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Jeu 7 Mai 2020 - 17:13

Anonymous
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La ville de toutes les lumières



Vacances. Le mot même lui semblait désuet tant il ne l'avait prononcé que peu de fois. Lui-même ne s'était jamais octroyé les moindres vacances depuis... Depuis toujours ? Crassius Servis était le genre d'homme à courir de projet en projet, avec une avidité toujours croissante. Et à quoi pouvaient donc servir des vacances lorsqu'on avait été capable de faire de sa passion un métier ? Et lorsque de simples petits à côté pouvaient combler toutes ses autres attentes ? Servis se considérait comme un homme chanceux et comblé. Il avait réussi, seul, à mener sa barque où bon lui avait semblé. Pourtant, ces vacances presque forcées arrivaient à point nommé et Servis comptait bien en savourer chaque instant.

Arrivé depuis seulement la veille à Val Royeaux, Servis avait déjà perdu tout un après-midi et une soirée en basses négociations dans la petite boutique d'un tailleur. Il lui fallait une tenue correcte pour la semaine suivante, pour honorer l'invitation de l'Université d'Orlais qui l'avait forcé à s'arracher aux pleines arides de la Porte du Ponant. Mais le tailleur, très pointilleux, n'avait libéré le tévintide qu'une fois ses mesures prises à trois reprises, et la totalité des matières choisies en fonction de sa carnation. Alors, le lendemain, Servis se présenta dès la première heure dans une petite librairie située sur les hauteurs de la ville, et demanda au commerçant de lui fournir une carte des plus détaillées. L'homme, qui vit en cet étranger  l'occasion de se remplir les poches, lui proposa à la place un petit ouvrage portant le doux nom de : « Val Royeaux ou : la riche culture Orlésienne à l'intention des peuples plus primitifs ». En feuilletant l'épais guide, cherchant à décider si l'ouvrage était des plus sérieux, Servis découvrit un glossaire plutôt complet. Il fit donc abstraction de son tire plus qu’offensant et en fit l'acquisition. Le libraire, qui ne pouvait se résoudre à laisser filer un si bon client, lui proposa ensuite un petit livret, vendu à prix d'or, regroupant toutes les traductions du guide en langue tévène.
“Mais enfin, vous devez bien vous rendre compte que je parle couramment la langue commune, non ? Nous devisons depuis plus de vingt minutes.!„
S'offusqua Servis devant le peu de délicatesse de la stratégie commerciale de cette boutique. Il salua tout de même mentalement l'opportunisme du vendeur. Le guide sous le bras, Servis quitta ensuite les hauteurs de la ville et passa pour la seconde fois de la matinée devant un groupe de sœur chantristes, qui l’accueillirent de ces mots :
“La magie doit servir l'Homme ! Et non l'asservir !„
“Oui oui, faisons comme ça !„
Rétorqua Servis en resserrant plus fortement les liens qui attachaient son bâton de mage contre son dos avant d'accélérer le pas. En avançant mécaniquement dans les rues, il médita. La magie n'était pas un bête outils. Elle était un don, une force subtile. En son sens, c'était à l'homme de servir la magie, et en retour elle lui permettait d'accomplir des miracles. La magie était une maîtresse exigeante. Mais une maîtresse passionnée.
S'attirant de nombreux autres regards courroucés sur son passage, Servis commença regretter sa décision de garder son arme avec lui. Pourtant aucune autre alternative ne lui avait été offerte : s'il l'avait laissé avec le reste de ses affaires, il aurait encouru le risque de se la faire dérober. Un risque inacceptable pour le mage qu'il était. De plus, sa tenue à elle-seule suffisait à attirer les regards : il n'était pas vêtu à la mode Orlésienne, mais bien Tévintide, cet empire rival et considéré comme étant fortement décadent. Le mage soupira et accéléra le pas, se dirigeant au hasard parmi les rues pavés. Il fini par déboucher dans un petit square plutôt isolé où il put s'installer sur un banc de pierre pour feuilleter son précieux guide touristique sans plus être dérangé. Il lui restait encore à décider de son programme, des lieux incontournables à visiter, des spécialités à critiquer, et des impaires à éviter. Mais son aspiration à la solitude et à la tranquillité se révéla vaine : il n'avait feuilleté que quelques pages lorsqu'une voix incontestablement aiguë s'adressa à lui. Concentré sur sa lecture, Servis n'entendit pas les mots qui furent prononcés. Tout en serrant une nouvelle fois le manche de son arme tout en gardant son attention portée sur le guide, il rétorqua mécaniquement :
“Quoi que vous vendiez, je ne suis pas intéressé, désolé.„

Après quelques secondes, le mage releva la tête des pages qu'il était en train de consulter. Il vit une silhouette fine s'éloigner à petits pas pressés, tête baissée vers le sol. La femme, à peine une adolescente, portait un uniforme assez extravaguant et l'éclat d'un masque était visible au travers de ses mèches de cheveux. Dans un nouveau soupir, Servis dû se rendre à l'évidence, il était finalement intrigué. Après s'être poliment éclaircit la gorge, il apostropha la petite vendeuse à la sauvette, faisant éclater son accent tévène dans le calme du square presque désert :
“Qu'est-ce-que vous vendiez au juste ?„
“Des places pour le spectacle de ce soir, au Grand Royeaux.„
“ Revenez. Il se peut que cela m'intéresse, finalement.„

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Vêtu de sa tenue la plus sobre de sa garde-robe de voyage, Servis s'était rendu au Grand Royeaux, alors que le soleil disparaissait derrière les nombreux dômes de la ville. Les derniers rayons rendaient l'horizon aveuglant en faisant luire l'or des façades et la surface des eaux calmes parcourues de nombreuses gondoles. Pendant quelques minutes, la ville entière se parait de merveilleux reflets, avant que le crépuscule ne macule le ciel de rouge. Happé par la foule dense qui se pressait aux portes du théâtre, le mage n'eut pas le temps d'admirer toutes les subtilités de ce merveilleux spectacle naturel. Son billet en main, il se retrouva bien vite perdu au milieu d'un hall gigantesque, orné de mille décors. Le mage tourna plusieurs fois sur lui-même, cherchant à décrypter les moindres peintures, à repérer toutes les sorties également. Le brouhaha qui emplissait ce hall lui vrillait les tympans et il se sentit soudainement oppressé devant une telle foule. Une vague de panique en lui monta en lui. Il avait perdu l'habitude de la foule, perdu sa douce aisance en société. De plus, ces froufrous, ces plumes, dentelles, parfums, perles et masques ne lui étaient pas familiers. Orlais était des plus exotiques. Et en retour, lui qui était tout vêtu de noir et d'argent, et qui ne portait pas de masque, semblait des plus mal assortit au décor environnant.

Pour échapper à cette foule, Servis se mis en quête de sa place. Prenant son courage à deux mains, il se dirigea vers une ouvreuse et lui tendit son billet. Elle le conduit jusqu'au quatrième étage en empruntant un escalier de plus en plus étroit et de plus en plus sobre, et lui fit traverser un couloir percé de nombreuses portes. Enfin, elle en ouvrit une, et le laissa pénétrer dans une petite loge de six fauteuils. Il prit place, et déboutonna sa veste pour se mettre plus à son aise. Il lui restait encore plusieurs minutes avant le début de la pièce. Plusieurs minutes avant que les autres spectateurs ne délaissent le hall pour rejoindre leurs places. Il se pencha en avant et tâta sa botte, cherchant à vérifier la présence du discret surin qu'il y avait glissé. Puis il tourna machinalement les pages du livret de la pièce avant d'étendre ses jambes contre la balustrade de la loge. Il ne quitta cette position que lorsque les autres spectateurs vinrent un à un remplir les sièges vides laissés à ses côtés.

Ven 8 Mai 2020 - 22:39

Ashleigh
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La ville de toutes les lumières

Haring, 9:41 du Dragon
Feat. Crassius Servis
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Tu ne peux pas être sérieux, Etienne ..

Noyé dans ma propre paperasse, je poussai le soupir le plus bruyant que je pouvais au cœur de La Page Blanche. Etienne, ce brave Etienne, camarade de plume, avait cette lueur dans les yeux qui me donnait envie de mourir. Je détestais ses idées typiquement « Orlésien qui court droit dans le mur ». Ce têtu d’Etienne attrapa quelques feuilles qui parsemaient mon grand bureau, fit semblant de lire, avant de me fixer dans le blanc des yeux.

Fabien, mon pauvre Fabien, regarde dans quel état tu es ! Le nez dans tes vers, négligé et avec peu de temps de détente !
Je ne pense pas que d’aller voir la pièce de l’autre enfoiré fait partie de ce qui s’appelle communément « temps de détente ».
Mais elle est si nulle, tu dois la voir au moins une fois !!

Je soufflai du nez, avant de me lever de mon bureau. Il n’allait pas me lâcher la grappe, comme il ne le ferait jamais dans toute mon existence. Je fis quelques pas, afin de me rapprocher de lui au cœur de cette bibliothèque étrangement vide, pour une fois.

Donc si je comprends bien, tu vas payer un billet, donc rémunérer les artistes, dont le dramaturge, tout ça pour te foutre de sa gueule.
Toujours parler d’argent, Fab—
Evidemment que je parle toujours d’argent ! Tu es témoin du succès de mes ventes, la censure étant loin d’aider. Et tu veux que je dépense un argent que je galère à amasser pour une pièce nulle écrite par un manchot comme lui ?
Oh, je te paie si c’est que ça .. Je n’ai juste pas envie d’y aller seul.
C’est clair, se moquer de lui sans moi est inimaginable.

Je roulai des yeux, avant de les poser sur mon bureau en bordel. Je tournais en rond avec mes vers actuellement, donc peut-être était-ce raisonnable de se poser un peu. Et s’il payait, peut-être que je viendrais, mais à part perdre un temps précieux, je ne savais pas tellement ce que j’allais y gagner ..

Bon, je viens si tu paies.
Ça marche !! Rendez-vous au Grand Royeaux ce soir, et ne pense même pas à être en retard.
Mais oui mais oui ..

Que raterais-je si j’arrivais à l’heure ou si j’arrivais en retard ? Pas grand-chose, évidemment. Etienne, illuminé que j’accepte enfin, partit sur un pas joyeux. Heureusement pour lui, il était encore le début d’après-midi : j’avais encore de travailler sur mon dernier recueil, de surveiller la bibliothèque, et de rentrer chez moi pour me préparer un minimum.

Le travail se faisant et s’étant fait, je rentrai dans mon petit chez moi, assez en bordure de la ville. En broyant mon elfidée dans l’espoir de la fumer, comme à mon habitude, un cri de corbeau attira mon attention, à la fenêtre. Je m’approchai de l’animal, porteur d’un message que je pris soigneusement, et caressai son plumage avant de l’accueillir dans mon humble chez moi le temps de répondre à cette lettre. Du travail ? Des informations ? Allez savoir.

Une correspondante que je ne connaissais pas encore.  Assis à ma vieille table fissurée, ma cigarette coincée entre deux doigts, mon regard était attentif, plissé. Amladaris. L’Emprise du Lion. Et le fait que la missive s’adresse au déicide en disait long sur la légalité de l’affaire. J’aspirai de cette fumée relaxante et soufflai lentement, analysant l’affaire. Le nom de l’ouvrage me laissait personnellement penser qu’il s’agissait limite d’un canular, mais on contactait des moins compétents pour ce type de blagues. Je repris de mon calmant pour laisser un nouveau panache de fumée légère s’envoler de mes lèvres. Puis, je saisis un morceau de papier encore vierge, ainsi que la plume qui siégeait encore dans son encrier, et débutai une réponse. Autant faire ça rapidement, avant de commencer à me préparer. Sa remarque quant à mon nom me parut cependant importante, quoiqu’étrange, mais autant ne pas se mettre des alliés à dos pour une histoire de mauvaise interprétation.

J’attachai la lettre à ce brave volatile, avant de le laisser repartir. Le soleil commençait à tomber, il était temps de se bouger. Je me lavai rapidement, avant de choisir ce qui restait de potable dans mon armoire. Une tenue sombre et sobre, ce que j’avais de mieux – et qui me réussissait le mieux, finalement. Une fois prêt, je me mis en route pour ce fameux théâtre nul auquel j’accordais de mon temps.

Il y avait foule, ce soir-là. Je maudissais ce suceur en silence, avant d’apercevoir Etienne qui s’agitait. Il s’approcha de moi, le rictus de travers, avant de me donner une tape sur l’épaule de et me passer mon billet.

Regarde tous ces hypocrites qui font comme nous, Fabien !
C’est gentil d’essayer de me remonter le moral, mais c’est un peu gros comme mensonge je crois ..

Autant de personnes pour ses représentations. Je devais avoir grand max la moitié de la foule présente aux miennes. Mon ego s’étouffait à même le sol, il fallait être honnête. Nous nous approchâmes tout de même d’un guichet et entrâmes, guidés dans cet immense endroit familier, aux mille et une portes similaires. La jeune femme nous ouvrit la porte et nous entrâmes, Etienne le premier.

Ah, j’aurai un voisin que je ne connaissais pas. Super. Et à la vue de l’autre moitié de notre petite salle, il était tout, sauf d’ici. Je connaissais un peu ces motifs, et fus surpris d’une telle sobriété si je ne me trompais pas dans mes analyses. Etienne passa comme un roi, bousculant presque les longues jambes de l’inconnu qui les retira sans nous adresser un seul regard. En même temps, avec Etienne .. Une fois assis, je glissai tout de même un petit mot pour limiter les dégâts éventuels qu’il causait.

Excusez mon camarade, il se croit permis de tout et n’importe quoi.

J’analysai la grande salle d’un œil distrait, réfléchissant à nouveau à cette histoire de livre. Montgaillhard .. ce nom me disait quelque chose. Il me faudrait me pencher là-dessus quand je pourrais. Etienne se pencha vers moi, alors que l’autre connard arrivait sur scène sous une espèce d’applaudissement biscornu. Sur un ton sarcastique et presque chuchotant, il me fit remarquer quelque chose que je voyais déjà.

Regarde Fabien, notre ami fait son entrée royale.
Ça me surprend que les marches ne craquent pas encore sous le poids de sa connerie.
Oh allez, la pièce n’a pas encore commencé ..
Mais Etienne, on sait déjà comment ça va se passer : la pièce va être fade, mais elle plait à cette putain de Chantrie—

Etienne m’attrapa la mâchoire pour que je la ferme, et tourna ma tête vers la sienne.

Fabien, c’est pas parce que tes textes se font constamment censurés que tu peux blasphémer librement sans représailles. Surveille ta langue, merde.
Quoi, il leur fait de telles gorges profondes, ça serait dommage de faire table rase là-dessus.

Un de la rangée, un vieillard, nous demanda de nous taire. La pièce n’avait pas encore commencé, et j’avais déjà envie de me noyer dans le point d’eau le plus proche. J’étais presque sur le point de prier pour que mon voisin de droite ne soit pas insupportable, ou ça allait être réellement long.

Sam 9 Mai 2020 - 11:54

Anonymous
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Il n'eut pas le temps de replier totalement ses longues jambes : un spectateur le bouscula, parcourant l'allée pour aller trouver sa place, plus au fond. Le mage Tévintide ne se formalisa en rien de la brusquerie de cet homme : il comprenait. À Minrathie aussi, dans certains quartiers, il était invisible aux yeux des autres. Chez lui les Altus dominaient les Laethans. Ici les locaux méprisaient les étrangers. Dans une société fondée avant tout sur les apparences, un tel comportement était prévisible. Pire : il était naturel. En maudissant son attitude naturellement désinvolte, Servis se redressa complètement dans son siège.

Un second spectateur profita de l'espace ainsi dégagé pour se rendre à sa place : le siège juste à la droite du mage Tévintide. Les excuses qu'il lui prodigua l'étonnèrent : son analyse du caractère fière Orlésien étaient-elles erronées ? Servis acquiesça simplement de la tête, réservant le son de sa voix et son accent Tévene pour un moment plus nécessaire. S'il était conscient que ses vêtements à eux seuls, bien que sobres, trahissaient certainement son origine, il souhaitait éviter d'avoir à la confirmer si rapidement. Le voyageur avait déjà atteint son quota d'offense de la journée, et n'aspirait à présent plus qu'à un peu de tranquillité.

La loge, ainsi que la salle en contrebas, se remplissait rapidement. La représentation était sur le point de débuter. D'ailleurs, les bougies éclairant la salle furent soufflées, ne laissant que la scène échapper aux ténèbres. De toute part, des applaudissements retentirent. Servis les imita poliment, frappant mollement ses grandes mains l'une contre l'autre. Un homme sortit des coulisses, s'avançant gravement jusqu'au centre de la scène. Servis plissa les yeux, et cessa d’applaudir, déconcentré par la conversation qui animait à présent les deux hommes installés à ses côtés.

Des paroles scandaleuses, mais prononcées à haute voix, sans aucune honte. Des paroles savamment distillées pour être entendues. Presque Timidement, l'étranger n'osa pas réagir, faisant semblant de se concentrer sur la scène et sur le discours débutant de cet homme qui devait certainement être l'initiateur de la pièce se jouant ce soir. Mais lorsque ses oreilles attentives perçurent les mots "gorges profondes", il ne put s'empêcher de réagir, sentant un rire franc franchir ses lèvres, involontairement.

Mordant son poing pour se faire taire, Servis tourna la tête dans la direction opposée. Dans son dos, un autre spectateur réclama le silence. A côté de cet échange, la pièce risquait de sembler des plus fades.

Jeu 21 Mai 2020 - 0:21

Ashleigh
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A entendre mon voisin rire, je compris que nous faisions probablement trop de vague, pour un début de soirée : malgré tout, je souris à ce bon Etienne, qui roulait des yeux probablement sous son masque avant de pencher la tête vers moi. J’ajoutai sur un ton plus bas.

« Tu vois, même mon nouveau voisin est d’accord avec moi. »

Je ris sous mon masque, alors que le discours prenait de l’ampleur, en bas. Pièce dramatique et bouleversante, bla bla bla, pièce écrite de sa main toute entière, bla bla .. bla ?

Je me redressai dans mon assise, le regard écarquillé, avant de sentir la main d’Etienne sur mon épaule.

« Fabien, non. »
« Fabien, oui, Etienne. Il ment comme il respire, ce chacal. Si j’avais su qu’il me roulerait comme ça .. »
« Ma foi, à force de constamment râler, tu ne l’as pas vu venir, que veux-tu que je te dise ? »

J’attrapai brusquement le col de mon ami pour l’attirer à moi, histoire de parler sur un ton grave, mais frôlant le murmure.

« Etienne. Je galère à vivre de mon écriture de base et tu es très bien placé pour le savoir. Je galère à gagner mon pain et je vis presque dans une cave. Peut-être que pour toi, petit nobliau que tu es, ça t’est égal qu’on te vole une tirade par ci, un acte par-là, mais pour moi c’est une question de vie ou de mort, okay ? »

En réalité, j’avais abandonné de vivre de mon art depuis bien longtemps, l’information et l’assassinat payant nettement mieux. Mais bon, ce n’était pas quelque chose que je pouvais lâcher comme ça à Etienne. Il était loin de faire partie de cette vie-là, prude et à côté de la plaque comme il était.

Etienne ne bougeait pas, mais rapidement après lui avoir rappelé mes galères, je lui lâchai le col. L’autre connard avait enfin fini son monologue pour se branler l’ego, le spectacle allait commencer. Les rideaux se tirèrent.

La première scène accueillait une jeune fille, assise au milieu de la scène et en pleurs. Je ravalai déjà un rire rien qu’à la voir, la pauvre.

« Bordel, ça a à peine commencé et c’est déjà si lamentable .. »
« Fabien— »

Il m’envoya un léger coup de coude pour m’éviter les foudres de l’autre vieux à l’autre bout de notre petite salle. Heureusement que je n’avais pas payé ma place, parce que j’aurais immédiatement regretté. D’accord, on n’avait dit « pas les comédiens », mais ils recevaient toujours des directives et des ordres pour les mises en scènes, et les deux étaient complètement ratés. Même la lumière était légèrement décalée par rapport à sa position. Une autre femme entra sur scène, habillée en gouvernante, et se précipita vers elle, lui demandant ce qui lui arrivait donc. La jeune fille se leva, sans aucune alchimie avec la gouvernante – qui jouait bien, il fallait dire – et, se dirigeant face au public, se mit à lancer sa tirade sans prévenir, sans rien faire d’autre, et surtout le plus magique, sans mettre les bonnes intonations aux bons moments. Vous savez, comme lorsqu’on baissait la voix à la fin d’une ligne alors que la phrase n’était pas terminée. Je posai mon front dans ma main en signe de désespoir muet, réalisant quel gâchis d’audience l’autre enflure jouissait. Et moi, j’avais parfois des salles qui refusaient mes textes. Quelle belle blague.

« Je ne sais pas toi Etienne, mais j’ai déjà envie de sortir. Je vais insulter les comédiennes qui ont rien demandé et c’est pas le but de notre escapade .. en plus de perdre du temps sur mon recueil. »
« Oh allez, la pièce ne fait que commencer, laisse-lui une chance. »
« Nan, là ça me dégoûte. »

Il m’agrippa le bras avant même que je ne songeasse à me lever, son masque tourné vers le mien.

« Fabien, on est venu là pour te sortir le nez de ton recueil. Tu potasses des vers non-stop, il faut que tu fasses une pause. »
« Je tiens à mes neurones, Etienne. »

Et puis, un cri d’un gras comédien déboulant sur scène. Il était en colère, allez savoir pourquoi je n’avais pas suivi. Il poussa la gouvernante et prit la jeune fille – une nouvelle comédienne sans doute, son allure ne me disait rien –, avant de prendre la parole, de blâmer la fatalité, le potin habituel.

« Attends, ce n’est pas Tilleul en bas ? »
« .. Oui .. Oui c’est Tilleul, en effet .. ! »
« Depuis quand il travaille avec la troupe des Hals masqués ? Il n’était pas avec Vice et Malice avant ? »
« Non, il a eu des ennuis avec le chef de la troupe, apparemment .. »
« Ah ouais ? Ah merde .. Bon, au moins un bon joueur. Allez. Pour Tilleul. »

Etienne lâcha progressivement mon bras, satisfait de ce deus ex machina pour me faire rester. Il était parfois un peu ambigu avec moi Etienne, mais j’aimais bien sa présence malgré ses côtés .. comment dire .. « nobles orlésiens » ? Ses petites manies, quoi.

Je glissai un regard du côté de mon autre voisin, celui qui avait ri à mon histoire de gorge profonde, je supposai. J’espérai qu’il était tout même un peu plus bavard que ça, tout de même. Mais malgré tout, un drame se posa sur mon esprit : malheur, j’avais oublié l’essentiel de survie, au point qu’à présent, je soupirai.

« Mazette, il fait soif, non ? J’irais bien me chercher du vin – »
« Fabien, on vient d’arriver. »
« Mais Etienne .. ! »

Je soupirai, m’affalant dans mon siège. Attendre pour boire, attendre pour fumer, le tout avec pareille daube de la part d’un connard qui m’a volé ma participation à son projet. Super. Est-ce que cette soirée pouvait aller MIEUX ?


Jeu 21 Mai 2020 - 12:45

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Les deux spectateurs installés à ses côtés ne se calmèrent pas à la fin de la tirade de présentation, que Crassius n'avait suivi que d'un œil distrait. Les deux fauteurs de troubles ne s'agitaient pas qu'en parole : leurs corps également se mouvaient au gré de leurs émotions. Celui qui était le plus richement vêtu, portant un masque d'apparat somptueux, semblait vouloir contenir les débordements du second. Cet homme-là, celui qui avait arraché un éclat de rire au tévintide, semblait surjouer quelque peu. Il se levait et s’asseyait, empoignait son collègue et passait par toutes les octaves que son jeu d'acteur lui permettait...

Bien qu'un peu surjoué, ces émotions-là paraissaient authentiques et parfaitement capables de captiver un auditoire. Ce n'était pas le cas de la scénette se déroulant en contrebas.

La pièce, à peine débutée, ne semblait guère prometteuse : une jeune femme en pleure, une esclave... Serviteur ? Un gros bonhomme en colère. Ce trio d'ouverture semblait-être d'un classicisme sans nom, un brin ringard même. Surpris, Servis feuilleta encore le livret de la pièce, à la recherche de réponses. Se pouvait-il que le Théâtre Orlésien en soit réduit à cela ? De simples comédies légères, dépourvut de tout double sens et présentées aux yeux de spectateurs zombifiés. Non, il était peut-être un peu tôt pour tirer de telles conclusions. Servis devait se montrer patient. Après tout, n'avait-il pas payé sa place ?

Le tévintide devait bien reconnaître que les costumes valaient en eux-mêmes le coup d'œil. Ils réussissaient le pari de rendre parfaitement identifiable le rôle de chaque protagoniste tout en croulant sous les détails les plus extravaguants. La robe de l'esclave... Servante devait à elle seule peser dans les vingt kilos. Les codes utilisés à cette fin se révélaient universels, car malgré sa culture différente, Servis n'eut aucun mal à comprendre ces rôles. Les décors en revanches n'étaient que de simples trompes-l'œil peint au gros pinceaux et placé au fond de la scène.

Mais ces pleurs... Et ces cris. Ils lui glaçaient le sang... Servis était un homme heureux, positif, plein de bons sentiments. Les opéras qu'il lui arrivait d'aller voir lors de ses passages à Minrathie dépeignaient généralement des romances héroïques. L'amour flagrant de ces personnages fictifs, soulignés par la magnificence de leurs chants ou par le jeu coloré des faisceaux magiques reproduisant formes et silhouettes dans le ciel au-dessus de la scène ouverte n'apportaient aux spectateurs qu'une dose importe d'espoir dans un pays rongé par la corruption et perpétuellement en guerre. Dans ce context-là, qui voulait perdre son temps devant des pleurs et des cris. Il y en avait bien assez dans les rues.
Thédas était à feu et à sang. Rongé par la corruption, secoué par de nombreuses guerres. Servis lui-même voyait ces journées tourner autour de la mort, de la guerre, des diverses menaces. Pas un jour ne passait sans qu'il ne soit forcé de faire face à un cadavre. Et ces corps-là, à défaut de ceux rencontrés lors de l'exploration des ruines, respiraient encore quelques heures plus tôt. L'expérience se révélait être profondément dérangeante pour celui qui débordait de vie. Sur le terrain il n'avait pas d'autres choix que d'accepter cette réalité, de composer avec. Mais au théâtre ? Non, s'en était trop.

Servis devait trouver le moyen de sortir de la loge, sans pour autant paraître grossier. Alors, lorsqu'à côté de lui le dénommé Fabien exprima son envie de se trouver un verre, il sauta sur l'occasion. Il se pencha légèrement en direction de son voisin et dit d'une voix faible mais pas chuchotée :
“Excusez-moi mais... Il est possible d'obtenir un verre de vin dans ce théâtre ? J'en aurais également cruellement besoin.„


Sam 23 Mai 2020 - 22:03

Ashleigh
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Il fallait dire que les masques orlésiens avaient cet avantage de ne rien dévoiler de compromettant dans les micro-expressions du visage de celui qui le portait. En lançant un regard auprès de mon voisin, je réalisai qu’il ne semblait pas tant à l’aise dans ce théâtre : il était là, le regard rivé au mieux vers la scène, l’allure quelque peu morose. Je n’avais jamais vu de pièces tévintide – par manque de temps, mais il me fallait le rattraper au plus vite –, et j’en vins à me demander à quel point les deux univers entre les deux empires étaient théâtralement différents. Je savais une chose de certaine quant à leurs goûts : ils n’avaient pas l’habitude des tragédies classiques. A chaque fois que je venais publier mes écrits dans l’empire du nord, on me regardait avec de grands yeux, curieux de ce qu’ils tenaient entre les mains. Je me tapais souvent un commentaire du style « Eh bien, votre histoire est quelque peu morose », donc peut-être bien que mon voisin n’en avait simplement pas l’habitude ?

Quand je mentionnais ma question au sujet du vin, sa voix m’indiquait qu’il avait repris en couleur et en vivacité. De son accent bien chaud et nordique, il me posa la question suivante.

Excusez-moi mais... Il est possible d'obtenir un verre de vin dans ce théâtre ? J'en aurais également cruellement besoin.

Je me redressai dans mon siège, le visage tourné vers lui un instant avant de revenir à ce bon Etienne.

Tu sais quoi Etienne ? Je m’en vais boire mon vin avec mon nouvel ami.

Puis, comme dans ce genre de fantaisies que nous faisions souvent, je me levai, tourné vers mon frère de plume, et pointai dramatiquement le doigt vers le sol devant lui.

Et je te plante là, avec ton cerveau de cœlacanthe.

Je ne l’avais pas dit trop fort sinon j’allais interrompre complètement la pauvre néophyte en bas qui balbutiait ses vers – et captiver une audience qui ne m’était pas destinée. Etienne ricana, connaissant ma référence, et se contenta de répondre.

Cerveau de cœlacanthe .. c’était dans la pièce ? Parce que ça en a tout l’air.

Après que mon tour de rire un peu arriva, je me tournai vers ce nouvel interlocuteur à l’accent exotique.

Suivez-moi, je vais nous trouver du vin.

Et sur ces mots, je partis en direction de la petite porte derrière nous. Je l’attendis tout de même dehors de la pièce, dans ce couloir assez long, il fallait dire. J’espérais vraiment trouver une bouteille qu’on volerait quelque part, se poser dans un endroit tranquille et déguster notre bouteille tranquillement sans cette merde de tragédie ridicule en arrière-plan. Mon elfidée m’appelait.

Je me remis en route quand j’aperçus la grande silhouette mince à ma hauteur – façon de parler, il devait me dépasser de presque une bonne tête.

J’espère qu’ils ont déjà commencé le service, ou ça sera notre veine.

Soupirant à l’idée de passer cette soirée sans vin, je guettai tantôt les différentes fenêtres de ce couloir, tantôt le prétexte de sortie qui me servait de compagnon d’infortune.

J’imagine que me présenter après le boucan que nous faisions est un peu obsolète ; mais pour la forme, je vais le faire quand même : je m’appelle Fabien Sourceclaire, poète et dramaturge au mieux. Et vous ?

Autant savoir à qui j’avais affaire. Et puis aussi, autant avoir un nom sur une tête, si nous étions amenés à boire ensemble en attendant que la pièce se finisse.

Mar 26 Mai 2020 - 14:12

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Lorsque son voisin accéda à sa demande, il fit trois heureux. Servis, évidemment, qui se sentait revivre à la seule idée de pouvoir noyer cette tragédie dans une bonne dose d'alcool. Le vieil homme du fond de la loge, soulagé d'enfin voir cette énergumène remuante quitter les lieux pour, il ne pouvait que l'espérer, ne plus revenir. Enfin, et d'une manière plus surprenante, cette annonce semblait combler le dit Étienne, qui allait enfin pouvoir suivre la pièce.
“Suivez-moi, je vais nous trouver du vin.„

Un immense sourire aux lèvres, Servis se redressa dans son siège de la manière la plus digne et discrète possible. Il tenta de déplier son long corps sans gêner les autres spectateurs, mais la tâche semblait bien impossible. Alors, plutôt que de tenter d'être discret, le tévintide opta pour la rapidité. Enfin sortis des rangs, Servis s'écarta, trouvant refuge dans un coin sombre et inoccupé de la loge, où il pourrait attendre tranquillement son guide improvisé. Il jeta un dernier regard en direction de la scène. L'une des actrices s'était lancé dans un monologue recraché sans grande conviction. Sans aucun regret, Servis quitta la loge.
“J’espère qu’ils ont déjà commencé le service, ou ça sera notre veine.„

Servis regarda vers la droite, puis vers la gauche. D'un côté comme de l'autre s'étendait un long couloir anonyme, à peine éclairé par quelques bougies. De quel côté était-il arrivé déjà ? Le mage devait bien se reconnaître parfaitement perdu : il n'était pas doté comme d'autres d'un sens de l'orientation inné. Ainsi, il avait toujours préféré l'extérieur aux intérieurs, où il lui semblait bien plus aisé de se perdre. Il vint alors se placer près de son voisin, le laissant poliment guider leur quête de vin.
“Servent-ils aux étages ou faut-il rejoindre le hall d’accueil ?„

Demanda finalement Servis tout en retirant un petit mouton de poussière de son épaule gauche.
Ils se mirent en route d'un pas plutôt mesuré. Il était clair que ni l'un ni l'autre n'étaient pressés de rejoindre leur place. La pièce pouvait bien se jouer sans eux, cela leur était bien égal. De plus, marcher lui faisait du bien : il était un homme de terrain, un homme habituer à rester debout de longues heures, à arpenter les longues plaines désertiques. Il s'était accoutumé depuis longtemps aux mouvements.
“J’imagine que me présenter après le boucan que nous faisions est un peu obsolète.„

Ah. Un autre dramaturge Orlésien ! Dans le doute, Servis décida de tenir sa langue, de ne pas critiquer le début de la pièce à laquelle il venait d'assister. Les arts étaient si... Subjectifs. Et pourtant, il était facile d'entrer dans un débat passionné à leur sujet. En terrain inconnu, devant une personne si au fait de ce milieu, Servis ne parviendrait qu'à se faire passer pour un imbécile. Après tout, lui était un esprit plus scientifique que créatif.
“Enchanté Monsieur Sourceclaire. Je me nomme Crassius Servis. Pour ma part je ne suis qu'un modeste membre du collège des Antiquités du Cercle de Minrathie, en visite dans votre belle ville à l'occasion de la Nuit des Savoirs de l'Université de Val Royeaux.„

Se présenta parfaitement honnêtement Servis. En évoquant le cercle, le tévintide trahissait sans le vouloir sa qualité de mage, autrement plus explicites lorsqu'il promenait son long bâton de pyrophyte. En bon Tévintide, Servis n'avait jamais eu l'habitude de dissimuler ce fait. Il n'avait pas connu la répression exercée par la Chantrie sur les mages du sud de Thédas. Il n'avait jamais craint le moindre templier. S'il avait laissé à regret son bâton dans sa chambre, c'était uniquement par courtoisie. Qui venait armé au Grand Théâtre ?

Tout en parlant, les deux hommes s'engagèrent dans des escaliers recouverts d'un tapis légèrement usé. Il était clair que la loge qui leur avait été attribué n'était pas la meilleure du Grand Théâtre, loin de là même. Une idée confirmée par le couloir qu'ils empruntèrent ensuite, à l'étage du dessous. Les fenêtres y étaient plus larges, les murs plus décorés. La porte menant aux loges plus large, et le nombre de bougies plus conséquent. Servis observa avec intérêt Fabien : le dramaturge ne semblait pas rouler sur l'or, sa tenue était sobre, et son masque plus fonctionnel que décoré. Par politesse, le mage n'en retira aucune conclusion quant à la popularité du travail de cet auteur-ci.
Engagés dans un nouvel escalier, Servis demanda :
“La pièce n'était pas à votre goût ?.„

Les dernières marches les conduisirent jusque dans le hall du grand théâtre.

Ven 24 Juil 2020 - 0:47

Ashleigh
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Mon interlocuteur était décidé à faire bonne impression, chose dont je me foutais complètement, mais bon : en tant qu’étranger, il était essentiel de ne pas s’attirer les foudres du premier passant venu.

Enchanté Monsieur Sourceclaire. Je me nomme Crassius Servis. Pour ma part je ne suis qu'un modeste membre du collège des Antiquités du Cercle de Minrathie, en visite dans votre belle ville à l'occasion de la Nuit des Savoirs de l'Université de Val Royeaux.

Ah, la nuit des savoirs .. Je n’y étais pas allé depuis l’université, tant cet endroit rempli de peigne-culs me répugnait en avance. Déjà qu’il était difficile pour moi de tenir deux minutes dans un théâtre.

C’est un sacré bout de chemin depuis Minrathie, en tout cas.

Je ne savais pas vraiment comment maintenir la conversation, pour être honnête. J’avais juste envie de fumer, à vrai dire .. Mais je pris l’escalier sur un pas étrangement calme, je regard scrutant les murs.

J’ignorais que les Tévintides s’intéressaient à Orlaïs, j’ai l’impression que c’est de plus en plus le cas, dernièrement. Comme ça, sans explication. D’un coup. A se demander ce qu’il viendraient chercher ..

Evidemment que je le savais, puisque je collaborais avec eux. Mais au moins, j’avais créé de façon très orlésienne une discussion banale pour combler un peu le trajet.

En changeant d’escalier, Servis m’interpela d’une question qui exigerait de moi la plus condensée des tirades.

La pièce n'était pas à votre goût ?

Ce fut une fois le premier pied posé sur le sol du hall qu’un rire maîtrisé, hautain et volumineux – orlésien, en gros – franchit mes lèvres. Evidemment que je détestais cette pièce et évidemment que je détestais le dramaturge derrière. Mais il me faudrait un verre – et un endroit tranquille pour discuter – afin de m’étaler en long et en large sur ce cancer de la société artistique orlésienne.

Il est très commun à Orlaïs d’aller voir des pièces que l’on n’aime pas, afin de pouvoir mieux s’en moquer par après. Par ailleurs, je pense ne pas être le seul à être de cet avis dans cette vaste salle.

Je passai une première porte, qui était celle où attendait le buffets futurs, ainsi que les verres futurs. Nous n’étions pas censés être ici, mais j’attrapai nonchalamment deux verres d’un vin blanc, armé de ses reflets jaunâtres fascinants, et en tendis un à mon camarade de beuverie du jour, sans réel mot ajouté.

Prenant à nouveau les devants, nous quittâmes la salle en quête d’un endroit où nous installer. J’empruntais donc un autre couloir, celui-ci ne menant pas à des loges. J’attrapai la poignée de la troisième salle avant de l’ouvrir, menant dans un local stockant du matériel de nettoyage. N’étant pas la première fois que je m’absentais d’une pièce pour boire – ou fumer – ici, il y avait naturellement déjà un emplacement maladroit qui formaient un bout de table avec des bouts de chaise.

Bon, ce n’est pas le luxe des meilleures loges, mais au moins nous aurons la paix.

Je posai mon verre sur la caisse servant de table, avant de m’emparer d’un cierge dehors, d’allumer celle posée simplement sur cette même table avant de la reposer à sa place, et de fermer la porte.

Prenez donc place, c’est un peu rustique pour vous je pense mais on s’y fait rapidement.

Je m’assis en face de Servis, attrapant mon verre avant de le lever dans sa direction pour trinquer. Je ne bus pas directement.

Ce guignol qui sert de dramaturge a une histoire derrière, il s’appelle Louis Ghismond, son pseudonyme étant bêtement Osuli – une anagramme. A l’origine, on travaillait ensemble sur cette pièce, mais suite à de nombreux désaccords, j’avais quitté le projet.

Ce que les masques n’étaient pas pratiques pour boire .. Dans un geste un peu précipité, je le retirai, ébouriffant mes cheveux blonds au passage, avant d’attraper mon verre et d’en boire une gorgée.

Sauf qu’il a gardé une assez grande scène que j’ai écrite, et ce, sans me créditer. Bon, loin de moi l’envie d’être publiquement mêlé à cette merde, mais disons que ça reste du vol de talent.

Je soupirai, une main dans les cheveux, l’autre autour de mon verre, avant de croiser à nouveau le regard de Servis.

La vie est sans pitié avec les exploités de ce monde, hélas.

Ven 24 Juil 2020 - 17:46

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Dans le hall vidé de tous spectateurs, les bruits de leurs pas résonnèrent contre le marbre bicolore. La dernière question posée poliment par Servis était resté un instant en suspens, juste le temps pour les deux compères de quitter les escaliers, et de traverser une partie de ce hall désempli. Sans réellement attendre de réponse de la part du dramaturge, le mage parcourut des yeux le décor de leur pérégrination, notant avec plus d'attention cette fois-ci ses plafonds hauts recouverts de peinture, ses moulures dorées à la feuille d'or et ses nombreux miroirs envoyant par touche la lumière des innombrables chandeliers. Une peinture en particulier retint son attention : celle d'une grosse femme allongée dans une herbe grasse, un unique sein rond sortant négligemment de sa toge blanche. Quelle histoire pouvait bien cacher une telle peinture ?
“Il est très commun à Orlaïs d’aller voir des pièces que l’on n’aime pas, afin de pouvoir mieux s’en moquer par après.„

Servis haussa un sourcil, surpris et désarçonné par une telle remarque. Cette réponse lui semblait trop cynique. Aller voir une pièce que l'on sait mauvaise . N'était-ce pas une pure perte de temps, mais aussi d'argent ? Dans une ville aussi dense et stimulante que Val Royeaux, les activités ne devaient pas manquer. Orlais était-elle si différente de Tevinter ? Chez lui, il lui semblait que la compétition représentait un meilleur moteur que la moquerie. Un moteur plus constructif aussi. Il n'était pas rare de se rendre à la soirée organisée par un ennemi, juste pour s'assurer qu'elle n'était pas meilleure que la sienne. Enfin, ce n'était que le point de vue de Servis sur la question, ainsi que celui de de Sourceclaire. Ainsi, il n'octroya que peu de poids aux mots de son comparse.
“Si vous le dites.„

Deux pas en arrière, Servis suivait Fabien. L'homme semblait savoir où aller, poussant avec volonté une première porte. Derrière celle-ci, des tables tirées contre les murs, celle qui, certainement, devaient être destinées à accueillir le buffet offert à la fin de la représentation. Il flottait dans la pièce comme un air interdit : les deux hommes n'étaient pas les bienvenus ici, comme le regard noir d'un serviteur le leur fit très clairement comprendre. Les plats et les verres ainsi laissés à l'abandon n'en devenaient que plus tentants. Fabien d'ailleurs se saisit de deux verres, et lui en offrit un. Du vin blanc malheureusement, à la robe légère. Servis aurait préféré un verre de rouge, ceux-là mêmes disposés sur la table en face. Leur robe sombre lui semblait plus que prometteuse. Pourtant il ne dit rien, se contenta de suivre encore Fabien, qui déjà traversait de nouveau cette salle, sortant par la porte opposée.

Dans un nouveau long couloir, Servis commença à se sentir perdu. Lui qui connaissait Minrathie comme sa poche, ainsi que ses catacombes, devait bien reconnaître avoir du mal à se repérer dans les espaces clos. Un comble pour un homme d'extérieur comme lui, pour l'archéologue qu'il était. Livré à lui-même, il ne donnait pas cher de sa propre peau. Mais puisqu'il avait un guide, il ne se posa que peu de questions, suivant toujours Fabien. Ce dernier s'arrêta devant une nouvelle porte, qu'il ouvrit sans aucune hésitation. Les deux mains sur son verre, Servis observa par-dessus l'épaule de l'Orlésien. La pièce semblait étroite, sombre. En bref, peu engageante. Il se sentit soudainement mal à l'aise, perdu ainsi dans ce grand bâtiment, accompagné de ce total inconnu. Aucun serviteur ne semblait plus passer dans les parages, pourtant leur présence silencieuse l'aurait quelque peu rassuré. Il fixa de nouveau la pièce alors de Fabien s'y engageait. Devait-il vraiment l'y suivre ?

Il fit un courageux pas en avant, plus pour ne pas perdre de vue Fabien que par réelle intention de s'y engouffrer. Y voyant plus clair, Servis put distinguer du matériel de nettoyage. Fabien avait déposé son verre sur une caisse servant de table, où un cierge nouvellement allumé brûlait vivement. Visiblement, la pièce avait été aménagée pour servir de refuge de fortune. Ce n'était pas une simple coupe George. Alors il y pénétra prudemment, en se déplaçant lentement. Il finit par poser son verre sur la caisse, et par s'y installer, alors que Fabien refermait la porte dans son dos.
“Prenez donc place, c’est un peu rustique pour vous je pense mais on s’y fait rapidement.„
“Je vous assure que j'ai connu pire.„

Déclara sobrement Servis, tout en songeant aux bars de fortunes, dressés dans les catacombes de Minrathie. Cette caisse n'était pas non plus bien différente du tonneau qui lui servait de table à son campement de la Porte. Dans tous les cas, seule la compagnie avec qui Servis partageait son verre semblait véritablement faire différer ces trois lieux. Ulio ou Dorian à Minrathie, ce bon Octavian à la Porte... Fixant le masque qu'il avait devant les yeux, Servis tenta d'imaginer auquel de ses amis ce Fabien pouvait bien se rapprocher.
Ils trinquèrent, et Servis se jeta sur son verre, qu'il but comme pour étancher une soif installée depuis plusieurs jours, alors que son interlocuteur répondait à sa dernière question plus en détails. Tout en parlant, Fabien retira son masque, dévoilant ses traits, et se passa la main dans les cheveux. Son attitude semblait détendue, ainsi Servis s'autorisa à relâcher un peu la pression qu'il ressentait peser sur ses épaules.

“La vie est sans pitié avec les exploités de ce monde, hélas.„
“Heureusement, les choses ne sont jamais figées. Pas même pour les exploités.„

Le regard dans le vide, Servis repoussa son verre déjà vide. Après tout, n'avait-il pas lui-même était exploité jusqu'à récemment ? N'était-ce pas la nature même des choses ? Les puissants et les faibles ? Mais selon Servis, la faiblesse était un choix. Rester faible, c'était refuser d'exploiter son véritable potentiel. Parfois, il fallait se montrer intelligent pour pouvoir s'élever. Rien n'était jamais impossible. Rien n'était jamais inévitable.
“Si la pièce est aussi mauvaise que vous le dites, alors peut-être est-ce mieux si votre nom n'y est pas associé. Et tant pis pour ce Osuli. Votre travail personnel est-il reconnu ?„

Les yeux bleu glace de Crassius se fixèrent dans ceux de Fabien. La chandelle figées dans la caisse faisait danser les ombres sur leurs visages respectifs.

Dim 13 Sep 2020 - 22:22

Ashleigh
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Heureusement pour moi, ma petite planque ne le dérangeait absolument pas ; enfin, il semblait assez nerveux en s’asseyant, mais après un certain temps il se détendit quelque peu. A croire que de voir un visage, quel qu’il fût, était quelque part rassurant. Je lui expliquai donc l’histoire avec Ghismond, et suite à mon soupir de désespoir, mon compagnon de la soirée ajouta quelque chose qui attira complètement mon attention sur sa personne.

Heureusement, les choses ne sont jamais figées. Pas même pour les exploités.

Je n’avais aucun doute sur le fait qu’il savait de quoi il parlait. Je plantai mon regard dans le sien, appuyant mon menton dans ma main, attentif. Et puis, je réalisai que son verre était déjà vide : je lâchai le mien et partis chercher une bouteille dans une caisse un bout plus loin. Je revins m’asseoir et ouvris la bouteille à l’aide d’un couteau de poche, avant de remplir le verre de Crassius à nouveau.

Je ne m’en fais pas trop, c’est juste, disons .. emmerdant.
Si la pièce est aussi mauvaise que vous le dites, alors peut-être est-ce mieux si votre nom n'y est pas associé. Et tant pis pour ce Osuli. Votre travail personnel est-il reconnu ?

Mon regard se posa à nouveau dans le sien, tandis que j’étouffai un rire mauvais. Être reconnu était une drôle de notion, en Orlaïs.

Vous savez, la situation des mages dans le sud du continent n’est pas la même que chez vous, et les abus perpétués par la Chantrie sont multiples, même après l’abolition des Cercles des Mages. Cela fait quelques années que je milite en leur faveur à travers mes écrits ; mais vous le savez peut-être, la Chantrie a main mise sur la censure, dans ce pays : donc, il est très difficile de critiquer une institution qui peut s’arranger pour que vous ne puissiez pas publier vos écrits.  

Je marquai une pause, finissant mon verre de vin avant de me resservir à nouveau.

J’ai commencé à voyager jusqu’en Tevinter pour être en mesure de publier librement mes œuvres. Et pour être honnête, si mon travail est reconnu .. je dirais que oui et non : les mages me connaissent bien et apprécient mes vers, les conservateurs d’Orlaïs les apprécient un peu moins.

Je bus alors d’autres gorgées, installant une petite pause au passage dans la conversation. Il n’y avait aucun doute, être un poète incompris était une tâche difficile.

Et donc .. le collège des Antiquités, hein ? Plutôt professeur d’Histoire, plutôt archéologue ?

J’avais assez parlé de moi pour le moment, pour être honnête. Et puis, à part sa présentation un poil dramatique, même involontairement, je ne savais pas grand-chose de mon sauveur de merdes du soir.

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