peu de végétation. Tes hommes ne seront pas suffisants. Dans le désert il sera en manque. Nous pourrons l'attirer à un endroit précis avec un leurre que nous utilisons à l'emprise. Il marchera d'autant mieux qu'ici il n'y a pas de végétation pour en masquer l'odeur."

Mis nous fûmes interrompus par un nouveau venu. Je remarquais aussitôt que Servis ne semblait pas aussi ouvert qu'avec son second face à lui, voir un peu plus tendu. Est ce que ce gorille était la personne dont il m'avait parlé plus tôt ? Il l'avait envoyé en bas, clairement pour ne pas avoir à lui répondre malgré sa question. Il avait parlé de chasse, donc il savait pour le géant. Mais vu comment Servis le congédiait il ne voulait sans doute pas qu'il y participe. Je comprenais à moitié quand cet homme me jeta un regard écoeurant tout en me saluant de façon étrange. Alors qu'il s'éloignait, Servis commentant à sa manière habituelle. Ou plutôt non, pas comme d'habitude. Toujours aussi tendu. En toute réponse je laissais mon regard dur et froid observer le dos de l'individu qui était à présent assez loin, puis répondit sur un ton autant glacial que dégoûté.

"Charmant... Et surtout répugnant. Finalement c'est peut être lui qu'on devrait jeter en appât au géant. Même si je ne suis pas certaine que toute cette viande soit d'un grand intérêt pour lui..."

Je me tournais ensuite vers Servis, posant mon regard perçant sur lui quelques instants. Non, il y avait vraiment quelque chose. Quelque chose de différent d'avec Macrinus, ce qui m'inquiétais encore plus. S'il y avait bien une chose que je détestais, c'était naviguer sans tous les éléments à disposition. Si cet homme allait être une menace quelconque ou potentielle, je devais le savoir. J'interrogeais donc Servis à ce sujet, allant droit au but.

"Tu as l'air de pas l'apprécier ET de ne pas lui faire confiance. Est ce qu'il y a autre chose que je devrais savoir à son sujet, à part qu'il devrait déjà être poussé du haut d'une falaise ?"

Après tout, c'est Octavian qui m'avait donné l'idée. Pourquoi ne pas pousser cette notion jusqu'à son terme, mh ?

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Comme il pouvait s'y attendre, Aesthia ne répondit pas favorablement à sa légère plaisanterie. Son attitude restait froide, son regard glacé. Qu'il pleuve ou qu'il vente, l'humeur de la mage semblait plus immuable que les racines profondes d'une montagne. Sa froideur constante et son attitude hautaine servaient d'armes de dissuasion à quiconque souhait s'approcher d'elle. Mais Servis ne s'était jamais laissé impressionner par de telles armes. L’ego malléable de l'administrateur servait de bouclier face à cette glace de façade, et certainement de cœur.

Alors, lorsqu'elle parla d'utiliser ce nouveau soupirant en tant qu’appât à géant, Servis ne sût déterminer si elle était complètement sérieuse. Après tout, lui-même usait souvent de ce type de menaces sur ses hommes. Pourtant il n'avait jamais eu besoin de mettre ses paroles en pratique, la simple menace servant de rappel au dissident. Il n'était qu'un pion. Et les pions étaient facilement remplaçables. En théorie.

Peut-être était-ce là la plus grande différence entre Aesthia et Servis ? Lui ne faisait que semblant. Semblant d'appartenir aux venatori, semblant de se préoccuper des besoins de ce leader prétendument divin. Le retour à l'Ancienne Tevinter ne l'intéressait pas le moins du monde, tant que le vin et l'argent y coulaient toujours à flot. Qu'avait-il à perdre dans cette guerre ? Rien. Servis ne faisait que jouer, caché sous son déguisement fait de métal et de tissu. Alors, puisque tout ceci n'était qu'un jeu, pourquoi aller jusqu'à exécuter ses menaces ?

Répondit-il distraitement, tout en portant attention aux éclats de voix s'élevant depuis la cour. Des rires, majoritairement. Les blagues douteuses de Morven semblaient finalement avoir trouvé leur publique. Servis déplaça son encrier, la boîte contenant ses correspondances personnelles, ainsi que sa lourde plume de métal. Il les positionna de manière à ce que la carte ne puisse plus s'enrouler, plaquée sur la table à ses extrémités. Il s'écarta alors légèrement du bureau, croisant ses mains gantées derrière son dos.

Morven semblait voir au travers du masque supporté par Servis devant le reste de ses hommes. Il agissait comme si l'administrateur n'avait aucune prise sur lui. Mais peut-être se serait-il montré tout autant rétif devant un autre administrateur. Cet anarchisme était certainement instinctif chez cet animal, ce que n'étaient pas les mensonges et la dissimulation pour Servis. Sous son masque, l'administrateur fronça les sourcils. Il était peut-être temps de mater ce contremaître de malheur. D'aller au-delà des simples menaces.

Et pour s'amuser, Morven s'amusait. Tortures, meurtres, viols, cannibalismes et barbaries en tous genres, que ce soit sur la faune locale, sur les quelques rares ennemis ayant fait l'erreur de croiser sa route ou tout bonnement sur les esclaves détachés à son campement... Les venatori semblaient présenter pour lui le contexte idéal, pour pouvoir exprimer ses plus noirs penchants.

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Servis avait l'air bien embêté avec ce Morven, et en l'entendant parler je comprenais mieux. Son statut d'altus ainsi que le fait que c'est un grand tas de viande n'améliore pas les choses pour qu'il obéisse. On ne pouvait pas faire grand chose contre le fait qu'il soit soutenu par une personne plus haut placée, mais il n'empêche qu'il devait obéir aux ordres. Je poussais un léger soupire, regardant Servis avec une certaine pitié.

"Tu restes son supérieur, et le laisser faire ne fait que lui donner plus de liberté. Ce genre de personne, il faut les mater dès le début. Même s'il est un bon élément dans ce qu'il fait, s'il vient à se rebeller contre les ordres il devient une nuisance."

La conversation fut soudainement interrompue par l'arrivée d'Octavian. Avec lui, la relation semblait bien différente. Il écoutait, semblait intelligent et surtout obéissant. Quand il repartit pour chercher mes propres sbires, j'attendis qu'il soit assez éloigné pour donner mon opinion à Servis sur comment régler son problème.

"Mon conseil ? Tu lui montres qui est le patron ou bien tu l'expulses dans un autre endroit où il ne nuira à personne. Mieux, tue le en l'utilisant comme sacrifice pour un démon, ou bien on utilise son cadavre pour empoisonner un point d'eau de l'Inquisition. Là au moins il sera utile."

C'était peut être un peu abusé de ma part de dire cela, alors que j'avais supporté Macrinus avec ses inepties. Mais par respect pour Servis je ne l'avais pas éliminé, allant même jusqu'à demander à Servis de venir le chercher. Sans cela, il aurait été envoyé se faire tuer ailleurs, ou alors aurait disparu malencontreusement. Nos compagnons ne tardèrent pas à revenir, Halda regardant Servis avec un certain entrain et Wallace avec plus de méfiance. Les voyants arriver à notre table, j'enchainais de suite en me tournant vers Servis, qui au final était le principal intéressé.

"Commençons sans tarder. Servis, quelle est notre marge de manoeuvre de base en terme de ressources humaines et matérielles ? Nous n'avons pas pu ramener trop de choses, aussi il faudra construire avec ce que nous avons ici."

Après tout, on ne peut pas construire un plan d'attaque sans savoir avec quoi on doit se battre, et avec qui.

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Rejoint par le bras droit et le bras gauche d'Aesthia, la mage ne perdit plus une seconde, évoquant sans détour un nouveau point délicat de toute opération conduite sous la bannière des venatori. Dans ce contexte bien particulier, Hommes et matériel se confondaient, inscrits au registre des pertes. Après tout, une partie de ces Hommes n'étaient que des esclaves, leur valeur marchande se révélait parfois être inférieure à celle du matériel spécialisé. Servis grinça des dents. c'était une réalité avec laquelle il n'avait d'autres choix que de composer. S'il perdait des hommes, il lui faudrait les remplacer. Cela lui coûterait de l'argent, mais surtout, il perdrait du temps. Sa fouille de Coracavus en serait considérablement repoussée. Et ça, il ne pouvait l'imaginer.
Il ferma les yeux un bref moment, écoutant l'agitation produite par ses équipes. Ils n'étaient que peu nombreux enfermés entre les deux antiques portes. Le cortège d'Aesthia en revanche, ...

Octavian arrivait enfin, montant rapidement les marches de son pas léger et furtif. Il lança un discret sourire à Servis avant de venir prendre place autour de la table, sous la tonnelle, légèrement en arrière par rapport aux autres.

Le casque de Servis se retourna en direction de la mage accompagnant Aesthia. Ils avaient beau avoir passé quelque temps ensemble, il remarquait à présent ne jamais l'avoir vu employer sa magie. Dans les tréfonds, elle l'avait pourtant invoqué à de nombreuses,reprises, mais Servis avait alors la tête emplie de lyrium rouge, et n'y avait prêté aucune attention.
Si elle n'avait connaissance d'aucun sortilège pouvant les aider, Octavian pourrait certainement user de ces grenades de confusions. En en envoyant un grand nombre, ils pourraient certainement étourdir suffisamment le géant.

Après tout, il l'avait fait venir dans ce but précis. Il ne voulait pas risquer de perdre Octavian, ni le géant, ni même sa propre vie, suite à une idée si stupide.
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Tout comme moi il n'allait pas par quatre chemin, commençant à parler de son plan. Cependant j'étais quelque peu étonnée de son côté chiche. Je savais qu'il n'était pas très enclin à envoyer ses hommes à la mort, mais sa naïveté sur l'effet des leurres me paraissait très étrange. Essayait il de se rassurer ou de trouver un moyen de mettre le moins de personnes possibles sur le coup ? Dommage pour lui.

"Un leurre est comme son nom l'indique un "leurre", il n'est là que pour attirer le géant à l'endroit voulu. L'immobiliser ou le tuer est une toute autre affaire et bien plus critique. Nous aurons besoin de main d'oeuvre."

Et de gens à 100% dispensables. Mais ça, je ne lui disais pas. Avec sa délicatesse naturelle il va me faire une crise de nerf si j'en parle ainsi. La réalité était dure et cruelle, pour ça qu'il était préférable de ne pas trop s'attacher. Octavian, qui nous avait rejoint, put prendre part à la conversation. J'écoutais attentivement ce que disait Servis, réfléchissant aux différents éléments et essayant de faire dans ma tête un schéma des lieux. Bien sûr ce sera plus facile une fois sur place, mais au moins j'avais une bonne idée. Ils avaient installés un enclos pour lui, mais j'étais tout de même un peu inquiète à ce sujet. Est ce que ce serait solide ? vu que le géant leur avait déjà échappé une fois, il serait bon de vérifier une fois de plus. Chez nous, nous avions des cages en métal spéciales pour les maintenir en place et le lyrium rouge les affaiblissait. Ici, il faudra adapter.

"Mhh... Il serait bon de vérifier l'enclos avant de commencer la chasse. Nous n'aurons pas beaucoup de chances pour l'immobiliser, et il ne faudrait pas les gâcher. Wallace, tu iras faire un tour pour vérifier les installations et donner des conseils s'il y a des choses à améliorer."

J'avais tourné ma tête vers le templier qui avait retiré son casque pour mieux respirer. Bien qu'encore rouge il semblait moins être sur le point de s'évanouir. Il se raidit légèrement et hocha de la tête, répondant avec sa fermeté toute militaire.

"Bien ma dame, ce sera fait."

Bon, une chose de réglée. Servis avait lui demandé à Halda ce qu'elle savait faire. C'est vrai que la dernière fois, il n'avait pas forcément assisté à ses compétences de mage, et plus à celle de dragueuse invétérée. La mage se tourna vers lui avec un grand sourire, le regard pétillant, mais répondit avec le plus grand sérieux du monde;

"Je peux surtout le désorienter ou l'immobiliser avec des pièges de glace. Mais la chaleur ne les fera pas durer très longtemps. L'important est surtout de l'amener au sol, pour que nous ayons sa tête à portée de main. "

elle resta à le regarder de façon insistante et un peu gênante, son petit sourire mutin toujours sur le visage. Wallace redevenait rouge en foudroyant du regard Halda et Servis, tandis que j'enchainais sans prêter la moindre attention au petite drame d'ordre domestique qui avait lieu sous nos yeux.

"Nous avons apporté avec nous des somnifères sous forme de brume enfermées dans une fiole. C'est concentré et toxique pour nous, mais pour les géants cela permet de les rendre plus docile voir de les endormir si on les fait exploser au niveau de leur visage. Cependant cela ne dure pas très longtemps une poignée de minutes tout au plus. J'ai 3 fioles avec nous. Nous aurons droit à 3 essais, pas plus. "

Ces trois fioles étaient précieuses, mais le temps d'efficacité restait encore aléatoire avec ce genre de bestioles. Je comptais là dessus pour arriver à maintenir le géant immobile assez longtemps pour soit l'attraper, soit lui donner le coup de grâce. Rejoignant Servis dans son désir d'aller au plus vite à l'action, je résumais donc le plan de traque.

"L'idée est donc de poser le leurre non loin de l'enclos pour faciliter le déplacement du géant une fois maitrisé. Pendant que votre... tas de viande faire diversion et s'amuse un peu avec lui, Wallace, Halda et un autre de vos hommes pourront lui attaquer les jambes. Il est préférable de s'attaquer aux chevilles et aux tendons, le but est de le déséquilibrer pour le faire tomber au sol. Même si c'est juste à genou, c'est suffisant. Quand ce sera fait nous pourrons lancer la fiole sur son visage et vos hommes pourront commencer à lui mettre le harnais. Entraver en même temps ses jambes pour éviter qu'il ne se relève trop rapidement serait une bonne chose également. Cela nous fera gagner du temps."

Je regardais chacun d'entre eux, attendant de voir dans leur regard le moindre doute.

"Est ce que cela vous convient ? Autre chose à ajouter ? "

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Servis grimaça une nouvelle fois sous son masque. Était-ce la chaleur qui faisait délirer sa collègue ? Non, évidemment. L'astre solaire n'était pas à blâmer dans l'attitude d'Aesthia : Servis l'avait d'ailleurs toujours connu ainsi. Froide, hautaine, méfiante aussi. Si jusque-là il l'avait toujours toléré, sa coupe était à présent pleine. Alors, lorsqu'elle ordonna à son templier d'aller vérifier l'enclos déjà contrôlé par ses propres hommes, il tenta de se masser la tempe, mais les doigts ne rencontrèrent que la surface dure de son casque. Il n'écouta qu'à moitié les réponses données par Aesthia, ou plutôt ses directives. Il lui semblait évidemment que sa collègue avait oublié un point d'une importance capitale. Ainsi, lorsqu'elle lui en laissa la possibilité, il s'exprima :

Son nom à peine évoqué, la brute apparut au bas des escaliers, un sourire malsain aux lèvres. D'un geste las, Servis lui ordonna d'attendre en bas. Il invita ensuite Aesthia, Halda, Wallace et Octavian à descendre à leur tour l'escalier en ruine, puis à le suivre jusqu'aux écuries improvisées dans l'ombre du fort : quelques drakolisks avaient étés scellés pour l'occasion. La race, endémique du désert, était fortement appréciée par le mage, qui admirait leur férocité, leur manque absolu de compromis et leur vélocité. À l'écart, deux épais cheveux dénués de grâce avaient été attachés, destinés aux plus lourds du groupe : Morven et Wallace. Tout le matériel leur étant nécessaire avait été entassé à la hâte dans une carriole, elle-même harnachée à l'un des deux chevaux. Servis laisse Octavian prendre la tête du groupe. Il les conduisit au site où le géant avait été aperçut pour la dernière fois.

L'administrateur fut le premier à mettre pied à terre. Au sol, il repéra sans mal une empreinte gigantesque, laissée par cette bête qu'ils n'auraient aucun mal à traquer. Il proposa son bras à Halda, l'aidant à rejoindre la terre ferme, avant d'aller examiner le leurre dans la carriole. Dans son dos, Morven se laissa choir au sol avant d'éclater d'un rire gras tout en fendant l'air de son impressionnant marteau de combat. Octavian, après avoir proposé son aide à Aesthia pour descendre de son drakolisk, prit de nouveau la tête de leur groupe, se mouvent rapidement, et surtout silencieusement. La traque était lancée.
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