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Sam 5 Déc 2020 - 22:25

Dorian Pavus
Dorian Pavus

– Inquisition –

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Mal de mer et mal du pays




Chavandes, 9:41 du Dragon
Feat. Toubib
Pas encore défini - ■


La mer. Il fallut que je prisse la mer.

Mon trajet depuis Minrathie jusqu’à Kirkwall ne s’était pas faite aisément, mais j’aurais pu tomber sur pire. Bien pire. J’avais décidé de gagner du temps, et de prendre le bateau jusque-là afin d’atteindre Férelden. Ah, Férelden .. Une sensation d’amertume m’envahit, conscient d’où j’allais débarquer. Les souvenirs étaient si loin, et pourtant, ils persistaient.

J’avais pu payer le trajet avec les quelques sous obtenus lors d’un échange à Combrelande auprès d’un marchand. Je n’étais évidemment pas le seul à faire le voyage : tout le monde portait sa mine morose, regardait dans le vague, attendait que le trajet se termine. Evidemment, je faisais pareil, essentiellement pour oublier les nausées causées par le ballottement du navire. Aussi, beaucoup de choses me préoccupaient soudainement : j’étais si près de ma destination, et si inquiet quant à ce que j’allais y trouver. Cette missive avait été tout, sauf rassurant. Au moins, Félix et lui étaient en vie, mais je n’étais pas rassuré par l’état possible de mon ancien mentor, physique comme mental.

Et quant à Félix .. J’espérais sincèrement qu’il aille bien. Bon, vu son état de santé, que pouvait-on qualifier de « bien » ? Qu’Andrasté m’en soit témoin, je n’avais pas hâte de m’y trouver .. et pourtant, ce trajet en bateau m’en approchait toujours plus. A son rythme, certes, mais tout de même.

Le simple fait de focaliser sur ce temps de trajet encore à devoir supporter ne faisait que le ralentir. Et les nausées. Kaffas, pourquoi un trajet par bateau ..

Jeu 24 Déc 2020 - 14:20

Toubib
Toubib

– Coalition Émeraude –

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「10 Chavandes - 9:41 」

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「 Mal de mer et mal du pays 」
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— Alors, Toubib, t’as les chocottes ?

Bismuth ricanait, un sourire mesquin sur les lèvres. Elle dévisageait l’herboriste de la Compagnie, haussait parfois les sourcils pour lui insinuer le doute. Avait-elle un bon jeu ? Ou bluffait-elle ? Pour toute réponse, Toubib se contentait d’un sourire léger et se parait d’un mutisme sans nul autre pareil. La guerrière ne lui arracherait pas une remarque, pas plus qu’Archer qui piaillait à leurs côtés. Il comptait les points, s’impatientait de la tournure de la partie. Qui l’emporterait ? Toute la Compagnie prenait les paris, même le capitaine qui suivait le jeu d’un œil discret. Même s’il se penchait sur une carte de Férelden avec le lieutenant, personne n’était dupe.

Bismuth et Toubib abattirent leurs cartes au même moment. Le temps sembla se suspendre, avant qu’elle ne poussât un juron tonitruant. La défaite passait mal ; encore moins face à un Toubib qui gloussait, fier de sa énième victoire. Il raflait les gains de la table, tandis que Pilier soupirait. Il s’était couché deux tours plus tôt, et à raison – sa main était pitoyable face à celle de l’herboriste.

— Comment tu te démerdes, Toubib ? Tu triches ?
— Il n’y a que toi qui triches ici.
— Hé ! Bismuth aussi gruge avec Archer !

Elle protesta aussitôt, et les deux guerriers s’affrontèrent du regard, prêts à en découdre. Un raclement de gorge de la part de Mystique suffit à les calmer. Sans un mot, elle savait apaiser les ardeurs les plus virulentes des membres de la Compagnie ; aussi parce que la crainte de sa magie planait au-dessus de leurs têtes. La dernière fois, Archer avait pourchassé des lapins bleus pendant plusieurs heures.

Plutôt que de grommeler, ils attaquèrent une nouvelle partie de Grâce Perfide. Cette fois-ci, le capitaine et le lieutenant délaissèrent leur carte de Férelden pour se joindre à leur tablée. La bonne humeur et le rire régnaient, en dépit du tangage du navire.

La Compagnie avait pris la mer à Kirkwall, quelques jours plus tôt, et faisait désormais route jusqu’à Dénérim. Elle espérait là dénicher de nouveaux contrats, et aussi changer d’air après plusieurs années dans les Marches Libres. Peut-être resterait-elle quelques temps en Férelden, ou peut-être qu’elle poursuivrait sa route vers Orlaïs. Qui savait ? Le capitaine avisait selon la situation, rien n’était bien défini. Les plans trop finement établis risquaient bien souvent d’être ébranlés.

Encore une fois, Toubib menait la partie, un sourire au coin des lèvres. Le lieutenant le suivait de près, et en fonction de ses cartes, le vaincrait peut-être sur cette dernière ligne droite. Bismuth grommelait, tandis que Pilier se faisait frapper sur les doigts par Mystique lorsqu’il essayait de tricher.

— Quelqu’un a vu Epervier, au fait ?

Le tour passa au capitaine, toujours aussi expressif une poule morte. Dur de savoir ce qui lui traversait la tête ; un véritable expert du bluff pour la Grâce Perfide, même si le lieutenant le surpassait à ce petit jeu-là.

— Tu t’inquiètes pour ta douce ? ricana Bismuth.

Toubib haussa les épaules. Voilà des mois qu’il avait cessé de batailler à savoir si Epervier était sa douce ou non. Les membres de la Compagnie s’amusaient toujours autant à imaginer une quelconque aventure romantique entre l’elfe et lui. Et tous deux en riaient et les laissaient spéculer à leur guise.

— Elle n’a pu aller loin à bord d’un navire, Toubib, commenta le lieutenant.
— Au moins ça vous évitera de perdre encore une fois.

Le lieutenant avait abattu ses cartes, et le reste de la table l’imitait désormais. Toubib savait qu’il emportait la manche. Quand il montra son jeu, Bismuth tempêta dans son coin, tandis que Pilier s’insurgeait. Le capitaine gloussa dans sa barbe.

L’herboriste quitta ensuite la table, fier de ses victoires successives, et rejoignit le pont. Il s’inquiétait un peu pour Epervier ; d’ordinaire, elle n’hésitait pas à les rejoindre pour jouer à la Grâce Perfide. Ce n’était pas dans ses habitudes de s’isoler du groupe, à dire vrai. Peut-être éprouvait-elle une certaine angoisse à l’idée de rejoindre Férelden ? Peut-être. Après tout, il ne connaissait rien de son passé. L’elfe était Epervier, assassin de la Compagnie, et rien de plus. Le reste n’importait pas, et chacun des membres respectait la règle d’or de la discrétion.

Toutefois, ce ne fut pas Epervier qu’il remarqua sur le pont du bateau, mais un homme au teint métis qui était sur le point de dégobiller son dernier repas par-dessus bord. Toubib esquissa un sourire peiné, reconnaissant sans peine les symptômes de l’inconnu. Le mal de mer, si classique, mais si redoutable.

Farfouillant dans sa sacoche, il attrapa une petite gourde qui contenait du jus de gingembre. Il l’avait préparé à Kirkwall avant d’embarquer ; il avait anticipé sur un possible mal de mer de ses compagnons, même si rien de tel ne semblait les frapper. A croire que la ferveur de la Grâce Perfide les immunisait tous.

— Vous devriez boire ceci, ça calmera les nausées.

Toubib tendit la gourde à l’inconnu, puis s’accouda au bastingage à ses côtés. La mer se montrait plutôt calme, et il espérait que cela durerait. Il ne manquerait plus que le navire essuyât une tempête avant d’atteindre les côtes féreldiennes.

— C’est du jus de gingembre. C’est plus digeste que de manger la racine crue.

Il espérait que l’inconnu ne possédait pas un palais trop fragile, ou il se souviendrait de ce breuvage pendant quelques minutes.

— Toubib. Herboriste de la Compagnie.

Peut-être que l’homme ne souhaiterait pas discuter, mais de son point de vue de guérisseur, ce serait mieux que de broyer du noir. Il avait une mine affreuse, et Toubib était certain qu’il n’était pas le seul à le remarquer.

Mar 19 Jan 2021 - 21:24

Dorian Pavus
Dorian Pavus

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Mal de mer et mal du pays




Chavandes, 9:41 du Dragon
Feat. Toubib
Herboriste - ■


Accroché à la barrière comme si j’allais sombrer dans le plus profond et infernal des abysses, je laissais mon regard traîner vers le ciel. Mes pensées s’encombraient, essayant de me distraire, d’occuper ce temps infiniment long. Mais rien n’y faisait. Ou presque.

Vous devriez boire ceci, ça calmera les nausées.

Ma tête roula lentement et avec une certaine peine, pour que je puisse détailler l’homme qui était arrivé à ma hauteur. Il ne semblait pas méfiant ou nécessitant de la méfiance à son égard, et me tendait aimablement une gourde, que j’observais en fronçant des sourcils.

C’est du jus de gingembre. C’est plus digeste que de manger la racine crue.

Une main légèrement tremblante et lourde à mouvoir attrapa doucement la gourde, qui rapprocha de mon visage la fameuse mixture. Je me redressai quelque peu, hochant de la tête en guise de remerciement, avant d’avaler un peu de la concoction. Au pire, s’il m’avait tendu un laxatif pour s’occuper sur ce navire, cela m’occuperait d’une autre manière, tant pis.

Mes traits faciaux se crispèrent légèrement à cause du gingembre, mais sans plus. Ma tête tournait un peu moins, mais j’avais encore le cœur au bord des lèvres pour le moment. Allez, attendre que cela agisse un peu.

Malgré tout, mon sauveur du jour était déterminé à rester aux côtés d’un Tévintide, pour d’obscures raisons.

Toubib. Herboriste de la Compagnie.

J’avalai encore une bonne gorgée avant de refermer la gourde et de la lui rendre, marmonnant de brefs remerciements. Je croisai alors son regard à nouveau, toujours appuyé contre ma barrière. Toubib, hein ? On aurait dit ces noms que s’attribuaient les Tal Vashoths. Curieux.

Dorian. .. décidément pas fait pour les voyages en mer.

S’il ne s’agissait que de cela. J’avais encore bien en mémoire, le dernier trajet en bateau que j’eus effectué.

Mais malgré tout, je ris légèrement, sans trop forcer le trait sous peine que mes tripes ne ressortent par la bouche. Léger sourire aux lèvres, mon regard se posa à nouveau sur l’horizon.

Ne vous embêtez pas trop pour moi .. je m’en remettrai.

Lun 8 Fév 2021 - 16:34

Toubib
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L’homme en face de moi a l’air au bout de sa vie. Plus je l’observe, et plus je me dis que le mal de mer n’en est pas la seule raison. Les longues traversées en mer, sans rien ni personne, laissent l’esprit vagabonder vers des horizons pas toujours fameux. Qui sait les pensées qui occupent la tête de cet homme ? Peut-être rumine-t-il les derniers évènements survenus dans sa vie, ceux qui l’ont poussé à embarquer pour Férelden. Entre ses vêtements et son port – même s’il est à moitié avachi sur le bastingage pour dégobiller par-dessus bord –, l’inconnu ne ressemble pas à un pouilleux qui cherche à débuter une nouvelle vie ou à fuir des ennuis. Toutefois, je m’abstiens de poser toute question. Je laisse mon esprit échafauder quelques hypothèses pour passer le temps, mais rien de plus. Cela ne me regarde pas.

— Vous auriez pu voyager par la terre ferme. C’est seulement plus long.

En partant de Kirkwall, il faut traverser les Marches Libres puis le Névarra afin de gagner Orlaïs. Si on interdit toujours le moindre trajet en bateau, il convient alors de faire le tour du Lac Célestine, ce qui rallonge la durée du voyage. Une fois à Jader, il reste le col des Dorsales de Givre à franchir avant d’enfin arriver en Férelden. Et encore, le voyage ne s’arrête pas là si la destination finale est Dénérim ou Gwaren.

En d’autres termes, un voyage de trois ou quatre jours à bord d’un navire pour relier Kirkwall à Dénérim s’étale sur plusieurs semaines par la terre ferme. Pas étonnant que même les personnes sujettes au mal de mer décident d’affronter les vomissements intempestifs plutôt que de perdre plusieurs semaines, ou plus. Rien n’indique que les routes soient sûres, et un homme seul constitue une cible facile pour les brigands.

Il existe toujours des risques du même acabit sur un navire, mais ils restent moindres. Trop de témoins potentiels. Quelques malins essaient toujours, mais ils déchantent bien vite lorsqu’ils se heurtent à plus fort qu’eux. Un voleur a bien tenté de détrousser Epervier lors du premier jour de la traversée ; il a fini l’épaule déboitée et à l’eau. Elle ne fait pas dans la dentelle.

— Quel herboriste je ferai si je ne veille même pas au rétablissement d’un patient inopiné ?

Si le malade désire vraiment être seul, je le laisserai. Ce n’est pas dans mes habitudes de m’insinuer dans les affaires des autres, n’aimant pas moi-même qu’on creuse dans mon passé sans me demander mon avis. C’est pour ça que j’apprécie autant la Compagnie : peu importe qui tu as été, cela ne nous regarde pas.

— Mais si vous désirez vraiment être seul, je m’en vais.

Je l’ai dévisagé un instant. Son teint pâle maladif ne lui rend pas hommage, et retrouver des couleurs lui irait mieux. Avec l’air frais, le jus de gingembre ne tardera pas à atténuer les nausées qui lui remuent l’estomac. Ce n’est pas la panacée, mais c’est toujours mieux que rien. Malheureusement, je n’ai pas de solution miracle dans ma sacoche. Je suis herboriste, pas mage. Et encore, je ne suis pas certain que les mages puissent faire mieux.

— Evitez aussi de trop ruminer des pensées noires, ça ne fait pas bon ménage avec les nausées.

Le mental est important pour guérir. Se laisser abattre par les évènements empêche bien souvent le corps de se reposer lors de la convalescence. J’ignore ce qui tracasse Moustachu, mais il ferait mieux de tourner le regard vers l’horizon au lieu de ruminer un passé d’ores et déjà gravé dans le marbre.

Lun 22 Fév 2021 - 21:17

Dorian Pavus
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Mal de mer et mal du pays




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Vous auriez pu voyager par la terre ferme. C’est seulement plus long.

Je me contentai de soupirer mon rire, au lieu de répondre. Je n’avais pas ce temps. Et si cette si douce option m’avait traversé l’esprit à plusieurs reprises, si tentatrice fût-elle, je l’avais repoussé de justesse car je ne pouvais pas me permettre de gaspiller un temps si précieux. Tant de choses me traversaient l’esprit en ce moment, mais cela ne voulait pas dire que je ne pouvais pas me montrer pragmatique.

Pour autant, Toubib ne lâcha pas si facilement l’affaire. Sur le même temps attentif et empli de douceur – chose réellement suspecte à y repenser –, il reprit la parole.

Quel herboriste je ferai si je ne veille même pas au rétablissement d’un patient inopiné ?

Il avait raison quelque part, c’était son travail, après tout, de veiller sur des inconnus qui ne supportaient pas les trajets en bateaux, ou possédant bien d’autres malédictions imposées par la nature.

Mais si vous désirez vraiment être seul, je m’en vais.

Cette réplique cependant me laissa pensif. Le trajet allait être long, terriblement long, alors valait-il mieux passer le reste en solitaire ? Mais ma réflexion n’eut le temps d’aboutir, Toubib déjà sur le point de partir.

Evitez aussi de trop ruminer des pensées noires, ça ne fait pas bon ménage avec les nausées.
Attendez ! Attendez un peu, enfin !

Je me redressai quelque peu, luttant violemment contre mes nausées, mes migraines et mes mauvais souvenirs. Je pouvais sentir ma magie bouillir d’être dans un tel contexte, il valait donc mieux que j’aie à disposition de quoi rester maître de moi-même.

Vous venez à peine d’arriver et vous m’avez porté secours, il serait rude que je vous chasse si rapidement.

Quelque part, c’était vrai : je détestais l’idée de ne pas pouvoir être redevable envers quelqu’un qui m’avait aidé, et ce d’une quelconque façon.

J’apprécierais si vous restiez un peu plus à mes côtés .. un peu de compagnie au cœur d’un si long voyage ne me ferait pas de mal.

Depuis Minrathie. J’étais parti depuis Minrathie, pour me perdre au fin fond du Sud. Le voyage était long, mais surtout solitaire ; j’avais eu l’opportunité de rencontrer plusieurs visages lors de mon voyage, mais ce n’étaient hélas que de vagues occasions de temps à autre. Je cherchai ainsi, perdu dans ces ondes qui me martelaient le crâne de toute part, un moyen de démarrer une certaine conversation.

Votre destination est également Férelden, hein .. Cela fait longtemps que vous êtes sur les routes ?

Mer 24 Fév 2021 - 15:36

Toubib
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Je n’ai guère eu le temps d’esquisser un pas de côté que Moustachu m’exhortait de rester. Il a même lutté contre la nausée pour se redresser et ainsi me faire face. L’idée de rester seul pour le restant de la traversée ne l’enchantait pas de toute évidence, et il acceptait donc sa compagnie, même s’il ne me connaissait pas. J’ai retenu un sourire. C’était toujours mieux que de rester pour un tête-à-tête avec des pensées aussi lugubres que sournoises. Même si cela semble charmant, les idées noires ne sont guère des partenaires aimables, elles se dévoilent plutôt sous un jour sombre, prêtes à dévorer jusqu’aux dernières lueurs d’optimisme. Pour une personne victime de mal de mer alors que la terre n’est toujours pas en vue, il y a de quoi devenir fou.

Je suis donc resté aux côtés de Moustachu, qui s’exprime dans un langage plus soutenu que celui des vulgaires badauds. Il me rappelle certains tévintides ou autres nobles qui se distinguent de la plèbe avec leur parler – rien à voir avec les paroles plus crues qui circulent au sein de la Compagnie. Entre nous, l’argot et les insultes fusent à tout-va, en particulier lorsque Pilier et Bismuth se joignent à la discussion. La finesse ou encore la délicatesse sont deux notions qui leur sont inconnues. Cela dit, Archer ne se montre pas en reste, lorsqu’il s’agit d’alimenter les rumeurs, ou plutôt les ragots. Derrière son ton guilleret, Archer adore les potions, et ne cesse d’imaginer des relations entre les membres de la Compagnie. Iel a deviné avant tout le monde l’amourette entre Pilier et Mystique.

Accoudé au bastingage, j’ai laissé traîner mon regard sur Moustachu. Même si cela ne me regarde pas et que je ne pose aucune question, je m’amuse parfois à échafauder quelques hypothèses. D’où vient-il ? Pourquoi s’engage-t-il sur une traversée alors que le mal de mer l’assaille ? Une urgence, peut-être ? Un besoin impérieux de gagner Férelden au plus tôt ? Les possibilités se présentent sous un jour multiple, et rien ne me permet encore de privilégier une supposition à une autre. Le seul détail dont je maintiens la certitude, c’est l’origine aisée de mon patient inopiné. Un bourgeois, au minima. Ses vêtements sont de bonne facture ; il suffit de remarquer les regards envieux des autres passagers du navire pour s’en rendre compte.

— Un si long voyage ? Vous ne venez pas de Kirkwall ?

Bien sûr que Moustachu ne vient pas de Kirkwall. Il n’a pas ce regard hagard partagé par les habitants de la Cité Libre, ou plutôt, ses survivants après tous les déboires des dernières années. Je me doute bien qu’il vient d’ailleurs, Thédas est vaste ; cette question reste seulement assez ouverte pour ne pas le forcer à répondre. Je nourris la conversation pour chasser les sombres pensées, pas un interrogatoire. Autrement, je m’y prendrais avec davantage de volonté, ou plus de virulence, selon le point de vue. Ou je me mettrais pour de bon en quête d’Epervier pour qu’elle me file un coup de main. Lorsqu’il s’agit de faire salir les chausses d’une cible, elle brille de mille feux. Entre son regard noir et ses dagues, on oublie vite sa petite taille pour se concentrer sur la menace qu’elle représente.

— La Compagnie n’a pas de destination fixe, pour l’instant. On voulait seulement changer d’air, après presque deux ans dans les Marches Libres. On espère dénicher des contrats intéressants du côté de Férelden.

La Compagnie ne cache pas ses liens avec le mercenariat. Nous offrons nos talents aux employeurs qui paient rubis sur l’ongle, et qui ne cherchent pas à nous envoyer au casse-pipe. En discutant avec le Capitaine, j’ai appris qu’il se montre maintenant plus exigeant sur les contrats que nous acceptons. Avec les années, nous avons tissé notre réputation dans le milieu, si bien que nous ne manquons pas d’argent. De toute façon, nous menons une vie simple. Camper à la belle étoile autour d’un feu de camp, cela renforce nos liens. Et au moins, aucun tenancier ne râle pour le mobilier cassé ou le bruit au beau milieu de la nuit.

— Sinon, j’ai toujours un peu voyagé à droite à gauche, même avant que je rejoigne la Compagnie. C’est presque une habitude.

Je ne compte pas entrer dans les détails de ma vie antérieure à la Compagnie, mais je ne peux nier ce fait. A part lors des premières années de mon existence, j’ai souvent été amené à voyager, si bien que rester plusieurs années au même endroit me paraît étrange. Tôt ou tard, je m’attends à devoir reprendre les routes. La seule chose que j’espère à présent, c’est que mon chemin ne quittera pas celui de la Compagnie. C’est sans doute se montrer trop sentimental, mais cette bande de parias grincheux est ma famille. Mes frères et mes sœurs, même si Bismuth ronfle plus fort qu’un nain soûl, même si Pilier triche à longueur de journée, même si Epervier n’est guère portée sur l’humour.

— Vous restez à Dénérim, ou vous comptez poursuivre votre route ensuite ? Férelden, c’est vaste.

Dim 28 Fév 2021 - 19:27

Dorian Pavus
Dorian Pavus

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Mal de mer et mal du pays




Chavandes, 9:41 du Dragon
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L’apothicaire accepta finalement de rester. Une bonne chose, le trajet était déjà suffisamment long, et le manque cruel de social commençait à se faire ressentir chez moi. Je voyageais depuis des mois, et je n’avais qu’une hâte : arriver à ma destination.

Cependant, le regard qu’il posa sur moi était loin de m’échapper : pas de chance pour lui, j’étais bien loin d’être la quintessence de la coquetterie, comme à mes habitudes citadines. Mais bon. Je m’accoudai à la barrière, lui retournant ce regard, un petit rictus aux lèvres.

Un si long voyage ? Vous ne venez pas de Kirkwall ?
Non, je viens de .. du nord. Plus au nord.

Du peu que j’avais entendu du passage de Tevinter à Kirkwall, je me suis dit qu’il valait mieux ne pas le crier sur tous les toits, particulièrement sur un petit navire sur lequel il était impossible de fuir, ou même de déployer sa magie pyrique.

Non pas que je cherchais à éviter de répondre, loin de là : je savais que je n’étais pas enfermé et forcé de répondre. Cependant, il me fallait prendre certaines précautions, déjà que mon apparence attirait suffisamment les regards .. et pas forcément les bons.

La Compagnie n’a pas de destination fixe, pour l’instant. On voulait seulement changer d’air, après presque deux ans dans les Marches Libres. On espère dénicher des contrats intéressants du côté de Férelden.

Oh, des mercenaires. Je m’étais toujours demandé quel genre de vie cela devait être, de constamment voyager en quête de travail, avec une bande d’individus très souvent hauts en couleurs. Chose que je ne voudrais jamais vivre. Délaisser mon confort pour vivre sur les routes ? Eew.

Sinon, j’ai toujours un peu voyagé à droite à gauche, même avant que je rejoigne la Compagnie. C’est presque une habitude.
Je vois, je vois.

Quel courage, de vivre de si peu de choses. J’avais passé ces deux dernières années à errer aux quatre coins de l’empire, et rien ne me manquait plus que mon confort paisible de Minrathie. Pas que je ne l’avais guère retrouvé depuis, mais disons que mon confort personnel sans trop de problèmes ou de criminels sur le point de me capturer était préférable. Toubib poursuivit la conversation, comme si elle lui appartenait – ce qui, quelque part, n’était pas si faux.

Vous restez à Dénérim, ou vous comptez poursuivre votre route ensuite ? Férelden, c’est vaste.

Dénérim était la capitale de Férelden, c’était ça ? J’avais eu l’opportunité de demander mon chemin, d’observer longuement des cartes pour me repérer un peu mieux. Après tout, les voies impériales n’étaient pas autant bien conservées qu’à l’imperium.

Eh bien, non, je ne compte pas y rester.

Je m’arrêtai en cours de route, profitant des ragots pour ne pas tout dévoiler non plus. Je posai un regard, imprégné d’une certaine malice, sur ses épaules. Je baissai le ton de ma voix pour ne pas trop attirer l’attention.

J’ignore si vous avez entendu les nouvelles, mais il se raconte que bon nombre de mages se réunissent à Golefalois en ce moment. Eh bien, je compte m’y rendre : il est difficile de se repérer depuis que la guerre a éclaté, .. les Cercles avec .. Un peu de stabilité ne fera pas de mal.

Puis, le regard plus lointain, je poursuivis ma réponse.

Et puis, un ami m’y attend. Je le croyais disparu pour de bon, réduit en bouilli par des templiers, ou pire .. Je ne peux pas me permettre de perdre de temps.

Lun 8 Mar 2021 - 23:25

Toubib
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La réponse évasive de Moustachu ne m’étonne pas. Personne n’aime trop se confier à un inconnu sorti de nulle part, en particulier lorsque les ennuis vous courent après. Le mal de mer n’est pas la seule chose qui lui pèse sur l’estomac, je ne suis pas aveugle. Quelque chose le tracasse. Le tourneboule. Il s’interroge, étudie les possibilités. Il ne se rend pas en Férelden par pure envie bucolique – de toute façon, Férelden… je ne place pas le pays parmi les destinations bucoliques de Thédas. Est-ce qu’au moins ils ont l’eau courante ? Archer ne cesse de me réprimander lorsque je critique son pays natal, mais Mystique s’amuse à entretenir le flou. En même temps, elle vivait auparavant au cœur des Dorsales de Givre avec son clan Alvar ; difficile de coller davantage à une image « barbare ».

Mais Tévinter ne me manque pas, c’est une certitude. Ces années dans les Marches Libres ont eu quelque chose d’assez… dépaysant. Et plaisant, aussi. De toute façon, je n’avais pas quitté l’Empire pour des prunes. Je ne comptais pas non plus y retourner. Épervier partage mon avis : selon ses propres termes, elle « refuse de s’approcher de ce pays de cinglés ». Je ne peux pas lui donner tort. Ma terre natale connaît de nombreuses tares, et je ne prends jamais la peine de la défendre. D’autres s’en chargeront à ma place.

Moustachu vient-il de Tévinter ? Il n’y a pas grand-chose au nord de Kirkwall, à part quelques autres Cités Libres. Il n’a pas l’accent chantant si typique des antivans ou des rivéniens, que le lieutenant s’amuse parfois à adopter lorsque nous travaillons de concert nos connaissances des langues au sein de la Compagnie. Le Capitaine refuse net que les personnes sous ses ordres se contentent de baragouiner le commun. Une contrainte pour les nouveaux arrivants – j’en ai fait les frais – mais un avantage indéniable sur le long terme. Combien de fois avons-nous réussi à duper nos ennemis grâce à cette maîtrise ?

— Tévinter ?

J’ai presque chuchoté cette question pour ne pas attirer l’attention des autres passagers tandis que je poussais la curiosité. Cela ne me ressemble pas ; d’ordinaire, je laisse couler. Je crois que mes vieilles habitudes reprennent le dessus. Observer, analyser, anticiper pour ensuite frapper. J’ai beau avoir fui ce passé, une part de moi ne l’oublie pas. Elle subsiste, et guide toujours mes actions.

Je remarque donc sans peine son regard plein de malice. Je n’ai pas besoin de plus pour savoir qu’il compte se laisser porter par les ragots pour la suite de cette conservation. Il n’explique par les réelles raisons de sa venue en Férelden, mais glisse quelques sous-entendus pour étoffer notre discussion. Juste assez pour avoir de quoi se mettre sous la dent.

La mention des mages me laisse perplexe. Je laisse à nouveau mon regard parcourir le corps de mon patient improvisé, comme si je le voyais pour la première fois. La Compagnie a en effet eu vent des mages réunis à Golefalois, tout comme nous avons entendu parler de la guerre qui les opposent aux Templiers. Kirkwall a été l’épicentre de ce chaos, alors les rumeurs ont parcouru le chemin jusqu’à nos oreilles. Ce n’est pas pour rien que nous mettons le cap sur Férelden : avec de tels conflits dans la campagne, les contrats pleuvent. Peut-être que l’Inquisition nouvellement formée recrute ; qui sait ? Jusqu’à présent, le Capitaine ne nous a jamais conduits dans des lieux vides de toute possibilité. Il flaire toujours les bons filons.

— Vous êtes vous-même mage pour vous intéresser d’aussi près à Golefalois ?

Je m’abstiens de poser un regard insistant sur lui ; je contemple plutôt l’horizon marine, même si sa réaction aurait été un indicateur suffisant pour déceler la vérité. Je ne tiens pas non plus à l’acculer. Je le répète, mais il ne s’agit pas d’un interrogatoire. C’est un échange courtois. Pour l’instant. Personne ne sait comment une discussion peut évoluer. Si elle peut rester stable, elle peut aussi déraper, prendre une tournure inattendue. Dans tous les sens du terme.

— La Compagnie abrite aussi une mage, alors inutile de vous affoler.

J’ai complété pour éviter toute panique. Je ne porte pas vraiment les mages dans mon cœur, pour connaître avec une certaine précision les dérives possibles de leurs pouvoirs, mais c’est davantage la méfiance qui prime plutôt qu’une haine farouche. Tant que Moustachu ne cherche pas à cramer les passagers du bateau, je ferai comme si de rien n’était.

— J’espère que vous retrouverez votre ami.

Un peu de sollicitude ne mange pas de pain. Cela ne fera pas de mal non plus à Moustachu, qui ruminait des pensées noires avant mon arrivée.

— Mais la route jusqu’à Golefalois n’est pas la plus sûre. Avec les mages et les Templiers qui s’écharpent, il sera difficile d’avancer sans risque.

Même si Moustachu est un mage, il n’échappera pas à son constat. Seul face à un groupe armé de bandits, il ne fera pas le poids. Et les problèmes s’accroîtront si les Templiers le prennent en grippe. Avec la tension actuelle, ils ne laisseront pas un apostat leur glisser entre les doigts. Avant notre départ de Kirkwall, le Capitaine a insisté pour que nous redoublions de prudence pour éviter ce genre de déboires avec Mystique.

— Et pour l’heure, vous avez besoin de calme avant de vous lancer sur une aussi longue route. Le gingembre ne fera pas tout.

A nouveau, je l’ai observé pour jauger son état. Le jus de gingembre fait doucement effet.

— Vous devriez boire de l’eau d’ailleurs. Le manque d’hydratation favorise les symptômes.

Jeu 8 Avr 2021 - 10:11

Dorian Pavus
Dorian Pavus

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Chavandes, 9:41 du Dragon
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Je pouvais voir dans son regard que son cerveau cherchait toutes les explications les plus cohérentes quant à mes origines. Ma foi, un peu de curiosité ne faisait pas de mal ; il fallait seulement s’assurer que cette curiosité ne s’armât contre soi. Mais après un petit temps, Toubib se pencha vers moi pour prononcer à demi-mots « Tevinter ». Une lumière de malice passait d’une pupille à l’autre, tandis que je me contentai de le regarder en souriant. Il ne songeait tout de même pas à ce que je fournisse une réponse brute en un endroit où l’on pourrait me trancher la gorge pendant mon sommeil à seule cause de mes origines.

Mais il ne semblait pas offensé par mon manque de réponses, au contraire : à croire que d’imaginer les scénarios les plus exotiques étaient plus fascinants pour lui que les faits en eux-mêmes. En même temps, il fallait savoir s’occuper dans un navire pendant plusieurs jours.

Bien vite, Toubib perdit son regard sur l’horizon, avant de poursuivre son petit interrogatoire poli.

Vous êtes vous-même mage pour vous intéresser d’aussi près à Golefalois ?

A croire que je m’y rendais pour y semer le trouble. Eh bien, quelque part, vu l’état d’Alexius, ce serait sûrement le cas, et pour une bonne raison. Je contemplai cette étrange jonction entre le ciel et la mer à mon tour, mais pas trop longtemps non plus ; je sentais déjà mes tripes me maudire. Aussi, mes yeux dégringolèrent sur le bois gentiment en voie de pourrir de la barrière, à force de baigner dans l’eau et de subir ses tempêtes.

La Compagnie abrite aussi une mage, alors inutile de vous affoler.

Je glissai mon regard bordé de sourcils arqués vers le rouquin, synonyme de blase profond, avant de sourire à nouveau.

Je suis loin d’être affolé, si cela vous rassure de l’entendre.

Et toujours dans sa charmante bonté, Toubib laissa quelques mots vis-à-vis de ma quête, des mots d’espoir.

J’espère que vous retrouverez votre ami.
Je l’espère de tout cœur également.

Derrière mon sourire en coin se cachait une forte appréhension de ce qui allait se passer là-bas. Ses mots, cette façon de réapparaître après des années où il manquait à l’appel, tout cela n’annonçait rien de bon. J’avais à la fois hâte et pas hâte d’arriver à Golefalois.

Mais la route jusqu’à Golefalois n’est pas la plus sûre. Avec les mages et les Templiers qui s’écharpent, il sera difficile d’avancer sans risque.

Quelque part, je m’y étais préparé mentalement, mais il avait raison quelque part : s’y rendre seul, en plein conflit, demandait bien des astuces et beaucoup de précautions. Cela dit, cette remarque arqua mon sourcil : y avait-il un sous-entendu de possible compagnie glissé sans ses paroles ? Mystère. Je ris poliment, rictus aux lèvres, le timbre presque roucoulant dans ma réponse.

Et pour l’heure, vous avez besoin de calme avant de vous lancer sur une aussi longue route. Le gingembre ne fera pas tout. Vous devriez boire de l’eau d’ailleurs. Le manque d’hydratation favorise les symptômes.
Eh bien eh bien, inutile de se faire un tel sang d’encre pour un parfait inconnu comme moi .. A moins que vous ne cherchiez à franchir cette étape avec ma personne ? Dans tous les cas, c’est fort apprécié en ces temps .. disons .. compliqués.

Je conservai mon sourire, tout comme ce regard que je posais sur lui. J’avais toujours cette passion et cette envie de repousser certaines limites avec les personnes que je rencontrais sur mon trajet. De toute façon, je ne les reverrais jamais, alors autant s’amuser.

Et dites-moi donc .. Vous semblez avoir certaines idées du « calme » que je suis censé trouver avant de débuter la dernière étape de mon voyage. Auriez-vous l’audace de m’en dire plus, histoire de rassasier ma curiosité ?

Mar 27 Avr 2021 - 17:32

Toubib
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Je ne sais trop ce que nous réserve l’avenir, ou tout simplement les prochains jours. La Compagnie entame une nouvelle page de son histoire, que je prends soin de consigner dans le présent recueil. Je retrace notre quotidien, nos amitiés et nos embrouilles. Je conte nos aventures, nos contrats et nos déboires. Certains employeurs tentent parfois de nous doubler, mais ils apprennent à leurs dépens que le Capitaine ne plaisante pas avec l’honneur. Nous sommes des mercenaires, pas des enfants de chœur. Nous défendons nos intérêts, même si le sang doit couler pour se faire. Et quand je regarde les membres qui constituent notre troupe, une telle attitude ne m’étonne même pas. Aucun d’entre nous n’a un passé paisible, loin de l’agitation et des troubles néfastes. Nous avons tous eu recours aux armes dans notre vie passée, d’une façon ou d’une autre. Nous ne les avons jamais posées, quand bien même avons-nous rejoint la Compagnie. Le passé d’un homme est une chose terrible ; il ne lâche jamais prise. Il s’accroche, plante ses griffes dans la chair. Il hante la personne sans répit. Nous avons chacun nos fantômes au sein de la Compagnie, moi le premier. Des actes qui nous collent à la peau, des visages que nous préférerions oublier, ou revoir d’entre les morts.

Qui sait quels fantômes hantent les jours et les nuits de Moustachu ? Quelle raison d’importance capitale le pousse à traverser le continent, à abandonner son pays natal pour s’égarer dans le trou perdu qu’est Férelden ? Pourquoi un mage fuirait-il son quotidien doré ? Compte tenu de son port et de ses vêtements, je doute faire face à un Laetan ; c’est à peine si ces derniers sont mieux traités que les Soporati qui ont réussi à faire fortune. Ils allument les lampions, fournissent l’énergie magique nécessaire au fonctionnement des villes tévintides. Ils vivent dans l’ombre, souffrent de quolibets en tout genre. Jamais ne se hisseront-ils au niveau des Altus, dont la prestance fait de l’ombre aux Anciens Dieux.

Je ne les porte pas dans mon cœur. Ce n’est guère une nouveauté pour quiconque me connaissant. Je répugne Tévinter et ses habitants. La seule chose que je regrette de l’Empire, c’est son niveau de vie et sa technologie. L’accès à l’eau courante est tout de même bien pratique, et les néons qui illuminent Minrathie s’avèrent magnifiques. Je n’ai pas su retrouver un tel spectacle dans les Marches Libres, et ce n’est clairement pas Férelden qui redressera la barre. Toutefois, je préfère mille fois mon quotidien actuel à mon ancienne vie. Les tares de Tévinter ternissent le tableau à bien des égards. Ces esclavagistes ne méritent que mon mépris le plus infâme.

Où se place Moustachu, exactement ? En tant qu’Altus, quelle considération a-t-il des autres ? Il semble en tout cas plus débrouillard que ses confrères ; une horde d’esclaves ne l’accompagne pas, prête à servir au moindre de ses petits besoins. Sans ma présence, il passerait encore son temps à dégobiller par-dessus le bastingage, en proie à la naupathie. Je mentirais si je prétendais que cette vue n’est pas un brin satisfaisante, mais je ne m’attarde pas sur la question. Moustachu n’a pas à subir le fruit de mes velléités d’une vie passée. Je ne suis plus l’homme que j’étais quelques années plus tôt, avant de croiser le chemin du Capitaine. Cet inconnu, que je suppose mage tévintide, n’a pas à connaître les griefs que j’entretiens à l’encontre de notre terre natale.

De toute façon, Moustachu reste vague. Il ne répond guère à mes questions, mais je ne m’offusque pas. Je souris plutôt, un brin amusé. J’apprécie cette compagnie imprévue, qui me change les idées. J’échappe aux remarques acérées de Bismuth qui se plaît à imaginer un nombre de choses incalculables sur Épervier et moi. J’en m’en amuse, mais un peu de fraîcheur et de nouveauté ne fait pas de mal, surtout en compagnie d’un autre homme plutôt agréable à l’œil.

— Un herboriste a-t-il besoin de connaître autrui pour effectuer son travail ?

J’élude la véritable question de Moustachu, qui tourne autour de cette « étape ». Je ne suis guère certain de savoir comment l’interpréter, même si différentes hypothèses naissent dans mon esprit. Il est cependant rare qu’on m’aborde de manière aussi directe sur un sujet pareil ; et pour une personne originaire de Tévinter, cela ne m’étonne que d’autant plus. J’ai davantage l’habitude des paroles subtiles, des approches délicates, à la fois empreintes d’envie et de crainte de la réaction d’en face.  Pourtant, le regard du mage semble se vouloir explicite pour qui sait lire entre les lignes ; je devine un désir de « franchir cette étape », comme il le dit lui-même. Est-ce sa façon de combattre l’ennui et la naupathie à bord de ce navire ?

L’air de rien, je pose mes mains sur le bastingage. Je fixe l’horizon un bref instant, avant de l’observer.

— Rester accoudé au bastingage encourage la naupathie. L’endroit le plus stable est le centre du bateau, là où se trouve son centre de gravité.

Je fais mine de ne pas relever ses possibles sous-entendus, même si mon regard laisse comprendre autre chose. Je tâte le terrain, petit à petit. J’essaie de créer des réactions. J’observe et j’analyse, puis j’agis en conséquence. Je tiens à m’assurer que je n’extrapole rien. Autrement, la chute s’annonce rude.

— Ensuite… hé bien, le calme passe aussi par un sentiment de détente et de relaxation. Le stress et l’appréhension n’aident pas à surmonter la nausée. Depuis combien de temps personne n’a-t-il pris soin de vous ?

Je retiens un rire. J’ai souvenir de m’être déjà montré plus subtil, mais l’inspiration me manque. A me montrer trop subtil, je risque aussi de passer à côté d’une belle occasion.

— Un peu de compagnie est essentiel. On pense ainsi à autre chose, on se change les idées pendant un moment.

Pendant un moment ou deux. Le navire ne prévoit pas d’accoster dès le lendemain à Dénérim. Nous avons encore tout notre temps.

— Une activité permet aussi de penser à autre chose que la nausée. Le sentiment de participer à quelque chose de concret aide beaucoup. D’ordinaire, c’est participer à la marche du bateau, mais ce n’est qu’une possibilité.


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