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Lun 10 Fév 2020 - 10:39

Anonymous
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La Parole des Vieilles Pierres

Les premières paroles de la Chassind déstabilisèrent le mage Tévintide : il ne s'était pas attendu à ce qu'elle lui réponde d'une manière si intelligible, elle qui n'avait jusque-là que grognait quelques réponses sommaires. La Messagère d'Andrastée ? L'ennemie assumée, revendiquée même, de l'Ancien. Étrangement, Servis n'était que modérément étonné d'entendre prononcer ce nom dans ces terres reculées de Férelden, prouvant s'il le fallait que son influence et sa renommée eussent largement dépassé les limites des cités les plus importantes.

La Messagère, l'Ancien... Deux figures quasiment mystiques qui s'affrontaient au travers d'armées s'affranchissant de toute nation. Leur parallèle ne s'arrêtait pas là : ils étaient en réalité les deux faces d'une même pièce et Servis ne croyait pas plus en la pseudo divinité de la Messagère qu'il ne croyait en celle de son propre Chef. Par quelle magie avancée était-elle capable de refermer les brèches, ça il ne pouvait l'imaginer. Mais enfin, certains mages étaient bien capables de merveilles : Alexius par exemple s'était attaqué à la course du temps elle-même ! Et la magie pratiquée par cette Chassind semblait également mériter son attention....

Délesté des trois gâteaux que la jeune rousse avala prestement, Servis se frotta les mains pour les débarrasser des dernières miettes, son bâton toujours sous le bras. Elle semblait, en quelque sorte, finalement accepter sa présence. Et comme s'il faisait face à une bête sauvage, disons par exemple ces merveilleuses hyènes qu'il découvrait parfois dans son campement aux premières heures du jour, le mage ralentit ses gestes, qu'il voulut précautionneux, comme de peur de l'effrayer. Elle semblait encore résolument tendue. Lentement, il repoussa une branche basse qui menaçait de lui griffer le visage, et lentement encore il relâcha son emprise, sentant le bois souple se tordre pour reprendre sa position et les feuilles tendres siffler dans l'air.

Elle lui adressa alors de nouveau la parole, et répondit longuement à sa question. Il l'écouta sérieusement, usant à présent de son bâton pour se frayer un chemin dans la flore luxuriante de cette forêt sauvage.
“Nous ne pouvons pas la refermer, c'est vrai.„

Concéda le mage en grattant de son pouce son cuir chevelu, qui le démangeait comme à chaque fois que ses épais cheveux repoussaient. Des failles, il en avait souvent vu s'ouvrir à la Porte du Ponant, parfois même dans des zones qu'il ne pouvait se permettre de perdre. Fuir ne leur était alors pas possible. Suspendant son geste, sa main toujours sur son crâne, et sentant naître sur ses lèvres épaisses un sourire énigmatique, il poursuivit :
“Il ne s'agit pas de gagner la guerre, mais d'envoyer un message suffisamment fort à ces esprits pour qu'ils ne tentent plus de franchir par cette faille.„

En réalité Servis n'avait aucune intention de rebrousser chemin pour s'exposer encore à un risque de mort, ou pire : de possession. Il aimait bien trop sa vie, son corps, pour les offrir ainsi en pâture aux premiers démons venus ! Ce n'était d'ailleurs pas son rôle, ni à la Porte, ni même ici : il était en vacances et ses actions n'étaient plus dictées que par son instinct. Et son instinct le poussait à vivre, toujours plus.

Se jeter dans la gueule du Loup ne semblait pas non plus être une bonne idée, même s'il ne pouvait cacher son envie d'assouvir sa curiosité en rencontrant cette fameuse Messagère d'Andrastée. Il ne devait pas se rendre à Fort Céleste. Il ne devait pas saisir cette occasion, si parfaite soit-elle, de pénétrer en profondeur les lignes ennemies. Des espions seraient faire ça mieux que lui. Pourtant il n pouvait pas encore quitter Férelden, pas avant d'avoir pu voir son ami. Abaissant enfin le bras et contournant une racine aérienne plutôt gênante, Servis répondit :
“Je dois envoyer une missive. Golefalois me semble être l'endroit idéal pour en attendre la réponse.„

Décidé, il appuya ses dires en secouant vivement la tête et en abattant son bâton au sol, écrasant volontairement un insecte dodu faisant paresseusement sa route à ses pieds.
“Je vais vous accompagner ! A deux les routes sont plus sûres ! On m'appelle Crassius au fait ! Et vous ?„


Ven 14 Fév 2020 - 14:04

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La Parole des Vieilles Pierres


La luxuriante flore qu’ils avaient connus laissait place à d’autres paysages, lesquels tranchaient radicalement. Au lieu d’arbres élancés, une végétatioon rase, des buissons épars ou épineux, une herbe grasse d’où perçaient des roseaux et ronces… A leur arrivée, un lapin bondit hors d’un fourré, ses pattes frappant la surface d’une flaque engoncée dans un tapis de mousses et rocailles, avant de disparaitre un peu plus loin. L’œil qui savait observer pouvait repérer l’extraordinaire écosystème de cet espace préservé, encore, de l’influence empoisonnée du dernier Enclin. A quelques lieux de là, plus à l’Est, c’était bien une autre paire de manches, si l’on pouvait dire. Là-bas, la terre était morte, pourrie jusque dans ses entrailles les plus profondes, la boue n’étant plus qu’un agglomérat de sang noir, l’eau elle-même souillée par cette putréfaction malade, celle de l’âme de quelques fous, racontait-on.

Staska n’était guère une amatrice des dires des chantristes, ne croyant elle-même aucunement à l’existence de cette divine Andrastrée, des miracles de ce Créateur. Les créateurs du monde, pour elle, étaient les dieux anciens, ceux qui étaient là bien avant même que les hommes n’élaborent cette nouvelle foi. Pour autant, elle en appréciait, comme tout un chacun, les récits légendaires, ceux que s’échangeaient entre eux les citadins pour expliquer leur monde si décadent. C’était ainsi qu’elle avait entendu parler de cette personne, celle qui fermait les failles, la Messagère d’Andrastée. Elle ne savait trop si son comparse d’infortune était croyant. Elle ne se sentait guère de se lancer dans quelconque discussion théologique, et, bien lui en prit, son partenaire se tut sur la question.

Elle écoutait ce que lui avait à lui dire tout en se pourléchant encore les doigts. La sensation de douceur sur ses lèvres, sur sa langue… Ça lui manquait déjà. Elle se voyait volontiers, dès que la civilisation serait de nouveau à leur portée, commander un repas chaud, peut-être un bain pour se débarrasser de cette crasse, un peu de vin ou un autre alcool pour lui rendre le sommeil plus doux… En d’autres temps, elle l’aurait peut-être accompagné de quelques œillades, chuchotements échangés, voir quelques baisers avec un homme qui serait à son goût, mais le malaise qu’elle ressentait désormais à la moindre main posée sur son épaule rendait la chose impossible… Et elle devait bien l’avouer, les hommes des cités manquaient parfois de cette senteur de la rudesse et des bois qui lui avait toujours beaucoup plu. En lieu et place, ils étaient comme son comparse, longs et rasés de près, aux odeurs de parfum et de fleurs.
“Un message fort... Les esprits ne pensent pas comme les humains. L’éternité, pour eux, ce n’est qu’une rocaille au sein de la montagne. Ils ne seront pas découragés, loin de là. Il en viendra d’autres, attirés par la liberté comme des mouches sur une merde. Et eux, si nous pouvons les faire disparaître, ils ne s’épuiseront pas comme nous. Nous mourrions à l’usure.  „

Elle eu un reniflement, jetant un autre regard vers le ciel nuageux, comme pour y repérer quelque chose, avant de se tourner à nouveau vers l’autre.
“Libre à toi de risquer une mort stupide, après. „

Certainement que ce n’était pas le but du mage, puisqu’il continuait à l’accompagner. Elle repérait, ça et là, quelques arbres un peu plus élancés, leurs racines épaisses semblant former des ponts au-dessus des mares, leur tronc épais laissant l’étrange impression que leurs branches plus rases n’étaient qu’une ridicule collerette sur une tête dégarnie. La Chasind avançait d’un pas assuré au milieu de cet environnement, se dirigeant vers une nouvelle rangée de monticules où de nouveaux bosquets avaient pu pousser, leurs racines y trouvant une terre plus riche, loin de la rocaille où l’eau ne faisait que stagner, venant faire moisir la végétation.

Quand il lui citait Golefalois, elle hochait la tête, presque mollement, ses pensées prenant le pas, plus exactement, le souvenir vaporeux de sa rencontre, avec le fameux « érudit » orlaisien, avant qu’elle ne se décide à venir ici. C’était comme un retour au bercail, alors même que justement, venir ici lui avait semblé, au départ, être le retour… Comme si elle n’y avait plus vraiment sa place. Elle chassait aussi sec cette désagréable pensée, y préférant les dires de son comparse.
“ A ta guise, le mage. Ou Crassius, si c’est ton prénom. Moi, c’est Staska. „

Pas de nom de famille, ni de sa part, ni la sienne. Les choses étaient plus simples, au moins, elle n’avait pas à se justifier. Tout en marchant, elle vint remettre en place ses longs cheveux, venant les coiffer avec ses doigts, les réunir puis les nouer. Les gestes étaient lents, comme pour s’occuper les mains davantage que pour cette tâche qu’elle s’était assignée. Aisément, elle repérait le chemin qui leur restait à faire, guidant Crassius dans ce milieu à la fois foisonnant et dépouillé. Au bout d’un temps de silence, elle finit par parler, comme pour essayer d’alimenter une conversation où elle n’était pas la plus à l’aise, bougonnant plus que discutant.
“ Tu as de la famille ici ? Ou tu es loin de toi-même  „


Sam 15 Fév 2020 - 23:48

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La Parole des Vieilles Pierres

En essuyant la pointe de son bâton pour en désincruster les restes de carapaces de l'insecte, Servis répéta, songeur :
“Staska.„

Sa langue insista, par habitude, sur le premier A de ce prénom exotique. Mais en l’absence d'un R à y faire rouler, tout l'accent du tévintide ne put y éclater. Il ne douta pas un seul instant de la véracité de ce prénom, après tout quelle raison avait-elle de mentir ? Lui-même ne s'était pas encombré de ce type de fourberie. D'une manière générale, Crassius ne mentait jamais, il lui était lus naturel de jouer avec les ombres, en occultant certains détails de son curriculum vitae par exemple. Pour certains, il était Crassius, pour d'autres... Servis. Et pour les plus chanceux, il était les deux. Et enfin entièrement lui. Enfin satisfait quant à la propreté de son arme, il l'abaissa en se demandant s'il en allait de même pour Staska. Si la jeune femme avait comme lui occulté une partie de son entièreté. Mais il en doutait fortement.

Il prit une grande inspiration, emplissant ses poumons des mille odeurs de ces bois marécageux. L'odeur de soufre qui les entourait était nettement plus agréable que celle précédemment dispensée par la faille, ou par ses démons. La boue sur ses chaussures ne le dérangeait pas pour le moment, pas plus que les insectes nombreux qui tourbillonnaient autour de son visage, espérant peut-être se délecter des larmes humidifiant ses yeux. Bien qu'étant né, et ayant vécu de très nombreuses années dans la cité la plus large de tout Thédas, Servis avait très tôt développé sa tolérance envers la nature, jusqu'au jour où il s'y sentit suffisamment à l'aise pour s'y plaire. Tout était toujours une question d'adaptation. Et à bien des égards une question de survie.

De biais, il observa de nouveau la jeune Staska. Elle semblait être particulièrement adaptée à son environnement. Fine, agile, rapide. Lui avait eu le temps, la place et la sécurité nécessaire pour faire pousser son corps toujours plus haut, jusqu'à atteindre les deux mètres. Tout aussi à l'aise qu'il soit dans cet environnement, il ne serait jamais aussi agile que Staska et il n'avait aucune difficulté à reconnaître cela. Il l'observa attacher ses cheveux denses, tenter de dompter l'indomptable de sa chevelure de feu. Et l'envie le submergea. Celle de glisser ses doigts dans ses cheveux. De l'aider à les nouer. Pas pour la toucher, elle, mais pour entrer en contact avec une matière similaire à celle qui devrait se trouver au sommet de son crâne rasé de près. Les boucles de la Chassind ressemblaient furieusement à celles qu'il avait eues, lui aussi. Enfin, pas en aussi rouge, non, même pas du tout. Ses boucles à lui étaient complètement noires. Et bien plus propres. Mais là encore, tout était une question de contexte.

Il devenait fou, d'avoir ainsi de telles pensées. Que ses vacances pouvaient être épuisantes pour ses pauvres nerfs ! Alors, lorsqu'il entendit la jeune femme lui bougonner une question, il sauta sur l'occasion pour faire taire ses pensées. Sa voix résonna, ricocha contre les troncs.
“Généralement nous autres Tévintides ne sortons pas des limites de notre Empire. Je fais en cela figure d’exception. Mes parents et mon unique frère n'ont d'ailleurs jamais quitté Minrathie, la ville qui nous a tous vus naître. C'est au Nord. Très au Nord.„

Insista Servis, en pointant son index en direction du ciel. Il poursuivit :
“Nous avons une autre mer, un autre océan. Et tout y est très différent. Enfin, presque tout.„

Déclara-t-il en remuant sa botte, enfoncée dans la boue.
“Et toi alors ? Tu as de la famille ?„


Jeu 20 Fév 2020 - 9:59

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La Parole des Vieilles Pierres


A leur passage  leurs bottes foulant la mousse et la terre boueuse, l’eau des mares clapotait, laissant voir la multitude de sa faune et de sa flore. Staska, elle, marchait d’un pas aussi vif qu’à l’accoutumée, la finesse de sa semelle usée par les voyages ne lui permettant que davantage de ressentir les reliefs de son environnement. Elle en avait l’habitude, ayant beaucoup marché le pied nu durant son existence. Pour tout dire, quand bien même avait-elle cette silhouette longiligne qui n’aspirait guère à impressionner, la chasind avait la jambe solide, taillée pour ce genre d’expéditions en tous milieux.. Si ce n’était peut-être les plus extrêmes. Mais les marais ou les forêts, c’était dans ses cordes. Étrangement, son comparse semblait être à l’aise également, alors que ses manières ne le laissaient pas penser un seul instant.

Tout en nouant ses cheveux, elle sentit distinctement, le regard du tévintide sur elle, à l’observer, ce qui ne manquait pas de la rendre mal à l’aise. Qu’avait-il au juste..? Elle ne manqua pas de lui adresser un regard suspicieux alors qu’elle posait ses questions, le laissant répondre non sans lui adresser ce même air méfiant. Son esprit, pour autant, n’était plus tout à fait là, baladé par les paroles du mage. Au nord, très au nord… Là où il y avait une autre mer… La mer… Elle ne l’avait jamais vu, seulement entendu parler. Ce qui y ressemblait le plus était cet immense lac, une mer d’eau douce à l’intérieur des terres de Ferelden. Elle y était déjà allé, avait déjà vu l’étrangeté de cet horizon couvert par l’immensité bleue…

Elle relacha ses pensées qui éclatèrent comme des bulles de savon, battant des paupières. Ses yeux bleux se posèrent sur son comparse, avant de secouer la tête, son visage gardant cet air revêche qui lui était si familier.
“Non.  „

Parler de Grazyna, sa tribu… Cela lui était inutile, ce n’était que du passé, qui trop remué, lui faisait davantage de mal que de bien. Elle préférait éluder totalement le sujet, n’ayant pas plus de famille biologique, de surcroit. Au beau milieu du monde, elle était seule. Angoissante pensée, mais dont elle avait finit par se résigner. Pour autant… Elle s’en sentait peinée, d’une certaine manière, ce qui se lisait peut-être un peu dans ses traits se faisant plus songeurs.
“Je voyage seule, en Ferelden. Je n’ai pas de tribu. „

Plus, était plus juste juste. Mais encore une fois, elle préférait éluder la question. Toujours aussi peu bavarde, alors que son comparse lui, tentait au contraire d’alimenter la conversation. Cela la frustrait, d’une certaine façon, mais elle ne trouvait guère à dire elle-même. Elle n’appréciait pas parler d’elle-même. Un soupir lui vint, passant la main dans ses boucles rousses qui menaçaient constamment de se défaire pour reprendre leur forme initiale, folle et flamboyante. Après ce petit temps, où elle les replaçait, elle élevait à nouveau la voix.
“ Parle de ton pays. De ta cité. Comment est-ce là bas ? Raconte. „

A défaut qu’elle même soit bavarde, au moins était-ce une bonne manière pour eux deux de passer le temps.

Ven 21 Fév 2020 - 19:19

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La Parole des Vieilles Pierres

Pas de famille. Pas de tribu. La jeune Staska se revendiquait sans attache. Sauvage jusqu'au dernier centimètres de ses cheveux en queue de cochon. Mais Servis savait la chose impossible. Lui même avait beau se croire libre, il n'en n'oubliait pas pour autant ses devoirs. Des devoirs qu'il avait d'ailleurs contractés dès l'instant même de sa naissance, du fait de l'existence matérielle des entrailles dont il venait de sortir. Si lui-même n'avait pas cherché à revoir ses géniteurs depuis de nombreux mois ( il cherchait même la plupart du temps à les éviter), ils n'en n'étaient pas moins réels, tangibles, et confortablement installés dans des fauteuils parés de velours dans leur appartement cossue de Minrathie. Lorsque Staska lui répondit sobrementJe voyage seule. Je n’ai pas de tribu, lui entendit Je ne désire pas en parler avec vous.

Servis hocha la tête, peut-être trop gravement pour la circonstance, et ils s'enfoncèrent un moment encore dans un silence étrange, à la fois bienvenue et gêné. Le mage Tévitide se savait responsable de cette situation grotesque. C'était lui qui avait accouru à la suite de la Chassind, désireux de prolonger artificiellement leurs rapports. Pourtant, ils ne pouvaient pas être plus diamétralement opposé. Et en réalité, c'était justement ce point qui fascinait Servis. Il ne pouvait pas se résoudre à laisser filer un si beau sujet d'études. Et puisqu'elle n'avait pas cherché à le repousser, Servis pensait cet intérêt partagé. Quel oiseau étrange devait-il représenter aux yeux de la jeune rousse...

Alors, lorsqu'elle manifesta sa curiosité par une suite de questions, le mage n'en fut que très peu surpris. Il ferma les yeux, et bascula la tête en arrière, ralentissant le pas drastiquement le temps d'accomplir son action. Au travers de ses paupières closes, c'était toute Minrathie qui se rappelait à ses souvenirs. Par-delà l'odeur agréable d'humus frais et de celle de l'eau croupie, Servis parvint à invoquer l'odeur de pierre et de flamme qu'il associait à sa ville. Dans l'ombre de ses yeux clos il dessina les silhouettes des antiques bâtiments qui la composaient. Combien de milliers d'âmes s'étaient succédés entre les murs de cette ville ?

“L'Empire Tévintide est vaste, mais jadis il était plus vaste encore. Et aucune cité n'est plus large que ma ville, Minrathie.„

En disant cela il étoffa malgré lui sa silhouette, comme si pour mériter de vivre entre les murs de sa cité, Servis se devait d'être lui-même vaste et imposant. Mais peut-être était-ce simplement la fierté qui lui faisait gonfler le torse. Il avait développé pour sa ville un amour assez totalitaire, un amour que ses nombreux voyages ne faisaient que renforcer. Les beautés qu'il voyait ailleurs, il souhaitait les ramener à sa ville, pour les voir s'y marier avec goût.
“Plus qu'une ville, en réalité Minrathie est une île entièrement recouverte d'habitations, et entouré de murailles. Seul un pont la relie au continent. Un pont gardé par des golems, d'immenses guerriers de métal offert par les nains, qui vivent sous nos pieds.„

Il tapa du pied et sa botte s'enfonça dans la terre gorgée d'eau avec un bruit de succion. Il ouvrit alors de nouveau les yeux, et fut aveuglé par la profusion de nature qui l'entourait. Il pensa qu'ici, aucune muraille ne délimitait le territoire des terres sauvages. D'ailleurs, que voulaient dire ses mots pour la Chassind ?
“Il y a suffisamment de vivres stockés dans ma ville pour nous permettre de survivre, si le reste du continent venait à tomber. Car mon pays est en guerre contre....„

Servis grimaça, pour lui-même. Oui, son pays était en guerre constante contre la nation Qunari, et ça il avait tendance à l'oublier. fréquemment. Ils étaient en guerre là-bas, et certains d'entre eux menaient une autre lutte en Orlais et en Férelden. Mais pas Servis. Tout amoureux qu'il soit de Minrathie, serait-il capable de se lever pour la défendre ? De rentrer pour s'y enfermer avec les siens ?
“Les Qunaris. Les gros, avec la peau grise et des cornes. Je ne sais pas si tu en as déjà vu par ici ?„

Fortifications, siège, guerre. C'était donc ainsi que Servis avait choisi de présenter sa nation adorée ? N'était-ce pas symptomatique de son état actuel, plutôt morose il fallait bien l'admettre. Il se remit en marche, en silence. Une peine nouvelle était bien visible sur ses traits. Un profond sillon s'était creusé entre ses deux sourcils froncés alors qu'il fixait le sol.
“Je voyage depuis maintenant si longtemps... Cette ville là est-elle encore chez moi ?„


Mer 26 Fév 2020 - 16:57

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La Parole des Vieilles Pierres


Staska ne se targuait  d’aucun commentaire le long de la tirade de son comparse. Une tirade qu’elle savait, à la manière dont il se tenait, dont il parlait, chargée de souvenirs. Et alors qu’il s’exprimait, les pensées de la rouquine vagabondèrent librement, se matérialisant sous ses paupières mi-closes en silhouette d’ombres et d’or. Elle s’imaginait un lieu grouillant, de ceux qu’elle n’aimait guère, entouré d’eau. Comme une colline émergeant au milieu de flots, où les demeures avaient été plantées comme des carottes de pierre par quelques géants. Elle se figurait bien le pont enjambant les eaux, de cette pierre un peu brune comme on trouvait en Ferelden. L’endroit sentait comme Ferelden, faut de pouvoir connaitre autre chose, mais elle y rajoutait plus de lumière, plus d’eau… Ces hommes de métal, qu’elle imaginait comme d’immenses armures, austères, se tenant sur cette avancée de la terre sur la mer… Et ces murailles, ceignant comme une couronne la colline marine..

La suite de son explication ne convenait guère à la fertile imagination qui était la sienne, description plus terre à terre des enjeux qu’affrontaient les minrathiens. Au fond, ce n’était guère changeant d’un lieu à un autre. Les hommes avaient toujours cette nature belliqueuse si prompte, qu’ils soient chasinds, fereldiens, orlaisiens, tévènes.. Elle eu un bref sourire en coin quand elle entendit la description qu’il faisait des Qunaris.
“J’en ai déjà vu un. Dans une taverne, je ne sais plus où… „

Elle n’en disait rien, mais les Qunaris la fascinaient, autant qu’ils fascineraient, certainement, d’autres membres de son peuple. Les dieux leur avait donné ces attributs que les Chasinds portaient comme postiche pour paraitre plus animaux aux yeux célestes. Ces cornes, cette bestiale apparence… Ils ne lui apparaissaient que comme force brute, à la fois repoussants et séduisants. Aussi comprenait-elle que les citadins les aient en crainte, voir en horreur pour certains. Ils n’avaient pas ce regard qu’elle pouvait leur porter.

A la dernière question du mage, elle semblait réfléchir tout en promenant ses pas sur le sentier spongieux, entre la mousse et les roseaux.
“Là d’où tu viens, cela reste chez toi, autant que cela ne l’est pas…„

Elle eu un temps d’hésitation, avant de continuer.
“ On m’a dit un jour que lors des voyages, le coeur, bien entier où tu étais né, se fragmentait, et que tu laissais les morceaux à chaque lieu que tu explores. Le voyageur n’est plus alors hm… Membre d’une tribu, mais de toutes. Ou membre de la tribu du monde, disons.„

Elle haussait assez simplement les épaules, tâtonnant à travers les mots qui n’exprimaient jamais aussi clairement ses pensées que sa langue naturelle.
“ Tu peux choisir alors le lieu que tu préfères, les frères et soeurs que tu aimes… Ou même refuser de te poser auprès de n’importe quelle tribu. C’est une forme pure de liberté. Il y a pas lieu d’être morose, Crassius.„

Elle laissait un regard trainer vers lui, avant de reprendre une marche plus cadencée, enjambant les roches qui s’agglutinaient ci et là. Au loin, le relief évoluait en pente douce, évoluant vers ces amoncellements de vallons et collines si communes aux marches solitaires...

Ven 28 Fév 2020 - 17:18

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Il y eut un craquement sonore, quelque part dans le lointain. Le genre de bruit qui inquiète, naturellement, toute personne n'étant pas complètement habitué aux terres sauvages. Ce craquement glaça le sang du mage alors que la jeune rousse, sereine, répondait en hésitant à ses lamentations. Si au début elle sembla se limiter à une réponse baragouinée en langue commune, ne dérogeant pas à ses allocutions précédentes, elle poursuivit néanmoins, et livra presque avec aisance une perle de sagesse qui, plus que le bruit, déstabilisa complètement Servis.
Encore sous le choc du discours de la jeune femme, qu'il avait à tort étiqueté comme sauvage et ignorante, Servis ne trouva rien de spirituel à ajouter à cette conversation qu'il avait pourtant lui-même mondainement lancée. Étonnamment prit de court, il ne put que grogner, et encore, faiblement. Une sorte de lamentation de chiot ensommeillé.
“Hmmph„

Surpris par son propre manque d’éloquence et par ce grognement animal qui ne lui ressemblait que très peu, le mage Tévintide se hâta d'ajouter, inutilement :
“Je n'avais jamais vu les choses comme cela.„

Servis s'éloigna instinctivement de Staska, ralentissant son pas au fur et à mesure et redirigeant son attention sur des détails futiles rencontrés sur la route. Un serpent siffla lorsqu'il le surprit au pied d'un arbre en écartant des feuilles mortes du bout de son bâton. Il siffla en retour, entre ses dents serrées.

Mais même seul, les paroles surprenantes de Staska continuaient à le hanter, comme un écho dénaturé. Elles faisaient admirablement sens et pourtant il les trouvaient dérangeantes. Peut-être était-ce simplement à cause du fait qu'il ne s'y reconnaissait pas. Il apposa, presque sans le vouloir, les mains sur sa poitrine. Le cœur qu'il sentait y battre, coincé dans sa cage thoracique, n'était à ses yeux qu'un tout bête organe, servant à pomper de manière pratique son précieux liquide vital. Servis n'était pas sentimental, mais émotif. Son ressentit s'exprimait dans l'instantanéité, par l'intermédiaire de son corps, auquel il n'appliquait que très peu de filtres. C'était son corps qui réagissait à sa vie, pas son âme. Pas son cœur. Cette constatation le troubla.
De ses voyages, il ne rentrait presque jamais changé. Qu'il soit en Férelden, en Orlais, en Rivaïn ou toute autre localisation de Thédas, ne m'intéressait que très peu. Il ne se déplaçait que pour accomplir sa mission. Il ne se déplaçait que pour piller, pour conquérir. C'était cela en réalité qui l'avait troublé dans la déclaration de Staska.

La triste réalisation qu'en définitive, il était le seul responsable de son malheur. Ou plus justement de son insatisfaction chronique.

Son cœur, sans le réaliser, il l'avait laissé enfermé dans un coffre à Minrathie. Et ce depuis de nombreuses années. À chacun de ses retours, il sentait son mal-être s'étendre. Ce cœur de plus en plus décrépit ne s’insérant plus correctement dans sa poitrine, et ses amis susceptibles de l'aider à se re acclimater à la vie toujours changeante de la capitale se faisant de moins en moins nombreux. Il s'était isolé, il avait piller. Voilà Qui il était devenu. Du jeune homme à la limite de l'anarchiste et bon vivant, il ne restait plus rien. Rien de plus qu'un être vide et opportuniste. Et il était le seul à blâmer pour cela.

Les heures passèrent sans que Servis ne parvienne à calmer le profond trouble qui s'était emparé de lui suite aux paroles de Staska. Il suivait ses traces, cherchant à toujours rester dans son champ de vision de manière à ce qu'elle n'oublie pas tout à fait son existence... Il ne la rejoint complètement que lorsqu'elle sembla s'être décidé à marquer une pause, sous le ciel rougeoyant de la fin de journée.
“J'ai réfléchi, longuement, à ce que tu as dit. Je crois que tu as raison. Vous autres, peuples nomades, vous possédez une sagesse qui fait cruellement défaut aux autres. Je veillerais à ne pas oublier tes mots.„

Puis, pudiquement, il s’effaça, défaisant silencieusement son paquetage léger. Rapidement, il monta sa tente et déroula dans son entre son matelas sommaire. Puis il fouilla son sac, pour en extirper une flasque d'argent, qu'il proposa à la jeune femme.
“Pour nous réchauffer.„

Le soleil ne s'était pas encore totalement couché, et pourtant déjà un froid mordant et humide menaçait d'engourdir les membres du mage. Il fixa le ciel, un sourcil arqué. De lourds nuages sombres s'amassaient çà et là, porteur certainement de pluie. Au moins, il avait sa tente. Et son feu.

Ven 6 Mar 2020 - 14:52

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La Parole des Vieilles Pierres


La Chasind s’était attendue à quelques réponses de la part du loquace mage. Après tout, c’était ce qu’il était advenu jusqu’ici : il menait la conversation, trouvant toujours de quoi lui rétorquer. Au lieu de cela, il y eu ce silence, plus long qu’à l’habituel, et un genre de gémissement. Ou de couinement. Ou grognement, elle en était bien incapable de le préciser. Elle tournait la tête et avisait l’homme avec un sourcil épais se relevant sur sa face rose et constellée. Comme pour retrouver une contenance face à elle, il finit par lui répondre, ce qui lui fit retrousser les lèvres supérieures, affichant sans vergogne ses disgracieuses et disproportionnées dents de devant dans un fugace sourire, un de ceux qui lui donnaient cet air taquin, presque sournois.

Sans se soucier de tout le trouble qu’elle inspirait à son pauvre comparse, elle continuait alors sa route, laissant le soleil poursuivre la sienne. Les collines se succédaient, les étendues d’eau également, où paraissaient les grenouilles et salamandres. Pas l’ombre d’une créature malveillante. L’endroit était tranquille, en comparaison d’autres, où morts et engeances pullulaient. Ce corridor bordé de forêts des hauteurs, de mares de vases, de roches et de ruisseaux, était épargné par cette peste. Aller jusqu’à Golefaloi serait pour autant moins aisé. Si, officiellement, le conflit entre templiers et mages était terminé, c’était loin d’être le cas en application. Ils pouvaient tout aussi bien tomber sur des sorciers renégats, ou des templiers abreuvés d’elle ne savait quelle magie maléfique. L’un comme l’autre, elle préférait les éviter. Fort heureusement, l’Inquisition sécurisait en grande partie les routes dans cette région, aussi n’auraient-ils pas trop de problèmes.

Elle ne s’arrêta que lorsque le soleil finit par faire flamboyer les nuages qui s’agglutinaient dans le ciel. Elle sentait une odeur différente dans le vent qui soufflait sur son visage, une tension chaude dans l’air, une humidité… Un orage se préparait, un de ceux qui venaient davantage nourrir les eaux du marécage. Peste. La nuit allait tomber sous peu, avec ça…

Alors qu’elle laissait son nez se pointer ci et là, cherchant des yeux un lieu où se réfugier, elle entendit la voix du mage l’interpeller à nouveau. Après ces longues heures où il était resté en arrière, sans piper mot, tant et si bien qu’elle avait dû jeter un oeil vers l’arrière en milieu de chemin pour vérifier s’il ne s’était pas perdu,  il revenait vers elle, presque tout penaud. La Chasind ne s’attendait guère à ce qu’il revienne dessus si longtemps après. A dire vrai, elle avait lancé cette sagesse là sur l’instant, sans trop y prêter attention, mais comme le lui avait dit Grazyna :“De tous tes pouvoirs, de toute ta magie, le plus puissant, le plus terrifiant seront tes mots. Les mots les plus nombreux, les mots les plus rapides, les derniers mots.” Sa parole lui revenait que plus forte encore, alors qu’à présent, la vieille chamane n’était plus là pour parler à sa place…
“Les tiens ne regardent que ce qu’ils voient. Nous ne construisons pas de châteaux, nous n’utilisons pas de chariots… Alors ils nous prennent pour des rustres, des idiots. Mais nous savons construire des édifices de bois, que nous monterions jusqu’aux cieux si nous le voulions, et savons utiliser la roue pour les jouets de nos enfants. Nous n’avons juste pas besoin de construire aussi gros et haut, seulement nous abriter de l’eau. Et puis… Ici, les chariots s’enfonceraient, nous y préférons nos pieds ou nos bateaux„

Elle reniflait sèchement, presque de mépris, et lui lança un regard perçant.
“Alors qu’au fond, je suis une tevintide en fourrures, et toi un chasind en toile de voyage. Pas de clan. Ou bien tous.„

Elle laissait sa phrase presque en suspend pour lui indiquer un endroit approprié pour monter sa tente. In espace plane, mais protégé des coulées de boue par les rochers, arbres et broussailles. Connaissant bien les torrentielles pluies qui pouvaient s’abattre sur la région, elle voyait parfaitement ce qu’ils risquaient. Pour autant, elle présumait qu’ils pouvaient avoir suffisamment de chance pour seulement subir un crachin. Elle même défit son paquetage, encore plus léger que celui de son comparse, ne comptant qu’une pauvre couverture qu’elle vint sans guère de manière poser sur le matelas de son compagnon de route. Quand il lui proposa la flasque, elle accepta volontiers, gardant cette attitude presque ronchonne qu’elle possédait naturellement, laquelle se faisait un peu plus songeuse à mesure que le temps se couvrait. Faute de mieux, elle lui proposa en contrepartie le peu qu’elle avait emporté pour se sustenter, à savoir des sablés qu’on aurait pu aisément utiliser pour combler un mur, ainsi que que quelques fruits secs.

La pluie finit par se déclarer, la rouquine venant s’installer sous la tente en défaisant ses bottes qu’elle laissa à l’entrée. Elle s’imposait sur la couche du mage sans aucune pudeur, ne se permettant de récupérer avec ses mains un peu d’eau de pluie que pour se nettoyer la face. Elle laissait alors enfin apparaître l’ensemble de ses traits jusqu’ici un peu grimés par le maquillage grossier qu’elle s’était permis de se faire avant leur première confrontation. Après avoir libéré sa flamboyante chevelure de sa prison de breloques, elle finit par se mettre à l’aise en plaçant son paquetage dans un coin de matelas, laissant retomber sa tête dessus pour s’avachir. Le crépitement du feu s’accompagnait du bruit de la pluie fine qui s’abattait autour d’eux, ses yeux se perdant sur la toile de la tente, dans l’attente du sommeil ou de quelques paroles de son compagnon.

Mer 11 Mar 2020 - 16:38

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La Parole des Vieilles Pierres

Le chant persistant d'un oiseau le tira doucement d'un songe. Instinctivement, Servis rampa en direction de la lumière, émergeant encore à quatre pattes hors de la tente. Il retrouva ses bottes, bien alignés devant l'ouverture, et scène saisit. Elle était plus lourde que dans son souvenir, alors il la retourna. Deux bons litres d'eau s'en écoutèrent. Écœuré il la reposa, et visa la seconde avant de se redresser, et d'effectuer quelques pas raides en avant. Peut-être que sur ce point-là, il n'aurait pas dû imiter les actions de la Chasind.
Il aurait dû, comme à son habitude, rentrer ses bottes sous le couvert de la toile. Mais il avait craint de paraître malpolis aux yeux de la jeune femme, et en conséquence il avait perdu toute trace de jugement.

Servis étira ses muscles rouillés, ses os coincés par une nuit passée roulée en boule sur un coin du matelas, à essayer de réaliser l'impossible : rendre sa haute silhouette la moins inconvenante possible. Que Staska s'impose comme cela sur sa couche, avec le plus grand naturel du monde, cela l'avait pris au dépourvu. Et même si elle était indéniablement fine, cela ne changeait rien au fait que deux êtres ne rentraient pas sur une seule couche. À moins de se serrer. Chose que naturellement, ils firent.

Debout, les os en vrac, Servis se sentait relativement perdu. Le décor sauvage qu'il découvrait, baigné dans la lumière si spécifique du petit jour, pouvait sembler au premier regard luxuriant et merveilleux. Mais sous chaque motte de terre pouvait se cacher un danger potentiel, une menace exotique unique à cette contrée. Cette pensée eut un effet relaxant sur le mage, qui doucement laissait s'envoler la sensation du corps de la jeune Chasind blotti contre le sien. Bien sûr, "blotti"... Cette image était certainement une déformation de son âme romantique. Car aucun avait-il de romantique à la survie ? Mais surtout : depuis combien de temps Servis ne s'était-il pas laissé aller avec une femme ? Repoussant cette douloureuse idée d'une grimace, Servis fit encore quelques pas en avant.

Son ventre gronda : les biscuits durs comme la pierre de la veille n'avait pas suffi à caler son estomac. À court de vivre, il allait lui falloir puiser dans le décor de quoi tenir le reste de leur voyage, du moins jusqu'à ce qu'ils aient atteint un quelconque village sensible au chant des pièces. Avec un intérêt redoublé, Servis examina la végétation. Il était plus cueilleur que chasseur, et se renseignait toujours sur les plantes comestibles avant d'effectuer un voyage. Ce n'était pas que le mage puisse d'une quelconque façon se refuser à la chasse, seulement sa magie ne laissait que des proies immangeables, carbonisées. Quant à envoyer la jeune chaman à la chasse, c'était au-dessus de ses forces. Il lui restait encore un brin de fierté masculine, malgré toutes ses civilités. Alors il se mit à gratter le sol à l'aide de l'extrémité de son bâton, ciblant les pieds des plantes qui semblaient produire des tubercules comestibles. Mais il ne dégagea rien de satisfaisant de cette exploration : seuls quelques tubercules rachitiques, ou rongées par les pestes. Il explora rapidement les branchages plus aériens, à la recherche cette fois-ci de baies, mais son ventre farfouillant le déstabilisant trop, et il sentait sa concentration fuir plus vite que les proies potentielles.

Servis retourna vers la tente, et se laissa tomber au sol assez lourdement, croisant ses jambes et posant son menton sur son poing. Lui c'était éveillé au doux son du chant des oiseaux. Staska, elle, risquait d'entendre l'estomac de son comparse s'il ne trouvait pas vite une solution.
“Il faudrait que je débusque un ours. Ils sont si gros dans ces contrées qu'il devrait rester de la viande exploitable sous ses poils noircis. Mais où trouver un ours ? Ils ne sont jamais là quand on a besoin d'eux.„

Perdu, Servis arrondit son dos, courba son échine. Les livraisons de vivres réguliers de son camp finissaient par lui manquer. Sans son confort, frustre certes, mais pourtant bien existant, il finissait par se sentir tout petit. Il était incapable de se nourrir par lui-même. C'était d'une tristesse. Peut-être pouvait-il l'apprendre de Staska. S'il trouvait le courage de le lui demander.


Ven 27 Mar 2020 - 15:11

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La Parole des Vieilles Pierres


Le tévintide n’avait dit mot, il n’y avait eu que le son, doux et tranquille, de la pluie qui s’abat sur la toile tendue, toile qui devenait son toit, son ciel, pour cette nuit. Staska finit bien vite par laisser son corps fourbu prendre le repos qu’il méritait, son souffle devenant plus lent, sa conscience semblant s’évaporer pour se perdre, quelque part, dans l’univers. Elle décrivait souvent son sommeil ainsi, comme se laisser porter par le courant une fois étendue dans l’eau, à faire la planche. A la fois reposant et angoissant, ne pouvant voir le chemin qu’on lui faisait emprunter. Les esprits semblaient alors comme picorer sa tête, s’accrocher à son inconscient, désireux, en vain, de lui souffler leurs mots, inspirer ses songes. Le monde qui l’entourait avait alors la limpidité du ciel et des eaux. Les deux ne semblant ne faire qu’un dans un étrange balet, un étrange va et vient, où elle sentait ces consciences, bienfaisantes, malveillantes, parfois indistinct mélange des deux, chercher à rejoindre cette lumière que ses pensées, si conscientes malgré le sommeil, émettaient.

Retrouver alors conscience lui donnait le sentiment de basculer d’un monde à l’autre, comme reprendre son souffle après une nage particulièrement longue. La réalité avait un goût étrange sur le palais, et elle dû mâcher à plusieurs longues reprises avant d’émerger complètement, se redressant avec un visage boursouflé de sommeil, ses cheveux comme des feux follets sur le sommet du crâne. Elle avait encore comme les chuchotements lointains de ses rêves aux oreilles, alors qu’elle redressait vaguement sa silhouette, rampant jusqu’à ses bottes qu’elle trouvait humides et spongieuses, lui arrachant un sourire grimaçant. Elle s’était connue bien plus prévoyante…

Elle tournait alors la tête vers son comparse, qui semblait revenir d’exploration. Elle présumait que c’était le fait qu’il se soit laissé tomber qui l’avait éveillée. Elle l’entendait un peu ronchonner, à propos d’un ours… Il lui semblait soudainement déprimé, le dos rond. Elle ne comprit guère de suite, se contentant de le saluer avant de définitivement se relever, étirant sa silhouette longiligne en dehors de la tente. Ses pieds nus foulaient la mousse sans trop la craindre, alors qu’elle s’approchait d’un de ces espaces marécageux qui d’apparence, ne recelaient que des vermines. Ici, tout était pur, la végétation évoluait dans une eau claire où s’ébattaient de minuscules poissons, trop petits pour pouvoir manger. Ce n’était pas ce qui l’intéressait.

Malgré l’ambiance très généralement végétale, elle repérait facilement les petits mouvements et les yeux globuleux. Des grenouilles. Sans bouger, elle étendit la main, murmurant entre ses lèvres. La grenouille jaillit dans les airs, venant se faire happer par la paume, comme magnétisée. Elle sentit presque son pouvoir happer le petit coeur pour le faire cesser de battre alors qu’elle reposait le corps à ses pieds. Elle prit le temps de continuer un peu la chasse avant de finalement ramener les petites dépouilles avec elle, posant le tout près du feu.
“Tu en as déjà mangé, Crassius ?„

Elle prit le temps de nettoyer, dépouiller, puis retirer le corps pour n’en garder que les petites cuisses, venant les faire cuire dans la braise. Elle n’avait pas les herbes habituelles pour leur donner du goût, mais ne doutait que cela lui plairait. Pour le tévintide, une autre histoire...

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